19e Journée d’études Géo’rizon. Les géographes et le changement climatique.
Jeudi 17 décembre 2015
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haut les secteurs d’accumulation. En fait dans ce cas, le glacier est d’autant mieux alimenté par les
avalanches : une suralimentation neigeuse intervient. Dans un cirque, le piège à froid ralentit les
effets du réchauffement. De plus, près d’une paroi, il existe un effet d’ombrage : ces trois éléments
combinés ont tendance à ralentir l’élévation de la ligne d’équilibre glaciaire.
Toutefois, il faut noter que les comportements peuvent être très différenciés d’un glacier à
un autre, notamment à cause de la topographie mais aussi de la géologie, d’où l’importance de
travailler en collaboration avec les glaciologues.
2. Les déséquilibres lies a la décrue : un symptôme reflétant de profondes modifications
2.1. La décrue glaciaire est un symptôme qui révèle des perturbations beaucoup plus
vastes que la simple observation paysagère
Le système glaciaire est un système ouvert. Le glacier est en prise avec le climat qui lui
profère les précipitations. Un glacier est sensible à ces précipitations. Il en reçoit sous forme solide
en volume suffisant, en excédent même. Il les transfert ensuite vers l’aval puis il les redistribue et
les retransmet à l’aval vers les cours d’eau situés en contrebas. Le glacier constitue ainsi un tampon
considérable entre atmosphère et hydrosphère.
Le glacier redistribue aussi le matériel rocheux vers l’aval. Progressivement, il perd de
l’énergie et est contraint de déposer les matériaux qu’il avait pris en charge vers l’amont. Le glacier
dépose ensuite les dépôts morainiques. Sur le plan gravitaire, le glacier a un poids donc lorsqu’il
disparaît, le substratum rocheux « respire ». Ces trois éléments, hydrologiques, sédimentaires et
gravitaires, peuvent être perturbés et être le reflet de changements climatiques à plusieurs échelles.
2.2. Hydrologie et ressource en eau
Le glacier a un rôle d’interface entre l’atmosphère et l’hydrosphère. Au niveau des
débits, la réponse hydrologique n’est pas la même selon les journées et les températures. Par
exemple, le débit est plus soutenu lors d’une journée chaude. Le glacier redistribue l’eau lors de
fortes températures. Beaucoup de sociétés, basées sur une agriculture irriguée, ont profité de ces
caractéristiques pour utiliser l’eau de fonte lors de la saison végétative. Si le glacier disparaît, l’eau
utilisée par ces sociétés disparaît aussi et la temporalité des activités humaines est alors
complètement perturbée. C’est le cas dans le secteur andin de l’Aconcagua, dans les Andes de
Mendoza. Le débit des cours d’eau alimente l’aval depuis plusieurs siècles. Dans la période
coloniale, il existait des traces d’agriculture irriguée. Près du Rio Mendoza, le paysage est minéral,
le secteur semi-aride et le flux hydrique, qui provient des glaciers, relativement important. Cette
ressource en eau est libérée dans la saison chaude. Les Argentins se sont saisis de cette opportunité
et ont mis en place une agriculture irriguée. Dans la réalité, le fait d’avoir un glacier dans le
bassin versant provoque une inversion complète des régimes pluviométriques et hydrologiques.
Sur la haute chaîne de l’Aconcagua, les précipitations neigeuses provoquent
l’alimentation des glaciers puis la fonte provoque une hausse des hautes eaux en plein été, en
période idéale pour les agriculteurs qui irriguent leurs cultures. Si les glaciers disparaissent, le
système de redistribution de l’eau va lui aussi disparaître. Les Argentins sont donc très sensibles à
cela et essaient de modéliser des données relatives à ces effets du changement climatique.
Il est alors intéressant de prévoir par modélisation la future extension des glaciers. Un
certain nombre de secteurs seraient des sous-bassins où il n’y aurait plus de glaciers. Il faut alors
réfléchir à des nouvelles stratégies d’irrigation, comme la construction de barrages.
Cette tension que l’on observe dans les Andes argentines est aussi présente dans le Nord de
l’Inde. Dans un climat tropical sec, un glacier est bénéfique pour les sociétés locales. Au Ladakh, il
existe de nombreux canaux d’irrigation qui redistribuent l’eau dans l’espace. Plus de glaciers
disparaissent, plus il faut accompagner les populations pour envisager de nouvelles solutions.