LES CONSÉQUENCES DE LA FIÈVRE CATARRHALE OVINE (FCO

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ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT
Année 2012
LES CONSÉQUENCES DE LA FIÈVRE
CATARRHALE OVINE (FCO) SUR LA
REPRODUCTION DES PETITS RUMINANTS
THÈSE
Pour le
DOCTORAT VÉTÉRINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL
le……………
par
Marie, Amélie, PUJOLS
Née le 2 mai 1986 à Vélizy-Villacoublay (Yvelines)
JURY
Président : Pr.
Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL
Membres
Directeur : Mme CONSTANT Fabienne
Maître de conférences à l’ENVA
Assesseur : M. MILLEMANN Yves
Maître de conférences à l’ENVA
Invité : M. BELBIS Guillaume
Assistant d’Enseignement et de Recherche Contractuel à l’ENVA
REMERCIEMENTS
Au Professeur de la Faculté de Médecine de Créteil
Qui nous a fait l’honneur d’accepter la présidence du jury de cette thèse
Hommage respectueux.
A Madame Fabienne Constant, maître de conférences à l’Ecole Nationale
Vétérinaire d’Alfort
Pour sa grande patience et sa gentillesse,
Pour son intérêt et sa disponibilité,
Toute ma gratitude.
A Monsieur Yves Milleman, maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire
d’Alfort
Pour sa disponibilité et son humour,
A Monsieur Guillaume Belbis, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel à
l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort
Pour sa réactivité et son efficacité,
Pour ses conseils précieux,
Sincères remerciements.
LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT
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contractuel,
- DISCIPLINE : ETHOLOGIE
Mme GILBERT Caroline, Maître de conférences
* responsable d’unité
TABLE DES MATIÈRES
Liste des figures ........................................................................................................................ 3
Liste des tableaux ....................................................................................................................... 4
Introduction ................................................................................................................................ 5
1
ÉTIOLOGIE, PATHOGÉNIE ET CLINIQUE ............................................................. 6
1.1 AGENT PATHOGENE ...................................................................................................... 6
1.1.1 Structure virale ........................................................................................................ 6
1.1.2 Sensibilité et réceptivité au virus ............................................................................. 7
1.1.3 Modes de transmission ............................................................................................. 7
1.1.3.1 Transmission vectorielle ................................................................................... 7
1.1.3.2 Transmission verticale ...................................................................................... 7
1.1.3.3 Transmission horizontale .................................................................................. 7
1.2 VECTEUR : LES CULICOIDES ......................................................................................... 8
1.2.1 Classification et biologie ......................................................................................... 8
1.2.2 Répartition ............................................................................................................... 8
1.3 PATHOGENIE ET CLINIQUE ............................................................................................ 9
1.3.1 Pathogénie ............................................................................................................... 9
1.3.1.1 Tropisme cellulaire, dissémination et réservoirs .............................................. 9
1.3.1.2 Conséquences cellulaires de l’infection ......................................................... 10
1.3.1.3 Réponse immunitaire ...................................................................................... 10
1.3.2 Signes cliniques ...................................................................................................... 11
1.3.3 Lésions ................................................................................................................... 15
2
HISTORIQUE ET ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE ........................................... 18
2.1 PREMIERES DESCRIPTIONS .......................................................................................... 18
2.2 HISTORIQUE DE L’EPIZOOTIE EN EUROPE .................................................................... 18
2.2.1 Dans le bassin méditerranéen, de 1993 à 2006 ..................................................... 19
2.2.2 Introduction des sérotypes 1, 6, 8 et 11 en Europe à partir de 2006..................... 19
2.2.3 Propagation de la FCO ......................................................................................... 20
2.3 MESURES REGLEMENTAIRES EN EUROPE .................................................................... 20
2.3.1 Mesures de police sanitaire en France .................................................................. 21
2.3.2 Mise en place de la vaccination ............................................................................. 22
2.4 EVOLUTION DEPUIS 2009 ET SITUATION ACTUELLE EN FRANCE ................................. 23
3
EFFETS DE L’INFECTION SUR LA REPRODUCTION ....................................... 25
3.1 CONSEQUENCES CHEZ LES FEMELLES ......................................................................... 25
3.1.1 Symptômes.............................................................................................................. 25
3.1.1.1 Avortements.................................................................................................... 25
3.1.1.2 Baisse de fertilité ............................................................................................ 26
3.1.1.3 Impact sur la cyclicité ..................................................................................... 27
3.1.2 Mécanismes ............................................................................................................ 27
1
3.1.2.1 Effets directs ................................................................................................... 27
3.1.2.1.1 Contamination (utérus, embryon) ........................................................... 27
3.1.2.1.2 Passage transplacentaire .......................................................................... 28
3.1.2.2 Effets des médiateurs de l’inflammation associés à l’infection virale ........... 31
3.2 CONSEQUENCES CHEZ LE MALE .................................................................................. 32
3.2.1 Baisse de qualité de la semence ............................................................................. 32
3.2.2 Excrétion dans le sperme ....................................................................................... 32
3.3 CONSEQUENCES POUR LA DESCENDANCE ................................................................... 33
3.3.1 Malformations ........................................................................................................ 33
3.3.2 Contamination par voie orale ................................................................................ 35
3.3.3 Rôle des agneaux dans la persistance de l’infection pendant l’hiver .................... 35
4
EFFETS DE LA VACCINATION SUR LA REPRODUCTION ............................... 37
4.1 VACCINS VIVANTS ...................................................................................................... 37
4.2 VACCINS INACTIVES ................................................................................................... 37
4.2.1 Efficacité de la protection et innocuité .................................................................. 38
4.2.2 Impact chez le mâle ................................................................................................ 39
4.2.3 Impact chez la femelle ............................................................................................ 39
4.2.4 Impacts non spécifiques ......................................................................................... 42
4.2.5 Impact de la vaccination des mères sur la protection colostrale .......................... 42
4.2.6 Stratégies vaccinales émergentes .......................................................................... 43
4.2.7 Stratégies vaccinales futures.................................................................................. 44
Conclusion……………………………………………………………………………………46
Bibliographie.…………………………………………………………………………………47
2
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Représentation schématique de la structure des virus de la fièvre catarrhale ovine
(FCO). ........................................................................................................................................ 6
Figure 2 : Ulcère gingival......................................................................................................... 11
Figure 3 : Œdème de la face. .................................................................................................... 12
Figure 4 : Vésicule rompue sur le bourrelet coronaire. ............................................................ 12
Figure 5 : Croûtes sur les lèvres. .............................................................................................. 13
Figure 6 : Symptômes et lésions de FCO dans l'espèce caprine : (A) œdème de la face, (B)
ulcère gingival, (C) œdème et congestion des lèvres, (D) œdème et congestion de la
mamelle. ................................................................................................................................... 14
Figure 7 : Cyanose, ulcérations et nécrose de la langue chez un mouton.. .............................. 15
Figure 8 : Œdème sous-cutané au niveau de la mandibule et hémorragies, nécrose et
ulcération de la cavité buccale d’un mouton. ........................................................................... 16
Figure 9 : Lésions hémorragiques à la base de l’artère pulmonaire. ........................................ 16
Figure 10 : Répartition géographique mondiale des différents sérotypes du virus de la fièvre
catarrhale ovine. ....................................................................................................................... 18
Figure 11 : Carte représentant la colonisation de l’Europe par le BTV depuis 1998.. ............ 19
Figure 12 : Zones réglementées en Europe au 27 mai 2009. ................................................... 21
Figure 13 : Zones réglementées en Europe au 1er mars 2012................................................... 24
Figure 14 : Hypoplasie cérébelleuse sur un agneau en coupe sagittale. Source : .................... 33
Figure 15 : Hydranencéphalie sur un veau ............................................................................... 34
Figure 16 : Les différents mécanismes d’"Overwintering" envisageables............................... 36
Figure 17 : Signes cliniques (en % de déclarations) suite à la vaccination FCO en France
de mars 2008 à mai 2009.......................................................................................................... 40
Figure 18 : Répartition des déclarations selon la probabilité que le vaccin soit responsable
de l’effet secondaire en fonction des espèces........................................................................... 41
Figure 19 : Profil clinique des effets indésirables observés après vaccination FCO
(nombre de citations des signes cliniques exprimés en %). ..................................................... 41
3
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Liste des espèces de Culicoides répertoriées en France métropolitaine ................. 9
Tableau 2 : Lésions fœtales chez l’agneau provoquées par une primo-infection par le BTV,
en fonction du stade de gestation ............................................................................................ 35
4
INTRODUCTION
La Fièvre Catarrhale Ovine (FCO), ou bluetongue, est une maladie virale non contagieuse
des Ruminants, transmise par piqûres de Culicoides, diptères hématophages. Elle est non
zoonotique et est classée sur l’ancienne liste A de l’Organisation Mondiale de la Santé
Animale (OIE), liste regroupant les maladies transmissibles qui ont un grand pouvoir de
diffusion et une gravité particulière, susceptibles de s'étendre au-delà des frontières
nationales, dont les conséquences socio-économiques ou sanitaires sont graves et dont
l'incidence sur le commerce international des animaux et des produits d'origine animale est
très importante.
Le virus de la FCO est un virus de la famille des Reoviridae, du genre des Orbivirus. Il
existe à l’heure actuelle 26 sérotypes distincts (Maan et al. 2011) de ce virus, chacun
induisant une faible immunité protectrice contre les autres sérotypes. Si, classiquement, seul
le mouton exprime la maladie après infection, les bovins, caprins et des ruminants sauvages
peuvent être infectés, mais ils expriment rarement la maladie.
Autrefois considérée comme maladie exotique jusqu’à la fin du 20ème siècle, la FCO a vu
plusieurs sérotypes apparaitre en Europe depuis la fin des années 90 : certains sérotypes sont
apparus au Sud de l’Europe (1,2, 4, 9 et 16), alors que le sérotype 8 est lui apparu tout d’abord
dans le nord de l’Europe. La raison de cette extension est double : la remontée du vecteur
tropical Culicoides imicola vers le nord (c’est le cas pour l’incursion du BTV-2, 4, 9 et 16) et
l’adaptation du virus à de nouveaux vecteurs non encore identifiés mais pérennes en Europe
septentrionale. Elle connait une répartition mondiale et a surtout une importance économique
par les pertes directes (mortalité, perte de production laitière ou de viande) et indirectes
qu’elle entraine en influençant notamment le commerce des ovins et des bovins (restriction
des déplacements des animaux dans les zones infectées lorsqu’aucun vaccin n’est disponible).
La lutte contre la maladie repose sur l’utilisation de vaccins à virus atténué ou inactivé.
Les conséquences de cette maladie sur la reproduction sont un problème important en
élevage. Les troubles de la reproduction connus regroupent des problèmes de fertilité,
d’avortements et de malformations congénitales. En revanche, les mécanismes par lesquels
intervient le virus sont encore mal connus. C’est pourquoi ce sujet mérite qu’on y porte une
attention particulière.
Pour cela nous allons d’abord voir ici les caractéristiques de cette maladie, en décrivant
l'agent pathogène et ses modes de transmission ainsi que l’historique et la répartition de la
maladie, et plus particulièrement en Europe. Puis nous verrons ensuite les effets délétères que
peut avoir la FCO sur la reproduction et les stratégies mises en place pour éviter sa
propagation en élevage ovin ainsi que leurs effets eux-mêmes sur la reproduction.
5
1
ÉTIOLOGIE, PATHOGÉNIE ET CLINIQUE
1.1
Agent pathogène
1.1.1 Structure virale
Le virus responsable de la Fièvre Catarrhale Ovine est un virus non enveloppé à ARN
double brin segmenté appartenant à la famille des Reoviridae, du genre Orbivirus. Les virus
de la famille des Reoviridae sont dépourvus d’enveloppe virale et possèdent une capside à
symétrie icosaédrique dont la taille varie entre 60 à 80 nm (Figure 1).
Figure 1 : Représentation schématique de la structure des virus de la fièvre catarrhale ovine
(FCO). [ZIENTARA, 2010].
VP : Protéine structurale
La capside est constituée d’une capside externe et d’une capside interne (ou core). La
masse molaire de la particule virale est d’environ 120.106 Da. Le génome est constitué de 10
segments d’ARN bicaténaire (la masse molaire du génome varie de 12 à 20.106 Da). Les virus
de la famille des Reoviridae sont stables à - 70 °C et + 4 °C ; en revanche, ils perdent leur
pouvoir infectieux à - 20 °C.
Les Orbivirus sont répartis en 14 sérogroupes, parmi lesquels se trouve le virus de la
FCO ou Bluetongue Virus (BTV). On compte 26 sérotypes de BTV [MAAN et al., 2011].
Des antigènes spécifiques de type sont associés à la capside externe et induisent la production
d’anticorps neutralisants. Le BTV possède 7 protéines structurales différentes (VP1 à VP7),
réparties sur les 2 capsides. La capside externe est composée de VP2 et VP5. La protéine
VP2, constituant majeur de la capside externe, exposée à la surface de la particule virale, est
l’antigène spécifique de type. Ces antigènes induisent la production d’anticorps neutralisants
qui ne neutralisent donc pas les autres sérotypes. Cet antigène a permis d’identifier 26
sérotypes différents du virus de la FCO.
La capside interne est composée de deux protéines structurales majeures (VP7 et VP3)
et de trois protéines structurales mineures (VP1, VP4 et VP6). VP7 est une protéine
6
structurale commune aux différents sérotypes viraux. Lors de la multiplication du virus, 4
protéines non structurales (NS1 à NS3) sont produites :



NS1 intervient dans le processus de développement de la forme du virus
(morphogénèse),
NS2 joue un rôle dans l’organisation du génome,
NS3 et NS3A sont impliquées dans la libération du virus hors de la cellule où il s’est
multiplié.
1.1.2 Sensibilité et réceptivité au virus
Le virus de la FCO peut se transmettre à tous les ruminants domestiques ou sauvages.
Les données sur ce sujet datant d’avant 2006 nous indiquent que les espèces les plus sensibles
sont les ovins et les cervidés [MACLACHLAN, 1994] qui expriment des signes cliniques
marqués. Avant l’épizootie nord européenne impliquant le BTV-8, les bovins et les caprins
étaient réputés présenter une symptomatologie plus fruste, en n’exprimant que très peu de
signes cliniques.
Beaucoup d’espèces sont uniquement réceptives et ne montrent pas de signes cliniques,
mais constituent un réservoir épidémiologique. On peut citer comme espèces sensibles, en
plus des ruminants domestiques européens, le cerf, le daim, le mouflon méditerranéen, le
bouquetin ibérique, le chameau et la gazelle [ROSSI et al., 2010].
1.1.3 Modes de transmission
1.1.3.1 Transmission vectorielle
Le mode de transmission le plus fréquent et le plus décrit se fait par l’intermédiaire d’un
vecteur vivant, des diptères hématophages du genre Culicoides, de la famille des
Cératopogonidés. La transmission de la FCO est saisonnière et a lieu, la plupart du temps,
entre la fin de l’été et la fin de l’automne, au moment où les vecteurs sont les plus abondants.
Une seule piqûre suffit pour transmettre le virus de la FCO d’un individu à un autre.
L’insecte peut transmettre le virus 10 à 14 jours après un premier repas sanguin effectué sur
un animal virémique [PERIE et al., 2005]. Le vecteur est présenté plus en détail un peu plus
loin.
1.1.3.2 Transmission verticale
Plusieurs études montrent la possibilité d’un passage transplacentaire de souches
vaccinales (BTV-10, 11, 13 et 17) [MAC LACHLAN et al.,2000] et du sérotype 8 (souche
européenne) sauvage chez les bovins [SANTMAN-BERENDS et al., 2010], [DARPEL et al.,
2009]. Il existe aussi des études sur les ovins [SAEGERMAN et al.,2009], [VAN DER
SLUIJS et al., 2011], [WORWA et al.,2009]. Ce point sera plus longuement développé ciaprès. Mais ce mode de transmission ne constitue pas une source majeure de contamination.
1.1.3.3 Transmission horizontale
La transmission du virus par contact, directement d’un animal à un autre n’est pas une
voie majeure de contamination et reste encore anecdotique. Quelques exemples peuvent être
7
cités chez les bovins, montrant une transmission horizontale entre deux animaux durant une
période d’inactivité vectorielle. Ce fut le cas de deux génisses qui se sont probablement
contaminées par ingestion de la délivrance issue d’une vache infectée. [JAUNIAUX et al.,
2009 ; MENZIES et al., 2008 ]. Mais ce mode de transmission n’est pas encore démontré
clairement.
1.2
Vecteur : Les Culicoides
1.2.1 Classification et biologie
Les Culicoides sont les plus petits diptères hématophages. Ils mesurent de 1 à 3 mm de
long. Le genre Culicoides fait partie de la sous-famille des Ceratopogoninae, comportant 60
genres répartis en 4 sous-familles. Il existe plus de 1400 espèces de Culicoides, mais moins
d’1 % d’entre elles sont incriminées dans la transmission de la FCO.
Les Culicoides ont une morphologie classique de la famille des Cératopogonidés : ils
présentent un corps élancé, avec des ailes velues recouvrant le corps au repos, et des antennes
longues et filiformes, globuleuses à la base, constituées de 12 à 16 articles agencés comme
des grains de chapelet. Les Culicoides s’identifient facilement grâce à des motifs alaires noirs
et blancs constitués de pigments compris dans la membrane de l’aile. De plus, l’aile est
parcourue d’une nervure médiane pédiculée et d’une nervure transverse.
En général, la durée de vie des adultes est courte (10-20 jours), mais ils peuvent vivre
pendant des périodes plus longues (entre 1,5 et 3 mois), et peuvent ainsi prendre de multiples
repas sanguins. Les Culicoïdes ont une dispersion active très limitée, de quelques centaines de
mètres à 3 km au plus de leurs sites de reproduction. Outre un possible transport des larves, il
existe une dispersion passive (par les vents) beaucoup plus importante : quelques dizaines à
plusieurs centaines de kilomètres [AUGOT et DEPAQUIT, 2010].
La hausse des températures entraîne une augmentation du nombre de repas sanguins, de
la fréquence de ponte et de la taille de la population. Mais au-dessus d’une certaine
température, spécifique à chaque espèce, l’effet s’inverse, tant pour les adultes que pour le
développement larvaire dont chaque phase s’allonge. Pour Culicoides imicola cela se produit
au dessus de 35°C. Des températures basses inhibent l’activité des adultes et le
développement larvaire, en dessous d’un seuil propre à l’espèce. La température optimale
moyenne de développement des Culicoides se situe entre 10 et 30 °C. Dans les régions
tempérées, les larves de nombreuses espèces peuvent passer l'hiver et rester au stade larvaire
pendant 7 mois.
Seules les femelles sont hématophages. On les différencie des mâles par l’étude
attentive des antennes et des pièces buccales [PERIE et al., 2005].
1.2.2 Répartition
Le genre Culicoides est présent globalement dans le monde entier, sur une zone allant
d’une latitude de 40° Nord jusqu’à 35° Sud, comprenant l’Afrique, le Proche et MoyenOrient, l’Asie, l’Australie, l’Amérique du Sud et l’Europe. Les culicoïdes vivent en général
dans des zones humides, en frontière d’un habitat terrestre et aquatique ou dans des zones
contenant de nombreux végétaux pourrissants et souvent aussi aux abords voire dans les
étables. En France, 79 espèces ont été signalées (Tableau 1).
8
Tableau 1 : Liste des espèces de Culicoides répertoriées en France métropolitaine [AUGOT et
DEPAQUIT, 2010].
Sous-Genre
Espèces
Avaritia
C. chiopterus, C. dewulfi, C. imicola, C. montanus, C. obsoletus,
C. scoticus
Beltranmyia
C. circumscriptus, C. salinarius, C. sphagnumensis
Culicoïdes
C. deltus, C. fagneus, C. flavipulicaris, C. grisescens,
C. impunctatus, C. lupicaris, C. newsteadi, C. pulicaris,
C. punctatus, C. subfagineus
Monoculicoïdes
C. parroti, C. puncticollis, C. nubeculosus, C. riethi, C. stigma
Pontoculicoïdes
C. tauricus
Silvaticulicoïdes
C. achrayi, C. fascipennis, C. pallidicornis, C. picturatus,
C. subfasciipennis
Synhelea
C. corsicus, C. semimaculatus
Wirthomyia
C. cameroni, C. minutissimus, C. riouxi, C. segnis, C. reconditus
Culicoïdes imicola a longtemps été considéré comme le seul vecteur compétent de la
FCO. A l'heure actuelle, d’autres espèces sont reconnues comme des vecteurs prouvés ou
putatifs de FCO : C. dewulfi, C. chiopterus et les groupes obsoletus et pulicaris. Culicoïdes
chiopterus a été mentionné comme un vecteur potentiel en France. Le rôle des espèces des
groupes obsoletus et pulicaris dans la transmission de la FCO est réellement inquiétant car ces
espèces sont communes et très répandues à travers toute l’Europe [AUGOT et DEPAQUIT,
2010].
1.3
Pathogénie et clinique
1.3.1 Pathogénie
1.3.1.1 Tropisme cellulaire, dissémination et réservoirs
Après inoculation, le BTV se réplique dans les nœuds lymphatiques drainant la zone de
piqûre de culicoïdes, puis il dissémine dans l’organisme par voie lymphatique et/ou sanguine,
principalement vers les poumons et la rate où il se réplique dans les cellules endothéliales et
les phagocytes mononucléaires. Les lymphocytes T, bien qu’activés, ne sont pas efficaces
contre cette réplication. Malgré tout, le rôle précis des monocytes et lymphocytes T dans la
pathogénie de l’infection par le BTV n’est pas encore bien déterminé.
On retrouve aussi le BTV dans les érythrocytes, plus précisément dans des
invaginations de leur membrane cellulaire, et ce dès 24 h post-inoculation. Le virus ne s’y
réplique pas mais persiste dans les érythrocytes.
9
L’infection par le BTV se caractérise par une infection cellulaire persistante durant toute
la virémie, en dépit de la présence d’une grande quantité d’anticorps (Ac) neutralisants
(absence d’élimination du virus par les anticorps neutralisants). L’ARN viral est détectable
dans le sang 160 jours après infection [SCHWARTZ-CORNIL et al., 2008]. Dans une autre
étude, l’ARN du BTV a même pu être détecté jusqu’à 222 jours post-infection chez les bovins
[BONNEAU et al., 2002]. Néanmoins, la durée de la virémie infectieuse (mise en évidence
par isolement viral) est plus courte : 35 à 60 jours chez les ovins et bovins [SCHWARTZCORNIL et al., 2008], et jusqu’à 31 jours chez les caprins [THIRY et al., 2008]. La durée de
détection des particules virales par RT-PCR est comparable à la durée de vie des
érythrocytes : la forte liaison du virus avec les globules rouges et la durée de vie longue de ces
cellules chez les bovins peuvent expliquer les résultats obtenus par BONNEAU et al. (2002).
1.3.1.2 Conséquences cellulaires de l’infection
L’infection par le BTV induit une réponse inflammatoire importante. Les cellules
endothéliales infectées produisent plusieurs cytokines telles que l'interleukine 1 (IL-1), qui a
un effet pro-thrombique, l'IL-6 et l'IL-8. L'infection induit également la production de la
cyclooxygénase-2 et du monoxyde d’azote. Le monoxyde d’azote est naturellement libéré par
l’endothélium, permettant une vasodilatation et une augmentation du flux sanguin. La
cyclooxygénase-2 permet la production de prostaglandines, notamment le thromboxane et la
prostacycline. Ces prostaglandines sont des facteurs de l’inflammation présents chez les ovins
comme chez les bovins infectés par le BTV et lors de nombreux syndromes hémorragiques
viraux [SCHWARTZ-CORNIL et al., 2008]. Mais les taux de thromboxane et de
prostacycline sont significativement plus élevés chez les ovins par rapport aux bovins. Cette
différence expliquerait la plus grande sensibilité des ovins par rapport aux bovins et ainsi
l'inégalité de l'intensité des signes cliniques, avec notamment la prédominance des signes
thrombo-hémorragiques et d’œdème chez les ovins [DEMAULA et al., 2002].
L’infection par le BTV induit la mort cellulaire par apoptose induite par les protéines de
la capside externe du virus.
1.3.1.3 Réponse immunitaire
La réponse immunitaire lors d’une infection par le virus de la FCO comprend une
réponse humorale et une réponse cellulaire.
 Réponse humorale
Les mécanismes in vivo de la réponse humorale ne sont pas encore connus bien
précisément. On sait que les protéines VP2 et VP5 (situées sur la capside externe du virus)
induisent la production d'Ac neutralisants. En effet, des moutons inoculés par des protéines
VP2 (isolées d’un virus ou produites expérimentalement in vitro), produisent des Ac
neutralisants et sont résistants à l’infection par le virus de la FCO du même sérotype.
L’association avec la protéine VP5 augmente les performances de production d’Ac et donc
l'efficacité de la neutralisation du virus. En revanche, les Ac neutralisants ne protègent que
contre des virus homologues (de même sérotype). De plus, ils n’agissent pas seuls et sont
parfois inefficaces sans une association avec la réponse immunitaire à médiation cellulaire
[SCHWARTZ-CORNIL et al., 2008].
10
 Réponse cellulaire
Chez les ovins, il a été montré que les lymphocytes T cytotoxiques (LTC) inhibaient la
réplication du BTV dans des fibroblastes de peau infectés. Les protéines les plus
immunogènes vis-à-vis des LTC sont VP2 et NS1 (protéine non structurale). D’autres
protéines (VP2, VP3, VP5 et VP7) peuvent stimuler la multiplication des LTC, mais de façon
moins systématique. Et enfin, certaines n’induisent aucune réponse cellulaire (NS2, NS3, VP4
et VP6) [SCHWARTZ-CORNIL et al., 2008].
1.3.2 Signes cliniques
 Chez les ovins
La période d’incubation après une infection naturelle est d’environ 7 jours. La réponse
clinique chez les ovins peut varier d’une forme inapparente à une forme suraiguë. La phase
initiale de la forme suraiguë est une forte hyperthermie pouvant atteindre 42 °C, pendant 2 à 7
jours, ainsi qu’une atteinte marquée de l’état général.
La phase d’état se caractérise par une triade céphalique (stomatite, rhinite,
conjonctivite) qui débute 48 h après le pic d’hyperthermie. La stomatite se traduit par une
inflammation généralisée, une hyperhémie, des pétéchies, des excoriations et des ulcérations
fibrino-nécrotiques (Figure 2) associée à une sialorrhée (salive spumeuse pouvant être dans
certains cas sanguinolente).
Figure 2 : Ulcère gingival. Source : WILLIAMSON et al., 2008.
La rhinite et la conjonctivite s’accompagnent respectivement d’un jetage (séreux, puis
muco-purulent voire sanguinolent) et d’un larmoiement. Un œdème sous-glossien et de la
face (Figure 3) est fréquemment observé, ainsi qu’un œdème de la langue associé à une
cyanose de celle-ci, qui lui confère une couleur bleutée.
11
Figure 3 : Œdème de la face. Source : BACKX et al., 2007.
À partir du 6ème jour après l’apparition des premiers signes cliniques, une atteinte podale
est observée. Une rougeur des bourrelets coronaires apparaît, plus fréquemment sur les
postérieurs (Figure 4). Les onglons sont chauds et douloureux. On peut observer des boiteries
prononcées (pied chaud, douleur à la manipulation) voire un refus de se déplacer : des
arthrites et des lésions congestives puis ulcératives du bourrelet coronaire, jusqu’à la chute
des onglons, sont parfois visibles.
Figure 4 : Vésicule rompue sur le bourrelet coronaire. Source : WILLIAMSON et al., 2008.
À partir de 12 jours, l’action du virus sur le tissu musculaire entraîne une myosite qui se
caractérise par une boiterie ou un torticolis.
À ce stade, les signes locaux s’accompagnent généralement d’anorexie et d’abattement.
Les nombreuses croûtes des naseaux (Figure 5) peuvent aussi entrainer une dyspnée sévère
aggravant alors l’état général de l’animal. Dans certains cas, une diarrhée hémorragique est
aussi observée.
12
Figure 5 : Croûtes sur les lèvres. Source : WILLIAMSON et al., 2008.
L’hyperhémie se généralise à la peau du museau, à la base des cornes, des oreilles, voire
à l’ensemble du corps. La croissance de la laine en est affectée et des dépilations sont
observées, conséquences de microhémorragies cutanées et sous-cutanées.
Dans les stades les plus avancés, les animaux sont très faibles, prostrés, perdent du
poids très rapidement et deviennent cachectiques. Certains moutons souffrent aussi de
paralysie œsophagienne provoquant des pneumonies par fausse déglutition [ERASMUS,
1975].
Des avortements sont observés lors d'atteinte de femelles en gestation. Les agneaux,
morts nés ou survivants à quelques jours, présentent des malformations congénitales
neurologiques et ostéoarticulaires : hydranencéphalie, encéphalopathie cavitaire, destruction
du cervelet ou du tronc cérebral, arthrogryposes, brachygnatisme, des déformations des os du
crâne, de la mâchoire et des vertèbres visibles à l'examen radiographique [HOUSAWI et al,.
2004].
La forme subaiguë se caractérise par des symptômes moins nombreux voire réduits à
une hyperthermie modérée ou des avortements. Cette forme se retrouve principalement dans
les zones endémiques.
 Chez les caprins
Les signes cliniques chez les caprins sont frustes et passent souvent inaperçus. Les
symptômes sont fugaces avec une durée d’évolution de 3 à 5 jours et une absence de
complications. À l’échelle du troupeau, la morbidité est faible.
Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés en Europe avec le BTV-8 sont
divers. L’hyperthermie entraîne la plupart du temps un abattement, de l’anorexie, des oreilles
basses ainsi que des larmoiements et une hyperhémie de la mamelle. La face est atteinte : on
observe un œdème des lèvres, joues et gorge, ainsi qu’une hypersalivation et du jetage.
[CHARTIER et al., 2009].
Une chute de lait plus ou moins marquée est aussi fréquemment observée, pouvant
atteindre jusqu'à 40% de perte de production laitière individuelle et de 10 à 15% à l’échelle du
troupeau.
Il existe d’autres signes cliniques imputables à la FCO rencontrés beaucoup moins
fréquemment (Figure 6). On note des troubles de la locomotion tels que boiteries, myosites,
douleurs, une cyanose de la langue, ainsi que des avortements et de la mortinatalité.
Enfin, de la diarrhée, une perte de poids et de la mortalité sont observées de façon plus
sporadique et souvent en association avec d’autres affections (respiratoires ou digestives)
[CHARTIER et al., 2009].
13
Figure 6 : Symptômes et lésions de FCO dans l'espèce caprine : (A) œdème de la face, (B)
ulcère gingival, (C) œdème et congestion des lèvres, (D) œdème et congestion de la mamelle.
Source : CHARTIER et al., 2009.
A.
B.
C.
D.
 Chez les bovins
Avant l’épizootie à sérotype 8 arrivée par le nord de l’Europe, on considérait que
l’infection des bovins passait le plus souvent inaperçue. Aujourd’hui, on sait que cela dépend,
entre autres, de la sensibilité des animaux touchés et de la virulence de la souche responsable.
Lors de forme subclinique, on peut observer une hyperthermie fugace (40 °C pendant
48 heures), des avortements et des malformations congénitales des veaux infectés in utero
(hydrocéphalie, micro-encéphalie, déformations des membres et des mâchoires)
[HOURRIGAN et KLINGSPORN, 1975]. Bien que cette forme clinique soit la plus
fréquente, les avortements ne sont pas systématiques. Bien que quelques cas d'avortements
lors d'infection naturelle aient été rapportés [MCLACHLAN et al., 1985], ce sont surtout des
cas lors d'infections expérimentales qui sont les plus étudiés.
Lors de forme aiguë, on observe à la fois des symptômes généraux (abattement,
amaigrissement et hyperthermie le plus souvent) et des signes plus locaux (jetage,
hyperhémie, érosion du mufle et douleur myo-squelettique, pour les plus fréquents). Plus
précisément, on observe une polypnée avec une respiration superficielle, puis les lésions de la
cavité buccale évoluent vers une sialorrhée, une stomatite ulcéro-nécrotique, un épiphora
muco-purulent, plus ou moins sanguinolent [BAUDOUX et al., 2003 ; CALAVAS et al.,
2010 ; LEGAL et al., 2008 ].
14
Un œdème du bourrelet coronaire peut apparaître progressivement et entrainer une
boiterie légère à sévère, pouvant aller jusqu’à la chute de l’onglon [BOWNE et al., 1968 ;
CALAVADAS et al., 2010 ; VAN AERT et al., 2008 ].
1.3.3 Lésions
Les lésions observées lors de l’autopsie des ovins peuvent être reliées aux signes
cliniques décrits plus haut. Plusieurs appareils sont atteints et peuvent présenter des lésions
assez similaires.
 Lésions de l’appareil digestif
On peut observer au niveau des muqueuses buccales des lésions congestives,
œdémateuses, hémorragiques et ulcératives, avec plus précisément un œdème et parfois une
cyanose de la langue (Figure 7), une hyperhémie, des hémorragies pétéchiales et des
ulcérations fibrino-nécrotiques (Figure 8). Ces lésions au niveau de la langue sont le plus
souvent bilatérales et symétriques. On retrouve aussi fréquemment des lésions hémorragiques
et ulcératives sur les muqueuses de l’œsophage et des pré-estomacs, plus rarement sur les
muqueuses intestinales.
Figure 7 : Cyanose, ulcérations et nécrose de la langue chez un mouton. Source :
MACLACHLAN et al., 2009.
15
Figure 8 : Œdème sous-cutané au niveau de la mandibule et hémorragies, nécrose et
ulcération de la cavité buccale d’un mouton. Source : MACLACHLAN et al., 2009.
 Lésions de l’appareil respiratoire
Le même type de lésions (ulcères, nécroses, œdèmes, hémorragies) sont retrouvé sur les
muqueuses pituitaire et trachéale. On observe fréquemment des lésions de
bronchopneumonie, qui est une complication secondaire de la FCO.
 Lésions de l’appareil cardiovasculaire
Des lésions hémorragiques en anneau à la base de l’artère pulmonaire (Figure 9) sont
considérées comme pathognomoniques de la FCO. Ces lésions sont également observées chez
les caprins.
Figure 9 : Lésions hémorragiques à la base de l’artère pulmonaire. Source : CHARTIER et
al., 2009.
16
 Lésions de l’appareil urinaire
Des lésions hémorragiques et ulcératives de la paroi vésicale ont parfois été observées
[BERNARD et al., 2008].
On observe aussi des pétéchies sur la plupart des organes et des séreuses, ainsi qu’une
hypertrophie des nœuds lymphatiques et de la rate.
17
2
HISTORIQUE ET ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE
2.1
Premières descriptions
La FCO a été décrite pour la première fois en Afrique du Sud, dès 1876. On parlait alors
de « catarrhe épizootique » ou de « fièvre catarrhale paludéenne » [SPREULL, 1905 ;
HENNING, 1956]. Le terme « Bluetongue » est un anglicisme dérivé d’un mot afrikaans
« bloutong » qui décrivait l’état fortement cyanosé de la langue de certains ovins atteints.
On pense qu’avant 1940, la FCO était confinée en Afrique. Les premières descriptions
précises d’épizootie de FCO hors du continent Africain datent de 1943, à Chypre, sur des
ovins [GAMBLES, 1949], malgré la présence de la maladie dans ce pays au moins dès 1924
[POLYDOROU, 1985 ; RODRIGUEZ-SANCHEZ et al., 2008]. La FCO fut reconnue ensuite
aux Etats-Unis, dans la Péninsule Ibérique et le moyen Orient, en Asie et dans le sud de
l’Europe [VERWOERD and ERASMUS, 2004]. Sa répartition à l’heure actuelle est mondiale
(Figure 10).
Figure 10 : Répartition géographique mondiale des différents sérotypes du virus de la fièvre
catarrhale ovine.
2.2
Historique de l’épizootie en Europe
Après une absence de 19 ans, le virus de la FCO a ré-émergé en Europe et dans le
bassin méditerranéen au début des années 1990, avec différents sérotypes.
18
2.2.1 Dans le bassin méditerranéen, de 1993 à 2006
Historiquement, de nombreux sérotypes ont circulé dans le bassin méditerranéen,
notamment en Israël (BTV2, 4, 6, 9, 10, 13, 16). Depuis 1998, cinq sérotypes (BTV1, 2, 4, 9,
16) ont été isolés dans le pourtour méditerranéen avec une évolution spatiale relativement
différente (Figure 11). La maladie est réapparue dans les îles grecques du sud-est de la Mer
Egée au dernier trimestre de 1998. Des cas furent enregistrés en 1999 en Grèce, en Bulgarie,
en Tunisie et en Turquie. En 2000, l’infection s’étendit en Algérie, puis en Italie (Sardaigne,
Sicile, Calabre), en Espagne (îles Baléares), et finalement en Corse.
En septembre 2001, le sérotype 9 fut identifié dans la région de Calabre en Italie et
infecta ensuite de nouvelles provinces. Mais la maladie s’étendit surtout en Europe du sud-est
: nord-ouest de la Grèce, ouest de la Bulgarie, Turquie, Kosovo, Macédoine, Monténégro et
Serbie [GIBBS et GREINER, 1994 ; BAYLIS, 2002 ; PERIE et al., 2005].
En 2003 et 2004, de nouvelles épizooties impliquant les sérotypes 4 et 16 ont sévi en
Italie, Espagne, Corse, Maroc et Portugal. En 2005, des foyers de sérotype 4 se sont déclarés
en Italie et en Espagne [ZIENTARA et al., 2006].
Figure 11 : Carte représentant la colonisation de l’Europe par le BTV depuis 1998. Source :
[MERTENS, 2007].
2.2.2 Introduction des sérotypes 1, 6, 8 et 11 en Europe à partir de 2006
L’origine de l’épizootie à BTV-8 demeure toujours énigmatique. Pour ce qui concerne
les sérotypes 6 et 11, l’hypothèse de vaccination « sauvage » avec des vaccins atténués,
probablement originaires d’Afrique du Sud, semble la plus plausible (compte tenu notamment
des comparaisons des séquences moléculaires entre les souches isolées en Europe et les
souches vaccinales).
Le premier cas de FCO à sérotype 8 sur des moutons a été confirmé (diagnostic de
laboratoire) aux Pays-Bas, dans les environs de Maastricht, le 15 août 2006. En 2006,
19
l’épizootie a concerné 5 pays : les Pays-Bas, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et la
France (6 foyers à la frontière belge furent rapportés en France). La morbidité dans les
premiers pays atteints est restée relativement modeste (sauf chez les ovins), atténuant le
caractère dramatique de l’introduction par le nord d’un sérotype exotique. Jusqu’alors, 80%
des troupeaux atteints avaient une morbidité située entre 0 et 25% [ZIENTARA, 2010].
2.2.3 Propagation de la FCO
L’épizootie s’est ensuite étendue. En France, fin 2007, on comptait 14000 foyers
répartis sur 58 départements. La maladie a progressé rapidement du nord-est de la France
jusque dans tout le reste du territoire. La vitesse de déplacement du front de migration de la
zone réglementée a atteint jusqu’à 50 km par semaine. Dans les premiers départements
infectés, jusqu’à 70% des exploitations étaient atteintes.
En Europe, dans les pays déjà infectés, le nombre de cas a considérablement augmenté
et de nouveaux pays ont été contaminés : c’est le cas de la Suisse, l’Italie et le Royaume-Uni
[ZIENTARA, 2010].
2.3
Mesures réglementaires en Europe
Dès 2007, des mesures réglementaires ont été prises au niveau européen pour limiter la
propagation du virus. En l’absence de vaccins, elles reposaient uniquement sur la restriction
de mouvements des animaux autour des foyers de FCO.
Le règlement (CE) N°123/2009 précise les mesures pratiques qui doivent être mises en
place dans chacun des Etats. Ceux-ci doivent mettre en place :
- des zones de protection et de surveillance, des programmes de vaccination et la
limitation des mouvements d’animaux sur les territoires infectés ;
- des programmes de suivi de la circulation virale sur le territoire permettant de prouver
l’absence de circulation du sérotype général.
Le suivi comprend une surveillance clinique passive et une surveillance active par le
biais d’analyses sérologiques et virologiques sentinelles ; dans les zones où la vaccination a
eu lieu et où la circulation virale est nulle, les Etats sont libres de déterminer des « zones de
risque inférieur » vis à vis de la FCO, à condition d’en informer les autres Etats-membres. Ces
zones doivent être protégées, notamment par rapport aux risques d’introduction d’agent
pathogènes provenant par exemple de transports d’animaux. Les différentes zones
réglementées sont illustrées dans la Figure 12.
20
Figure 12 : Zones réglementées en Europe au 27 mai 2009. Source : ZIENTARA, 2009
2.3.1 Mesures de police sanitaire en France
La FCO est sur la liste de l’Office International des Epizooties (OIE). En France, elle
était considérée comme une MARC (Maladies Animales Réputées Contagieuses) et est donc
soumise à déclaration auprès de la préfecture.
 En cas de suspicion de FCO dans un élevage :
L’exploitation est mise sous arrêté préfectoral de mise sous surveillance par le Préfet
(APMS). Cela entraîne de multiples mesures :
- recensement de tous les animaux de l’élevage (ruminants ou autres),
- interdiction des mouvements des animaux sensibles,
- confinement des animaux sensibles aux heures d’activité du vecteur,
- désinsectisation des animaux et des bâtiments,
- visite régulière du vétérinaire (examen clinique des animaux suspects, autopsies et
prélèvements),
- incinération ou enfouissement des cadavres,
- enquête épidémiologique en amont et en aval.
 En cas de confirmation :
Dès que la suspicion de la maladie est confirmée, un arrêté préfectoral de déclaration
d’infection (APDI) est pris. Il est alors prévu par la réglementation la mise en œuvre d’un
périmètre interdit d’un rayon de 20 km centré sur l’exploitation. En outre, une zone de
protection de 100 km de rayon centrée sur l’exploitation et comprenant le périmètre interdit
21
doit être délimitée par arrêté ministériel. Une zone de surveillance d’un rayon de 50 km doit
enfin être délimitée au-delà de la zone de protection.
Les animaux des exploitations infectées présentant des signes cliniques de la maladie
peuvent être euthanasiés ou abattus, l’éleveur pouvant être indemnisé par l’État de la perte de
ses animaux.
Il est prévu à l’intérieur des zones réglementées la mise en œuvre des mesures suivantes :
- recensement des animaux présents,
- interdiction de mouvement de ces animaux (des dérogations sont toutefois possibles),
- réalisation de visites périodiques comprenant des examens et prélèvements nécessaires
au diagnostic,
- traitement des véhicules quittant ou traversant la zone,
- et réalisation d’enquêtes de suivi de la présence et de la distribution des vecteurs de la
maladie.
Une vaccination d’urgence peut également être décidée à l’intérieur de la zone de
protection.
Au début du second semestre 2006, ces mesures ont été appliquées à la lettre. En
revanche, par la suite, en raison de l’avancée de la maladie et du nombre important de foyers
déclarés, toutes les mesures réglementaires n’ont pas pu être appliquées. En effet, les enquêtes
épidémiologiques et les visites périodiques n’ont pas été réalisées systématiquement. De plus,
les mesures d’APDI ont été appliquées par « zones » correspondants aux périmètres interdits,
et non pas par élevages.
Les mesures offensives de restriction et d’élimination des individus atteints n’ont pas
été suffisantes pour lutter contre la FCO, c’est pourquoi dès que les vaccins furent mis au
point par les laboratoires (vaccins disponibles en France dès 2008 avec une Autorisation
Temporaire d’utilisation -ATU- puis avec une AMM sous circonstances exceptionnelles), la
vaccination fut mise en place.
2.3.2 Mise en place de la vaccination
En avril 2008, la DGAL décida que la vaccination FCO contre le sérotype 8 était
facultative, sauf pour les bovins destinés aux échanges internationaux pour lesquels la
vaccination était obligatoire. En premier lieu, il a été décidé de vacciner les animaux localisés
dans les 16 départements touchés le plus précocement par la FCO (au nord-est), puis, dans le
but de créer une zone tampon pour éviter la progression de l’infection, les animaux localisés
dans le Tarn-et-Garonne, le Lot l’Aveyron, la Gironde, et le Lot-et-Garonne).
S’agissant de la vaccination contre le sérotype 1, il avait été initialement prévu de
vacciner 1 million de petits ruminants et 700.000 bovins situés dans 6 départements : Corse
du Sud, Haute Corse, Gers, Landes, Pyrénées Atlantiques et Hautes Pyrénées. Suite au foyer
de sérotype 1 confirmé en Gironde, la décision a été prise d’étendre l’obligation de
vaccination à cinq nouveaux départements : Charente, Charente-Maritime, Dordogne,
Gironde et Lot-et-Garonne. Cette vaccination n’a pu débuter qu’en Juillet 2008 en raison du
retard de livraison des doses de vaccins par les laboratoires.
Cette stratégie vaccinale décidée par l’Etat était en contradiction avec les
recommandations de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA)
actuellement nommée l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de
l’environnement et du travail (ANSES) qui préconisait une vaccination obligatoire immédiate,
tout le long du front de la maladie à la fin de l’année 2007, puis de la poursuivre au cours du
22
trimestre à venir, de façon centripète vers le cœur de la zone atteinte par le sérotype 8 en
2007.
La campagne vaccinale 2008/2009 fut plus rigoureuse : l’arrêté du 4 novembre 2008
précisa les conditions de vaccination pour la campagne 2008-2009. La vaccination fut rendue
obligatoire contre les sérotypes 1 et 8, pour une période de 12 mois et réalisée par le
vétérinaire sanitaire. Des animaux étaient dérogataires à la vaccination pour cette campagne :
il s’agissait des bovins destinés à être abattus avant l’âge de 10 mois et des animaux
directement destinés à l’abattage après une période d’engraissement conduite en milieu clos et
protégé des vecteurs.
La vaccination étant devenue obligatoire au cours de la campagne vaccinale de l’hiver
2008-2009, les mesures de police sanitaire ont été adaptées. Les restrictions aux mouvements
des animaux ont été adaptées suite à la mise en œuvre de la vaccination : de nombreux États
membres de l’Union européenne n’acceptaient de recevoir que des animaux vaccinés. Les
mesures de désinsectisation ont été allégées – quoique restant obligatoires en fonction des
mouvements, et strictement encadrées par la réglementation communautaire. Les mesures de
confinement et traitement des animaux infectés dans les foyers sont restées obligatoires, mais
la vaccination a permis d’alléger l’interdiction de sortie de ces foyers.
Lors de la campagne de vaccination 2010-2011, la vaccination n’était plus obligatoire
sur le territoire français. Elle était volontaire et laissée sous la responsabilité de chaque
éleveur. La vaccination pouvait être réalisée par l’éleveur lui-même (ou par son vétérinaire si
l’éleveur le souhaitait) si les animaux restaient sur le territoire national. Les animaux destinés
aux échanges intercommunautaires devaient continuer à être vaccinés par le vétérinaire
sanitaire.
Cette décision était à l’encontre d’un avis de l’AFSSA du 22 juin 2010 [ANMV/AFSSA
(2010)] qui précisait que le BTV-1 et BTV-8 étaient probablement encore présents sur le
territoire continental français et que la probabilité de circulation virale en 2010 était élevée à
très élevée.
2.4
Evolution depuis 2009 et situation actuelle en France
Depuis 2009, une surveillance à la fois active et passive a été mise en place. Comptetenu de la vaccination massive réalisée ces dernières années et de l’impossibilité actuelle de
distinguer les anticorps infectieux des anticorps vaccinaux, les techniques sérologiques
(ELISA) ne sont plus utilisées en vue du dépistage de la maladie. Ainsi, la surveillance repose
désormais uniquement sur un dépistage virologique.
La surveillance passive (événementielle) repose sur la déclaration par l’éleveur ou le
vétérinaire de signes cliniques évocateurs de fièvre catarrhale ovine et vise à détecter
précocement tout nouveau foyer de FCO (quel que soit le sérotype).
La surveillance active est réalisée sur un échantillon aléatoire et repose sur un
programme mensuel de prélèvements décliné à l’échelle de chaque département. Le règlement
CE/1266/2007 prévoit que le dispositif de surveillance s’appuie sur un échantillon permettant
de détecter une prévalence de 2 % avec une probabilité de 95 %. La réglementation laisse
toutefois une certaine souplesse dans le choix du dispositif mis en œuvre.
L’évolution du nombre de foyers est à noter : plus de 32 000 en 2008, la vaccination
tardive n’ayant pas permis de protéger efficacement le cheptel national. En 2009, seuls 83
foyers ont été confirmés.
Au 1er mars 2012, la situation reste favorable en France métropolitaine, puisqu’aucun foyer
n’a été pour le moment repéré (Figure 13).
23
Figure 13 : Zones réglementées en Europe au 1er mars 2012. Source : agriculture.gouv.fr
Les mesures réglementaires mises en place en France depuis le début de la réémergence
de la FCO en Europe ont donc été efficaces. La surveillance doit malgré tout être maintenue
afin d’éviter une résurgence de cette maladie.
24
3
EFFETS DE L’INFECTION SUR LA REPRODUCTION
Des troubles de la reproduction chez la femelle et chez le mâle ont été observés avec
différents sérotypes de la FCO [OSBURN, 1994]. Nous allons décrire ici ces troubles et leurs
conséquences à plus ou moins long terme.
3.1
Conséquences chez les femelles
3.1.1 Symptômes
3.1.1.1 Avortements
Il est admis que le virus de la FCO peut être responsable d'avortements chez les petits
ruminants, au moins pour certains sérotypes. Plusieurs auteurs rapportent des cas
d'avortements, dans des conditions naturelles, dans des troupeaux ovins et caprins, associés à
la présence de différents sérotypes du virus [MACLACHLAN et al., 2000 ; OSBURN,
1994(b)], mais les études à ce sujet sont peu nombreuses.
En effet, l’infection de brebis gestante par le virus de la FCO peut entrainer une
inflammation du placenta et même une infection du fœtus lui-même. En fonction du stade de
gestation et de la réponse immunitaire développée, l’infection de la mère peut entraîner une
mort du fœtus et donc un avortement [ERASMUS, 1975].
Une étude sur 355 brebis de races Texel, Ile-de-France et croisées, a analysé la
fréquence des avortements suite à une infection naturelle ayant eu lieu pendant l’année 2007
en Belgique [SAEGERMAN et al., 2009]. Ces brebis ont ensuite été mises à la reproduction
soit après synchronisation des chaleurs suivie d’insémination artificielle, soit par monte
naturelle, à différentes périodes de l’année. Il en ressort un plus fort taux d’avortements pour
le lot devant mettre bas en novembre 2007 (15,7 %) par rapport aux autres périodes (0 % en
janvier 2008 ; 5,7 % en mars 2008 et 3,7 % en mai 2008), c'est-à-dire pour les brebis infectées
en début de gestation et durant la période d’activité maximale du vecteur (en été). Le total des
avortements détectés s’est élevé à 6,8 %. Sur les 21 avortons prélevés, seuls 3 étaient positifs
en PCR pour le sérotype 8 et un était douteux. Mais les prélèvements étaient la plupart du
temps autolysés, donc les résultats étaient faussés. En revanche, toutes les mères étaient
séropositives (ELISA réalisé sur le sang au moment de l’avortement).
Une autre étude a rapporté une vague massive d’avortements, de mortinatalité et de
déformations néo-natales dans un troupeau de moutons dans l’oasis d’Al-Ahsa à l’est de
l’Arabie Saoudite, dans la deuxième moitié de l’année 1999 [HOUSAWI et al., 2004]. Ces
avortements ont été enregistrés entre les mois d'août et de septembre et la mortinatalité et les
déformations néo-natales ont été observées en octobre. Les ovins adultes ne présentaient pas
de signes cliniques au moment de l’infection. Au cours de différentes analyses, un virus a été
isolé sur embryons de poulet et à été identifié comme le virus de la FCO. Le sérum des
animaux contenait des Ac anti-BTV, mais était négatif vis-à-vis d'autres virus abortifs tels que
celui de la BVD (Diarrhée Virale Bovine) et le virus Akabane. Le sérotype du virus isolé n’a
pas été déterminé avec précision, mais les sérotypes 11, 13 et 16 ont été suspectés en raison
de la présence d’Ac dirigés contre eux dans le sang des brebis et de l’épidémiologie de
l’infection.
Concernant les chèvres, l’étude de INVERSO et al., en 1980, rapporte des cas
d'avortements, mais sans en préciser la fréquence exacte, et pour lesquels les sérotypes 10 et
11 furent isolés.
Il a été possible d'observer des avortements expérimentalement suite à l'inoculation du
BTV-8 à des brebis gestantes [OSBURN et al., 1971 ; RICHARDSON et al., 1985].
25
Cependant, il n'est pas toujours possible de reproduire expérimentalement des avortements
chez la brebis avec d'autres sérotypes. Ainsi, l'inoculation à 10 brebis gestantes (entre 35 et 42
jours après la lutte avec des béliers non infectés) et séronégatives du BTV-20, n'a été suivie
d'aucun avortement ni d’anomalies sur les agneaux, malgré une virémie 3 à 11 jours après
l’inoculation [FLANAGAN et al., 1982]. Cette souche de BTV n’entraîne peut-être pas de
troubles sur la reproduction ou bien la période d’inoculation ne correspondait pas à une phase
sensible du conceptus.
Les différents sérotypes de la FCO, notamment le sérotype 8, peuvent donc entraîner
des avortements chez les ovins et les caprins. L’infection par le virus de la FCO durant la
première partie de gestation semble entraîner des avortements en plus grand nombre.
D’autres effets chez la femelle sont à noter, notamment la baisse de la fertilité et
l’impact sur la cyclicité.
3.1.1.2 Baisse de fertilité
D’après une étude menée sur 170 brebis de race Texel, il y aurait une baisse de fertilité
(pourcentage de brebis gestantes) associée à l’infection par le BTV-8 de 8,4%. Mais les
résultats n'étaient pas significatifs, sûrement en raison d’un effectif trop limité de brebis. De
plus, il a été noté qu’un mauvais état général et un âge avancé augmentaient les probabilités
d’avoir des troubles de la reproduction [PONSART et al., 2008].
Dans la même étude de SAEGERMAN et al. en 2009 vue au paragraphe précédent,
l’infection naturelle par le BTV-8 a eu un impact néfaste sur les paramètres de reproduction
des brebis. La fertilité était ici évaluée en prenant en compte le nombre de brebis gestantes à
45 jours après la mise à la reproduction, par rapport au nombre total de brebis incluses dans
l’étude. Pour le lot devant mettre bas en janvier 2008, le taux de gestation était extrêmement
bas. En effet, il était de 30,5%, alors que la norme se situe entre 70 et 80%. Les taux de
gestation correspondant aux périodes de mises bas de novembre 2007 et mars 2008, étaient
quant à eux dans les normes. Pour les auteurs, cette baisse de fertilité était très fortement liée
à une infection par le sérotype 8 du virus de la FCO en tout début de gestation, qui
entrainerait une mortalité embryonnaire (les autres causes classiques d’avortements ayant été
éliminées pour ces brebis). Ces résultats étaient corroborés par le fait que l’activité vectorielle
en début de gestation de ce lot (en août) était encore très forte. De plus, pour les lots dont les
mises bas étaient prévues en novembre 2007 et mars 2008, le début de gestation correspondait
à une période de faible activité vectorielle.
Malheureusement, très peu d’études ont été publiées et réalisées sur les conséquences de
l’infection par la FCO sur la fertilité des ovins et aucune sur celle des caprins. Seules ces deux
études précédemment citées et plusieurs études sur les bovins peuvent permettre de prouver
l’implication de l’infection par le virus de la FCO sur la baisse de la fertilité.
On peut citer en exemple dans l’espèce bovine, une étude de SANTMAN-BERENDS et
al., en 2010 qui a montré que l’infection par le sérotype 8 du virus de la FCO entraînait une
baisse de la fertilité. Dans cette étude, il est montré que les vaches infectées étaient revues en
chaleur après une insémination (IA) cinq fois plus que les vaches non infectées, et qu’elles
avaient besoin de 1,7 fois plus d’IA pour obtenir une gestation. Le délai entre le vêlage et
l'insémination fécondante (IAF) était multiplié par 2,5.
D’autres études réalisée sur les bovins ont montré une baisse de la fertilité expliquée par
une mortalité embryonnaire [DE LA CONCHA- BERMEJILLO et al., 1993 ; PARSONSON
et al., 1994 ; THOMAS et al., 1986].
26
3.1.1.3 Impact sur la cyclicité
Une étude menée sur deux lots de 10 brebis de races Texel appariées sur l’âge, visait à
montrer l’impact de la FCO sur la cyclicité. Le premier lot était constitué de 10 brebis n’ayant
pas de signes cliniques de la FCO et le deuxième lot de 10 brebis ayant des signes cliniques
au moins 30 jours avant le début de l’étude. Deux prises de sang ont été réalisées dans le
premier mois suivant le début de la période de lutte à 10-15 jours d’intervalles afin de doser la
progestérone, dans le but d’évaluer la cyclicité des brebis. Les résultats obtenus ont indiqué
que toutes les brebis étaient cyclées en début de lutte. Il semblerait donc que l’infection par le
virus de la FCO n'ait pas d'effet sur la cyclicité chez les brebis en début de lutte [PONSART
et al., 2008].
3.1.2 Mécanismes
3.1.2.1 Effets directs
3.1.2.1.1 Contamination (utérus, embryon)
L’infection de l’utérus se fait par voie hématogène, elle est donc liée à la fois à la nature
et à l’extension de la virémie maternelle (titre viral dans le sang de la mère, interactions du
virus avec les mécanismes de défense locaux et systémiques) mais aussi à l’augmentation de
la vascularisation de l’utérus gravide. Au début de l'infection, une certaine protection est
assurée par l’action phagocytaire des cellules trophoblastiques et par la synthèse de
l’interféron tau (signal émis par le conceptus permettant la reconnaissance maternelle de la
gestation), mais celle-ci est rapidement surmontée par le virus. Puis l’infection s’installe peu à
peu dans le placenta [DRENO, 1984]. La placentation synépithélio-choriale spécifique des
ruminants, le manque de transfert passif des immunoglobulines maternelles durant la
gestation, le système immunitaire immature du fœtus et l’immaturité des cellules du système
nerveux fœtal, sont des facteurs propres aux ruminants les prédisposant aux infections
congénitales.
Le BTV se répliquant dans les cellules endothéliales, les monocytes et les lymphocytes,
le placenta est un lieu privilégié de développement du virus [OSBURN, 1994(a)]. L’utérus
étant un lieu privilégié de localisation du BTV-8, il est envisageable de suspecter un risque de
contamination du fœtus, notamment lors de transfert embryonnaire. Or, les premières études
réalisées semblaient montrer que la FCO ne pouvait pas être transmise par transfert
d'embryons provenant de mères infectées.
La première étude, de CHEMINEAU et al., en 1986, indiquait qu’il n’y avait aucun
risque de transmission du virus de la FCO lorsque les embryons étaient congelés après la
collecte. Cette étude consistait à prélever des embryons sur des chèvres créoles infectées par
les sérotypes 6 et 14 du virus de la FCO, de les implanter après lavage et congélation à des
chèvres Saanen de métropole, et de déterminer si les chèvres receveuses, ainsi que leur
descendance, avaient été contaminés. Pour cela, des sérologies BTV par immunodiffusion
radiale sur gel d’agar ont été réalisées sur les donneuses, sur les receveuses (à 60 jours, 160
jours et 180 jours après l’implantation des embryons) et sur les chevreaux âgés de 60 jours.
Cette méthode permettait de faire le diagnostic d’infection des animaux. Cinquante pour cent
des donneuses étaient séropositives alors qu’aucune des receveuses ne l’était ni leur chevreau.
Les liquides de rinçage des embryons ont aussi été contrôlés : aucun effet cytopathique n’a été
retrouvé sur ces liquides. L’auteur a donc recommandé dix rinçages des embryons collectés,
27
suivis d’une congélation dans l'azote liquide à -196°C afin d’éviter tout risque de transmission
de la FCO lors des transferts embryonnaires.
Dans une autre étude [HARE et al., 1988], des brebis et des béliers infectés
expérimentalement avec du BTV-11 ont été mis à la reproduction. Au moment de la mise à la
lutte, la présence du virus a été confirmée dans la semence des béliers. Les embryons ainsi
produits ont par la suite été collectés puis transférés à des brebis receveuses non infectées.
Aucune des receveuses n’a développé d’anticorps contre la FCO, et le virus de la FCO n’a pas
pu être isolé ni sur les receveuses ni sur leurs agneaux. Les auteurs ont alors conclu que les
embryons pouvaient être prélevés sur des donneuses provenant d’un troupeau infecté par la
FCO et transférés à des receveuses saines, avec un risque minimal de transmission du virus (à
condition que les embryons aient été correctement lavés entre la collecte et le transfert, selon
les recommandations de l'IETS (International Embryo Transfer Society)). Des observations
similaires avaient été faites chez les bovins et les caprins [HARE et al., 1988].
Cependant, une étude beaucoup plus récente de ALI AL AHMAD et al., 2011 a montré
des résultats contradictoires avec les études précédentes. En effet, lorsque le sérotype 8 du
virus de la FCO était inoculé dans le milieu de culture dans lequel allait être collecté les
embryons de chèvre, ces mêmes embryons pouvaient alors se contaminer. De plus, des
particules virales ont pu être isolées dans les 10 liquides de rinçage des embryons (qui est la
recommandation de l’IETS). Enfin, les embryons sur culture cellulaire étaient capables de
produire eux- mêmes du BTV-8 et les embryons sur milieu non cellulaire étaient capables de
produire du BTV-8 uniquement lorsqu’ils étaient dépourvus de leur zone pellucide. Il est donc
très probable que la zone pellucide protègerait l’embryon. In vivo, le risque d’altération de la
zone pellucide est minime, mais lors de transfert embryonnaire, les manipulations sont
multiples et le risque d’altération de la zone pellucide augmente. Donc, le risque d’infection
par le BTV-8 lors d’un transfert embryonnaire réalisé selon les méthodes usuelles actuelles,
est possible.
Des études sont en cours pour mettre en place une méthode de décontamination des
embryons efficace, notamment par traitement enzymatique à l’aide de trypsine [ALI AL
AHMAD et al., 2011].
La contamination des caprins par le BTV-8 lors d’un transfert embryonnaire est donc
possible. Par extrapolation, ces résultats pourraient s’appliquer aux ovins, mais d’autres
études sont nécessaires pour le confirmer. Dans tous les cas, il faut rester prudent lorsque ces
biotechnologies sont utilisées.
3.1.2.1.2 Passage transplacentaire
Lors d’une infection naturelle par un virus, certains facteurs sont indispensables à une
infection fœtale [MACLACHLAN et al., 2000] :
 La capacité du virus à passer la barrière placentaire.
 Une virémie maternelle. Plus la charge virale est importante (par exemple lors de
primo-infection en l’absence de défenses immunitaires préexistantes), plus le passage
transplacentaire est probable.
 Un manque de maturité immunitaire du fœtus. Le placenta des grands animaux ne
permet pas le passage d’immunoglobulines de la mère vers le fœtus. Un virus capable
de traverser la barrière placentaire aura donc beaucoup plus de conséquences néfastes.
 Une sensibilité du fœtus aux effets délétères liés à une infection virale. Celle-ci est
inversement proportionnelle au stade de gestation. Par exemple, les effets tératogènes
ont lieu lors d’une infection survenant durant l’organogenèse. A ce stade, des lignées
cellulaires à multiplication rapide, particulièrement fragiles et ciblées
28
préférentiellement par de nombreux virus, sont majoritaires dans certains organes du
fœtus.
Dans le cas de la FCO, la contamination in utero du fœtus pourrait s’effectuer par
passage des cellules leucocytaires mononuclées infectées à travers le placenta ou par infection
des cellules du trophoblaste par passage viral direct [OSBURN, 1994(a)].
L’infection du fœtus par passage transplacentaire du BTV a déjà été montré dans les
années 1950, lors de vaccinations avec des vaccins vivants atténués contre les sérotypes 10,
11, 13 et 17 [MAC LACHLAN et al., 2000].
En revanche, le passage transplacentaire par des souches sauvages n’a été montré que
récemment et uniquement dans le cas du sérotype 8. En effet, la première étude expérimentale
utilisant le sérotype 20 n'a pu reproduire d'avortement ni d'anomalie des agneaux, chez des
brebis gestantes [FLANAGAN et al., 1982]. Puis, malgré une forte suspicion, émise pourtant
dès 1994 par OSBURN, les preuves obtenues étaient toutes indirectes. En effet, OSBURN a
évoqué cette possibilité de passage transplacentaire en raison de la placentation synépithéliochoriale, du regroupement des cellules sanguines en amas dans le placenta, et de
l’attachement du virus aux monocytes.
WORWA et al. (2009) ont montré qu’un passage transplacentaire du BTV-8 avait lieu
lors d’une infection expérimentale chez des brebis. L’étude portait sur 3 brebis gestantes de
race Dorset, inoculées par du sang de bovins infectés par du BTV-8. La brebis numéro 1 a été
inoculée à cinq semaines de gestation et les brebis numéros 2 et 3 à onze semaines de
gestation. Les brebis numéros 1 et 2 ont été euthanasiées respectivement à 10 jours et 14 jours
post-infection et les organes des fœtus ont été prélevés afin de réaliser des RT-PCR sur les
différents tissus. La brebis numéro 3 a mis bas à 78 jours post-infection, d’un agneau bien
développé, mis à part un brachygnatisme inférieur et une polyadénomégalie. Des prises de
sang sur tube EDTA ont été régulièrement réalisées sur l’agneau après la prise colostrale. Des
sérologies ELISA ont été réalisées sur ces prélèvements. L’agneau a ensuite été euthanasié à
73 jours de vie pour réaliser des RT-PCR sur ses organes. Seul le fœtus issu de la brebis
numéro 2 a présenté des RT-PCR positives sur la rate, les poumons et les reins. L’autre fœtus
était négatif et l’agneau aussi. Les sérologies ELISA réalisées sur le sang de l’agneau étaient
elles toutes positives. Les sérologies ELISA réalisées sur le colostrum et le lait de la brebis 3
étaient elles-aussi positives.
Cette étude montre qu’il y a eu transfert transplacentaire dans le cas de la brebis numéro
2. Les résultats concernant la brebis 3 et son agneau ne nous permettent pas de conclure, en
effet le passage transplacentaire, s'il a eu lieu, pourrait être masqué par un transfert des
anticorps anti-BTV-8 lors du transfert colostral.
Une autre étude, de VAN DER SLUIJS et al., en 2011, démontre aussi la présence de
BTV-8 chez des agneaux issus de mères infectées expérimentalement. Cette étude portait sur
deux lots de brebis inoculées par le BTV-8 à différents stades de gestation. Le lot 1 était
constitué de 16 brebis de race Swifter qui ont été inoculées entre 70 et 75 jours de gestation et
euthanasiées 19 jours après l’inoculation. Le lot 2 était constitué de 20 brebis de race Texel,
inoculées entre 40 et 45 jours de gestation et euthanasiées soit 10 jours, soit 30 jours après
l’inoculation.
Lors de l’euthanasie, différents examens ont été réalisés : inspection des lésions
macroscopiques des brebis et prélèvements de tissus avec des lésions pour analyse
histopathologique, prélèvement de placentomes et de la rate pour isolement viral, pour les
brebis, et prélèvements de sang de cordon ombilical sur tube EDTA, de la rate, des poumons,
du cerveau et du cervelet, pour les fœtus.
Les expériences réalisées sur le lot 1 ont montré que toutes les brebis étaient positives
en RT-PCR 8 jours après l’inoculation, ainsi qu'en sérologie par ELISA. L’isolement viral
était concluant sur 6 brebis. De multiples lésions hémorragiques ont été observées sur ces
29
brebis dans différents organes, notamment au niveau du placenta. Un total de 40 fœtus a été
prélevé sur ces brebis : 19 d’entres eux étaient positifs en RT-PCR ou par isolement viral sur
leur tissu. Ces 19 agneaux étaient issus de 11 brebis différentes.
Les expériences réalisées sur le lot 2 ont montré que toutes les brebis devenaient
positives en RT-PCR (sur sang) entre 3 et 7 jours suivant l'inoculation. Les brebis
euthanasiées 10 jours après l’inoculation ont montré de nombreuses lésions hémorragiques
(évocatrices de l’infection par le BTV-8) à l’examen nécropsique. Celles euthanasiées 30
jours après l’inoculation ont montré des signes cliniques et des lésions nécropsiques
caractéristiques de la FCO. Au niveau de l’appareil reproducteur, des foyers de nécrose
cotylédonaires ont aussi été observés. Les fœtus collectés à 10 jours post-inoculation et étant
en assez bon état pour réaliser un isolement viral étaient au nombre de 6. Sur ces 6 fœtus, 2
étaient positifs en RT-PCR et en isolement viral. Pour les fœtus collectés à 30 jours postinoculation, 4 fœtus sur 11 étaient positifs.
Autre fait intéressant, il a été remarqué une différence de transmission selon le stade de
gestation. Il semble, en effet, que le taux de transmission à mi-gestation était plus élevé qu’en
début de gestation :
• Lors de l’inoculation à 70-75 jours de gestation, 11 brebis sur 16 ont transmis le virus
de la FCO à leurs agneaux, soit un pourcentage de transmission de 69 %.
• Lors de l’inoculation à 40-45 jours de gestation, le pourcentage de transmission était
de 33 à 36 %, selon que les brebis aient été euthanasiées à 10 jours ou à 30 jours postinoculation.
Les mécanismes exacts permettant d’expliquer les différences de transmission du virus
en fonction de la gestation ne sont pas encore connus. Plusieurs hypothèses ont été émises :
• L’augmentation du flux sanguin lorsque la gestation est plus avancée augmenterait les
possibilités d’infecter l’endothélium du placenta.
• L’augmentation de la phagocytose érythrocytaire par le trophoblaste embryonnaire
pourrait faciliter le transfert du BTV-8 à mi-gestation.
Cette étude démontre bien la présence du sérotype 8 du virus de la FCO chez des fœtus
issus de mères infectées expérimentalement par ce même sérotype. Néanmoins, plusieurs
différences avec une infection naturelle sont à mentionner et à prendre en compte pour
l'interprétation des résultats : l'inoculation a été réalisée par voie sous-cutanée, la charge virale
et le volume de l'inoculum étaient importants, et l’inoculum utilisé était préalablement passé
sur embryon de poulets. Les résultats concernant l'influence du stade de gestation sont en
contradiction avec ceux d’autres études [SHULTZ et al., 1955 ; OSBURN et al., 1971 ;
MACLACHLAN et al., 2000], pour lesquelles il a été observé que le fœtus était plus sensible
lorsque l'infection avait lieu en début de gestation. On peut émettre l'hypothèse que la
transmission verticale serait limitée en début de gestation mais qu'elle aurait des effets
beaucoup plus néfastes (sur le développement des agneaux et sur la réussite de la gestation).
[VAN DER SLUIJS et al., 2011].
Une autre étude, de SAEGERMAN et al. en 2009 prouve aussi le passage
transplacentaire du BTV-8, cette fois-ci, lors d’infection naturelle. Cette étude a été réalisée
sur 355 brebis gestantes, qui ont donné 21 avortons parmi lesquels 3 étaient positifs en RTPCR spécifique du BTV-8. Il s’agit d’un faible nombre de résultats positifs, mais qui suffisait
à démontrer le passage transplacentaire, même si l’isolement viral a été infructueux sur ces
avortons. Les placentas des mères ayant avorté n’avaient pas pu être tous testés en raison d’un
grand nombre de rétentions placentaires et d’autolyse. De la même façon il n’avait pas été
possible de réaliser des RT-PCR sur le système nerveux central sur les agneaux nés
malformés. De plus, en cas de RT-PCR positives sur le sang d’agneaux, aucun virus n’a pu
être isolé. Enfin la recherche par RT-PCR sur le colostrum des mères n’a pas été effectuée.
Malgré tout, les données suivantes permettent de confirmer le passage transplacentaire
du BTV-8 :
30
-
Il y a eu mise en évidence du virus par PCR dans la rate des fœtus avortés et dans les
sangs d’agneaux.
Des malformations fœtales compatibles avec une infection in utero par le BTV-8 ont
été observées.
Des anticorps dirigés contre le BTV-8 chez des agneaux viables ont été retrouvés
avant la prise de colostrum
Il est aussi intéressant de noter que la période d’activité vectorielle est associée au taux
de transfert transplacentaire suspecté. En effet, le transfert transplacentaire est moins
important lorsque l’activité du vecteur est plus faible (à la fin de l’automne) [SAEGERMAN
et al., 2009].
Le passage transplacentaire du sérotype 8 du virus de la FCO lors de la gestation n'a été
montré que chez les ovins dans les trois études précédemment citées. Néanmoins, de
nombreuses études similaires chez les bovins viennent conforter ces résultats. Par exemple,
dans une étude de 2010 sur des bovins infectés naturellement par le BTV-8 (précédemment
infectés au début de l’étude ou bien ayant effectués une séroconversion au cours de l’étude),
16 % des veaux nés étaient positifs en PCR pour le BTV-8 juste après la naissance
[SANTMAN-BERENDS et al., 2010]. Ce pourcentage a même atteint 33 % dans une autre
étude [DARPEL et al., 2009]. D'après ces études, il semblerait que l'infection par le BTV-8
pendant la première moitié de gestation soit plus fréquemment responsable d'interruption de
gestation que lorsque l'infection a lieu pendant la seconde moitié. Cela expliquerait pourquoi
la probabilité qu’un veau soit infecté à la naissance soit beaucoup plus grande (facteur
multiplicateur de 15,5), lorsque la séroconversion a lieu dans la deuxième moitié de la
gestation. De plus, cela est cohérent avec la mauvaise fertilité (nécessité d’IA multiples pour
obtenir une IAF) observée dans l'étude de SANTMAN-BERENDS et al. en 2010.
3.1.2.2 Effets des médiateurs de l’inflammation associés à l’infection virale
Suite à une infection par le virus de la FCO, une interruption de la gestation peut
probablement aussi être liée à des effets indirects, non spécifiques, de cette maladie, tels que
l'hyperthermie. En effet, l’hyperthermie observée pendant la phase aiguë de la maladie peut
entraîner des mortalités embryonnaires précoces (entre 0 et 14 jours) ou tardives (entre 14 et
42 jours) [PONSART et al., 2008]. De plus, une étude expérimentale a montré qu'une
hyperthermie pouvait être associée à une augmentation de la fréquence des avortements
[LABURN et al., 2003]. Dans cette étude, des brebis gestantes ont reçu du lipopolysaccharide
(LPS, élément absent du BTV-8 ) purifié à la dose de 1 µg par voie intraveineuse, afin de
provoquer une hyperthermie. Cette dose de LPS a provoqué chez des brebis non gestantes une
hyperthermie brève et modérée sans effet, a posteriori. En revanche, chez les brebis gestantes,
l’hyperthermie a été accompagnée d'avortements et il a été montré que les avortements
avaient lieu le plus souvent dans le dernier trimestre de gestation et sur 35 % des brebis
inoculées. Les avortements étaient beaucoup plus fréquents (75 %) et précoces lorsque
l’injection de LPS était faite directement dans la circulation fœtale ou dans le liquide
amniotique, en comparaison avec le lot témoin dans lequel l’injection était réalisée avec un
placebo.
Lors d’une infection par le virus de la FCO, il y a une augmentation des prostaglandines
F2α [OSBURN, 1994(a)] dans le sang, qui produisent un effet lutéolytique des
prostaglandines ce qui entraine donc une diminution progressive du taux de progestérone
sanguin. Le système hypothalamo-hypophysaire de la mère et du fœtus sont tous les deux
31
stimulés, provoquant alors une augmentation du taux d’ACTH (hormone adrénocorticotrope)
et de cortisol dans le sang. Ces modifications hormonales sont similaires à celles ayant lieu
avant la mise bas. Cela peut donc entraîner un avortement en quelques jours [FOLEY et al.,
1994]. Cependant, l’impact de ce mécanisme est plus important dans l’espèce bovine
qu’ovine, le corps jaune n’étant pas nécessaire dans cette dernière espèce pour maintenir la
gestation.
3.2
Conséquences chez le mâle
De nombreuses études ont été menées pour déterminer si le BTV se retrouvait dans le
sperme du taureau et du bélier. Il a été clairement démontré que le sperme des taureaux et des
béliers contenait du BTV, mais seulement durant la phase de virémie. Le facteur déterminant
dans la présence du BTV apparaît être la présence de cellules sanguines ou mononucléées
contaminées par du BTV dans le sperme [OSBURN, 1994(a)].
3.2.1 Baisse de qualité de la semence
L’infection par le BTV-8 induit chez les béliers :
- une atrophie testiculaire parfois sévère, mono ou bilatérale, entrainant un
dysfonctionnement de la spermatogenèse,
- une oligospermie voire une azoospermie,
- une nécrospermie correspondant à une proportion anormale de spermatozoïdes
morts,
- une asthénospermie (modérée), c’est-à-dire une mobilité diminuée.
Les effets sur le pouvoir fécondant sont la conséquence de ces altérations de la qualité
de la semence [GUERIN, 2009].
Ces altérations peuvent être réversibles en 2 mois (correspondant à la durée de la
spermatogénèse). En effet, une étude réalisée sur 79 béliers de multiples races a montré que le
retour à une qualité optimale de la semence avait lieu entre 63 et 138 jours par rapport à
l’apparition des premiers signes cliniques [KIRSCHVINK et al., 2009]. Dans certains cas, il a
été observé une persistance des altérations testiculaires se traduisant par une fibrose
interstitielle et une calcification intratubulaire entrainant une stérilité irréversible de ces
béliers [GUERIN, 2009].
Les signes cliniques extérieurs étant souvent difficilement détectables et le retour de la
libido des béliers infectés étant plus précoce que le retour à une bonne qualité du sperme, il
est conseillé, lors d’une infection d'un troupeau par le BTV-8 d’effectuer une analyse du
sperme avant la mise en lutte [KIRSCHVINK et al., 2009].
3.2.2 Excrétion dans le sperme
Contrairement à une étude précédente [FOSTER et al., 1968], le virus n’a pas été isolé
dans les spermatozoïdes [OSBURN, 1994(a)]. En revanche, il a été localisé par RT-PCR dans
les tissus de l’épididyme, des vésicules séminales, des glandes bulbo-urétrales, de la prostate
et de l’urètre distal. Des antigènes viraux ont aussi été trouvés par antigénémie dans ces
mêmes localisations, ainsi que dans les vaisseaux sanguins aux alentours des testicules (cône
vasculaire, artère testiculaire et veines interlobulaires).
La présence d’ARN viral a été mise en évidence par PCR quantitative dans le sperme
des animaux infectés, à des concentrations généralement assez faibles, sauf dans certains cas
pour lesquels l’excrétion pouvait être beaucoup plus forte [GUERIN, 2009]. Il a été observé
32
que l’excrétion du virus dans le sperme était intermittente et de longue durée (6-8 mois) et
était généralement associée à la présence du génome viral dans le sang.
Le risque d’une transmission du virus de la FCO par la semence est donc possible.
Aucune étude ne prouve à l’heure actuelle ce mode de transmission chez les petits ruminants.
Cependant, une étude réalisée dans l’espèce bovine [BOWEN et al., 1985] laisse supposer
que cette voie de transmission est très peu importante épidémiologiquement.
3.3
Conséquences pour la descendance
3.3.1 Malformations
Une des conséquences de l’infection par le BTV-8 chez les ovins sont les malformations
congénitales chez les agneaux. En effet, les agneaux issus de mères infectées peuvent naître
avec des malformations de l’encéphale, de manière sporadique. Ces malformations sont
représentées principalement par des hydranencéphalies, des lésions cavitaires dans la
substance blanche sous-corticale, de la porencéphalie, de la dysplasie rétinienne et, dans
certains cas, une hypoplasie cérébelleuse (Figure 13). Des méningo-encéphalites nécrotiques
et des kystes sous-corticaux, ont aussi été décrits [BUGHIN et al., 2008].
Figure 14 : Hypoplasie cérébelleuse sur un agneau en coupe sagittale. Source :
SAEGERMAN et al., 2009
Comme l'a montré une étude menée par MACLACHLAN et OSBURN en 1983, les
cellules indifférenciées du système nerveux central des ruminants sont particulièrement
vulnérables à l’infection par le BTV. Les malformations observées résultent de la destruction
des précurseurs des cellules neuronales et gliales pour lesquelles le virus présente une forte
affinité lorsqu’elles sont encore indifférenciées. L’infection est souvent suivie d'une
encéphalite due à une vascularite, puis une nécrose cellulaire massive. Les lésions associées
sont de type cavitaire dans la matière blanche sous corticale et cérébelleuse.
33
L’hydranencéphalie, très largement majoritaire avec le BTV-8, est caractérisée par une
malformation du télencéphale : les hémisphères cérébraux sont absents alors que les structures
profondes postérieures persistent (bulbe, cervelet, hypophyse) (Figure 14). L’intérieur de la
boite crânienne ne comporte aucune empreinte de circonvolution cérébrale, laissant penser
que le parenchyme cérébral a laissé place aux ventricules latéraux hypertrophiés. Lors du
développement fœtal, l’hydranencéphalie est le plus souvent causée par une sténose de
l’aqueduc mésencéphalique [MACLACHLAN et OSBURN, 1983].
Figure 15 : Hydranencéphalie sur un veau
Source : MACLACHLAN et al., 2009
Si le virus est recherché dans l’encéphale lors de cas d’hydranencéphalie, il est fréquent
de ne pas retrouver de virus ou à des concentrations faibles. Ceci indiquerait que l’infection a
été très précoce pendant la gestation [MACLACHLAN et OSBURN, 1983 ; BUGHIN et al.,
2009].
Le tronc cérébral, siège des fonctions vitales de la respiration et de l’activité cardiovasculaire, est rarement atteint, ce qui permet aux animaux hydranencéphales de survivre de
quelques jours à quelques mois (voire plus longtemps dans de rares cas) [BUGHIN et al.,
2009].
On observe parfois aussi des déformations des os du crâne [ERASMUS, 1975], mais
également des hémorragies diffuses dans les poumons [HOUSAWI et al., 2004] ainsi que des
retards de croissance.
Les différentes lésions observées chez l’agneau décrites dans le tableau suivant
(Tableau 2), sont fonction du stade de gestation de la brebis lors de primo-infection par le
virus de la FCO.
34
Tableau 2 : Lésions fœtales chez l’agneau provoquées par une primo-infection par le BTV, en
fonction du stade de gestation [THIRY et al., 2008]
Stade de gestation
40-60 jours
70-80 jours
100 jours
Après 130 jours
Lésions observées chez l’agneau
Hydranencéphalie ou dysplasie rétinienne
Porencéphalie ou dysgénésie cérébelleuse
Retard de croissance généralisé
Hyperplasie lymphoréticulaire
Porencéphalie
Destruction sélective des cellules gliales
Lésions inflammatoires du cerveau sans destruction cellulaire
Kystes cérébraux
Ventricules latéraux dilatés
Il est important de noter que le BTV-8 constitue une exception parmi les virus de la
FCO. En effet, c’est la seule lignée sauvage connue capable de passage transplacentaire et de
tératogénicité importante.
3.3.2 Contamination par voie orale
La transmission horizontale n’est pas formellement prouvée, néanmoins plusieurs
études semblent montrer que la contamination par voie orale serait possible, dans l'espèce
bovine (il n’y a pas de données actuellement chez les ovins et les caprins). Dans l’étude de
MENZIES et al. (2008), deux vaches sont devenues virémiques en saison d’inactivité
vectorielle, alors que les seuls animaux viropositifs présents à ce moment étaient des veaux
nés positifs. Ces vaches sont probablement devenues virémiques par ingestion de placenta.
Expérimentalement, chez des veaux nés vironégatifs, la buvée d’un colostrum provenant
d’une mère infectée et enrichi artificiellement avec du virus (permettant d’obtenir des titres
viraux plus élevés) a entraîné une contamination orale chez un des veaux [BACKX et al.,
2009].
Un exemple d’infection de lynx eurasiens, dans un parc animalier, par ingestion de
veaux mort-nés, a été décrit en Belgique. Les mères des avortons étaient vironégatives dans
un troupeau vironégatif et hors période d’activité vectorielle. Il semblerait donc que, dans ce
cas précis, une combinaison de transmission verticale et horizontale ait eu lieu [JAUNIAUX
et al., 2009].
3.3.3 Rôle des agneaux dans la persistance de l’infection pendant l’hiver
Le cycle des Culicoides est caractérisé par une période d’inactivité vectorielle qui a lieu
pendant l’hiver en climat tempéré. L’infection par le BTV-8 persistant d'une année sur l’autre,
il est intéressant de se demander si les agneaux ont un rôle dans ce passage de l’hiver. La
survie du BTV entre deux périodes d'activité du vecteur s'appelle transhivernage ou
"Overwintering" [WILSON et al., 2008] (Figure 15).
35
Figure 16 : Les différents mécanismes de transhivernage envisageables. Source : WILSON et
al., 2008
Cette survie serait permise par la longue virémie (jusqu’à 150 jours) des Bovidés
(sauvages ou domestiques). Ces animaux sont ainsi considérés comme les réservoirs de la
maladie, d'autant plus que l'infection est la plupart du temps subclinique.
Dans une étude portant sur 4 périodes de mise-bas réparties sur l’année, chez des brebis
infectées naturellement, la présence de BTV-8 (mis en évidence par RT-PCR) a été notée en
début de printemps (soit après une période d’inactivité du vecteur) dans le placenta de brebis
avortées et dans la rate d’avortons ou d’agneaux morts-nés. En revanche, les agneaux issus de
ces mères présentaient un faible risque d’infection de Culicoides, qui auraient pu ainsi
expliquer la capacité du virus à « réémerger » après la période hivernale. En effet, il a été
possible de retrouver le virus par RT-PCR sur un très faible nombre de ces animaux
uniquement : seul 1,9 % des agneaux étaient ainsi positifs par ce test. L’isolement du virus n’a
jamais été possible, condition sine qua non à l’infection du vecteur. Il est possible que ceci
soit dû à l’ingestion suffisante du colostrum maternel contenant les Ac neutralisants. De plus,
les agneaux ne peuvent pas se re-contaminer car le vecteur est absent à cette époque de
l’année [SAEGERMAN et al., 2009].
Le vecteur jouerait également un rôle important dans le passage de l’hiver, notamment
dans le sud de la France où l’inactivité vectorielle n’est pas totale [GIBSS et GREINER,
1994].
36
4
EFFETS DE LA VACCINATION SUR LA REPRODUCTION
Les enjeux majeurs de la vaccination contre la FCO ont été de contrôler la propagation
de la maladie dans le cheptel national par la mise en place d'une vaccination à grande échelle
afin de permettre les mouvements d’animaux dans le pays et les échanges commerciaux. Les
vaccins utilisés ont évolué au cours du temps, afin de limiter les effets secondaires et
améliorer leur efficacité.
4.1
Vaccins vivants
Les vaccins vivants atténués ont été les premiers à être mis sur le marché. Jusqu’en
2003, ils étaient les seuls vaccins existant dans la lutte contre la propagation de la FCO. Ce
sont des vaccins produits à partir de souches virales non pathogènes (avirulentes, très peu
virulentes ou atténuation de la virulence par passages sur cultures cellulaires ou embryons de
poulet), qui ont conservé la capacité de se multiplier. Ces vaccins induisent une immunité
cellulaire et humorale. Avec eux, une seule injection est nécessaire avec un rappel annuel et
leur coût est faible.
Il est difficile de juger de l’efficacité de ce type de vaccins, car il n’y a pas de données
sur la durée de la virémie chez des animaux vaccinés (par prudence, il ne faut pas déplacer les
animaux 60 jours après vaccination). Mais la vaccination est considérée comme efficace sur le
terrain (interruption de l'épizootie) [ZIENTARA et al., 2008 ; NOAD et ROY, 2009].
L'utilisation de ces vaccins peut cependant présenter des risques. Si les souches ne sont
pas assez atténuées ou si une réversion vers la virulence arrive (ce qui a été le cas avec le
BTV-16 en Corse [BREARD et al., 2004]), il y a un risque de manifestations cliniques : chute
de la production laitière chez les brebis (20 à 30%), mortalité embryonnaire, avortements,
tératogenèse (risque d’autant plus élevé que l’injection a lieu dans le 1er tiers de la gestation)
[FCO-info.fr, 2009].
En effet, beaucoup de virus vivants atténués de souches de BTV causent des infections
congénitales. Les premiers faits rapportés datent des années 1950 en Californie, lorsque des
brebis gestantes avaient été vaccinées contre le BTV. Il y avait eu de multiples naissances
d’agneaux atteints de déficits neurologiques sévères [SCHULTZ et al., 1955]. De plus, il y a
un risque de dissémination des souches vaccinales par les Culicoïdes (avec les mêmes risques
que la vaccination dans des cheptels non vaccinés) avec un risque de réassortiment de génome
avec des souches sauvages : cela a été le cas notamment en Italie en 2002, avec une souche
virale qui comprenait le segment 2 du BTV16 vaccinal et le segment 5 du BTV-2 sauvage
[BATTEN et al., 2008]. Enfin, il n’y a aucune possibilité sérologique de distinguer les
animaux vaccinés et infectés naturellement.
4.2
Vaccins inactivés
En raison des risques associés à l’utilisation des vaccins vivants, ce sont ces types de
vaccins qui ont été utilisés lors de la crise de la FCO en Europe du Nord, à partir de 2006. Les
vaccins inactivés sont des vaccins produits à partir de souches virales dont les capacités
d'infection et le pouvoir pathogène ont été bloqués par un processus physique ou chimique. Le
vaccin est dit « tué ». Il n’y a pas de possibilité ni de multiplication virale, ni de transmission
aux vecteurs et de plus, la virulence n’est pas réversible. L’innocuité de ces vaccins est très
bonne.
Ces vaccins sont plus coûteux et plus longs à produire que les vaccins vivants atténués
et l'immunité induite est plus faible et de plus courte durée. Ils nécessitent un rappel vaccinal
37
3 à 4 semaines après la première injection, ainsi qu’un rappel annuel. Pour l’instant, il n’y a
pas de différentiation possible entre animaux infectés et vaccinés.
La protection clinique engendrée par ces vaccins est bonne, et ils induisent une
diminution de l’intensité de la virémie (voire une absence de virémie selon les vaccins)
[NOAD et ROY, 2009 ; ZIENTARA et al., 2008 ].
4.2.1 Efficacité de la protection et innocuité
Dans les premiers temps de l’épizootie à BTV-8, et en raison de la situation d’urgence
concernant la propagation de la FCO en Europe, les études d’innocuité et d’efficacité réalisées
par les laboratoires pour leur Autorisation Temporaire d’utilisation (ATU), n’ont concerné
que les ovins et les bovins. Des études expérimentales et de terrain ont démontré alors
l’efficacité et l’innocuité des vaccins inactivés dirigés contre le sérotype 8 du virus de la FCO
dans ces espèces, mais pas chez le caprin. [ESCHBAUMER et al., 2009 ; BATRAM et al.,
2011].
Plus récemment, une étude [BREARD et al., 2011] a prouvé, après son utilisation
massive, l’innocuité et l’efficacité des vaccins inactivés disponibles en Europe contre le BTV8, chez les caprins. En effet, comme chez les ovins, deux doses administrées à 3 semaines
d’intervalle en primo-injection, a prévenu la réplication du virus chez tous les caprins
vaccinés dans cette étude, grâce à une immunité renforcée par la deuxième injection
[BREARD et al., 2011].
Protection clinique et réduction de la virémie
Les vaccins BTV protègent contre la maladie clinique et réduisent fortement, voire
bloquent complètement pour certains d’entre eux, la virémie. L’efficacité clinique des vaccins
utilisés en France a d’abord été étudiée et démontrée en laboratoire. Les conditions
expérimentales sont extrêmement sévères (quantité de virus utilisée pour éprouver les
animaux vaccinés très largement supérieure à ce qu’un ruminant peut recevoir, même après de
multiples piqûres par des moucherons infectés) et permettent de dire qu’une vaccination
effectuée dans des conditions correctes, doit assurer la protection clinique des ruminants.
Sur le terrain, il est certain qu’une vaccination dans un troupeau infecté, comme cela a
parfois été le cas lors des campagnes de vaccination précédentes, ne saurait enrayer la
propagation du virus et l’apparition de signes cliniques, car elle intervient trop tardivement
pour protéger tous les animaux. Les signes cliniques, souvent observés dans ces cas, sont
donc dus au virus sauvage et non au vaccin.
L’intérêt de la vaccination doit par conséquent être appréhendé de manière plus globale,
que ce soit au niveau du cheptel ou plus largement à l’échelle du territoire. Au delà de la
protection du cheptel, la vaccination, en protégeant les reproducteurs, a également pour
objectif de limiter la diffusion de la maladie [FCO-info.fr, 2009].
En matière de virémie, les études ont montré que les vaccins permettent de réduire ou
d’annuler la détection du virus au niveau sanguin par PCR, après épreuve virulente [FCOinfo.fr, 2009]. Cela signifie que la méthode de détection du virus (RT-PCR) utilisée n’a pas
permis de mettre en évidence le virus dans le sang. Cette réduction de la virémie par la
vaccination limite considérablement le risque pour des moucherons de s’infecter à partir d’un
animal vacciné, et contribue à arrêter le cycle de cette maladie vectorielle [RFSA, 2009].
38
Protection fœtale
La protection des fœtus lors de la vaccination des mères gestantes n’avait pas été
étudiée lors de la mise en place des ATU pour les vaccins inactivés contre le sérotype 8. On
pourrait penser que la diminution de la virémie devrait limiter voire empêcher, l’atteinte des
fœtus chez les vaches ou brebis gestantes. En effet, l’infection du fœtus se produit à la suite
de la virémie chez la mère et du passage du virus de la circulation maternelle à la circulation
fœtale.
Plus récemment, il a été clairement démontré que la vaccination des brebis gestantes par
un vaccin inactivé dirigé contre le BTV-8 (BOVILIS® BTV de MSDAH) engendrait une
protection totale contre la virémie et par conséquent empêchait la transmission du BTV-8 au
fœtus [VAN DER SLUIJS et al., 2012].
4.2.2 Impact chez le mâle
La vaccination des béliers par les vaccins inactivés contre le BTV-1 (Zulvac® du
laboratoire Fort Dodge) et contre le BTV-8 (BTVPUR® du laboratoire Merial) n’a montré
aucun effet négatif sur la qualité de la semence, ni sur la présence de génome viral dans le
sang [GUERIN, 2009]. En revanche, l’apparition des Ac dépendait beaucoup de la taille des
animaux, ce qui confirme l’intérêt de pratiquer un rappel vaccinal.
4.2.3 Impact chez la femelle
Trois vaccins ont été testés en Allemagne, sur 1007 ovins :
- Bluevac® de Boehringer Ingelheim,
- BTVPUR® de Merial,
- Zulvac® de Fort Dodge.
Dans le premier élevage, il n’y a aucun avortement ni effet tératogène. Dans le
deuxième élevage, il y a deux agneaux nés prématurément, mais sans anomalie, ce qui n'était
significativement pas différent de l'incidence des prématurés des années précédentes
[GETHMAN et al., 2009].
L’Agence National du Médicament Vétérinaire (ANMV) rapportait, fin août 2009, 1183
déclarations chez les animaux (toutes espèces confondues) d’effets indésirables apparus
depuis le début de l’utilisation des vaccins inactivés contre la FCO en France. Il se trouve que
les avortements faisaient l’objet d’une proportion élevée des déclarations (près de 50 %)
particulièrement chez les bovins (Figure 16). Les signes cliniques décrits sont proches chez
les bovins et les ovins.
N’ayant que très peu de données chez les ovins, il est malgré tout intéressant de noter
une baisse de la fertilité chez des vaches Holstein lorsque la deuxième injection de primovaccination se fait dans la semaine suivant l’IA. En effet, le taux de retour en chaleur
augmente de 4 % dans ce cas par rapport aux résultats habituels. Cela veut dire que la
vaccination aurait un effet néfaste sur la mortalité embryonnaire précoce et non sur la
mortalité embryonnaire tardive. En comparaison des effets propres de la maladie, la
vaccination contre le BTV-8 entraîne des baisses de fertilité très faibles et qui peuvent passer
quasiment inaperçu en élevage. Ces effets ne doivent pas dissuader de vacciner. On peut juste
conseiller de ne pas faire le rappel dans la semaine suivant l’IA [NUSINOVICI et al., 2011].
39
Figure 17 : Signes cliniques (en % de déclarations) suite à la vaccination FCO en France de
mars 2008 à mai 2009.
Source : ANMV/AFSSA, 2009a
Dans la très grande majorité des cas (89 %), il n’a toutefois pas été possible de conclure
à l’implication du vaccin, soit par manque d’information, soit parce que d’autres facteurs ont
interféré : épisodes antérieurs de FCO dans l’élevage, délai entre vaccination et avortement
pouvant atteindre plusieurs semaines, voire plusieurs mois… (Figure 17).
40
Figure 18 : Répartition des déclarations selon la probabilité que le vaccin soit responsable de
l’effet secondaire en fonction des espèces.
Source : ANMV/AFSSA 2009a
A : Probable ; B : Possible ; O : non classifiable (manque d’informations) ; N : Exclu
Une causalité probable ou possible (A ou B) a été retenue pour 6 % des déclarations
décrivant un avortement et 13 % des déclarations impliquant de la mortalité (Figure 18).
Figure 19 : Profil clinique des effets indésirables observés après vaccination FCO (nombre de
citations des signes cliniques exprimés en %). Source : ANMV/AFFSA 2009b
41
Établir un lien de causalité entre l’avortement et le(s) vaccin(s) est très délicat car de
nombreuses causes parmi lesquelles, de nombreux agents infectieux tels que Coxiella
burnetii, les salmonelles, les leptospires, le virus de la Border Disease, Aspergillus spp, ou
Listeria monocytogenes peuvent provoquer des avortements. Dans ce contexte, des
informations relatives à la période de survenue de l'avortement (première moitié, ou fin de
gestation), à l’ensemble des symptômes (présence ou absence de fièvre, toux, diarrhée …) et
au contexte épidémiologique et sanitaire du troupeau (maladies déjà connues, le mode
d'alimentation et d'abreuvement, les mélanges éventuels et les introductions récentes
d'animaux,..), ainsi que les résultats de tests complémentaires de dépistage des maladies
évoquées ci-dessus sont indispensables. Pour environ 60 % des déclarations se rapportant un
avortement, il n’a pas été possible d’établir un lien avec le(s) vaccin(s) FCO, compte tenu de
l’absence de telles informations.
4.2.4 Impacts non spécifiques
Les autres signes cliniques décrits après vaccination sont principalement des signes de
type systémique (abattement, anorexie, hyperthermie…). Les déclarations rapportant
explicitement un tableau clinique évocateur d’un choc de type anaphylactique représentent
2,7 % des citations. Des réactions locales ont aussi été décrites, notamment suite à la
vaccination contre le sérotype 1 chez le bovin (vaccin se faisant en IM). La fréquence des
réactions après vaccination contre le sérotype 1 est sensiblement supérieure à ce qui est
observé pour l’ensemble des vaccinations contre la FCO. Compte tenu des éléments
actuellement disponibles, la proportion de bovins susceptibles de présenter ce type de
réactions locales est inférieure à 1 animal sur 50 000 vaccinés [ANMV/AFFSA, 2009b].
4.2.5 Impact de la vaccination des mères sur la protection colostrale
Outre la question de la protection fœtale (vue précédemment), se pose la question de
l’immunité colostrale induite par la vaccination (que ce soit d’un point de vue protection ou
durée de l’immunité). Dans un premier temps les recommandations de l’AFSSA préconisait
une vaccination des jeunes à partir de l’âge de deux mois [ANMV/AFSSA (2008a)], en raison
d’un manque d’étude de l’immunité maternelle chez l’agneau.
Une question qui se pose souvent est de savoir si le colostrum issu de mères vaccinées
contient assez d’Ac neutralisants permettant une bonne protection du jeune contre la FCO
pendant une durée suffisante. En effet, une protection de 14 semaines permettrait d’éviter une
injection de vaccin chez les agneaux destinés à l’abattoir et donc un surcoût serait évité par les
éleveurs. Or, pour de nombreux vaccins, il est recommandé de vacciner dès l’âge d'un mois,
sans s’appuyer sur de réelles données de transfert des Ac par le colostrum. De plus, il est aussi
important de déterminer s’il y a des interférences entre les Ac neutralisants maternels et la
vaccination, dans le but de réaliser une vaccination efficace.
Une étude réalisée sur 54 brebis gestantes a essayé de déterminer le niveau de
protection des agneaux sous la mère (ingérant le colostrum maternel) lorsque les brebis ont
reçu soit une administration unique du vaccin inactivé dirigé contre le BTV-8 (BOVILIS®
BTV8 de MSDAH) durant l’année précédant la mise-bas (1ère année vaccinale), soit deux
administrations de vaccin (deuxième année vaccinale), la deuxième injection ayant eu lieu le
mois précédant la mise-bas [OURA et al., 2010]. Chez les agneaux issus de mères vaccinées
une seule fois, le taux d’Ac neutralisants était très faible voire inexistant, ce qui montre une
protection faible et de courte durée. En revanche, chez les agneaux issus de mères vaccinées
deux fois, le taux d’Ac neutralisants était très élevé jusqu’à 14 semaines. Ces agneaux ont été
inoculés par une souche virulente de BTV-8 et leur réponse clinique et sérologique a été
42
surveillée. Aucun de ces agneaux n'a manifesté de signes cliniques et 17 agneaux sur 22 n’ont
pas été virémiques.
Ces résultats montrent que les Ac maternels protègent l’agneau d’un challenge viral
jusqu’à 14 semaines après la mise-bas. Il est probable que ces anticorps puissent également
interférer avec la vaccination chez les agneaux, mais aucune étude réalisée chez les petits
ruminants n’est disponible à ce jour. Néanmoins, chez le bovin, le risque d’interférence des
Ac colostraux existe jusqu’à 4 mois après le vêlage [VITOUR et al., 2011] Or dans les
recommandations des différents vaccins mis sur le marché, l’âge minimal de vaccination des
agneaux varie de 4 semaines à 3 mois. Il est donc nécessaire que les laboratoires
pharmaceutiques vétérinaires étudient plus précisément ce point [OURA et al., 2010].
4.2.6 Stratégies vaccinales émergentes
Les vaccins vivants et inactivés ne permettent pas de protéger contre plusieurs
sérotypes. En effet, ils sont spécifiques des sérotypes des souches vaccinales utilisées. Des
essais ont été réalisés par ROY et al., en 1994, en mélangeant différents vaccins atténués
dirigés contres plusieurs sérotypes, mais la protection vaccinale était mauvaise. La même
stratégie a lieu pour les vaccins inactivés afin de trouver un antigène commun et immunogène
aux 24 sérotypes. Mais cela coûte très cher et semble peu efficace. De nouvelles stratégies
sont donc mises en place, afin de trouver une manière plus simple de fabriquer un vaccin
commun à tous les sérotypes et aussi de mettre en place le concept DIVA (Differentiating
Infected from Vaccinated Animals). En effet, le concept DIVA est utilisé dans la
conceptualisation des vaccins en développement contre le BTV. Pour différencier les animaux
vaccinés des animaux infectés, les vaccins pourront par exemple être « marqués ». Il s’agit
d’éliminer tout antigène inutile sur le plan immunitaire et présent dans les souches sauvages.
Les analyses virologiques rechercheront les anticorps dirigés contre la protéine délétée dans le
vaccin. En cas de réponse positive, on serait face à une infection par le virus sauvage [NOAD
et ROY, 2009].
La demande de vaccins multivalents disponibles est croissante en raison des
implications sur le terrain de la complexité actuelle des protocoles vaccinaux. Les études en
cours qui visent à répondre à cette demande consistent à identifier une protéine virale qui soit
commune aux différents sérotypes de la FCO et qui induise une réponse immunitaire
protectrice. Pour l’instant, VP7 et NS1 semblent aptes à répondre à ces exigences. Mais des
études préliminaires avec des vecteurs recombinants exprimant VP7 ont jusqu’alors été
décevantes [NOAD et ROY, 2009].
Deux types de vaccins recombinants sont en cours de développement, il s’agit des
pseudo-particules virales et des vaccins recombinants.
Pseudo-particules virales
Il s’agit, après identification des antigènes immunogènes chez l’hôte, de fabriquer des
vaccins possédant uniquement ces molécules antigéniques. Celles-ci peuvent être obtenues
par synthèse en laboratoire (synthèse par des virus recombinants ou par purification extrême
du virus BTV).
Pour la production d’antigènes par réassortiment du génome d’autres virus, la recherche
développe depuis plusieurs années un système utilisant des baculovirus cultivés sur cellules
d’insectes. Les baculovirus sont propres aux arthropodes, leur génome est aisément
modifiable et des gènes étrangers peuvent y être introduits in vitro. La culture sur cellules
d’insecte permet la production de la protéine immunogène proprement dite [SCHWARTZCORNIL et al., 2008].
Les avantages de cette méthode résident dans son innocuité (l’agent infectieux utilisé
pour la fabrication des antigènes n’est pas retrouvé dans le vaccin, le virus ne diffuse pas),
43
dans la facilité d’adapter le processus à grande échelle pour la fabrication en masse, dans la
possibilité de fabriquer des vaccins multivalents. Un autre avantage de l’utilisation des
pseudo-particules virales est que le vaccin induit uniquement une réponse immune protectrice,
ce qui améliore les chances de discrimination entre infection et vaccination. Le vaccin obtenu
est totalement inerte, éliminant le risque de réassortiment viral avec d’autres souches [NOAD
et ROY, 2009].
Actuellement, dans le cas de la FCO, le système baculovirus (sur cellules d’insectes)
exprime les protéines VP2/VP5, VP3/VP7 qui s’assemblent, formant des pseudo-particules
virales :
- L’utilisation du complexe VP2/VP5 chez les ovins produit une réponse immunitaire
vis-à-vis du virus de même sérotype (homologue). L’utilisation de la combinaison
VP2/VP5 induit une meilleure protection que l’utilisation de VP2 seule [ROY et al.,
1992 ; NOAD et ROY, 2009].
- L’utilisation du complexe VP3/VP7 (BTV-10) chez les ovins induit une réponse pour
le virus homologue ou hétérologue (BTV1 et BTV23), partielle ou complète en
fonction de la dose [NOAD et ROY, 2009].
- L’utilisation du complexe VP2/VP5 et VP3/VP7 provenant de différents sérotypes
induit une réponse immunitaire croisée vis-à-vis de virus hétérologues (en fonction du
sérotype et de la dose) [ROY et al., 1994].
- La stabilité structurale des molécules dans le temps, leurs coûts de production et de
purification et leur efficacité en conditions naturelles, restent à déterminer.

Vaccins recombinants
Le principe de ces vaccins consiste, là aussi, à identifier les protéines virales
immunogènes, à identifier la séquence de gènes permettant leur synthèse et à intégrer cette
séquence de gènes dans le génome d’un autre virus, capable de se multiplier dans l’animal
vacciné, sans avoir de pouvoir pathogène (notion de vecteur viral). Le vecteur exprime alors
la protéine immunogène dans l’organisme hôte et permet son immunisation active par réponse
immunitaire de type humoral et cellulaire. L’idéal serait de transférer une séquence virale
permettant de synthétiser une protéine immunogène capable d’induire une réponse
immunitaire dirigée contre plusieurs sérotypes viraux. Ces vaccins auront dans le futur la
possibilité d’être « marqués », ce qui permettrait à terme une différenciation sérologique entre
animaux infectés et vaccinés [NOAD et ROY, 2009].
Les vecteurs utilisés pour ces vaccins recombinants sont des canarypoxvirus, des
capripoxvirus, des leporipoxvirus et des adenovirus. Plusieurs tentatives sont à l’étude pour
utiliser ces vecteurs [PERRIN 2007, BOUET-CARRARO 2009]. Cette alternative semble
prometteuse aux vues d’une utilisation déjà courante pour certaines maladies animales, mais
des résultats concrets ne peuvent être attendus, au mieux, qu’à moyen terme (entre 3 et 5 ans)
[RFSA, 2009]
4.2.7 Stratégies vaccinales futures
La vaccination dans le futur sera, dans l’idéal, la plus simple possible tout en étant dotée
du concept DIVA (Differentiating Infected from Vaccinated Animals). C’est pourquoi une
nouvelle approche en cours, est caractérisée par une administration unique permettant une
protection optimale de l’animal. Ces nouveaux vaccins sont nommés DISC (Diseabled
Infectious Single Cycle vaccines). Ce sont des vaccins basés sur la production de virus de la
FCO modifiés, comprenant une délétion d’un ou plusieurs gènes nécessaires à la réplication
du virus normalement. Le cycle normal de réplication ne peut alors pas se faire et
44
l’immunogénicité induite est excellente. Ce vaccin est seulement en phase d’étude, il n’y a
pas encore de prototype fonctionnel [NOAD et ROY, 2009].
45
CONCLUSION
La Fièvre Catarrhale Ovine, émergente en Europe depuis 2006 avec le sérotype 8,
atteint les Caprins, les Ovins et les Bovins. Sa répercussion sur la fonction de reproduction de
ces ruminants n’est pas négligeable. En effet, les conséquences de l’infection du sérotype 8 du
virus de la FCO sur la reproduction peuvent être graves, tant au niveau individuel qu’au
niveau du troupeau et de la propagation de la maladie.
Les principales affections concernant la reproduction chez les petits ruminants sont les
avortements, la baisse de fertilité, la diminution de la qualité de la semence des mâles et les
malformations congénitales. Le taux d’avortements au sein d’un troupeau de brebis peut aller
jusqu’à 15 % lorsque l’infection de la mère a lieu en période d’activité vectorielle maximale
(en été) et dans la première moitié de sa gestation [SAEGERMAN et al., 2009]. La fertilité
est aussi diminuée. Selon les auteurs, dans les plus fortes pression d’infection, elle peut être
réduite de 8 % [PONSART et al.. 2009] et jusqu’à 40 % [SAEGERMAN et al., 2009]. Les
malformations congénitales sont elles aussi décrites chez les agneaux issus de mères infectées
par le BTV-8 : les principales lésions sont l’hydranencéphalie et le brachygnatisme.
L’originalité du sérotype 8 du virus de la FCO réside dans le fait qu’il existe un passage
transplacentaire du virus lors de la gestation. Cette voie joue un rôle majeur dans l’étiologie
des affections citées plus haut. De plus, le passage du virus à la descendance pourrait jouer un
rôle dans le phénomène de transhivernage de la maladie même si les difficultés à isoler du
virus infectieux chez les jeunes ruminants infectés in utero laissent supposer que ce
mécanisme n’est pas aussi important épidémiologiquement qu’imaginé au cours de
l’épizootie. Il a été observé qu'une contamination in utero d'une femelle receveuse lors de
transfert embryonnaire était possible. En effet, les méthodes usuelles de l’IETS ne suffisent
pas à décontaminer les embryons infectés par le BTV-8 lors de transfert embryonnaire [ALI
AL AHMAD et al., 2011]. Un autre mode de transmission rare de l’infection qu'il est
important de souligner est la semence des mâles. Ces deux voies de contamination sont
discrètes, mais méritent une attention particulière pour éviter une propagation inattendue.
Les campagnes de vaccination mises en place par le Ministère en charge de
l’Agriculture depuis les débuts de l’épizootie ont permis d'éradiquer presque totalement
l’infection par le BTV-8 en France. Ce sont des vaccins inactivés ayant une très bonne
innocuité qui ont été utilisés lors de ces campagnes. Les effets indésirables sur la
reproduction (avortements essentiellement) rapportés suite à leur utilisation représentent
environ 6 % de déclarations pour lesquelles il y a une causalité possible ou probable entre la
vaccination et l’avortement. Malgré ce chiffre faible, et en absence d’enquêtes
épidémiologiques dans les élevages concernés, l’implication des vaccins inactivés dans la
responsabilité des avortements ne peut pas être confirmée.
46
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LES CONSÉQUENCES DE LA FIÈVRE CATARRHALE
OVINE SUR LA REPRODUCTION DES PETITS RUMINANTS
NOM et Prénom : PUJOLS Marie
RÉSUME :
La Fièvre Catarrhale Ovine (FCO) ou Bluetongue, est une arbovirose règlementée, non
zoonotique, de répartition mondiale, affectant de nombreux Ruminants et transmise par des
moucherons du genre Culicoïdes. Émergente en Europe depuis 2006 avec le sérotype 8, elle
atteint les Caprins, les Ovins et les Bovins. Sa répercussion sur la fonction de reproduction de
ces ruminants n’est pas négligeable. En effet, les conséquences de l’infection par le sérotype
8 du virus de la FCO sur la reproduction peuvent être graves, tant au niveau individuel qu’au
niveau du troupeau et de la propagation de la maladie.
Les principales affections concernant la reproduction chez les petits ruminants sont les
avortements, la baisse de fertilité, la diminution de la qualité de la semence des mâles et les
malformations congénitales chez les agneaux issus de mères infectées par le BTV-8 : les
principales lésions sont l’hydranencéphalie, et le brachygnatisme.
L’originalité du sérotype 8 du virus de la FCO réside dans le fait qu’il existe un passage
transplacentaire du virus lors de la gestation. Cette voie joue un rôle majeur dans l’étiologie
des affections citées plus haut. De plus, le passage du virus à la descendance pourrait jouer un
rôle dans le phénomène d’ « overwintering » de la maladie mais les recherches sur ce sujet
laissent à penser que ce mécanisme n’est pas épidémiologiquement important dans
l’épizootie. Un autre mode de transmission rare de l’infection qu'il est important de souligner
est la semence des mâles. Ces deux voies de contamination sont discrètes, mais méritent une
attention particulière pour éviter une propagation inattendue.
Les campagnes de vaccination mises en place par le Ministère en charge de
l’Agriculture depuis les débuts de l’épizootie ont permis d'éradiquer presque totalement
l’infection par le BTV-8 en France. En l’absence d’enquêtes épidémiologiques dans les
élevages ou il y a eu des avortements suite à la vaccination, l’implication des vaccins
inactivés dans la responsabilité des avortements ne peut pas être confirmée.
MOTS CLÉS : ARBOVIROSE / FCO / FIEVRE CATARRHALE OVINE /
BLUETONGUE / REPRODUCTION / AVORTEMENT / MALFORMATION
CONGENITALE / PASSAGE TRANSPLACENTAIRE / VACCINATION / PETIT
RUMINANT / CAPRIN/ OVIN
Jury :
Président : Pr.
Directeur : Dr CONSTANT Fabienne
Assesseur : Dr MILLEMAN Yves
Invité : Dr BELBIS Guillaume
CONSEQUENCES OF BLUETONGUE ON SMALL
RUMINANTS REPRODUCTION
SURNAME: PUJOLS
Given name: Marie
SUMMARY:
Bluetongue is an infectious but non contagious, non-zoonotic, viral disease, reported
worldwide, affecting many ruminants and transmitted by flies of the genus Culicoides.
Serotype 8 (BTV-8), which appeared in Europe in 2006, affects goats, sheep and cattle. Its
impact on the reproductive performance of these ruminants is significant.
The major reproductive disorders recorded in small ruminants infected with BTV-8 are
poor quality of semen, abortions, low fertility, and congenital malformations in lambs,
primarily hydranencephaly, and brachygnatism.
During pregnancy, BTV-8 crosses the placental barrier. Transplacental passage of the
virus to the offspring may be involved in the so-called "overwintering" of the disease, but
research on this subject suggests that this mechanism may not be important in the
epidemiology of the disease. Transmission of BTV 8 infection can also take place via male
semen. Both routes of infection are quiet, but deserve special attention to avoid unwanted
spread of the disease.
Vaccination campaigns implemented by the French Ministry of Agriculture, since the
beginning of the epidemic have succeeded in nearly complete eradication of BTV-8 infection
in France. In the absence of epidemiological surveys in farms where abortions occurred after
vaccination, the potential involvement of inactivated vaccines in those abortions cannot be
confirmed.
.
KEYWORDS: ARBOVIRUS INFECTION / BLUETONGUE (FCO) / REPRODUCTION /
ABORTION / CONGENITAL MALFORMATION / TRANSPLACENTAL TRANSFER /
VACCINATION / SMALL RUMINANT / GOATS / SHEEP
Jury:
President : Pr.
Director : Dr CONSTANT Fabienne
Assessor : Dr MILLEMAN Yves
Guest : Dr BELBIS Guillaume
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