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Du 17 au 30 novembre 2014 / Un événement conçu et réalisé par la Villa Gillet / www.villagillet.net
Samuel Katzman — l’homme-
chat qui a sept vies et en a déjà
utilisé six — se souvient que
tout a commencé un vendredi
de printemps, le jour où il a
rencontré Abie. Abie a beau
être psy, il a des problèmes
existentiels, pris entre des
fiancées qu’il n’arrive pas à
garder et une mère juive qu’il
ne peut pas virer, ce qui n’est rien à côté du
reste : ayant réchappé de peu à un attentat, il
est poursuivi et tabassé par les flics, kidnappé
par une agente du mossad au physique de top-
model... Cela aurait-il à voir avec le fait qu’il
est chargé de l’expertise d’un détenu africain
qui suscite beaucoup d’intérêt ? Ce thriller à
la fois drôle et profond avance à cent mots par
seconde et pose la question bien actuelle de
l’identité des peuples. Un régal pour tous les
amoureux du langage. 613 a été publié pour
la première fois aux éditions Odile Jacob. La
présente version a été entièrement remaniée
par l’auteur.
613
(Odile Jacob, 1999 ; rééd. Rivages/Noir,
2004)
Dès que l’on évoque les
êtres « invisibles » (djinn,
‘afritt, zar) qui cohabitent
avec les humains dans les
pays du Maghreb, en Arabie,
au Yémen, en Somalie, en
Inde, au Pakistan, etc., les
psychologues se précipitent
dans des explications
tout-terrain comme s’il
fallait absolument éviter de se confronter
à des théories, des pensées, qui mettent
radicalement en cause leur volonté de faire
science et d’avoir des explications a priori
valables universellement. Qu’apprend-on,
à l’inverse, si on se met à faire l’« écologie »
de ces êtres ? Un thérapeute confronté à des
populations en provenance de ces pays ne
devrait pas fuir cette dernière démarche, sauf
à renoncer à soigner et à guérir. Mais une autre
question surgit inévitablement : qu’avons-nous
perdu en voulant réduire les différents mondes
à une explication universaliste et que pouvons-
nous apprendre à leur contact ?
« Nous ne sommes pas
seuls au monde » — il existe
d’autres pensées que la
nôtre, d’autres façons de
faire pour prendre en charge
les douleurs de l’existence.
« Nous ne sommes pas seuls
au monde » — c’est par cette
formule qu’en Afrique de
l’Ouest on reconnaît l’action
des esprits qui viennent perturber la vie des
humains. Dans le cadre d’une psychothérapie,
tous les patients doivent être pris en compte,
écoutés et aidés comme des témoins et non
comme des victimes, à partir de leurs forces et
non de leurs faiblesses. Ils sont dès lors tenus
pour des experts de leur propre souffrance :
toxicomanes, migrants, anciens membres
de sectes... deviennent ainsi acteurs de leur
thérapie.
Du commerce avec les diables
(Les
Empêcheurs de penser en rond, 2004)
Nous ne sommes pas seuls au monde
(Les
Empêcheurs de penser en rond, 2001)
Nous croyons savoir ce que
font les guérisseurs : ils
s’appuient sur les croyances
(irrationnelles) des patients
et agissent de manière
« symbolique » ; s’ils
obtiennent des résultats, c’est
grâce à leur capacité d’écoute.
Nous croyons aussi savoir ce
qu’est la médecine moderne :
une médecine très technique, rationnelle,
mais trop peu à l’écoute des patients. Cette
opposition est fausse et inconsistante, selon
Tobie Nathan et Isabelle Stengers. Pour eux,
les mots croyance, symbolique, rationalité
empêchent d’appréhender les thérapeutiques
traditionnelles comme de véritables pensées
techniques. Pour Tobie Nathan, les guérisseurs
sont intéressants justement parce qu’ils
n’écoutent pas les patients : les techniques
de « divination » s’opposent ainsi à celles du
« diagnostic ». En interrogeant l’invisible et
en identifiant ses intentions, les guérisseurs
construisent de véritables stratégies
thérapeutiques. Ce sont ces modalités
d’interrogation de l’invisible auxquelles il faut
s’intéresser. Les guérisseurs africains sont
des virtuoses des techniques de guérison. La
médecine moderne se caractérise, elle, par
son empirisme et non pas par sa rationalité. La
rationalité a en médecine un accent polémique
pour combattre les autres techniques de soin.
On en vient presque à regretter que certains
puissent guérir pour de « mauvaises raisons «
que l’on appellera suggestion ou effet placebo,
des mots qui cachent notre ignorance. Ce livre,
devenu une référence depuis sa première
parution en 1995, est un véritable manifeste
de l’ethnopsychiatrie. L’objectif commun du
psychologue et de la philosophe est de nous
obliger à repenser le rapport entre la culture
occidentale et les autres. Les auteurs ont
ajouté deux textes à cette nouvelle édition, qui
permettent de répondre à leurs contradicteurs.
Médecins et sorciers
(avec Isabelle Stengers)
(Odile Jacob, 1998)