CES européens – conference climat, ses enjeux, ses promesses 13 juilet 2015 Plan : I. La question climatique appartient à la société civile -> engagement du CESE, engagement des citoyens II. La question climatique n'est pas qu'une question environnementale -> c'est aussi une question économique et sociale III. La question climatique est une question géopolitique -> principe d'une responsabilité commune mais différenciée, règles de concurrences équitables I. Si je suis là aujourd’hui, c’est parce que je crois que l’enjeu climatique ne doit pas être uniquement un débat d’experts. Les CES, premiers témoins de l'impact du changement climatique mais aussi de l'impact des politiques de lutte contre le changement climatique sur les activités des citoyens européens, ont un rôle à jouer dans la préparation de ces négociations. Ainsi le CESE, et plus particulièrement l'Observatoire du développement durable, s'engage pour lutter contre le changement climatique en suivant les négociations mondiales sur le climat, en organisant des débats et en développant des partenariats à l'échelle mondiale. Nous étions à Marseille les 4 et 5 juin dernier avec le Président de la République pour préparer les négociations avec nos partenaires de la Méditerranée, nous étions à Lyon, au début du mois pour le sommet mondial climat et territoire, nous participerons, en octobre à une grande réunion avec les CES africains, nous organiserons, enfin, en novembre, à Bruxelles, une grande conférence sur le climat en partenariat avec le Comité des régions. Je déplore seulement que le rôle de la société civile dans la lutte contre le changement climatique ne soit discuté qu'à la marge des négociations à venir. Et j'espère que le Président Juncker saura mettre en avant l'engagement de la société civile européenne sur ces questions. Cet engagement de la société civile est de plus en plus évident et il contraste avec la lenteur des négociations internationales. En effet, la société civile est prête à s'engager dans des réformes profondes pour lutter contre le réchauffement de la planète. Cependant, bien souvent on ne laisse pas la société civile aller au bout de cette démarche. Le CESE a publié, en janvier 2015, une étude d’impact sur la mise en œuvre de la directive "Energies renouvelables" de l’UE qui témoigne de cette « énergie citoyenne » mais aussi des difficultés auxquelles elle se confronte au quotidien. Je ne retiendrai que 3 grandes idées de cette enquête réalisée dans 6 pays européens : 1- l’enquête souligne que le moment est opportun et la population prête. Dans tous les États membres qu'elle a visités, l’équipe chargée de l’étude a trouvé une société civile vigoureuse, mobilisée en faveur de la transition énergétique, consciente du potentiel que recèlent les renouvelables et désireuse de récolter les fruits de la production décentralisée d'énergie renouvelable. 2 - L’enquête témoigne, également, de la frustration des citoyens européens qui souhaiteraient s’engager d’avantage dans la transition énergétique. Ils font part des entraves bureaucratiques auxquelles ils se heurtent, ils dénoncent les récentes réformes des politiques qui privilégient les grands acteurs de la production énergétique centralisée au détriment des producteurs et groupements de petite envergure et ils regrettent l'absence de reconnaissance, de la part des responsables politiques, de la valeur que revêt l’énergie citoyenne. 3. L’enquête dévoile, enfin, un potentiel énorme qui reste largement inexploité. L'étude a révélé que cinq ans après l'adoption de la directive, les documents sur les politiques nationales en la matière ne font pratiquement aucune allusion à une stratégie cohérente pour soutenir une production décentralisée d'énergie renouvelable au profit des communautés locales. L'instabilité de la politique en la matière créer trop d’incertitudes et rend les citoyens réticents à engager de nouveaux investissements. A mes yeux, il est urgent d’établir des cadres réglementaires stables en faveur de la production citoyenne d'énergie renouvelable ! II. Si je suis ici également aujourd’hui, c’est parce que le changement climatique ne se limite pas à un changement environnemental. Il s'agit d'un défi beaucoup plus vaste dont l'impact transforme notre vie quotidienne : notre santé, nos emplois et nos besoins. Au-delà des conséquences environnementales, le changement climatique aura des conséquences sociales et économiques directes dans toute l'Europe y compris ultra-périphérique. Des conséquences sociales, car elle affecte déjà en priorité les populations les plus pauvres et pourrait à moyen terme connaitre des situations de migrations climatiques. Des conséquences économiques, car elle affectera directement l’agriculture, l’énergie, le commerce ou encore le tourisme. Selon le dernier rapport sur la commission mondiale sur l'économie et le climat, les coûts vraisemblable d'un réchauffement mondial de seulement 2° seront de l'ordre de 0.5 à 2 % du PIB mondial d'ici 2050 même si des mesures d'adaptation fortes sont prises ! Si le changement climatique fait peser un risque important sur l’économie et la société, la transition énergétique, quant à elle, représente une opportunité de sortie de crise non négligeable ! Selon la Commission européenne les secteurs verts (recyclage; biodiversité; isolation en vue d'améliorer l'efficacité énergétique; amélioration de la qualité de l’air; technologies liées aux énergies renouvelables…) pourrait créer 20 millions d’emplois d’ici 2020. L'Europe, pionnière en matière de politique environnementale doit désormais être pionnière en matière d'économie verte et s'assurer une place de choix sur le marché des "green technologies". Selon Nicholas Stern, pour saisir ces opportunités, il faut faire preuve d'une bonne conception politique, et s'assurer de la bonne mise en œuvre des trois principaux moteurs du changement : l'augmentation de l'efficacité des ressources, l'investissement dans les infrastructures à faible émission de carbone et la stimulation de l'innovation. En d'autres termes, il faut que l'Europe développe une politique environnementale stable. Et ces Etats membres doivent également fournir à leurs populations un cadre législatif prévisible car l'incertitude induite par des politiques nationales changeante en matière d'aides aux investissements "verts" est l'ennemi de l'investissement, de l'innovation et de la croissance. Nous devons donc faire de l'impératif de protection du climat une opportunité économique et arrêter d'appréhender les impératifs environnementaux uniquement comme des contraintes. La transition énergétique encourage tout à la fois l’innovation, la création d’emplois et la préservation de la santé publique. Protection du climat, santé économique et amélioration de notre qualité de vie forment un tout. La lutte contre le réchauffement doit faire l’objet d’une politique intégrée. Elle doit nous amener à repenser nos modes de production et nos modes de consommation; un exercice qui ne peut se faire que par et avec tous les acteurs du monde du travail. En d'autres termes, la COP 21 ne devrait pas aboutir à un simple accord sur le climat, mais bien poser les bases d'une "low carbone economy" / d'une économie sobre en carbone ! III. Enfin, si je suis ici aujourd'hui avec vous, issus de toute l'Union européenne c'est parce que la lutte contre le changement climatique est aussi un enjeu géopolitique. Un nouvel accord juridique sur le changement climatique ne pourra jamais forcer les Etats qui ne souhaitent pas à lutter contre le changement climatique. Chaque Etat agit selon sa volonté propre. Mais ce qu'un accord peut proposer c'est un cadre de règles et d'engagements qui peuvent faciliter et engager une véritable action. Comment? Tout d'abord en démontrant que chaque pays prend sa juste part dans cette lutte car nos Etats ne portent pas tous la même responsabilité face au réchauffement climatique. Bien que nous partagions tous la responsabilité de la protection de notre planète, la lutte contre les changements climatiques repose en premier lieu sur les épaules des pays riches qui ont profité des émissions de carbone. Le principe d'une responsabilité partagée mais différencié, développée depuis le sommet de Rio doit rester un fil conducteur des négociations. Puisque l'enjeu climatique est un enjeu d'un nouveau genre, nous devons être capables de développer des mécanismes politiques et juridiques adaptés, capables de prendre en considération la diversité des situations économiques, sociales et écologiques de chacun des pays négociateurs. Ensuite, la COP21 devrait jeter les bases d'un accord international établissant des règles de concurrences équitables au niveau mondial. Le profit ne peut se faire sur le dos de ressources naturelles fossiles dont le prix est maintenu artificiellement bas. L'émission de gaz polluants a un coût et nous devons le chiffrer pour qu'il ne repose plus seulement sur la société mais bien sur ces utilisateurs. Ca me semble le moyen le plus simple et le plus efficace de stimuler le développement de techniques de production moins gourmandes en énergies fossiles. Ca me semble également une condition sine qua non pour créer un environnement juste permettant des échanges commerciaux plus seins. Le CESE espère donc que la conférence de Paris sur le Climat aboutira à un accord contraignant qui soit à la fois ambitieux et équitable et dans cette perspective soutient la position de la Commission Juncker. Nous devons tout mettre en œuvre pour parvenir à une croissance économique durable tout en luttant contre les risques climatiques. Il est clair à présent qu'il nous coûtera plus cher de ne rien faire ! D'ailleurs, nous serait-il possible de ne rien faire? Nous serait-il possible de défendre un développement économique et social qui ne serait pas soutenable, c'est-à-dire un développement "insoutenable"?