condamnés/...Je n'irai pas plus loin/ Au-delà règne la mort/Je la connais/Je ne
saurai pas lui parler"*
La Bretagne est présente dans toute l'œuvre de Gilles Fournel, par ses éléments,
ses affleurements, ses mots dans toutes les formes d'expressions qu'il a choisies
elle a droit de cité : les poèmes" La 99e Auberge" et Enez Eussa", les émissions
de radio" Bretagne est poésie", le cinéma "Au château d'Argol, les montages
audio-visuels "Brocéliande", les chansons "la révolte des Bonnets rouges", les
essais "le théâtre en Bretagne" et la revue "Sources" n'était-elle pas elle-même un
appel vers le retour aux sources? Gille Fournel poète celte?
Les deux mots clés de la poésie et des recherches de Gilles : cœur et conscience.
Conscience de soi, des autres, prise de conscience du monde réel, social et politique
qui nous entoure. En novembre 1951 Gilles Fournel créait la revue Sources avec un
préambule "Repartir des sources" avec cette revue de la jeune poésie. Mise à
l'épreuve du poète, confrontation du verbe et du vécu il dénonce les crimes et les
massacres d'une époque trouble et troublée, dénonciations et cris de révoltes
replacés dans le plan historique: Espagne, Aurès, Hiroshima, nazisme...et resitués
dans le temps du poème:
"côtés sud de la mort/ où le miel boit le sel / le massacre dure encore/ des mains
montent le long des cous/ côté sud de la mort/ la belle gorge noircit/ le sable de la
terre, ou de la mer, / prendra la place de l'air/ côté sud de la mort"*
Dans sa hâte d'entreprendre Gilles Fournel n'oubliait pas d'appeler ses amis.
Convoqués souvent dans l'urgence ceux-ci, comédiens et poètes étaient associés à
un grand nombre de réalisations: émissions de radio, livres vivants ou récitals de
poésie. Nous montions sur la moto après le travail pour rejoindre les lieux où se
passaient les réunions de travail et les répétitions qui se déroulaient dans la ferveur
des discussions. Les rencontres se passaient dans les maisons d'école de
Boisgervilly chez Gilles et Lucette; ou à Assérac chez nous où nous avions pris
l'habitude de nous réunir tous les ans à la Toussaint avec d'autres amis peintres,
dessinateurs, photographes...Gilles affairé au magnétophone, consultant un
planning indéchiffrable pour nous tenait les fils, donnait le signal du départ et nous
lâchions les mots et parfois les mots nous lâchaient; "Non non, on recommence,
attention musique..." Fous rire incontrôlables parfois mais nous recommencions,
nous recommencions jusqu'à ce que le poème passe par nous.
"il faut vivre pour demain/ pour la moisson trop tôt meurtrie/vivre et mourir ont
même sens/ dans la forêt trouée/les fauves ont la démarche/des bouchers de
Chicago"*
Nous avions 6 ans de moins que Gilles, nous nous sommes rencontrés très jeunes,
(19, 20 ans) Gilles considérait Georges comme son jeune frère (ils étaient nés tous
deux à Redon) , il était très cultivé, très doux et gentil avec Nicole qui l'écoutait
avec ferveur parler de Julien Gracq, des surréalistes, Tristan Tzara, René Guy
Cadou, Miguel Hernandes et tant d'autres. Gilles pouvait être railleur, passionné et
sûr de lui. Puis il retrouvait son calme avec cette amitié qu'il communiquait
affectueusement. Dans tous les lieux où nous habitâmes, nous nous retrouvâmes: