Une stratégie climat

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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
vendredi 27 septembre à Ecocity, sommet mondial de la ville durable (Nantes)
SYNTHESE
Sont intervenus :
- Anne Odic, responsable de la thématique « villes émergentes et développement durable » de l’Agence Française
de Développement (AFD)
- Jacques Ravaillault, directeur exécutif de l’action territoriale de L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de
l’énergie (ADEME)
- Debra Roberts, responsable de l’aménagement du territoire et de la protection du climat à la Ville de Durban
- Felipe Targa, Responsable du programme « Corridor vert » de la Ville de Cali, ancien vice-ministre des
transports de Colombie
- Julien Damon, sociologue, professeur au master d’urbanisme de Science Po Paris, membre du Conseil national
des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE)
- Jean-Marc Châtaignier, directeur général adjoint de la mondialisation, du développement et des partenariats au
ministère des Affaires étrangères.
Au Sud, les populations sont confrontées aux urgences sociales de l’emploi et du logement. Les
décideurs politiques, quant à eux, sont accaparés par les objectifs de développement économique.
Dans ce contexte, les problématiques climatiques voire même environnementales sont souvent
négligées. A rebours de cette tendance générale, certaines villes du Sud se dotent de stratégies
climat, à la fois capables de répondre aux enjeux de l’inclusion sociale et du changement
climatique.
UNE REPONSE SIMULTANEE AUX ENJEUX CLIMATIQUES ET SOCIAUX
Loin d’être une priorité pour les populations du Sud, la mise en œuvre de stratégies d’adaptation et
d’atténuation peut pourtant aussi servir leurs intérêts. A Cali, le programme Corridor vert consiste en la
création « d’un réseau de transports électriques, d’espaces publics de haute qualité et de pistes
cyclables ». Il permettra ainsi de « faciliter la circulation des personnes défavorisées », tout en limitant
les émissions générées (F. Targa). Au Bengladesh, un projet en cours d’identification par l’AFD vise à
renforcer les capacités de résilience des villes côtières du golfe du Bengale. Les équipements prévus
offriront aux populations défavorisées de cette région un accès aux services de base. Ils seront en outre
capables de résister aux cyclones, dont l’intensité et la régularité augmenteront à l’avenir. A
Johannesburg, un opérateur privé de logements sociaux propose quant à lui à des salariés modestes des
logements décents, sûrs et proches des foyers d’emploi. Ce projet éminemment social permettra en outre
de réduire l’impact environnemental et le coût des déplacements de ces travailleurs pauvres (A. Odic).
Dans les pays du Nord, c’est le thème de la précarité énergétique qui permet de faire le lien entre actions
sociales et climatique. Face à ce phénomène, des services publics spécifiques ont été créés. Leur
mission ? Proposer aux ménages précaires un diagnostic technique et social et des solutions d’économies
d’énergie (J. Ravaillault). Ainsi, pour les décideurs politiques, il s’agit « d’identifier des opportunités en
matière de changement climatique, qui sont également porteuses de bénéfices pour les communautés
locales » (D. Roberts).
DES OPPORTUNITES DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
Lutter contre le changement climatique peut même génèrer de l’activité économique. Selon des études
récentes sur des pays de l’OCDE, « les secteurs des transports publics et de l’efficacité énergétique
seront des vecteurs de croissance économique qui participeront à la sobriété des villes et à la limitation
des émissions de gaz à effet de serre » (A. Odic).
CONSTRUIRE DES VILLES DURABLES, L’AFFAIRE DE TOUS
La prise en compte des enjeux climatiques et sociaux dans les villes en développement s’inscrit à une
échelle qui fait intervenir une multiplicité d’acteurs : citoyens, entreprises, collectivités, Etats,
organisations internationales et bailleurs de fonds. Un impératif « d’éducation des populations à
l’environnement » se pose (J. Damon). Un autre sujet d’importance est celui de l’articulation entre les
besoins des acteurs publics locaux et les modalités de financement institutions financières. Les villes en
développement peinent en effet à obtenir des financements climat en dehors de la sphère municipale (D.
Roberts). Enfin, c’est au niveau international que la question d’un développement urbain durable doit
être posée. Dans la perspective des débats relatifs à l’agenda du développement post-2015, la France
soutient ainsi la création d’un objectif de développement durable spécifique aux villes (JM. Châtaignier).
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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
vendredi 27 septembre à Ecocity, sommet mondial de la ville durable (Nantes)
Conférence-débat « Une stratégie climat : une
opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
Introduction
Emmanuelle BASTIDE, animatrice et journaliste à RFI
Le postulat qui consiste à envisager la stratégie climat comme un moyen de réduction des inégalités
sociales est provocant. En effet, comment évoquer les enjeux climatiques avec les populations des
quartiers pauvres et produire un discours acceptable sur ce sujet au regard de demandes sociales
urgentes telles que l’emploi, le logement ou les transports? Cependant, le développement des villes, et
notamment des bidonvilles, peut-il ignorer les enjeux climatiques? Inversement, est-il possible
d’établir une stratégie climat sans prendre en compte les enjeux sociaux ?
Pour répondre à ces interrogations, nous procéderons à un bilan des projets associant les préoccupations
climatiques et sociales et nous examinerons les projets susceptibles de faire l’objet d’une modélisation.
Par ailleurs, nous interrogerons les notions de résilience urbaine, de sobriété de la ville et de lutte contre
la pauvreté.
La conciliation des enjeux climatiques et sociaux, clé de développement des
villes
Anne ODIC, responsable de la thématique « Villes émergentes et développement durable » à l’Agence
française de développement (AFD)
Les populations défavorisées au cœur des problématiques de climat
Aux prémices de son action en matière de Plans climat territoriaux (PCT), l’AFD s’est parfois heurtée à
la réticence de certaines villes. Par exemple, la ville du Cap, pourtant très active sur le plan climatique,
ne souhaitait pas que l’AFD finance son plan climat. En réalité, ce refus s’expliquait par la difficulté de
la municipalité à communiquer auprès des populations pauvres des bidonvilles et à accepter un
appui des bailleurs de fonds sur ce sujet.
Emmanuelle BASTIDE
Quelle est position de l’AFD sur le rôle des stratégies climat dans la réduction des inégalités sociales ?
Anne ODIC
L’AFD est convaincue de l’intérêt de développer des programmes s’attachant à la fois aux plans climat et
aux priorités sociales. Les quartiers défavorisés sont généralement privés d’un accès aux services de
base (assainissement, collecte des déchets et des eaux pluviales, etc.) et sont par conséquent vulnérables
aux aléas climatiques. En l’absence de raccordement aux réseaux de transport et d’énergie, ils sont par
ailleurs faiblement émissifs. Dans ce contexte, il est nécessaire de prendre en compte leurs spécificités et
leur potentiel au travers d’une stratégie climat locale sous peine d’obérer leurs perspectives de
développement. A ce titre, la mission des bailleurs de fonds comme l’AFD est d’aider les maires à
réconcilier les enjeux sociaux et climatiques.
Emmanuelle BASTIDE
Le climat est-il abordé par l’AFD en tant que frein économique dans le cadre de son dialogue avec les
villes ?
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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
vendredi 27 septembre à Ecocity, sommet mondial de la ville durable (Nantes)
Anne ODIC
L’approche climatique, vecteur de développement économique
L’enjeu climatique est plutôt abordé sous l’angle d’une opportunité de développement économique.
A cet égard, des études récentes sur des pays de l’Organisation de coopération et de développement
économique (OCDE) montrent que les secteurs des transports publics et de l’efficacité énergétique seront
des vecteurs de croissance économique qui participeront à la sobriété des villes et à la limitation des
émissions de gaz à effet de serre.
Vers une économie de la sobriété ?
Jacques RAVAILLAULT, directeur exécutif de l’action territoriale à l’Agence de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)
L’objectif commun des stratégies climat : la transition
Au Nord et au Sud, les stratégies climat n’ont pas les mêmes ambitions mais participent d’un
rééquilibrage mondial des consommations d’énergie et des émissions des gaz à effet de serre. La
stratégie climat s’inscrit à l’heure actuelle dans une démarche de transition énergétique et écologique. Il
s’agit de passer d’une économie fondée sur l’abondance de ressources naturelles, d’énergie et
d’espaces à une économie de sobriété visant à atteindre une satisfaction des besoins à partir de
ressources moindres.
Au Nord comme au Sud, les stratégies climat comportent deux volets méthodologiques essentiels : un
volet d’adaptation et un volet d’atténuation. S’agissant de l’adaptation, il convient de développer une
stratégie visant à corriger les effets des inondations, de l’élévation du niveau des eaux ou des
modifications de la biodiversité. Le volet d’atténuation consiste pour sa part à anticiper l’avenir et à
réduire dès maintenant nos consommations d’énergie ou l’impact environnemental de nos modèles
agricoles. L’ADEME développe à ce titre une stratégie climat qui n’est pas uniquement l’affaire de
spécialistes mais mobilise également les acteurs économiques et la société civile. Elle se décline selon
des politiques sectorielles transversales et coordonnées (bâtiment, transports, productions agricoles,
industries et services) au service de la sobriété énergétique. Elle s’inscrit à la fois dans le court terme
sous forme d’actions immédiates et dans le long terme au travers d’une programmation des politiques
structurantes (rénovation urbaine, transports publics) pour l’avenir des villes. Cette articulation entre
court terme et long terme suppose d’établir un bilan carbone de l’ensemble des secteurs, de faire preuve
d’une exigence politique d’évaluation continue et de décliner les intentions stratégiques en un
programme d’actions. De plus, la démarche de transition énergétique exige une modification des
comportements et une adhésion des populations et des acteurs économiques à la stratégie climat.
Durban, une ville africaine face aux défis du changement climatique
Debra ROBERTS, responsable du département de l’aménagement du territoire et de la
protection du climat à la ville de Durban
L’approche climat, un processus
La ville de Durban ne développe pas de plan climat à proprement parler. En effet, la formalisation d’un e
stratégie climat supposerait d’identifier précisément la nature des problématiques climatiques. Or, elle
travaille dans un contexte qui ne le permet pas. Par conséquent, l’approche climatique de Durban
s’attache davantage au processus qu’à l’élaboration d’un document attrayant. Cette logique de
processus consiste à identifier la nature d’un problème et sa traduction concrète dans le contexte de
Durban, région métropolitaine la plus pauvre d’Afrique du Sud caractérisée par des besoins singuliers.
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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
vendredi 27 septembre à Ecocity, sommet mondial de la ville durable (Nantes)
Ainsi, le programme de préservation du climat de Durban repose sur un principe d’apprentissage par la
pratique et sur une démarche informelle.
Après dix ans de travaux, nous avons enfin consolidé un socle de connaissances sur le changement
climatique adapté au contexte de Durban et pouvant déboucher sur une stratégie climat. Le maître mot de
cette stratégie est l’adaptation au changement climatique. En effet, malgré un environnement africain
fortement vulnérable aux risques climatiques élevés, une faible considération est accordée au
changement climatique. Dans les pays du Nord, le changement climatique constitue une cause
prioritaire alors qu’en Afrique, il est considéré comme un risque parmi d’autres. En effet, de
nombreuses populations ne le considèrent pas comme une problématique réelle et nos travaux ne peuvent
par conséquent s’appuyer sur une conscience collective de cet enjeu.
Pour mobiliser les responsables politiques dans cette stratégie climat, nous avons procédé par étapes.
Dans un premier temps, nous avons mené une étude d’impact afin de mettre en évidence les
conséquences locales du changement climatique. Cette étude a par exemple mis en lumière les
lotissements et les infrastructures côtières potentiellement sujets aux inondations. Pourtant, cette étude
d’impact n’a pas suscité de réelles inquiétudes, les responsables politiques se préoccupant davantage des
freins potentiels de ce contexte climatique au développement de la ville.
Emmanuelle BASTIDE
Dans ce contexte, de quelle manière avez-vous impliqué les citoyens et les parties prenantes dans la
conduite de ce projet ?
Debra ROBERTS
L’implication des populations défavorisées dans des « projets climat »
Il s’agissait de faire preuve de réalisme. Durban est la métropole la plus pauvre d’Afrique du Sud et
présente des traits insolites. En effet, les deux tiers du territoire sont des zones rurales sous leadership
traditionnel ou tribal et Durban compose ainsi avec différentes formes de gouvernance. De plus, elle est
confrontée à des problèmes sociaux et à un fort taux de chômage qui atteint près de 50 % dans certains
quartiers. Dans un tel contexte, le changement climatique n’est pas une priorité des habitants et n’est
pas employé dans notre vocable en raison de son absence de résonance chez ces derniers. En
revanche, nous tâchons d’identifier des opportunités en matière de changement climatique, qui sont
également porteuses de bénéfices pour les communautés locales. Une fois ces bénéfices mis en évidence,
nous développons avec les populations des discussions en termes de changement climatique. Par
exemple, nous avons développé trois grands projets de reforestation. Durban se situe au cœur d’un haut
lieu de la biodiversité et il lui incombe d’assumer ses responsabilités mondiales en la matière. De plus, la
restauration des écosystèmes indigènes offre des outils d’adaptation permettant de réduire les
risques d’inondations et de garantir la qualité et l’approvisionnement en eau et en denrées
alimentaires. La mise en œuvre de ce projet a mobilisé les membres des communautés locales. Des
femmes et des enfants ont ainsi été impliqués dans la collecte et la plantation de graines et de semences
indigènes. Quand ces arbres atteignent une certaine taille, des médiateurs membres de la communauté
mesurent et comptent les arbres. Ensuite, ils octroient aux populations impliquées un avoir servant à
l’achat de denrées alimentaires, de couvertures ou au financement des frais d’école ou de leçons de
conduite. A cet égard, Tandi, une de nos « Treepreneurs »1, a utilisé son avoir pour construire une
maison de six pièces et envoyer ses trois plus jeunes filles à l’école. A partir de ce stade, il est possible
de discuter avec Tandi des problématiques climatiques en profitant au maximum de ces occasions
d’échange. Néanmoins, le climat ne fera jamais partie, en soi, des priorités de Tandi.
Emmanuelle BASTIDE
Ainsi, vous abordez les aspects de changement climatique lorsque les populations identifient l’intérêt de
cette stratégie et sont déjà impliquées dans l’action.
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« Entrepreneur des arbres »
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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
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Debra ROBERTS
En effet. Dans le cadre de nos échanges avec la communauté sur le climat, nous avons recours au théâtre
de rue et à des médiateurs de la communauté qui inspirent davantage confiance aux populations.
Progressivement, nous avons organisé des sondages afin d’évaluer l’impact de notre message sur les
populations. Malgré nos interventions, celles-ci comprennent cependant trop rarement le lien entre leurs
activités et le changement climatique. Notre approche se développe par conséquent sur une logique de
bénéfices pour la population. Cette incompréhension s’explique par les difficultés auxquelles font face
ces communautés (pauvreté, criminalité, manque de cohésion sociale, etc.) qui ne laissent pas de place
dans l’agenda pour le changement climatique.
Le « corridor vert » de Cali, outil d’adaptation au changement climatique et
d’inclusion sociale
Felipe TARGA, responsable du programme « Corridor vert » pour la mairie de Cali 2(Colombie),
ancien vice-ministre des transports de Colombie
Les dégâts d’« El niño », sources d’une prise de conscience des enjeux climatiques
La Colombie ne contribue qu’à 0,3 % aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Elle connait
cependant un accroissement de la fréquence et de la violence de sa saison des pluies. Elle a par ailleurs
subi de plein fouet l’effet d’« El niño » en 2010 qui a engendré la pire catastrophe naturelle de son
histoire. En effet, 10 mm de précipitations supplémentaires ont inondé des quartiers entiers de Cali et
causé des dégâts encore plus graves que ceux de l’ouragan Katrina.
Cet épisode dramatique a poussé les décideurs de Cali à développer un vaste programme
d’adaptation au climat visant à renforcer les digues de la ville, à relocaliser les lotissements
vulnérables. Il les a également incités à développer des mesures d’atténuation du changement climatique
et à s’interroger sur les modalités de développement d’une économie faiblement productrice de carbone.
Dans cette perspective, le programme « green corridor » repose sur un principe de limitation des
émissions de carbone et s’articule autour de la création d’un réseau de transports électriques,
d’espaces publics de haute qualité et de pistes cyclables afin de faciliter la circulation des
personnes défavorisées, premières victimes de cette catastrophe. Cette stratégie climat s’attache à la
réduction des inégalités sociales dans un pays fortement inégalitaire grâce à la création de réseaux et
d’espaces qui constituent autant d’opportunités sociales et économiques pour les populations
défavorisées.
Emmanuelle BASTIDE
Cela signifie-t-il qu’il n’existe plus de difficultés d’arbitrage entre les priorités sociales et les enjeux
climatiques ?
Felipe TARGA
Les priorités : la réduction des inégalités et le développement socio-économique
La situation spatiale de Cali l’amène à travailler simultanément sur ces deux types d’enjeux. D’ailleurs,
la poursuite d’une stratégie uniquement axée autour du changement climatique n’est pas
suffisante. Nos priorités sont la réduction des inégalités et le développement d’opportunités
économiques et sociales.
Emmanuelle BASTIDE
Pouvez-vous nous décrire les grandes lignes et la date de mise en place du projet de « corridor vert » de
Cali ?
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Deuxième ville de Colombie, la ville de Cali compte 2,5 millions d’habitants
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Felipe TARGA
Nous sommes actuellement dans une phase préliminaire et nous évoluons vers une phase de conception
grâce à l’appui de l’AFD. Dans les deux ans et demi à venir, nous finaliserons la structuration financière
du projet et engagerons le processus d’appel d’offres. Par ailleurs, le projet fait l’objet de
cofinancements importants de la part des autorités nationales. S’agissant du volet social, nous préparons
le montage financier en lien avec l’AFD et d’autres partenaires. Nous espérons une mise en œuvre du
projet dans les trois ou quatre prochaines années.
Vers des villes plus sobres?
Julien DAMON, sociologue, professeur associé au Master d’urbanisme de Science Po Paris,
membre du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale
(CNLE)
Les bidonvilles, des modèles de sobriété ?
De manière provocante, je ferai remarquer que les bidonvilles sont parfaitement adaptés aux
changements climatiques. En effet, en raison de la faible capacité de consommation de leurs habitants,
ils se caractérisent par une grande sobriété énergétique. De plus, au-delà de leurs caractéristiques
variables, ils sont des réservoirs formidables d’ingéniosité. En effet, leurs habitants mettent en œuvre des
circuits courts bien moins coûteux et plus écologique - notamment en matière de gestion des déchets que
ceux des quartiers aisés. Il ne faut pourtant aller jusqu’à faire des bidonvilles un modèle à reproduire,
comme le feraient les partisans de la décroissance.
Croissance économique versus enjeux environnementaux?
Selon plusieurs enquêtes internationales d’opinion, les habitants du monde entier sont en moyenne plus
attachés aux priorités environnementales qu’à une croissance économique qui présenterait un impact
négatif sur l’environnement. De manière surprenante, les réponses des habitants des Pays en
développement (PED) sont d’ailleurs plus favorables à l’environnement que celles des pays riches.
En effet, ces enquêtes ont été menées à l’échelle de différentes grandes villes du monde3 en 2010 et les
répondants les plus sensibles aux priorités environnementales sont les habitants de Mumbai et de Sao
Paulo. Néanmoins, il conviendrait d’évaluer ces priorités à la lueur des impacts de la crise économique.
De plus, ce type d’enquête, menée souvent sur Internet, rencontre des difficultés à atteindre des
populations défavorisées.
Emmanuelle BASTIDE
Lors de nos échanges préalables, vous m’avez pourtant affirmé que dans un bidonville, il était préférable
d’implanter une usine plutôt qu’un centre culturel.
Julien DAMON
En effet, en dépit des éventuelles pollutions issues de l’implantation d’une usine, il conviendrait de la
privilégier pour favoriser le développement économique du bidonville.
Jacques RAVAILLAULT
L’implantation d’une usine dans un bidonville ne serait pas nécessairement polluante et apparait
concevable. En effet, les technologies productives ont connu des avancées environnementales et même si
les pays développés se caractérisent par une addiction au carbone, il est possible d’amorcer une
transition par des filières de développement bas carbone.
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Chicago, Sao Paulo, Paris, Le Caire, Mumbai…
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Debra ROBERTS
D’une sobriété subie des populations défavorisées à une sobriété imposée ?
Il convient de ne pas idéaliser les souhaits, les comportements et les capacités des populations
défavorisées en matière d’environnement et d’énergies alternatives, a fortiori dans les contextes très
inégalitaires de l’Afrique du Sud et de la Colombie. Dans ces pays, les riches vivent de manière nondurable et il est pourtant demandé aux pauvres d’avoir recours aux énergies alternatives. Par exemple,
dans les zones rurales de Durban, un système innovant d’assainissement de l’eau à partir des fluides des
toilettes a été mis en place avec succès. Cependant, les populations défavorisées refusent violemment
cette technologie et souhaitent disposer d’une ressource en eau qui ne provienne pas des eaux usées.
Construire des villes durables et résilientes
Anne ODIC
La régénération du centre-ville de Johannesburg
Une ville sobre utilise un chemin de développement qui mobilise moins de ressources. Cette démarche
de sobriété peut être compatible avec les priorités sociales si elle se matérialise au travers d’un
projet de transport public qui permettrait aux populations pauvres d’accéder aux lieux d’emploi.
Elle passe également par des projets de régénération des centres urbains incluant une offre de
logements pour les populations défavorisées. Par exemple, dans la ville de Johannesburg, un opérateur
privé de logement social, l’Affordable Housing Company (AFHCO), a proposé à l’AFD de financer un
programme de logements sociaux en centre-ville. Dans les années 1990, les entreprises ont fui le centreville de Johannesburg marqué par une forte criminalité, le laissant dans une situation de totale
déshérence. Les fondateurs d’AFHCO, désespérés de voir Johannesburg péricliter, ont commencé à
racheter les immeubles de bureaux pour les réhabiliter et les transformer en immeubles de logements
sociaux. A l’heure actuelle, les populations défavorisées de Johannesburg ont pour options de vivre dans
des townships très éloignés et de dépenser un tiers de leur budget dans les transports, de vivre dans des
bidonvilles à proximité des lieux d’emploi ou de vivre dans des immeubles en centre-ville squattés par
des gangs qui sous-louent à des prix prohibitifs des logements aux conditions sanitaires et sécuritaires
désastreuses. A l’inverse, AFHCO développe des immeubles de logements dont les sanitaires sont
partagés pour réduire les charges locatives et permettre à des salariés modestes d’accéder à des
logements sûrs situés en centre-ville. L’AFD finance ainsi la construction de deux grands immeubles qui
accueilleront 2 000 à 3 000 personnes. Cette solution d’habitat permet de réduire l’impact
environnemental et le coût des déplacements tout en offrant à des populations défavorisées un accès à
des logements décents et sécurisés.
Le centre-ville de Johannesburg s’inscrit de cette manière dans un processus de régénération au travers
d’une vie de quartier renouvelée, de l’implantation de commerces, d’écoles et de la réhabilitation des
parcs et des réseaux.
Anne ODIC
Consolider les capacités de résilience des villes soumises aux aléas climatiques
L’AFD envisage de cofinancer avec la Banque asiatique de développement un projet sur les villes
côtières du golfe du Bengale, très vulnérables au changement climatique. L’objet de ce projet est avant
tout de financer des infrastructures de base, des réseaux d’eaux pluviales ou de collecte des déchets. Ces
infrastructures sont conçues pour pouvoir résister aux changements climatiques et à la multiplication des
cyclones. Des projets concernent le rehaussement de routes, l’élargissement des collecteurs d’eaux
pluviales ou la création d’abris anticyclone. Ce programme permet à des populations défavorisées
d’accéder à des services de base qui sont adaptés au risque de cyclones, qui seront de plus en plus
nombreux au cours des prochaines décennies. Emmanuelle BASTIDE
Des propositions concrètes participent à l’acceptabilité des stratégies climat par les populations
vulnérables. A cet égard, la viabilisation des bidonvilles constitue un enjeu de premier ordre.
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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
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La sobriété des villes, une affaire de comportements ou d’investissements ?
Julien DAMON
Il existe autant de cas de figure que de villes, il n’existe par conséquent pas de recette miraculeuse. Pour
autant, la viabilisation des bidonvilles passe d’abord par des travaux de voirie, d’éclairage et
l’installation de sanitaires. Cependant, les bâtiments les plus durables et respectueux de
l’environnement n’auront aucune utilité si les populations n’adoptent pas des comportements
favorables à l’environnement. Ainsi, il revient aux pouvoirs locaux d’inciter les habitants à développer
des comportements respectueux de l’environnement. Cet impératif d’éducation à l’environnement
s’impose aussi bien aux habitants des bidonvilles qu’aux élites des pays riches. En effet, les avancées
environnementales tiennent davantage à la responsabilité et aux comportements individuels qu’à la
qualité des bâtiments ou à l’ampleur des investissements infrastructurels. De plus, cette stratégie de
modification des comportements est sensiblement moins coûteuse que les investissements
infrastructurels et produit des résultats bien plus élevés.
Emmanuelle BASTIDE
Les villes chinoises ont fleuri très rapidement, et ont bénéficié de travaux de voirie, d’éclairage et de
sanitaires. Elles n’apparaissent pas pour autant vertueuses d’un point de vue environnemental.
Julien DAMON
Les effets d’agglomération et la densité constituent pourtant une réponse aux problématiques
environnementales. Vous soulevez néanmoins le problème de l’enrichissement. Plus les populations
s’enrichissent, plus elles consomment et plus leur mode de vie est défavorable à l’environnement. A ce
titre, tout enfant riche qui nait dans une métropole chinoise est un problème pour l’environnement. Un
malthusianisme théorique strict supposerait de réguler les naissances. Néanmoins, Malthus portait une
approche résolument humaine et de ce point de vue, il convient d’adapter les comportements aux enjeux
environnementaux, plus encore que les équipements.
Précarité énergétique et inégalités sociales dans les pays du Nord
Jacques RAVAILLAULT
La précarité énergétique se renforce dans les pays du Nord sous l’effet des crises et de l’augmentation
sensible des prix de l’énergie. Ainsi, les stratégies climat posent la question des inégalités sociales.
En effet, une stratégie climat techniciste et systématique pourrait générer des inégalités sociales
accrues. La précarité énergétique concerne à l’heure actuelle 3,8 à 4 millions de ménages en France dont
les factures énergétiques correspondent au moins à 10 % de leur budget. Ces ménages habitent des
logements dotés d’une faible efficacité thermique et parfois insalubres. Qui plus est, les moyens
financiers de ces ménages les contraignent à investir dans des logements situés à 30 ou 40 kms de leurs
lieux d’emploi. De cette manière, ils effectuent malgré eux des déplacements très pénalisants pour leur
budget. Cette situation illustre la nécessité de mettre en œuvre des politiques transversales en la matière.
En France, le programme « Habiter mieux », développé par l’ADEME et l’Agence nationale de l’habitat
(ANAH), vise à investir cette problématique de la précarité énergétique. Un des obstacles de ces
programmes réside dans la mobilisation de populations défavorisées peu sensibles aux enjeux
climatiques. Plutôt que de développer des mesures pour répondre à l’urgence sociale, il est ainsi
crucial de développer une action de prévention et d’identification des populations qui cachent leurs
difficultés économiques par une diminution de leur usage d’énergie. Une fois ces dernières repérées,
il est nécessaire de mettre en place des dispositifs d’information et de prévention sur les solutions
permettant de réaliser des économies d’énergie (isolation, rénovation des bâtiments, etc.) et de mobiliser
les programmes spécifiques des Services locaux d’initiatives sur la maîtrise de l’énergie (SLIME). Dans
le cadre de ces SLIME, l’ADEME travaille à la mise en place de systèmes d’alerte, en lien avec des
travailleurs sociaux, des infirmiers ou des médecins. Suite au signalement de ces derniers, les membres
des SLIME se déplacent pour rencontrer les personnes concernées et leur proposer un diagnostic à la fois
technique et social.
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Discussion avec l’auditoire
Les leviers de financement des stratégies climat
Pierre SORGUES, HSBC
Quelles sont les sources de financement des projets de l’AFD et de l’ADEME ?
Anne ODIC
L’AFD finance des projets de transports publics et de régénération des centres urbains au travers de prêts
et d’un accompagnement stratégique des villes ou des opérateurs concernés. L’expérience montre qu’il
est plus efficace pour l’AFD de commencer par financer des projets puis d’échanger avec les
collectivités autour des stratégies climat, que de financer en amont le diagnostic et la stratégie climat
avec la conviction qu’il sera possible de financer ensuite les investissements. Il est cependant également
possible de financer les Villes sur des programmes climatiques globaux..
Jacques RAVAILLAULT
L’ADEME ne finance pas les investissements immobiliers lourds des collectivités. En revanche, elle
travaille à l’analyse des investissements et des durées de prêts au service des équilibres économiques des
programmes. Par exemple, à l’échelle de l’agglomération nantaise, l’immeuble de logements sociaux
« Le sillon de Bretagne » a nécessité un programme de rénovation de 100 millions d’euros. Il s’agissait
d’une opération de très haute rénovation énergétique qui comprenait la rénovation de 40 000 m2 de
façades et l’installation de 4 000 fenêtres pour 600 logements. Avant travaux, le loyer mensuel d’un T3
s’élevait à 730 euros. Après travaux, ce loyer s’élèvera à 415 euros dont 132 euros de charges d’énergie
et 230 euros de participation des locataires au financement des travaux. Le pacte social a ainsi contribué
à baisser sensiblement les loyers en échange d’une participation au financement des travaux. En
complément, un pôle urbain et des transports collectifs ont été créés autour de l’immeuble. Cet exemple
prouve que la très haute performance énergétique renvoie à un modèle économique accessible à
tous.
Debra ROBERTS
La question des financements est un problème de fond et nous sommes contraints de rechercher des
financements en dehors des sphères municipales. De plus, la majorité des financements internationaux
relatifs aux enjeux climatiques passe par les gouvernements qui développent une vision à court
terme, ne sont pas conscients des problèmes locaux et génèrent des obstacles bureaucratiques
effrayants. L’accès à ces fonds étant entravé par les gouvernements, le financement direct des
institutions locales apparait essentiel. A Durban, nous sommes convaincus qu’il est nécessaire
d’apprendre à agir de manière intelligente et innovante à partir des ressources à notre disposition.
Felipe TARGA
Le projet de « green corridor » doit faire l’objet d’un financement public au regard de sa nature qui est
elle-même publique. D'ailleurs, le gouvernement colombien, comme l’illustre son soutien à Bogota et à
d’autres villes, est enclin à soutenir ce type de projets stratégiques et d’envergure au travers de
cofinancements, qui sont de l’ordre de 70 %. Le développement d’une stratégie climat renvoie à la
question du financement et n’est pas véritablement lié à l’ampleur du changement climatique qui n’est
pas pour l’heure un problème dans nos pays. Depuis plusieurs années, j’ai participé à diverses
conférences internationales sur le climat, à des instances gouvernementales et mis en place un projet
d’énergies propres pour capter des ressources des bailleurs de fonds internationaux. Il s’agit de
proposer des mesures fiables, des catalyseurs de changement et un modèle susceptible d’être
dupliqué non seulement en Colombie mais aussi à l’échelle internationale pour obtenir des aides
des bailleurs de fonds. Le gouvernement colombien espère que ces initiatives engendreront de
meilleures pratiques et une approche de transition environnementale intégrée socialement. Notre
stratégie climat, à l’échelle internationale, consiste ainsi à obtenir une partie des 100 milliards de dollars
prévus chaque année pour les PED d’ici 2020.
Debra ROBERTS
De manière générale, d’importants volumes de fonds privés sont destinés au volet d’atténuation du
changement climatique. En revanche, les mesures d’adaptation devront attirer les fonds publics et
il sera difficile d’avoir accès aux canaux traditionnels.
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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
vendredi 27 septembre à Ecocity, sommet mondial de la ville durable (Nantes)
Quelle mise en œuvre des politiques d’adaptation environnementale ?
Jérémie Cavé, Bio Intelligence Service
Les bidonvilles sont souvent des « Eco-cities » qui s’ignorent. Cependant, ils sont pour la plupart
installés sur des terrains à risques, ce qui pose la question de la réduction de leur vulnérabilité. Dans ce
contexte, de quelle manière sont mises en œuvre les politiques d’adaptation environnementale
colombiennes ? Répondent-elles à un développement urbain classique ? Les financements climat
permettent-ils de développer des politiques de réduction des vulnérabilités et d’intégration sociale,
notamment par un fléchage sur des interventions ?
Felipe TARGA
La Colombie a reçu des fonds du Clean Technology fund (CTF) et fait partie des premiers pays engagés
dans le cadre d’action National appropriate mitigation action (NAMA)4 à avoir reçu des autorisations de
plans d’investissement et à avoir formulé des propositions. Plutôt que de promouvoir la mobilité,
notre objectif est de développer l’accessibilité des moyens de locomotion non-motorisés. En effet, un
ticket de transport aller-retour coûte deux dollars. Or, 30 % de la population de Cali vit avec moins de
3,50 dollars par jour. Notre objectif est d’atteindre 30 % de déplacements quotidiens par vélo, contre
11 % il y a trois ans, avec l’objet de renforcer l’accessibilité de la ville aux populations défavorisées. La
ville de Cali est plate, densément peuplée et dispose d’une météorologie agréable, ce qui rend possible le
développement de cette solution.
Quels leviers de modification des comportements ?
Christine BARGAIN, direction de la responsabilité sociale et environnementale du groupe La Poste
Il existe deux constantes au comportement humain : vouloir faire comme les riches et minimiser les
efforts à produire. Parmentier a par exemple fait consommer des pommes de terre aux pauvres en leur
faisant miroiter un dîner de riches. En matière de technologies, les capteurs de présence remplacent les
interrupteurs. Dans ce contexte, des techniques et un modèle économique ont-ils été conceptualisés pour
permettre de modifier les comportements au service de l’environnement ?
Julien DAMON
Premièrement, le concept de « smart city » 5 porté des entreprises comme IBM, Cisco et Oracle, permet
de transformer subrepticement les comportements par une infrastructure numérique. Ensuite, le concept
« Nudge » qui signifie « épauler », consiste à promouvoir par l’exemple des comportements plus
respectueux de l’environnement.
Debra ROBERTS
L’exemplarité est essentielle dans un projet climatique. Sans changement de comportements de la
part des classes riches, les classes pauvres n’auront aucun modèle d’inspiration. Les notions de
résilience et d’adaptation sont souvent associées aux classes pauvres et non aux classes riches qui ne
vivent pourtant pas toujours de manière durable. Or, nous avons besoin de modèles d’exemplarité,
comme celui du président de l’Uruguay, président le plus pauvre du monde.
La ville durable, concept-clé d’un renouveau de la planification urbaine ?
Jean-Pierre TROCHE, architecte-urbaniste
4
Cadre de politiques et d’actions issu de la Conférence sur le climat de Bali de 2007 et complété lors de la Conférence de Copenhague sur
le climat de 2009 unissant des pays engagés dans la réduction des émissions des gaz à effet de serre en fonction de leurs responsabilités et
de leurs capacités respectives
5
Le concept de « smart city » ou ville intelligente désigne un type de développement urbain apte à faire face aux besoins des institutions,
des citoyens et des entreprises sur le plan économique, social et environnemental. Une ville est qualifiée d’intelligente quand les
investissements en capitaux humains, sociaux, en infrastructures d'énergie (électricité, gaz) de communication (transports) et
électroniques (très haut débit) alimentent un développement économique durable et une qualité de vie élevée, avec une gestion avisée
des ressources naturelles, et ce au travers d’une gouvernance participative
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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
vendredi 27 septembre à Ecocity, sommet mondial de la ville durable (Nantes)
Plutôt que de promouvoir la ville durable, celle des circuits courts et de la proximité par l’entrée
du bas carbone, il serait pertinent de la présenter sous l’angle du développement économique, de
l’emploi et de la réduction des inégalités. Par ailleurs, certains projets vertueux d’infrastructures et de
régénération urbaine s’inscrivent, aux échelons supérieurs, dans une planification urbaine par trop
classique.
Louis-Jacques VAILLANT, conseiller auprès de la direction générale de l’AFD
C’est grâce à la montée en puissance des notions de climat et de « ville durable » que la question urbaine
et les financements afférents reviennent sur le devant de la scène. Pendant des années, il n’y a eu ni
financement ni débat concernant la ville en tant que telle. A l’image du développement durable qui a
sauvé le développement, la ville durable sauvera peut-être la question urbaine.
La stratégie climat repose avant tout sur un projet politique de construction de la ville décidé par les élus
et pose la question de la continuité de l’action publique locale. A cet égard, comment gérez-vous en tant
que techniciens la relation des élus au sujet du climat, a fortiori dans le cadre de mandats politiques
courts ?
Debra ROBERTS
En matière de planification, les plans urbains exigent un niveau de détail que la science climatologique
n’est pas en mesure de fournir. A l’échelle macroscopique, le rôle des écosystèmes naturels de Durban
dans l’adaptation au changement climatique soulève par ailleurs des débats au sein desquels les
notions de densification et d’économies d’échelles se confrontent à la nécessaire promotion des
énergies vertes et bleues.
Felipe TARGA
Je pense que les problématiques, notamment techniques, du changement climatique, renvoient
essentiellement à la question du financement. Les PED disposent désormais de fonds et de stratégies en
la matière. Les bailleurs de fonds internationaux sont par ailleurs prêts à octroyer des fonds afin de
développer ces programmes. In fine, il s’agira de développer une stratégie climat qui concilie les enjeux
environnementaux et sociaux.
Les villes, protagonistes d’une stratégie mondiale de développement
durable
Jean-Marc CHÂTAIGNIER, directeur général adjoint de la mondialisation, du développement
et des partenariats au ministère des Affaires étrangères
Relever les défis du réchauffement climatique et de la croissance démographique
Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) paru ce jour prédit
un réchauffement climatique à l’horizon 2 100 situé entre +0,3° et +4,8°, la fourchette haute étant la plus
vraisemblable. Or, un réchauffement de l’ordre de 4,8° nous confronterait à une situation catastrophique.
C’est tout l’enjeu de la Conférence Paris climat 2015 qui sera l’occasion d’adopter des engagements
juridiquement contraignants pour les Etats. Par ailleurs, alors que la population mondiale s’élève
actuellement à 7 milliards de personnes, nous serons 9,3 milliards en 2050 et 10 milliards en 2100.
Face à ces défis démographiques et climatiques, nous devons assurer l’avenir des générations futures par
un développement durable au sens large. En effet, le développement durable doit conjuguer les trois
dimensions de développement économique, social et environnemental définies en 1992 au Sommet de
Rio. Malheureusement, les principes du Sommet de Rio ont depuis rencontré des obstacles et n’ont pas
été suffisamment réactivés à la conférence Rio+20. Ces trois dimensions du développement durable sont
interdépendantes et doivent être complétées par des formes adaptées de gouvernance. A cet égard, la
gouvernance urbaine constituera un enjeu de l’agenda international du développement au cours
des deux prochaines années. Le MAE a déjà fortement encouragé la prise en compte de l’enjeu urbain
dans le cadre de la conférence Rio+20 dont la déclaration finale reconnait pour la première fois que les
villes, si elles sont bien planifiées, peuvent être un atout pour le développement durable. Dans ce
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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
vendredi 27 septembre à Ecocity, sommet mondial de la ville durable (Nantes)
contexte, la France s’est engagée dans le groupe des amis des villes durables formé au sein de
l’Organisation des nations unies (ONU).
La ville, enjeu de développement durable
La ville pose des défis de gestion mais présente également de nombreuses opportunités. Une ville
compacte, économe en énergie, connectée et planifiée peut concentrer des opportunités
économiques et d’innovation. Elle devient attractive, dotée d’une identité culturelle valorisée et
présente un cadre de vie agréable agréable car elle organisée et parce que les habitants ont participé aux
principaux choix d’investissement public.
Défendre une vision française du développement urbain durable
Dans l’agenda international du développement, la France défend l’idée de la création d’un objectif de
développement durable pour les villes. Dans cette perspective, le MAE et le ministre du Développement
Pascal Canfin ont développé une approche française du développement urbain durable, actuellement en
discussion avec les acteurs de la société civile. L’ambition d’un objectif spécifique de ville durable
occupe une place importante dans la proposition formulée par la France concernant l’agenda post-2015,
fusion de l’agenda de lutte contre la pauvreté et de l’agenda du développement durable. La France porte
ces objectifs dans le cadre du groupe de travail relatif aux objectifs du développement durable qui
poursuivra ses travaux jusqu’au mois de juin 2014. Une présentation de cet objectif spécifique sera par
ailleurs effectuée en janvier 2014 par Pascal Canfin. Cet objectif dédié aux territoires et au cadre de vie
aura pour assise les trois piliers du développement développés par la déclaration de Rio+20.
La proposition française met notamment l’accent sur les objectifs de planification de la croissance
urbaine, d’accès à tous aux services de base, de valorisation du patrimoine et de renforcement de la
résilience des territoires face aux catastrophes. La proposition française à l’ONU vise également la
création d’un objectif dédié à la gouvernance démocratique en faveur d’une démocratie locale
participative. La France recommande par ailleurs la mise en place d’indicateurs spécifiques et intraétatiques visant à renforcer le rôle des collectivités locales dans la mise en œuvre des objectifs de
développement durable. La France entend travailler à partir des relais des différents groupes politiques et
sociaux et il est important que l’agenda du développement post-2015 se construise en collaboration avec
l’ensemble des partenaires concernés, au premier rang desquels les collectivités territoriales dotées d’une
véritable légitimité de terrain. Elle doit également développer les outils financiers de l’AFD qui excelle
dans l’innovation financière et promouvoir la place de la coopération décentralisée et les dispositifs de
coopération inter-acteurs. Un bon exemple de ces dispositifs est le Partenariat français pour la ville et les
territoires (PFVT) qui constitue un puissant moteur de transmission de savoirs, d’innovation et de
partage d’expériences.
Le MAE est très attaché à la participation des collectivités locales et territoriales aux débats
relatifs à l’agenda post-2015 et à la Conférence Paris climat 2015, qui devra être un moment de
décision politique qui fixera des objectifs contraignants aux Etats. Cette bataille du climat ne sera
facile, les pays n’ayant pas nécessairement des objectifs convergents en la matière. En effet, la Chine,
l’Inde ou le Brésil veulent poursuivre leur développement tandis que les Etats-Unis sont
traditionnellement rétifs aux engagements juridiques contraignants. Pour leur part, le Canada et
l’Australie souhaitent exploiter au maximum leurs ressources naturelles et les PED défendront eux aussi
leur chemin de développement. Dans ce contexte, l’implication des villes et des collectivités sera
cruciale pour promouvoir collectivement les objectifs de développement durable.
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Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
vendredi 27 septembre à Ecocity, sommet mondial de la ville durable (Nantes)
Sigles
ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
AFHCO : Affordable Housing Company
AFD : Agence Française de développement
ANAH : Agence nationale de l'habitat
CNLE : Conseil national de lutte contre les pauvretés et l’exclusion sociale
CTF : Clean Technology fund
GIEC : Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat
HQE : Haute qualité environnementale
MAE : Ministère des affaires étrangères
NAMA : National appropriate mitigation action
OCDE : Organisation de coopération et de développement économique
ONU : Organisation des nations unies
PCT : Plan climat territorial
PED : Pays en développement
PFVT : Partenariat français pour la ville et les territoires
RFI : Radio France Internationale
SLIME : Services locaux d’initiatives sur la maîtrise de l’énergie
Compte-rendu
Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ?
27 septembre 2013
© AFD 2013
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