C’est le livre « La fin des dealers » du maire de Sevran, Stéphane Gatignon et d’un ancien policier,
Serge Supersac, qui relance ce débat en France, relayé par le Grand Journal de Canal Plus, mais aussi
la fondation Terra Nova ou Jérôme Leroy sur Causeur.
La thèse des auteurs
Les arguments des deux auteurs peuvent sembler justes au premier abord. Ils soutiennent (et ce
n’est pas faux), que la consommation de tabac et d’alcool, autorisée par l’Etat, provoque plus de
ravages que la consommation de cannabis aujourd’hui. Certains médecins ont même affirmé qu’il
était moins dangereux que l’alcool. En outre, la prohibition ne semble pas avoir un grand impact sur
son utilisation, puisqu’il y aurait quatre millions de consommateurs en France.
Les auteurs avancent également la manne financière que pourrait représenter la légalisation. En
Californie, sa taxation devrait rapporter 1,3 milliards de dollars. Enfin, l’argument ultime, qui sert de
titre au livre et donc de thèse principale est que la légalisation permettrait d’empêcher les trafics et
les violences qui y sont associées et également d’adopter une politique de prévention plus
développée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Enfin, cela permettrait de développer la production locale !
Du faux bon sens
Passé une première impression, l’examen un peu plus approfondi de la thèse des deux auteurs
démontre de nombreuses limites. En effet, ce n’est pas parce que l’Etat autorise déjà la
commercialisation de substances dangereuses qu’il faudrait autoriser celle du cannabis. Il en va de
même pour l’échec de la prohibition, qui n’est pas plus recevable. Sinon, on ne voit pas ce qui
pourrait s’opposer demain à la commercialisation de drogues beaucoup plus dures pour la même
raison.
L’argument bassement mercantile révèle le fond libertaro-libéral d’une telle proposition. En outre,
même s’il s’agit du titre du livre, on peut grandement douter du fait que cela permettrait « La fin des
dealers ». En effet, ce n’est pas parce que le cannabis serait légalisé qu’il n’y aurait plus de trafic des
autres drogues. Pire le commerce du cannabis pourrait offrir une vitrine légale aux dealers. Et s’il y a
des taxes, il pourrait toujours y avoir du trafic pour y échapper (comme pour le tabac aujourd’hui).
Une passerelle vers les drogues dures
En outre, une telle légalisation pose d’innombrables problèmes. Tout d’abord, ne vaut-il pas mieux
que le cannabis représente le premier stade d’interdit, justement parce qu’il est moins dangereux ?
En effet, s’il est légalisé, les personnes en manque de sensation ne risquent-elles pas d’aller vers des
drogues plus dures pour exprimer leur transgression des règles de la société. En outre, un tel recul de
l’Etat ne risque-t-il pas d’en appeler d’autres à l’avenir ?
En effet, il y a de fortes chances que la légalisation du cannabis mène à une augmentation de la
consommation de drogues dures. Le cas de l’ex-Tchécoslovaquie est particulièrement intéressant. La
République Tchèque a adopté une attitude plus souple que la Slovaquie. Résultat, 15% des jeunes
Tchèques en consomment contre 6% des jeunes Slovaques. Mais cet écart se retrouve également