Extraitd’articledelarevueMutuelleetSantén°39
C’est loin d’être le cas pour la population féminine. Avec environ deux
générations de décalage, on assiste à un processus similaire à celui des
hommes : pour les femmes de la seconde moitié du XXe siècle, fumer a d’abord
été le privilège d’une classe sociale cultivée et aisée en même temps qu’un
signe d’émancipation. Ce sont ces femmes qui, à l’heure actuelle, fument
davantage, mais la diffusion de la pratique dans les milieux plus modestes,
encore, hélas ! à ses débuts, laisse augurer un phénomène analogue à celui
qu’on a connu dans la population masculine, à savoir qu’il faudra sans doute
beaucoup de temps pour que l’on parvienne à une phase globalement
descendante.
Une question d’image
Voir une femme fumer dans la rue, au milieu des années soixante, suscitait
pour le moins de l’étonnement. Dix ans plus tard, cela n’étonnait plus grand
monde mais ce n’était pas très fréquent. Aujourd’hui, on fume jusque dans les
cours de collèges, ou en tout cas sur le trottoir, devant l’entrée du lycée, et les
filles encore plus que les garçons si l’on se réfère aux statistiques relatives aux
moins de 18 ans.
Chez les adolescentes, la cigarette symbolise sans doute l’égalisation des
chances entre garçons et filles, ainsi que l’affirmation de l’indépendance, voire
de l’accession à la réussite sociale. Le milieu familial ne joue pas un mince rôle
dans l’affaire : l’accompagnement tabagique de l’émancipation de maman à la
génération précédente sera d’autant mieux reproduit que maman continue de
fumer à la maison. Mais le déterminant social joue tout autant : si les garçons
fument, c’est pour faire comme les copains ; pour les filles, c’est plutôt
l’inverse, par désir de se singulariser et pour donner de soi une image à la fois
originale et conforme aux stéréotypes de la mode véhiculés par les émissions
de télé et les magazines féminins.
Des risques accrus
Le tabac tue en France environ 60 000 personnes chaque année, dont la moitié
par cancer du poumon ou des voies respiratoires, de l’œsophage, du côlon, de
la vessie… Tous les fumeurs courent des risques communs et, actuellement, la
mortalité masculine par cancer du poumon l’emporte largement sur la
mortalité féminine pour la même affection. Cependant, cette dernière en
région parisienne dépasse déjà celle causée par le cancer du sein, or il y a tout
lieu de s’inquiéter en outre des interactions néfastes entre le système hormonal
féminin et le tabac : des études montrent que le cancer du col de l’utérus est
quatre fois plus fréquent chez les femmes fumeuses, et les accidents
vasculaires sont multipliés par dix pour les femmes qui associent tabac et
pilule contraceptive, surtout après 35 ans
D’autres effets liés à l’action anti-œstrogène du tabac ont été constatés, comme
une baisse sensible de la fertilité et une ménopause plus précoce.