Conférence iD4D « Une stratégie climat : une opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
vendredi 27 septembre à Ecocity, sommet mondial de la ville durable (Nantes)
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SYNTHESE
Sont intervenus :
- Anne Odic, responsable de la thématique « villes émergentes et développement durable » de lAgence Française
de Développement (AFD)
- Jacques Ravaillault, directeur exécutif de l’action territoriale de L’Agence de lenvironnement et de la maîtrise de
lénergie (ADEME)
- Debra Roberts, responsable de laménagement du territoire et de la protection du climat à la Ville de Durban
- Felipe Targa, Responsable du programme « Corridor vert » de la Ville de Cali, ancien vice-ministre des
transports de Colombie
- Julien Damon, sociologue, professeur au master d’urbanisme de Science Po Paris, membre du Conseil national
des politiques de lutte contre la pauvreté et lexclusion sociale (CNLE)
- Jean-Marc Châtaignier, directeur général adjoint de la mondialisation, du veloppement et des partenariats au
ministère des Affaires étrangères.
Au Sud, les populations sont confrontées aux urgences sociales de l’emploi et du logement. Les
décideurs politiques, quant à eux, sont accaparés par les objectifs de développement économique.
Dans ce contexte, les problématiques climatiques voire même environnementales sont souvent
négligées. A rebours de cette tendance générale, certaines villes du Sud se dotent de stratégies
climat, à la fois capables de répondre aux enjeux de l’inclusion sociale et du changement
climatique.
UNE REPONSE SIMULTANEE AUX ENJEUX CLIMATIQUES ET SOCIAUX
Loin dêtre une priorité pour les populations du Sud, la mise en œuvre de stratégies dadaptation et
datténuation peut pourtant aussi servir leurs inrêts. A Cali, le programme Corridor vert consiste en la
création « dun réseau de transports électriques, despaces publics de haute qualité et de pistes
cyclables ». Il permettra ainsi de « faciliter la circulation des personnes défavorisées », tout en limitant
les émissions rées (F. Targa). Au Bengladesh, un projet en cours didentification par lAFD vise à
renforcer les capacis de silience des villes côtières du golfe du Bengale. Les équipements prévus
offriront aux populations défavorisées de cette région un accès aux services de base. Ils seront en outre
capables de résister aux cyclones, dont lintensité et la régularité augmenteront à lavenir. A
Johannesburg, un opérateur privé de logements sociaux propose quant à lui à des salariés modestes des
logements décents, sûrs et proches des foyers demploi. Ce projet éminemment social permettra en outre
de réduire limpact environnemental et le coût des déplacements de ces travailleurs pauvres (A. Odic).
Dans les pays du Nord, cest le thème de la précarité énergétique qui permet de faire le lien entre actions
sociales et climatique. Face à ce phénone, des services publics spécifiques ont été cés. Leur
mission ? Proposer aux ménages pcaires un diagnostic technique et social et des solutions déconomies
dénergie (J. Ravaillault). Ainsi, pour les décideurs politiques, il sagit « didentifier des opportunités en
matière de changement climatique, qui sont également porteuses de bénéfices pour les communautés
locales » (D. Roberts).
DES OPPORTUNITES DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
Lutter contre le changement climatique peut me nèrer de lactivité économique. Selon des études
récentes sur des pays de l’OCDE, « les secteurs des transports publics et de lefficaci énertique
seront des vecteurs de croissance économique qui participeront à la sobr des villes et à la limitation
des émissions de gaz à effet de serre » (A. Odic).
CONSTRUIRE DES VILLES DURABLES, LAFFAIRE DE TOUS
La prise en compte des enjeux climatiques et sociaux dans les villes en développement sinscrit à une
échelle qui fait intervenir une multiplicité dacteurs : citoyens, entreprises, collectivités, Etats,
organisations internationales et bailleurs de fonds. Un impératif « d’éducation des populations à
lenvironnement » se pose (J. Damon). Un autre sujet dimportance est celui de l’articulation entre les
besoins des acteurs publics locaux et les modalités de financement institutions financières. Les villes en
développement peinent en effet à obtenir des financements climat en dehors de la sphère municipale (D.
Roberts). Enfin, cest au niveau international que la question dun développement urbain durable doit
être posée. Dans la perspective des débats relatifs à lagenda du développement post-2015, la France
soutient ainsi la création dun objectif de développement durable spécifique aux villes (JM. Châtaignier).
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Conférence-débat « Une stratégie climat : une
opportunité pour réduire les inégalités sociales ? »
Introduction
Emmanuelle BASTIDE, animatrice et journaliste à RFI
Le postulat qui consiste à envisager la stratégie climat comme un moyen de duction des inégalités
sociales est provocant. En effet, comment évoquer les enjeux climatiques avec les populations des
quartiers pauvres et
produire un discours acceptable
sur ce sujet au regard de demandes sociales
urgentes telles que lemploi, le logement ou les transports? Cependant, le développement des villes, et
notamment des bidonvilles, peut-il ignorer les enjeux climatiques? Inversement, est-il possible
détablir une stratégie climat sans prendre en compte les enjeux sociaux ?
Pour répondre à ces interrogations, nous procéderons à un bilan des projets associant les préoccupations
climatiques et sociales et nous examinerons les projets susceptibles de faire lobjet dune modélisation.
Par ailleurs, nous interrogerons les notions de résilience urbaine, de sobriété de la ville et de lutte contre
la pauvreté.
La conciliation des enjeux climatiques et sociaux, clé de développement des
villes
Anne ODIC, responsable de la thématique « Villes émergentes et développement durable » à l’Agence
française de développement (AFD)
Les populations défavorisées au cœur des problématiques de climat
Aux prémices de son action en matière de Plans climat territoriaux (PCT), lAFD sest parfois heurtée à
la réticence de certaines villes. Par exemple, la ville du Cap, pourtant très active sur le plan climatique,
ne souhaitait pas que lAFD finance son plan climat. En réalité, ce refus sexpliquait par la difficulté de
la municipalité à communiquer auprès des populations pauvres des bidonvilles et à accepter un
appui des bailleurs de fonds sur ce sujet.
Emmanuelle BASTIDE
Quelle est position de lAFD sur le rôle des stratégies climat dans la réduction des inégalités sociales ?
Anne ODIC
LAFD est convaincue de lintérêt de développer des programmes sattachant à la fois aux plans climat et
aux priorités sociales. Les quartiers défavorisés sont généralement privés dun accès aux services de
base (assainissement, collecte des déchets et des eaux pluviales, etc.) et sont par conséquent vulnérables
aux aas climatiques. En labsence de raccordement aux réseaux de transport et dénergie, ils sont par
ailleurs faiblement émissifs. Dans ce contexte, il est nécessaire de prendre en compte leurs spécificités et
leur potentiel au travers dune stratégie climat locale sous peine d’obérer leurs perspectives de
développement. A ce titre, la mission des bailleurs de fonds comme lAFD est daider les maires à
réconcilier les enjeux sociaux et climatiques.
Emmanuelle BASTIDE
Le climat est-il abordé par lAFD en tant que frein économique dans le cadre de son dialogue avec les
villes ?
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Anne ODIC
L’approche climatique, vecteur de développement économique
Lenjeu climatique est plutôt abordé sous langle dune opportunité de développement économique.
A cet égard, des études récentes sur des pays de lOrganisation de coopération et de développement
économique (OCDE) montrent que les secteurs des transports publics et de l’efficacité énergétique seront
des vecteurs de croissance économique qui participeront à la sobriété des villes et à la limitation des
émissions de gaz à effet de serre.
Vers une économie de la sobriété ?
Jacques RAVAILLAULT, directeur exécutif de l’action territoriale à l’Agence de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)
L’objectif commun des stratégies climat : la transition
Au Nord et au Sud, les stratégies climat nont pas les mes ambitions mais participent dun
rééquilibrage mondial des consommations dénergie et des émissions des gaz à effet de serre. La
stratégie climat sinscrit à lheure actuelle dans une démarche de transition énergétique et écologique. Il
sagit de passer dune économie fondée sur l’abondance de ressources naturelles, dénergie et
despaces à une économie de sobriété visant à atteindre une satisfaction des besoins à partir de
ressources moindres.
Au Nord comme au Sud, les stratégies climat comportent deux volets thodologiques essentiels : un
volet dadaptation et un volet datténuation. Sagissant de l’adaptation, il convient de développer une
stratégie visant à corriger les effets des inondations, de l’évation du niveau des eaux ou des
modifications de la biodiversité. Le volet datténuation consiste pour sa part à anticiper lavenir et à
réduire dès maintenant nos consommations d’énergie ou limpact environnemental de nos modèles
agricoles. LADEME développe à ce titre une stratégie climat qui nest pas uniquement l’affaire de
spécialistes mais mobilise également les acteurs économiques et la société civile. Elle se décline selon
des politiques sectorielles transversales et coordonnées (bâtiment, transports, productions agricoles,
industries et services) au service de la sobriété énergétique. Elle sinscrit à la fois dans le court terme
sous forme dactions imdiates et dans le long terme au travers dune programmation des politiques
structurantes (rénovation urbaine, transports publics) pour l’avenir des villes. Cette articulation entre
court terme et long terme suppose détablir un bilan carbone de lensemble des secteurs, de faire preuve
dune exigence politique dévaluation continue et de cliner les intentions stratégiques en un
programme d’actions. De plus, la marche de transition énergétique exige une modification des
comportements et une adhésion des populations et des acteurs économiques à la stragie climat.
Durban, une ville africaine face aux défis du changement climatique
Debra ROBERTS, responsable du département de l’aménagement du territoire et de la
protection du climat à la ville de Durban
L’approche climat, un processus
La ville de Durban ne développe pas de plan climat à proprement parler. En effet, la formalisation dun e
stratégie climat supposerait didentifier pcisément la nature des probmatiques climatiques. Or, elle
travaille dans un contexte qui ne le permet pas. Par conséquent, l’approche climatique de Durban
sattache davantage au processus qu’à lélaboration dun document attrayant. Cette logique de
processus consiste à identifier la nature dun problème et sa traduction concrète dans le contexte de
Durban, région métropolitaine la plus pauvre dAfrique du Sud caractérisée par des besoins singuliers.
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Ainsi, le programme de préservation du climat de Durban repose sur un principe dapprentissage par la
pratique et sur une démarche informelle.
Après dix ans de travaux, nous avons enfin consolidé un socle de connaissances sur le changement
climatique adapté au contexte de Durban et pouvant déboucher sur une stratégie climat. Le maître mot de
cette stratégie est l’adaptation au changement climatique. En effet, malgré un environnement africain
fortement vulnérable aux risques climatiques éles, une faible considération est accordée au
changement climatique. Dans les pays du Nord, le changement climatique constitue une cause
prioritaire alors qu’en Afrique, il est considéré comme un risque parmi dautres. En effet, de
nombreuses populations ne le considèrent pas comme une problématique réelle et nos travaux ne peuvent
par conséquent sappuyer sur une conscience collective de cet enjeu.
Pour mobiliser les responsables politiques dans cette stragie climat, nous avons procédé par étapes.
Dans un premier temps, nous avons mené une étude dimpact afin de mettre en évidence les
conséquences locales du changement climatique. Cette étude a par exemple mis en lumière les
lotissements et les infrastructures côtières potentiellement sujets aux inondations. Pourtant, cette étude
dimpact na pas suscité de réelles inquiétudes, les responsables politiques se préoccupant davantage des
freins potentiels de ce contexte climatique au développement de la ville.
Emmanuelle BASTIDE
Dans ce contexte, de quelle manière avez-vous impliqué les citoyens et les parties prenantes dans la
conduite de ce projet ?
Debra ROBERTS
Limplication des populations défavorisées dans des « projets climat »
Il sagissait de faire preuve de réalisme. Durban est la métropole la plus pauvre dAfrique du Sud et
présente des traits insolites. En effet, les deux tiers du territoire sont des zones rurales sous leadership
traditionnel ou tribal et Durban compose ainsi avec difrentes formes de gouvernance. De plus, elle est
confrontée à des problèmes sociaux et à un fort taux de chômage qui atteint près de 50 % dans certains
quartiers. Dans un tel contexte, le changement climatique nest pas une priorité des habitants et nest
pas employé dans notre vocable en raison de son absence de résonance chez ces derniers. En
revanche, nous tâchons didentifier des opportunités en matière de changement climatique, qui sont
également porteuses de bénéfices pour les communautés locales. Une fois ces bénéfices mis en évidence,
nous veloppons avec les populations des discussions en termes de changement climatique. Par
exemple, nous avons développé trois grands projets de reforestation. Durban se situe au cœur dun haut
lieu de la biodiversité et il lui incombe dassumer ses responsabilis mondiales en la matière. De plus, la
restauration des écosystèmes indigènes offre des outils dadaptation permettant de réduire les
risques dinondations et de garantir la qualité et lapprovisionnement en eau et en denrées
alimentaires. La mise en œuvre de ce projet a mobilisé les membres des communautés locales. Des
femmes et des enfants ont ainsi été impliqués dans la collecte et la plantation de graines et de semences
indigènes. Quand ces arbres atteignent une certaine taille, des médiateurs membres de la communauté
mesurent et comptent les arbres. Ensuite, ils octroient aux populations impliquées un avoir servant à
lachat de denrées alimentaires, de couvertures ou au financement des frais d’école ou de leçons de
conduite. A cet égard, Tandi, une de nos « Treepreneurs »
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, a utilisé son avoir pour construire une
maison de six pces et envoyer ses trois plus jeunes filles à lécole. A partir de ce stade, il est possible
de discuter avec Tandi des problématiques climatiques en profitant au maximum de ces occasions
déchange. Néanmoins, le climat ne fera jamais partie, en soi, des priorités de Tandi.
Emmanuelle BASTIDE
Ainsi, vous abordez les aspects de changement climatique lorsque les populations identifient lintérêt de
cette stratégie et sont déjà impliquées dans laction.
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« Entrepreneur des arbres »
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