Entre médecins et infirmiers, des risques d`événements indésirables

Entre médecins
et inrmiers, des risques
dévénements
indésirables
La situation clinique et son évolution
Cétait ma deuxième garde dans ces urgences. Les infirmiers étaient répartis
entre les deux côtés de la salle, et personne navait pris la peine de
mexpliquer où était quel patient et quelle infirmière soccupait de qui.
Mais quimporte, linterne est censé se débrouiller nest-ce pas ?
Mon patient arriva à 19 heures Il avait été retrouvé dans la rue par les
pompiers qui lavaient adressé pour « malaise ». Il avait comme anté-
cédents un diabète et une hypertension artérielle ; il ne connaissait pas ses
traitements. Il sétait levé ce matin, avait eu limpression en se réveillant de
parler moins bien. Jinsistais sur ce détail plusieurs fois et le patient me
conrma quil ne parlait pas comme cela habituellement. Il avait ressenti un
« malaise » dans laprès-midi en marchant et sétait ensuite retrouvé à terre
sans trop savoir comment. Mon examen physique retrouva, au niveau
neurologique, une sorte dasymétrie de la face, notamment à lépreuve
du gonement des joues où la joue gauche ne se gonait pas, ainsi
quune langue déviée vers la droite. Je retrouvais des réexes tendineux
uniquement au niveau du membre inférieur gauche. Je sentis en me
penchant sur lui que son pantalon était imbibé durines encore mouillées. Le
reste de lexamen clinique était sans particularité, hormis une plaie au niveau
de larcade sourcilière gauche.
Je revins au poste médical pour rédiger mon observation. Je remarquai que
la tension artérielle du patient était à 170/90 et que sa glycémie était au-
dessus de 3,5 g/L. Jen parlai avec mon chef et nous décidâmes de débuter
sans tarder du Loxen
1
intraveineux et un protocole dinsuline. Je prescrivis le
traitement sur lordinateur ainsi quune bandelette urinaire an de savoir si
le patient était en acidocétose diabétique ou sil sagissait « juste » dune
décompensation diabétique. On prévint le neurologue de garde pour quil
vienne donner un avis et on prescrivit une tomodensitométrie (TDM)
cérébrale devant ce tableau de chute avec possible perte de connaissance. Je
me demandais sil fallait que je prévienne oralement les inrmières que nous
avions prescrit du Loxen
1
,delinsuline et une bandelette urinaire (BU). Je me
rappelai quon mavait dit lors de ma garde précédente que les inrmiers
du service étaient efcaces et quil était inutile de leur répéter quelque
chose qui était écrit. Faisant conance à mes chefs, je ne dis donc rien aux
inrmiers. Après tout, il faut toujours écouter ses chefs, nest-ce pas ?
Le scanner cérébral du patient se révéla normal. Sachant que la neurologue
arriverait bientôt, je demandai à une première inrmière dans quel box était
le patient. On me dit quil était encore au scanner. Je ninsistai pas, pensant
que le patient serait ramené sous peu.
Quand je cherchai à savoir ce quil en était 15 minutes plus tard, linrmière à
qui je posai la question me dit que le patient nétait pas de son côté donc
menvoya de lautre côté de la salle. De lautre côté de la salle, on me
dit la même chose en me faisant remarquer que le patient était en fait très
Trace dapprentissage
STRATÉGIES
ÉDECINE
214 MÉDECINE Mai 2016
Jane Kenaghan
D
epartement universitaire de m
edecine
g
en
erale Paris Diderot
Tir
es à part : J. Kenaghan
Résumé
Selon lOMS, une erreur est dénie
comme « lexécution non conforme
dun acte prévu ou lapplication dun
plan incorrect ». On préfère à présent
parler « dévénement indésirable »,
soit un incident quel quil soit qui
porterait atteinte au patient.
Les événements indésirables ne sont
pas forcément des erreurs individuel-
les, dues au médecin ou a tel ou tel
professionnel, mais aussi des erreurs de
système avec un problème dans la prise
en charge multiprofessionnelle. Les
mauvaises transmissions entre les
équipes, lurgence, la fatigue et le
stress sont autant de causes possibles
derreurs. Il faut donc une réexion
commune, une analyse des problèmes
individuels et collectifs. Un travail de
collaboration et de concertation au
sein des équipes, des temps de trans-
mission structurés et une vigilance de
chacun doivent permettre de limiter les
risques derreur.
Mots clés
erreurs médicales ; comportement
coopératif.
Abstract. Between doctors and nurses,
possible risks of adverse events. Daily
learning journal. Stories of real and
complex situations
According to WHO, an error is dened
as the improper execution of a
planned act or the application of an
incorrect plan.Preference is now for
speaking of adverse eventor an
incident of any kind that would impair
the patient.
Adverse events are not necessarily
individual errors, due to a doctor or a
particular professional, but also system
errors with a problem in care when
held by multi-professional actors.
The bad transmissions between teams,
urgent cases, fatigue and stress are all
possible causes.
Thus, there needs to be a common
reection, analysis of individual and
collective problems. A collaborative
and consensus within the teams,
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2) les brancardiers étaient surchargés ;
3) cétait bientôt le changement déquipe et léquipe de
jour laissait ses tâches pour léquipe de nuit.
On ramena enn le patient. Quand la neurologue revint
du box, elle dit quil ny avait pas de réel trouble
neurologique, que lasymétrie faciale était plutôt
ancienne, et que les troubles actuels du patient étaient
probablement liés à lhyperglycémie. Il fallait donc
lhospitaliser et traiter sa tension et sa glycémie. La
neurologue me demanda comment était la bandelette
urinaire. Je vériai et remarquai que la bandelette
urinaire navait pas été faite. Je le lui expliquai, elle me
re-sourit mi-gue mi-raisin, insista pour que le patient ait
du Loxen
1
et de linsuline.
Je rappelai donc quil manquait toujours la bandelette
urinaire à une première inrmière qui me dit que je
devais madresser à sa collègue et non à elle. Je soupirai :
le problème de cette garde était en partie dû au fait que
je ne connaissais pas encore assez bien ce service des
urgences ainsi que léquipe. Linrmière menvoya de
lautre côté de la salle, où je tombai à nouveau sur un
groupe dinrmiers et aides-soignants. Je réussis à grand-
peine à demander au milieu des rires et des blagues
qui soccupait de mon patient et demandai en
linrmière en question si elle pouvait faire la bandelette
urinaire. Jeus premièrement limpression que je la gênais
dans une conversation des plus importantes ce qui nétait
clairement pas le cas, et ensuite elle me répondit assez
sèchement quelle navait pas le temps et que, au pire,
léquipe de nuit le ferait. Jinsistai en lui rappelant que
cétait urgent, elle acquiesça.
Au changement dinrmiers, je rappelai à la nouvelle
équipe quon avait prescrit du Loxen
1
,delinsuline et une
bandelette urinaire pour ce patient. Je revins contrôler
cela 30 minutes plus tard : toujours aucune bandelette
urinaire. Jeus beau insister et réinsister toutes les 30
minutes, en étant envoyée entre les différentes inrmiè-
res entre chaque côté de la salle, je neus pas plus de
succès.
Parallèlement à cela, je devais gérer dautres patients que
mon chef tenait absolument à revoir avec moi alors que je
savais parfaitement quoi faire pour chacun. Pendant trois
heures, je tournais en rond entre mon patient en attente
de sa bandelette urinaire et mes autres patients que je
narrivais ni à présenter à mon chef qui était toujours
occupé, ni à les faire sortir des urgences. Je me sentais à
la fois inutile, incompétente et à la fois... rien du tout,
nalement juste fatiguée !
À 1 h 30 du matin, mon chef vint vers moi tranquillement
en me demandant où jen étais. Il regarda alors les
prescriptions et il constata que ni le Loxen
1
ni linsuline
navaient été faits.
« Comment ça, métonnai-je ? Je lai prescrit sur
lordinateur ? »
« Tu les as prescrits oui, mais les inrmières ne les ont
pas faits ».
Je regardai sur lordinateur : cétait un logiciel propre
aux urgences que je nutilisais pas dans les étages.
Je navais pas compris que, ce qui safchait actuelle-
ment, était des prescriptions non réalisées par les
inrmières.
Cela faisait quatre heures que javaisprescritdes
traitements et une bandelette urinaire, quatre heures
que je courais après léquipe inrmière de jour et de nuit
pour que ce soit fait, je lavais prescrit sur lordinateur
ET répété moult fois oralement, on mavaitfaitvalser
dun côté de la salle à lautre pour chercher la bonne
inrmière sans un seul mot gentil ou dexcuse, et
nalement le traitement que javais demandé en
urgence navait pas été fait et linrmière me disait
seulement maintenant quelle avait des difcultés à
effectuer la bandelette urinaire car mon patient avait
uriné sur lui. Ma réaction était probablement exagérée,
mais à ce moment-là, avec la fatigue accumulée, jeus
limpression de nêtre quun ballon de foot quon
balançait dun côté de la salle à lautre, comme si le
fait que je ne sois pas une interne du service des
urgences rendait mes prescriptions non valables ou
non importantes. Et si ce patient était en ACR, elles
mauraient laissée toute seule masser ce patient jusquà
larrivée des réanimateurs ?
Mon chef constata, fort heureusement, que sa glycémie
était revenue toute seule à moins de 2 g/L. On monta
donc le patient dans les étages après lui avoir administré
du Loxen
1
.
Entre fatigue et exaspération, sans oublier ce sentiment
amer de navoir rien fait pendant toute cette soirée, je
retournai voir des patients. Heureusement, mon humeur
saméliora lorsque jexaminais à 3 heures du matin une
patiente âgée de 80 ans, toute souriante, qui me tendit
spontanément sans même que je les lui demande ses
dernières ordonnances et son dernier bilan biologique
effectué en ville « au cas ça pourrait vous aider »
disait-elle. Quand on rencontre une telle patiente à
3 heures du matin alors quon vient de passer 5 heures à
avoir limpression dêtre un mauvais médecin, cela met du
baume au cœur.
structured transmission times and
vigilance of everyone must help to limit
the risk of error.
Key words
medical errors; cooperative behavior.
DOI: 10.1684/med.2016.61
probablement encore au scanner. Je demandai sil était possible de
ramener le patient vu que la neurologue arriverait sous peu. On me dit
oui, je repartis confiante.
Lorsque le neurologue de garde arriva vers 20 h 40 et me demanda où était
le patient, linfirmière qui sen occupait nous informa quil était toujours au
scanner, 50 minutes après la fin de son examen.
À cela plusieurs raisons :
1) les inrmiers étaient surchargés ;
MÉDECINE Mai 2016 215
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Identication des problématiques
Première problématique :
les mauvaises transmissions entre
léquipe de jour et de nuit
Les inrmières de jour me disaient quelles transmet-
traient aux inrmières de nuit, et celles de nuit me
disaient quelles nétaient pas au courant. Il y a donc un
réel problème découte dans léquipe. À moins que le réel
problème ne soit le nombre de personnels aux urgences.
Comment se fait-il que les inrmiers étaient débordés
au point quils naient pas le temps de passer du Loxen
1
et
de linsuline à un patient ? Comment se fait-il que les
brancardiers étaient débordés au point quils naient pas
le temps de ramener un patient du scanner ?
Deuxième problématique :
la fatigue et le stress des urgences
Plus le temps passait, plus il fallait être rapide et efcace.
Et plus le temps passait, plus on était tous fatigués. Or,
mon patient me trottait dans la tête et je narrivais pas à
être plus rapide et plus efcace comme je laurais voulu.
Jétais comme parasitée par ce patient qui restait dans
ma tête. Pour moi, il navait besoin que dune bandelette
urinaire pour monter, et ça lui a pris 5 heures avant
denn libérer les urgences, physiquement et mentale-
ment pour ma part. Est-on réellement efcace aux
urgences ? Notre médecine nest-elle pas dangereuse
dans de telles conditions ?
Troisième problématique :
le sentiment de ne pas être un bon
médecin
Jai eu ce sentiment, en ayant limpression dêtre linterne
«enplu,dêtre celle qui était inutile, non connue ni
écoutée par léquipe inrmière et mon chef, celle à qui
personne navait adressé la parole alors que jétais venue
me présenter à tous dès le début en souriant et alors que
tout le reste de léquipe se parlait gentiment en blaguant.
Jai eu ce sentiment en découvrant que ce que je
prescrivais na jamais été fait, comme si mes prescriptions,
cest-à-dire mes connaissances médicales et donc mon
rôle de médecin, nétaient absolument pas reconnus par
léquipe soignante. Jai eu ce sentiment en ayant
limpression de dépendre dun chef dans tout ce que je
faisais, que je ne pouvais pas avancer seule, que même
dans les plus simples cas, on ne me faisait pas conance,
que je nétais en fait encore et toujours quune interne et
que je ne servais donc à rien ce soir-là aux urgences. Jai eu
ce sentiment quand je dis, toute penaude, à la
neurologue que mon patient était au scanner alors que
javais expressément demandé plusieurs fois quon le
ramène pour quelle lexamine lorsquelle arriverait. Jai
eu ce sentiment lorsque, à deux reprises, cette même
neurologue ma accordé son sourire mi-gue mi-raisin.
Oui, ce soir-là, pendant de longues heures, jai eu ce
sentiment de ne pas être un bon médecin, ou ne pas être
un médecin tout court. Ce sentiment est faux, je le sais,
mais limpression que jaieueaumilieudecette
multitude dinconvénients ce soir-là, en plus de la fatigue
et du stress, était très réel et extrêmement intense à 2
heures du matin, comme un sentiment dabandon au
milieu du métier que jaimais.
Quatrième problématique :
lerreur médicale et le risque
pour le patient lié à ce défaut
de prise en charge
Le patient a été « lais » aux urgences avec une tension
artérielle et une glycémie très élevées. La chance a fait
que la glycémie sest régulée toute seule et que le
patient ne sest pas aggravé du fait de ce délai de soins.
Cependant, en médecine, nous navons pas le droit
de laisser la chance agir à notre place. Le fait que ce
patient nait pas été soigné correctement en temps et
en heure est un énorme manque professionnel. Il y a eu
une énorme erreur quon ne peut attribuer ni aux
médecins dont moi qui ont fait la prescription mais
nont pas été assez vigilants pour que le patient soit
traité correctement rapidement, ni aux inrmiers de
jour qui étaient débordés mais qui auraient dû se
débrouiller pour faire ce qui était prescrit, ni aux
inrmiers de nuit qui ont probablement eu une
mauvaise transmission de la part des inrmiers de jour
mais qui auraient dû par la suite rectier le tir.
Ce scénario a été un énorme magma de petits
problèmes, en partie accentués par le stress et la
fatigue dus aux urgences mêmes.
Analyse des problématiques
Événement indésirable
et erreur médicale
Selon lOMS, une erreur est dénie comme « lexécution
non conforme dun acte prévu ou lapplication dun plan
incorrect ». On préfère à présent parler dévénement
indésirable, soit un incident quel quil soit qui porterait
atteinte au patient [1, 2]. On peut également parler
dévénement grave si la gravité du cas est sujet à
discussion. Laléa thérapeutique est à distinguer de
lévénement indésirable, car résultant de faits et de
circonstances particulières où lévénement est survenu
sans faute médicale préjudiciable [3] (gure 1).
Lévénement indésirable est à double tranchant. Il est non
seulement source de danger pour le patient, mais le
médecin en est la seconde victime. Lerreur est ressentie
par le médecin comme une souffrance. En effet, cette
erreur atteint ses connaissances et son amour-propre.
Le médecin a déjà peur pour son patient, puis il se remet
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216 MÉDECINE Mai 2016
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en cause lui-même sur le comment et le pourquoi il a fait
une telle erreur, et enn sur quand est-ce quil aurait pu
faire dautres erreurs potentiellement graves quil
naurait pas détectées, du moins pas encore.
En principe, un événement indésirable peut être dû
au médecin, mais également aux médicaments ou à
dautres personnels de la santé. Les événements indésira-
bles ne sont pas forcément des erreurs individuelles mais
aussi des erreurs de système avec un problème dans la
prise en charge multiprofessionnelle. Il faut donc une
exion commune, une analyse des problèmes indivi-
duels et collectifs [4, 5].
Selon le modèle de Reason, on peut modéliser un
événement indésirable par le modèle du fromage suisse.
Ce modèle décrit plusieurs couches de défense, la
première étant les acteurs principaux du travail quotidien
soit les médecins et autres personnes de léquipe
médicale et paramédicale, puis les couches plus en
profondeur sont dautres types possibles de barrières,
par exemple un oubli de rendez-vous par la secrétaire, un
oubli de contrôle de médicament par le pharmacien, etc.
[6] (gure 2).
On peut donc retrouver la cause de cet événement à
plusieurs niveaux, à différents endroits, à différents
moments, et donc impliquant de multiples personnes.
Lerreur médicale devient donc une erreur collective du
fait du cran de sécurité qui a été forcé par de petits détails
ou négligences minimes qui ont conduit à cet événement
indésirable [6, 7].
La gure 3 schématise toutes les étapes où un
médicament pourrait être prescrit et comment, et donc
où une erreur pourrait survenir. On se rend compte par
ce schéma que lerreur peut émerger de partout et être
due à nimporte qui. Limportant est davoir conscience
du problème, deffectuer un travail déquipe et un
travail de collaboration et de concertation pour les
éviter au mieux.
Défaut de transmission et gestion
du temps aux urgences
Les situations avec défaut ou rupture de transmission de
linformation sont des risques derreurs et donc dévéne-
ments indésirables. Chez les Anglo-Saxons, on parle de
«gap », cest-à-dire un fossé de sécurité.
Le problème est dû à un défaut de communication, et ce
défaut de communication peut être dû notamment aux
difcultés des gens à parler avec les uns et les autres et
au temps limité imparti à chacun pour ses tâches
hospitalières. On entre dans une dynamique hospita-
lière il faut tout faire vite, parfois au détriment du
patient [8].
Cet effet est dautant plus ressenti aux urgences où il est
parfois recommandé un temps dexamen maximal, par
exemple cinq minutes, an de soulager le turn-over des
urgences. Mais défaut de temps signie également
défaut dinformation établie avec le patient ou avec le
reste de léquipe.
Quels moyens permettraient daméliorer les transmis-
sions entre soignants pouvant être source de graves
erreurs ? Voici quelques pistes de réexion qui auraient
pu maider lors de ma garde [8, 9] :
effectuer des transmissions écrites, ainsi quune trans-
mission verbale en face à face. Cela a été mon cas aux
urgences et, malheureusement, cela na pas semblé
sufre. Le contexte global des urgences a dû y être pour
quelque chose ;
les informations lors de relèves ou de changements
déquipes devraient être répétées pas seulement par les
inrmiers mais par les médecins également. En effet, si
javais retransmis plus rapidement linformation moi-
même à léquipe de nuit, peut-être que la situation
naurait pas dégénéré de la sorte ;
limiter les interruptions et les interférences lors
des transmissions en se réunissant au calme dans un
lieu à part. Lambiance des urgences est un torrent de
bruits et dinterruptions, quelles soient dues aux
patients qui réclament quelque chose, aux médecins
qui demandent des examens ou des traitements
supplémentaires, ou aux inrmiers eux-mêmes qui
se saluent les uns les autres en riant pour détendre
latmosphère. Les transmissions se faisaient dans
une salle entre deux couloirs, il est impossible dans
de telles conditions de faire des transmissions correctes
avec une concentration posée sur les dossiers des
patients ;
décaler les activités lorsque les transmissions se font.
Cela semble difcile aux urgences, mais si léquipe
inrmière faisait un relais de transmission pour que la
moitié de léquipe fasse ses transmissions puis la seconde
moitié fasse de même, cela permettrait peut-être de
Axe
juridique
Axe
nosologique
Évènement
indésirable
évitable
Erreur
Évènement
indésirable
Faute
Figure 1. Les ensembles dévénements indésirables.
Lerreur médicale participe à lévénement indésirable quelle
ne recoupe quen partie. Lensemble des trois cercles, une
fois déduit celui de la faute, correspond à laléa
thérapeutique (daprès [3]).
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cadrer le moment des transmissions et déviter les
interruptions ;
ne pas prendre de retard et demander de laide à ses
collègues si besoin. Le fait que les inrmières reportent
mes prescriptions en déléguant la tâche les unes aux
autres notamment à cause du changement déquipe a été
ici le plus gros problème et a expliqué cette mauvaise
prise en charge de ce patient ;
utiliser des moyens papier ou informatique pour ne
rien oublier et organiser le travail fait ou non fait.
Linformatisation des prescriptions avait initialement
pour but de faciliter ce travail. Le manque de connais-
sance du système informatique actuel, notamment en
France, rend malheureusement parfois lutilisation des
programmes informatiques hospitaliers plus compliqués
que cela ne le devrait, et donc serait parfois à risque
dévénements indésirables.
Synthèse
Les événements indésirables sont graves pour le patient
et affectent également, en tant que seconde victime, le
médecin sur plusieurs points. La grande souffrance du
médecin est surtout due à cette remise en cause de son
savoir. Le médecin, dans lidéalisation même de la
profession, est parfait, doit tout savoir et ne peut
commettre aucune erreur.
Cependant, il faut se souvenir que tout le monde fait des
erreurs, plusieurs fois par jour. Que ce soit médecin,
inrmier ou toute autre personne du corps médical et
paramédical, « Errare humanum est ».
Les solutions pour éviter les événements indésirables,
notamment le temps et la communication entre équipe,
sans oublier la vigilance de chacun, doivent être rappelées
et devraient modier nos pratiques. Cependant, cette
idéalisation de la prise en charge des patients doit être
remise dans un contexte hospitalier qui peut être difcile
et stressant, comme les urgences et services de réanima-
tion. Il faudrait trouver des moyens de sécurisation des
services applicables selon les activités et le temps de
disponibilité du personnel soignant, y compris les services
durgences.
Si tout cela remet en question les conditions de travail aux
urgences où temps et disponibilité sont le contraire
même de ce quil faudrait faire dans un monde idéal,
il nempêche que rien nexcuse nos erreurs car mettant en
jeu la vie dautrui. Tout événement indésirable ou erreur
nécessite une remise en question personnelle, mais
également une remise en question du travail collectif
avec léquipe médicale et paramédicale, doù lintérêt de
staffs et réunions déquipe pour parler des dossiers des
patients, des difcultés rencontrées lors de la gestion des
lits et des pathologies, ainsi que des difcultés per-
sonnelles à gérer les situations.
Si je devais me remettre en question sur la situation que
jai vécu cette nuit-là, ce serait ma mauvaise connais-
sance de la salle des urgences. Ce nétait que ma
deuxième garde et je ne connaissais donc pas toutes les
inrmières et, surtout, personne navait jamais pris la
peine de mexpliquer quelles inrmières avaient en
charge quel patient entre lun et lautre bout de la salle.
Le système en soi ne devait pas être compliqué, mais les
inrmières mont envoyé dun côté à lautre toute la
soirée, ce qui sest révélé relativement exaspérant à 1
heure du matin.
Évènement
indésirable
Auto-détection
et récupération
Pression
à la production
Plateau technique
incomplet
EXEMPLES
Mauvaise
organisation
des interfaces
Fatigue
Personnel manquant
Distractions
Arrêt de progression
par une barrière efficace
ERREURS LATENTES
Pression à l’erreur par défaut d’organisation,
de communication ou de conception sûre
des matériaux et interfaces
ERREURS PATENTES
Erreurs et violation des
acteurs médicaux...
DÉFENSES EN PROFONDEUR
Dont certaines sont érodées par la routine,
le manque de moyens, etc.
Figure 2. Perception par des médecins généralistes français des évènements indésirables associés aux soins en médecine
générale : dénition et typologie par la méthode des focus groups. Daprès : https ://hal-descartes.archives-ouvertes.fr/dumas-
01150618/document.
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218 MÉDECINE Mai 2016
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