La gestion des drogues et des conduites addictives en UHSA

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La gestion des drogues
et des conduites
addictives en UHSA
Note de synthèse d’une enquête effectuée
dans les 7 UHSA de France
Note 2015-07
SaiNt-DeNiS, le 28 cembre 2015
Caroline Protais
INTRODUCTION
Aux termes de la loi du 9 septembre 2002, «les personnes déte-
nues, lorsqu'elles sont atteintes de troubles mentaux, sont hos-
pitalisées dans des établissements de santé au sein d'unités spé-
cialement aménagées», dites UHSA. Ces unités psychiatriques
visent à établir une continuité entre le suivi ambulatoire assuré
en prison par les unités sanitaires somatiques (UCSA) ou psychia-
trique (SMPR) (voir encadré page 2), et l’hospitalisation temps
plein. Les sept structures actuellement ouvertes en France sont
implantées à l’hôpital mais entourées d’un mur d’enceinte péni-
tentiaire. Elles empruntent ainsi aux deux institutions: la prison et
l’hôpital psychiatrique1.
L’objectif de cette note est la présentation des résultats d’une
enquête analysant la manière dont les UHSA répondent au pro-
blème de la circulation et de la consom-
mation des drogues et se positionnent
sur le champ de la prise en charge des
conduites addictives. Ces structures
accueillent des détenus. Elles sont ainsi
confrontées aux mêmes difcultés que
les unités sanitaires en prison: la circu-
lation et la consommation de drogues
et de médicaments détournés de leur
usage (Mouquet, 2005). Qui plus est,
en milieu ouvert, la prise en charge des
addictions est partagée par une diversité
de praticiens (somaticiens, addictolo-
gues, psychiatres), ce qui donne lieu à
des conits d’hégémonie et de compé-
1. Pour de plus amples détails sur la genèse historique
des UHSA et leur fonctionnement « hybride » voir Ey-
raud et al. (Eyraud et al., à paraître).
INTRODUCTION 1
METHODOLOGIE DE L’ENQUETE 2
STRATEGIE D’ENSEMBLE 2
LES TROIS ETAPES DE L’ENQUETE 3
RESULTATS 4
DES STRUCTURES LIMITANT L’ENTRÉE ET LA CIRCULATION DES DROGUES 4
LES RESSOURCES POUR PRÉVENIR LA CIRCULATION
DES DROGUES ET LES CONDUITES ADDICTIVES 5
LES STRATÉGIES DEVELOPPÉES 7
LA PLACE DONNÉE AUX ACTIONS CIBLÉES ET AUX CURES DE SEVRAGE 9
CONCLUSION 12
REPÈRES LÉGISLATIFS 13
BIBLIOGRAPHIE 15
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tence sur ce champ (Bergeron, 1999; Coppel, 2002). Ces enjeux de périmètres professionnels sont particuliè-
rement perceptibles en prison où les rapports entre unités somatiques et psychiatriques manquent souvent de
communication (Bessin et Lechien, 2000; Milly, 2001). Comment l’UHSA se positionne-t-elle sur la question de
la prise en charge des conduites addictives, et plus particulièrement sur les cures de sevrage, qui sont parfois réa-
lisées en hôpital psychiatrique en milieu ouvert ? Quels sont les points de vue des professionnels sur la question
de la prise en charge des conduites addictives en UHSA ?
L’UHSA peut être vue comme une institution limitant la circulation des drogues, usant pour ce faire de certaines
ressources pouvant être mobilisées par le personnel soignant, et conduisant à des stratégies à la fois communes
et diversiées de contrôle des drogues et de la consommation.
METHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE
Stratégie denSemble
Cette note s’appuie sur un matériau d’enquête qualitatif ayant pour but de comprendre par l’observation, la réac-
tion des UHSA à la circulation des drogues, le fondement des stratégies adoptées par les professionnels pour y
répondre et la conception qu’ils ont de leur rôle dans le circuit de prise en charge des conduites addictives en
milieu carcéral.
La prise en charge sanitaire des détenus et l’UHSA
La mise en place d’un système de soins destinés aux détenus débute au XIXe siècle, au moment de la nais-
sance des professions médicales, où se mettent progressivement en place des infirmeries somatiques et
psychiatriques en milieu carcéral dépendant à l’origine des établissements pénitentiaires hébergeant .
En 1977, les services médico-psychologiques régionaux en milieu pénitentiaire (SMPR, nommés à cette
période CMPR) sont les premiers à s’émanciper de la tutelle pénitentiaire pour rallier le régime d’orga-
nisation de la politique de sectorisation . A partir de 1987, 16 « antennes toxicomanie » dépendant à
l’origine des unités psychiatriques se sont implantées en milieu carcéral.
La loi du 18 janvier 1994 a créé le système de soins tel qu’on le connaît aujourd’hui en milieu carcéral.
Elle rend le service public hospitalier responsable de la prise en charge et officialise un système de soin
de deux niveaux organisé par un établissement hospitalier de rattachement. D’une part, l’ambulatoire
est assuré dans l’enceinte des établissements pénitentiaires au sein d’unités spécialement dédiées : les
unités de consultations et de soins ambulatoires en milieu carcéral (UCSA), et les SMPR, unités de soins
psychiatriques (la loi prévoit que l’établissement pénitentiaire dispose également d’un SMPR placé sous
l’autorité d’un psychiatre praticien hospitalier). D’autre part, la loi prévoit que l’hospitalisation puisse
être réalisée dans l’hôpital de rattachement. Face aux difficultés engendrées par la prise en charge des
détenus en hôpital général et psychiatrique (Eyraud et al., à paraître), le dispositif a été complété par
des lieux d’hospitalisation sécurisés, spécifiquement destinés à l’accueil des détenus. En 2000, l’arrêté
interministériel du 24 août prévoit la création d’unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI).
Dix ans plus tard, ce sont les UHSA qui voient le jour.
Le guide méthodologique concernant la prise en charge sanitaire des personnes détenues paru en 2012
(Ministère de la Justice et Ministère des Affaires sociales et de la santé, 2012) envisage trois niveaux
de prise en charge : le niveau 1 regroupe les consultations, les prestations et activités ambulatoires ; le
niveau 2 regroupe les soins requérant une prise en charge à temps partiel (alternative à l’hospitalisation
complète) ; le niveau 3 regroupe les soins requérant une hospitalisation à temps complet. En distinguant
la prise en charge ambulatoire de celle à temps partiel, les actuelles UCSA sont rattachées au niveau 1,
tout comme les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) inter-
venant en milieu carcéral (qui ne dépendent plus nécessairement du SMPR), alors que les actuels SMPR
appartiennent aux niveaux 1 et 2. Les UHSA et UHSI relèvent du niveau 3. L’objectif affiché dans le plan
d’actions stratégiques 2010-2014 pour la politique de santé des personnes placées sous main de justice
(Ministère de la santé et des sports et Ministère de la justice et des libertés, 2010) est de ne plus de clas-
ser les unités sanitaires en milieu carcéral en fonction de leur spécialisation, mais en fonction des prises
en charge qu’elles proposent.
3
leS 3 étapeS de lenquête
Une première immersion d’un mois (sur la base d’une présence de deux jours par semaine) dans une UHSA
de France réalisée dans le cadre de la recherche CONTRAST, nancée par l’agence nationale de la recherche
(voir encadré ci-dessous). Ce premier volet d’enquête a permis d’observer la variabilité des réponses apportées
dans la pratique quotidienne à la circulation des drogues, par une structure en particulier. Le point de vue des
professionnels dans cette institution sur la prise en charge des conduites addictives a également été recueilli. Il
a contribué à mettre en évidence des points de fonctionnement institutionnel qui pouvaient s’avérer communs
à toutes les UHSA de France et être testés pour comprendre la réponse de chaque structure à la consommation
de drogues. Une grille d’entretien destinée à interroger le fonctionnement de l’UHSA mais également la manière
dont le praticien se positionne et agit face aux détenus consommateurs et/ou souffrant d’addiction a été produite.
Des entretiens individuels et approfondis ont été réalisés avec des représentants des 6 autres UHSA de France.
L’hypothèse était que ces personnes, impliquées dans la direction des établissements, contribuaient à la diffusion
d’une culture propre à la structure, et ainsi étaient à l’origine de pratiques, pour certaines, communes aux diffé-
rents professionnels y travaillant. Au total, 9 entretiens ont été réalisés avec: 1 chef de pôle2, 2 cadres supérieurs
de santé, 6 médecins chefs d’UHSA et un psychiatre praticien hospitalier. Ces derniers ont été successivement
interrogés sur différents points: leurs pratiques en matière de prescription et de distribution de médicaments, de
tests toxicologiques effectués sur bandelette urinaire, de fouilles de chambre, de contrôle des parloirs, de signa-
lement des incidents liés aux drogues, de levée des hospitalisations3; mais aussi sur leur manière de prendre en
charge les conduites addictives en UHSA, leur positionnement sur les actions thérapeutiques ciblant spécique-
ment cette problématique, et leur conception du rôle que l’UHSA entend jouer dans la prise en charge des cures
de sevrage.
Une immersion d’une journée dans un SMPR, où une réunion d’équipe et une distribution du soir des médica-
ments ont été observées. Ont été également interrogés: un psychiatre et une inrmière référente sur les questions
d’addiction, un psychologue et deux surveillants. Un entretien avec le médecin chef d’une UCSA a enn été
réalisé. L’objectif était de mettre en perspective le fonctionnement des UHSA en ouvrant la comparaison avec
l’univers pénitentiaire en général. Ces différents professionnels ont été questionnés sur: l’organisation des soins
destinés aux toxicomanes dans l’établissement où ils travaillent, la répartition des soins entre l’UCSA, le SMPR et
le CSAPA (lorsqu’il intervient directement), leur politique de prescription des médicaments et notamment ceux de
substitution et les psychotropes, le type d’actions thérapeutiques menées à destination des personnes présentant
des conduites addictives, les réponses adoptées au problème du trac et aux échanges de drogues en prison, la
place qu’ils attribuent aux UHSA et UHSI dans le circuit de prise en charge des conduites addictives.
2. Un pôle est un regroupement de secteurs, services et unités ayant des activités de soins, de prévention, d'enseignement et de recherche communes
ou complémentaires. Le pôle peut être construit selon différentes logiques : filières de prises en charge (ex : pôle « mère-enfant »), logique de prestation
(recherche biologique, pharmacie, etc.), logique géographique. En psychiatrie, un pôle peut correspondre à un ancien « secteur ». Certains pôles sont
également regroupés selon une logique de prise en charge comme ceux qui se sont constitués autour de la prise en charge des détenus.
3. Les lois du 5 Juillet 2011 et du 27 septembre 2013 définissent les différentes modalités d’hospitalisation en psychiatrie (voir repères législatifs en fin
de document).
La recherche ANR « CONTRAST » (2014-2016)
De la contrainte et du consentement. Recompositions des régulations
dans les pratiques en santé mentale, dirigée par Livia Velpry et Benoit Eyraud
(2014-2016)
https://contrastcollectif.wordpress.com
Dans un contexte marqué par la valorisation du principe du consentement, les actes contraignants sont
soumis à des épreuves de légitimité et à des conflits normatifs. L’objectif de ce projet est d’étudier les
processus par lesquels les acteurs de la prise en charge en santé mentale régulent les actes contrai-
gnants et travaillent ainsi la dialectique contrainte-consentement. Il se propose d’examiner les régula-
tions locales sans pour autant négliger les règles générales et les pratiques concrètes.
L’objectif est la comparaison des contextes juridiques et administratifs de différents services de soins en
santé mentale. Ce projet a été mené dans plusieurs institutions réparties selon trois axes : « décider de
soins sans consentement », « suivre dans le milieu de vie », et « soigner dans des lieux sécurisés ». C’est
dans ce dernier contexte que l’UHSA a été étudiée.
4
RÉSULTATS
deS StructureS limitant lente et la circulation deS drogueS
L’UHSA est régie par un fonctionnement spécique qui permet une attention et un contrôle accru de la circulation
des drogues, notamment par rapport à la prison (voir encadré page 5):
Une forte dotation en personnel: à l’UHSA de Nancy par exemple, le personnel soignant est composé de 43
personnels inrmiers à temps plein pour 40 lits, l’équipe permanente par unité de 20 lits comprend 5 inrmiers et
un aide-soignant, soit un soignant pour un peu plus de 3 patients. La dotation en personnel est à peu près la même
dans l’ensemble des UHSA françaises. Elle est ainsi 33 fois plus élevée qu’en prison, puisque le ratio personnel
surveillants/détenus est d’environ un surveillant pour 100 détenus.
Une distribution régulière des médicamentspsychotropes: ils sont distribués en moyenne 4 fois par jour en
UHSA (matin, midi, soir, au coucher)4 en chambre, à des plages horaires où les patients ne sont pas dans l’espace
de vie commun. Dans deux structures, les médicaments de substitution sont distribués le matin à l’inrmerie :
«On attend un peu que le comprimé fonde bien, on parle un peu avec le patient. C’est aussi un moyen de savoir
comment il va aujourd’hui». Sinon, ils le sont en même temps que les autres types de traitements. D’une manière
générale, le personnel soignant «prend le temps» de distribuer le traitement (une demi-heure pour 20 patients
avec deux inrmiers qui réalisent la distribution). Il demande au patient comment il va, répète l’ordonnance avec
lui, propose le verre avec lequel le patient va prendre le traitement, le remplit d’eau, attend que la personne avale
devant lui, lui ressert un autre verre s’il a un doute et lui demande s’il l’a bien pris… autant de manières de faire
destinées à optimiser la prise.
Un public différent des «détenus classiques»: même si aucune donnée chiffrée n’existe encore sur le sujet, les
médecins ont l’impression que moins de personnes incarcérées pour infractions à la législation sur les stupéants
pour trac sont présentes en UHSA, par rapport à la détention classique.
«Nous c’est pas trop les grand caïds que l’on accueille en UHSA… C’est plus souvent le pauvre type, psycho-
tique, en rupture des liens familiaux, précarisé…On n’a pas le même public», (interviewé n°3).
Un isolement plus important: Les UHSA sont par ailleurs des établissements régionaux, implantés en hôpital
psychiatrique5, et donc à distance de leur lieu d’incarcération d’origine. Les patients-détenus y résident la plupart
du temps en chambre individuelle. Cet isolement du patient-détenu réduit sensiblement les occasions d’échanger
des substances psychoactives. De même, l’isolement géographique engendre bien souvent une restriction signi-
cative des relations extra-conjugales et amicales et de l’entrée des drogues par ce biais.
Une réduction des moyens par lesquels les droguessont introduites en détention: dans aucune UHSA le per-
sonnel n’a constaté de «projection»6 comme cela est souvent le cas en détention classique. Les «yoyos» (moyen
couramment utilisé par les détenus pour s’échanger par les fenêtres des substances psychoactives) sont également
beaucoup moins présents. Lorsque les drogues entrent en UHSA, c’est donc soit que le détenu en a transporté
avec lui lors de son transfert et qu’elles n’ont pas été repérées à la fouille, soit par la visite d’un proche lors d’un
parloir. D’ailleurs, aucun médecin exerçant en ces lieux n’a encore constaté l’entrée d’une autre substance que
le cannabis.
Un contrôle renforcé des effets personnels par l’administration pénitentiaire: théoriquement, en UHSA, le
personnel pénitentiaire est chargé de la «sécurité périmétrique» de l’établissement. Concrètement, cela signie
qu’elle assure les transferts, surveille les parloirs et plus généralement contrôle les entrées et les sorties de per-
sonnes, mais aussi du matériel et des biens. Le courrier et les conversations téléphoniques des patients-détenus
sont également contrôlés. En dehors des affaires personnelles des résidents, tout est géré par le système des
cantines et la liste des biens interdits en UHSA est importante: argent, briquet, lame, rasoir, téléphone, clé USB,
etc.7 L’administration pénitentiaire doit donc s’assurer qu’aucun détenu n’est en possession d’un effet interdit, au
4. Une UHSA procède à 6 distributions par jour, mais ce fonctionnement reste l’exception.
5. L’UHSA de Rennes accueille par exemple des détenus en provenance du SMPR de Nantes ou du centre pénitentiaire d’Angers.
6. Personnes extérieures à l’établissement qui jettent par-dessus la grille de la cour de promenade des biens (drogue, denrées alimentaires…) à destina-
tion de certains détenus.
7. En dehors des biens énumérés, la liste des effets interdits en UHSA n’est pas stable. Elle est le fruit de la rencontre entre les interdits propres à l’univers
carcéral (comme le fait d’interdire la couleur bleue marine ou les sweatshirts à capuche) et à hôpital psychiatrique (comme le fait d’interdire des objets
pouvant servir à des tentatives de suicide, tels que les radios réveil avec fil électrique), et d’autre part l’objet d’un accord spécifique entre les deux caté-
gories de personnels, sanitaire et pénitentiaire.
5
titre de quoi elle est autorisée à pratiquer non seulement des fouilles sur le détenu (en général à chaque transfert
et après certains parloirs) réalisées dans l’espace pénitentiaire de l’UHSA, mais aussi des fouilles de chambre. Si
architecturalement parlant, les personnels soignants et pénitentiaires interviennent dans des espaces séparés (la
zone pénitentiaire entoure l’espace de soins qui reste le cœur de la structure), cette intrusion ponctuelle dans la
zone de soins peut participer à un contrôle accru de l’entrée et de la circulation des drogues en UHSA.
leS reSSourceS pour pvenir la circulation deS drogueS
et leS conduiteS addictiveS
L’enquête a permis de dresser un inventaire des actions destinées à prévenir la consommation de drogues et le
mésusage de médicaments psychotropes en amont, d’autres à y répondre lorsque l’usager est repéré en aval de
la prise de substances.
La prise en charge médicamenteuse et les tests biologiques
La prescription: les soignants en UHSA qui ont, pour la plupart d’entre eux8, auparavant exercé en milieu
carcéral, sont susceptibles de s’inscrire dans les mêmes stratégies de prescription que celles des unités sanitaires
8. L’intégralité des psychiatres interrogés dans le cadre de cette enquête sont passés par l’exercice en milieu carcéral. Cette homogénéité de parcours
n’est pas étonnante puisque la volonté politique initiale était de charger les dirigeants du SMPR de la direction de l’UHSA.
La prison
« Vous savez ce qu’on dit en prison ? Ce qui ne rentre pas, c’est parce que la porte n’est pas assez grande »
(entretien réalisé avec un surveillant)
Différents moyens sont utilisés pour introduire des substances psychoactives licites (alcool, médica-
ments psychotropes) et illicites (cannabis, héroïne, cocaïne, etc.) consommées en prison : parloirs,
retour de permission, « projections », courrier … La prison apparaît en outre comme un lieu où le
détournement de médicaments psychotropes et de traitements de substitution est très fréquent. Un
certain nombre de détenus passent de la consommation de substances illicites à celle de médicaments
(Obradovic et al., 2011 ; Stankoff et al., 2000), là où d’autres deviennent primo-dépendants à la
buprénorphine haut dosage (BHD). Ces échanges et mésusages sont en partie dus aux modalités de
distribution des médicaments en détention classique, qui se fait toutes les semaines ou tous les trois
jours, en fonction des établissements. La prise des médicaments n’est donc pas contrôlée , en tout cas
pour une majorité de détenus.
Ces caractéristiques propres au milieu carcéral induisent chez le personnel sanitaire certaines stratégies
de prescription médicamenteuse destinées à limiter le mésusage et le troc, comme la « règle des 8 mg »,
désormais connue, « qui consiste à ne distribuer aux détenus que des piluliers de Subutex® de moins
de 8 mg » (Obradovic, 2005). D’autres actions des médecins et infirmières en prison sont également
repérables :
n La restriction du traitement de substitution ;
n Le passage du Subutex® à la méthadone, dont la prise est systématiquement contrôlée par une infir-
mière ;
n Le contrôle plus important de la prise par une distribution plus rapprochée ou par une distribution
se faisant directement en unité sanitaire. Certaines UCSA organisent des distributions de médicaments
de substitution par une infirmière pour certains détenus spécifiquement identifiés. Pour ceux qui sont
placés en unité sanitaire psychiatrique (SMPR) la distribution s’effectue trois fois par jour (le matin, le
midi et à 17 h où sont distribués les traitements du soir et du couché). Ceci permet un contrôle plus
important, même si la prise du soir y échappe ;
n La restriction, la sélection ou l’éviction des benzodiazépines (bien souvent mésusées et échangées
par les patients pour leur effet « shoot » et susceptibles d’induire une dépendance importante) dans les
prescriptions médicales ;
n Le passage à des solutions buvables ou à des médicaments orodispersibles pour des patients hospi-
talisés en unité sanitaire psychiatrique ;
n L’exclusion du patient du SMPR et son renvoi en détention classique.
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