GE.16-16562 (F) 131016 201016
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Conseil du commerce et du développement
Soixante-troisième session
Genève, 5-9 décembre 2016
Point 5 b) de l’ordre du jour provisoire
Rapport sur l’assistance de la CNUCED au peuple palestinien
Rapport sur l’assistance de la CNUCED
au peuple palestinien : évolution de l’économie
du Territoire palestinien occupé*
Note du secrétariat de la CNUCED**
Résumé
En 2015, alors qu’il était toujours en prise avec une grande pauvreté et un chômage
élevé, le Territoire palestinien occupé a vu ses recettes fiscales retenues pendant quatre
mois par Israël, l’aide des donateurs s’amenuiser et les colonies juives poursuivre leur
expansion. Il est resté un marché captif pour les exportations israéliennes, tandis que
l’occupation a réduit à néant l’impact que l’aide des donateurs aurait pu avoir sur son
développement. Bien que les donateurs se soient engagés à verser 3,5 milliards de dollars,
aucun véritable processus de reconstruction n’a encore été lancé dans la bande de Gaza,
la situation socioéconomique s’est gradée et le taux de mortalité infantile a augmen
pour la première fois en cinquante ans.
* Les appellations employées dans le présent rapport, les cartes et la présentation des données qui y
figurent nimpliquent, de la part du Secrétariat de lOrganisation des Nations Unies (ONU), aucune
prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni
quant au tracé de leurs frontières ou limites. Conformément aux résolutions et aux décisions prises à
ce sujet par lAssemblée générale des Nations Unies et le Conseil de sécurité de lONU, les
références dans le présent rapport au(x) territoire(s) palestinien(s) occupé(s) désignent la bande de
Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Le terme « Palestine » désigne lOrganisation de
libération de la Palestine (OLP), qui a établi lAutorité palestinienne. Les références à l« État de
Palestine » sont conformes à la vision exprimée dans la résolution 1397 (2002) du Conseil de sécurité
et la résolution 67/19 (2012) de lAssemblée générale.
** Initialement publiée sous la cote UNCTAD/APP/2016/1.
Nations Unies
TD/B/63/3
Conférence des Nations Unies
sur le commerce
et le développement
Distr. générale
28 septembre 2016
Français
Original : anglais
TD/B/63/3
2 GE.16-16562
L’occupation grève l’économie palestinienne qui, en d’autres circonstances, serait
sans doute deux fois plus florissante. Cependant, les tentatives d’estimation du coût
économique de l’occupation restent partielles et ponctuelles. Il convient de doter le système
des Nations Unies d’un cadre systématique, global et durable pour la présentation de
rapports à l’Assemblée générale, conformément aux résolutions 69/20 et 70/12 de celle-ci.
Malgré des ressources limitées, la CNUCED continue de fournir des services de coopération
technique, de formation et de conseil au peuple palestinien. Si le financement du Qatar lui
permettra de maintenir pendant dix-huit mois un troisième poste d’administrateur dans le
Groupe de l’assistance au peuple palestinien, plus de ressources seront nécessaires pour
pérenniser ce poste et exécuter des projets en attente de financement.
TD/B/63/3
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I. La récession de 2014 continue de faire sentir ses effets en 2015
1. L’année 2015 a été une autre année difficile pour le peuple palestinien. La récession
de 2014 n’ayant fait place qu’à une reprise timide, la croissance du produit intérieur brut
(PIB) a été trop modeste pour que le revenu par habitant augmente. La récession de 2014,
déclenchée par les opérations militaires israéliennes à Gaza, a continué de faire sentir ses
effets en 2015. En Cisjordanie, la croissance est passée de 5,3 à 2,5 % entre 2014 et 2015 ; à
Gaza, après une chute de 15 % en 2014, la croissance n’a été que de 6,8 % en 2015 ce qui
n’était pas assez pour une économie locale qui s’était réduite comme peau de chagrin
pendant la dernière décennie. Avec un taux global de 3,5 %, la croissance de l’économie
palestinienne n’est pas suffisante pour relever le revenu par habitant, qui stagne et demeure
inférieur à son niveau de 2013, avant les opérations militaires israéliennes à Gaza.
2. La stagnation enregistrée en 2015 s’explique principalement par la diminution de
l’aide étrangère, la suspension par Israël des transferts de recettes douanières à l’Autori
palestinienne pendant les quatre premiers mois de 2015, la lenteur de la reconstruction de
Gaza, due au maintien par Israël des restrictions à l’importation des produits nécessaires, et
la faiblesse des montants versés par les donateurs.
3. La croissance du PIB observée à Gaza n’était nullement le signe d’un renforcement
des capacités qui aurait ouvert la voie à un développement durable. Concentrée dans le
secteur du bâtiment et des travaux publics, elle était au service de la reconstruction des
infrastructures détruites au cours des opérations militaires israéliennes de 2014 ; mais ne
répondait pas à de nouveaux besoins. En Cisjordanie, la croissance, timide, a surtout reposé
sur le secteur des services et le commerce de gros et de détail, les secteurs agricole et
manufacturier ayant tous deux reculé en 2015.
4. La croissance du PIB palestinien n’est pas soutenable : elle est tirée par la
consommation, elle-même favorisée par une expansion du crédit bancaire en faveur de
l’Autorité palestinienne et de ses fonctionnaires. Les prêts aux entreprises ont progressé de
près de 19 % en 2015, et les prêts bancaires à l’Autorité palestinienne, de 17,5 %, le ratio
crédit privé/dépôts ayant presque doublé ces quatre dernières années. Toutefois, les prêts
ont surtout été des prêts à la construction et à la consommation ; les secteurs productifs de
l’économie n’ont pas profité de l’expansion du crédit.
A. La crise du chômage persiste et l’insécurité alimentaire s’accroît
5. En 2015, le chômage est resté élevé, bien que le taux d’activité n’ait été que de
46 %. Autrement dit, si l’on tient compte des travailleurs découragés qui ont abandonné la
vie active, le taux de chômage officiel est nettement supérieur. Dans le Territoire
palestinien occupé, il était de 26 % en 2015, contre 12 % en 1999, avant le durcissement
des restrictions à la circulation et à l’accès applicables à la main-d’œuvre et aux
marchandises palestiniennes (tableau 1). Selon le Bureau central palestinien de statistique,
une amorce de reconstruction a relancé le marché de l’emploi à Gaza, si bien que le taux de
chômage a perdu 9 points de pourcentage en 2015, même s’il est resté éle(38 %). En
Cisjordanie, en raison d’une faible croissance, le chômage a progressé d’un point de
pourcentage, à 19 %.
6. Le contrôle total exercé par Israël sur la zone C (61 % de la Cisjordanie), d’autres
restrictions et le blocus impoà Gaza ont engendré une situation de chômage chronique
dans le Territoire palestinien occupé. Ne pouvant trouver un emploi dans l’économie locale,
des milliers de chômeurs palestiniens sont contraints d’en chercher un en Israël et dans les
colonies, dans des activités manuelles nécessitant peu de qualifications et faiblement
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4 GE.16-16562
rémunérées. En 2015, près de 12 % des Palestiniens qui avaient un emploi travaillaient en
Israël et dans les colonies (tableau 1). Cette proportion était de 16 % dans le cas des
Cisjordaniens. Ces chiffres sont toutefois discutables, car bon nombre des Palestiniens qui
travaillent en Israël ne peuvent pas obtenir un permis de travail et, par voie de conséquence,
ne bénéficient pas d’une protection juridique. Sans les emplois en Israël et dans les colonies
juives, le chômage serait de l’ordre de 35 % en Cisjordanie, c’est-à-dire aussi élequ’à
Gaza. Cette dépendance forcée à l’égard de ces emplois rend l’économie palestinienne
encore plus vulnérable aux chocs politiques, Israël pouvant interdire à tout moment aux
travailleurs palestiniens, même détenteurs de permis israéliens, de se rendre en Israël et
dans les colonies.
7. La faible croissance économique et le chômage élevé ont renforcé l’insécurité
alimentaire et l’ont inscrite dans la durée. Des données récentes montrent que les deux tiers
des Palestiniens souffrent de l’insécurité alimentaire (33 % sont en situation d’insécurité,
21 % en situation de sécurité relative et 13 % en situation de vulnérabilité) (Bureau du
Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient
(UNSCO), 2016). En 2016, 1,1 million de personnes (21 % de la population) en Cisjordanie
et 1,3 million de personnes (73 % de la population) à Gaza ont besoin d’une forme d’aide
humanitaire.
8. La molition de maisons s’est poursuivie en 2015 et s’est accélérée au début de
2016. Entre septembre 2015 et avril 2016, 587 constructions palestiniennes ont é
détruites ; parallèlement, 1 800 logements ont commencé d’être construits dans les colonies
israéliennes, et leur nombre devrait augmenter dans le courant de l’année. La tendance à
long terme d’annexion des terres palestiniennes s’est également confirmée. En mars 2016,
Israël a déclaré 2 342 dounoums de terres au sud de Jéricho « terres d’État » (UNSCO,
2016)
1
. Actuellement, il existe environ 142 colonies en Cisjordanie, si bien que le nombre
de colons israéliens équivaut approximativement à 21 % de la population palestinienne de
Cisjordanie (Bureau central palestinien de statistique, 2016).
9. En avril 2016, le Secrétaire général de l’ONU a informé le Conseil de sécurité que la
démolition des résidences et des entreprises palestiniennes en Cisjordanie se poursuivait à
un rythme alarmant. Au début du mois d’avril, plus de constructions palestiniennes avaient
été démolies que durant toute l’année 2015, ce qui avait entraîné le déplacement de
840 personnes ; dans le même temps, les activités de peuplement s’étaient accélérées,
faisant évoluer la situation sur le terrain et jetant le doute sur l’engagement d’Israël en
faveur d’une solution à deux États (Nations Unies, 2016).
B. La viabilité budgétaire est inenvisageable sans la levée de l’occupation
10. En 2015, l’Autorité palestinienne a poursuivi ses efforts (engagés depuis 2008) en
vue de réduire le déficit budgétaire, dans un contexte politique et économique défavorable,
caractérisé par des confrontations fréquentes et lourdes de conséquences, l’absence de
souveraineté sur 60 % du territoire cisjordanien, une assiette fiscale réduite, la mauvaise
situation budgétaire de Gaza et la perte de centaines de millions de dollars de recettes
fiscales palestiniennes en Israël (CNUCED, 2014a).
11. En 2015, l’Autorité palestinienne est parvenue à ramener le déficit budgétaire global
à 11 % du PIB, contre 27 % en 2006 (tableau 1). Les recettes totales ont progressé de 9 %,
pour atteindre 22 % du PIB. Mais les effets potentiellement positifs de cette hausse ont é
neutralisés par la baisse de 30 % de l’aide des donateurs. La somme de 800 millions de
dollars reçue de ces derniers a permis de combler 55 % du ficit budgétaire de
1
Un dounoum est égal à 1 000 mètres carrés.
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1,45 milliard de dollars, le reste (650 millions de dollars) étant financé par l’Autorité
palestinienne par l’accumulation d’arriérés. Les emprunts nets de l’Autorité palestinienne
auprès des banques locales ont augmenté de 163 millions de dollars, portant le montant
total de la dette (intérieure et extérieure) à 2,5 milliards de dollars à la fin de 2015. À
l’arrivée à échéance des arriérés, des prêts et des intérêts, les futurs budgets de l’Autorité
palestinienne seront donc soumis à une tension plus forte.
12. Suivant les tendances récentes, l’aide des donateurs a surtout servi à soutenir le
budget, l’appui au développement étant presque totalement oublié. Seulement 11 % de cette
aide a été consacrée à des dépenses de développement (Banque mondiale, 2016a).
L’Autorité palestinienne n’a donc pas pu réorienter à la hausse l’investissement public, qui
avoisinait récemment 2 % du PIB.
Tableau 1
Économie du Territoire palestinien occupé : principaux indicateursa
1999
2002
2006
2010
2013
2014*
2015*
Indicateurs macroéconomiques
Croissance du PIB réel (en pourcentage)
8,3
-12,5
-3,9
8,1
2,2
-0,2
3,5
PIB nominal (en millions de dollars)
4 271
3 556
4 910
8 913
12 476
12 716
12 677
Revenu national brut (RNB) (en millions de dollars)
5 025
3 775
5 333
9 512
13 636
14 198
14 059
Revenu national brut disponible (en millions de dollars)
5 398
4 826
6 624
11 503
14 825
15 388
15 250
PIB nominal par habitant (en dollars)a
1 553
1 182
1 449
2 339
2 992
2 960
2 866
RNB nominal par habitant (en dollars)
1 827
1 255
1 573
2 496
3 271
3 305
3 178
Croissance du PIB réel par habitant (en pourcentage)
4,8
-15,0
-6,8
5,0
-0,8
-3,1
0,5
Croissance du RNB réel par habitant (en pourcentage)
4,7
-16,1
-5,4
2,7
0,5
-1,9
-0,2
Population et emploi
Population (en millions d’habitants)b
2,96
3,23
3,61
4,05
4,42
4,55
4,68
Chômage (en pourcentage)
12,0
31,2
23,7
23,7
23,4
26,9
25,9
Emploi total (en milliers de personnes)
588
452
636
743
883
913
959
Dans le secteur public
103
105
147
178
203
209
211
En Israël et dans les colonies
135
42
55
78
99
107
112
Solde budgétaire (en pourcentage du PIB)
Recettes nettes, déduction faite des arriérés et des recettes
douanières retenues
23,4
8,2
25,0
21,6
18,5
22,1
22,2
Dépenses courantes
22,1
28,0
46,4
34,5
29,6
32,5
31,8
Total des dépenses
29,3
34,2
52,1
39,6
31,1
34,6
33,6
Solde global (engagements)
-5,9
-26,0
-27,1
-17,9
-12,6
-12,5
-11,4
Commerce extérieur
Transferts courants nets (en millions de dollars)
373
1 051
1 291
1 991
1 189
1 190
1 191
Exportations de biens et de services
(en millions de dollars)
752
478
736
1 367
2 072
2 172
2 323
Importations de biens et de services
(en millions de dollars)
3 364
2 234
3 683
5 264
6 804
7 209
7 501
Balance commerciale (en millions de dollars)
-2 612
-1 756
-2 947
-3 897
-4 732
-5 037
-5 179
Balance commerciale (en pourcentage du PIB)
-61,2
-49,4
-60,0
-43,7
-37,9
-39,6
-40,8
Balance commerciale avec Israël (en millions de dollars)
-1 598
-886
-1 887
-2 737
-3 167
-2 920
-2 748
1 / 22 100%