
Montera, mariée aux foudres de ma voix
Comme un encens de haine exhalé de mon crime.
II
Quant à toi, Lucifer, astre tombé des cieux,
Splendeur Intelligente aux ténèbres jetée,
Ange qui portes haut la colère indomptée,
Et gonfles tous les seins de cris séditieux,
Par toi seul j’ai connu le mépris oublieux
Du Seigneur et de Sa puissance détestée ;
J’ai ressenti sceptique et railleur, presque athée
Les plaisirs inouïs de l’amour radieux.
Tu m ’ouvris l’océan des voluptés profondes,
Dont nul n’a su tarir les délirantes ondes,
Tu m ’appris à goûter le charme de l’enfer.
On y souffre, il est vrai ; l’on y jouit quand même
Puisqu’on y peut baver sa bile, O Lucifer,
Mon bourreau de demain, je t’honore, je t’aime.
La Muse Noire. Mars 1883.
A proprement parler, cet hymne est satanique et non luciférien, parce que Lucifer n’est ici considéré que comme un ange
déchu. D’ailleurs Guaita, mage noir, ne semble pas avoir été bien vu des théurgistes.
Mais, qu’on ne s’y trompe pas. Son dieu noir inconnaissable et panthéistique, s’identifiant avec l’Adam-Kadmon de la
Kabbale, n’a rien du Dieu de la révélation et c’est encore, par un détour, Lucifer lui-même inspirant son illuminisme. Il formait le rêve
délirant de voir un jour la Papauté souscrire à cette divinité cosmique et à son christisme occultiste. Fondateur de l’ordre kabbalistique
de la Rose-Croix, il lui assignait pour but "LA LUTTE POUR RÉVÉLER A LA THÉOLOG E CHRÉTIENNE LES MAGN FICENCES ÉSOTÉRIQUES DONT ELLE EST GROSSE A
SON NSU". (Essai de Sciences Maudites, t. 1, p. 159).
"...Les faits que nous venons de résumer mettent en une lumière suffisante la constitution intime des francs-maçons et
montrent clairement par quelle route ils s’acheminent vers leur but. Leurs dogmes principaux sont en un si complet et si manifeste
désaccord avec la raison qu’il ne se peut imaginer rien de plus pervers. En effet, vouloir détruire la religion et l’Eglise établies par Dieu
Lui-même et assurées par Lui d’une perpétuelle protection, pour ramener parmi nous, après dix huit siècles, les mœurs et les
institutions des païens, n’est-ce pas le comble de la folie et de la plus audacieuse impiété ? Mais ce qui n’est ni moins horrible ni plus
supportable, c’est de voir répudier les bienfaits miséricordieux acquis par Jésus-Christ, d’abord aux individus, puis aux hommes
groupés en familles et en nations : bienfaits qui, au témoignage des ennemis même du christianisme, sont du plus haut prix. CERTES,
DANS UN PLAN SI NSENSÉ ET SI CRIMINEL, IL EST BIEN PERMIS DE RECONNAÎTRE LA HA NE IMPLACABLE DONT SATAN EST ANIME A L’ÉGARD DE JÉSUS-CHRIST ET SA
PASSION DE VENGEANCE". (Léon XIII, Encycl. Humanum Genus)
CHAPITRE III
LE CAS DE L’ABBÉ ROCA (1830-1893)
Un an après ces sonnets, l’Abbé Roca commençait ses publications.
Né en 1830, sorti de l’école des Carmes et ordonné prêtre en 1858, nommé chanoine honoraire de Perpignan en 1869, il
voyage à partir de cette année en Espagne où il réside un certain temps pendant lequel le gnosticisme messianiste va le saisir, puis
aux États-Unis en 1880, en Suisse, en Italie. Très versé désormais dans les sciences occultes, il entreprend alors son effroyable
propagande auprès des ecclésiastiques et de la jeunesse. Interdit par Rome, il n’en continue pas moins à parler et à agir comme s’il
était encore d’Eglise, y prêchant la révolte et annonçant l’avènement prochain de la "divine synarchie" sous l’autorité d’un Pape
converti au christianisme scientifique. Prosélyte d’une nouvelle église illuminée dans le régime qu’il qualifie de socialisme de Jésus et
des Apôtres, Roca est un apostat de la plus forte espèce. Au-dessous d’un Eliphas Levi (ex-abbé Constant), certes, mais plus
dynamique qu’un ex-abbé Lacuria, rosicrucien de la première heure, il fréquente les hautes sociétés secrètes, martiniste, occultiste,
kabbaliste. Il n’y tient pas le rôle d’un simple acolyte, il n’assiste à leurs réunions, à leurs congrès spiritualistes, ni en figurant ni en
disciple ; il y apporte au contraire un certain prestige, celui du prêtre renégat, communiquant la flamme plus vive de sa haine, l’appui
de sa science religieuse au service des doctrines maudites. Il vit dans l’intimité des Maîtres dont il partage l’autorité. C’est Chamuel
éditeur du "Traité méthodique des Sciences occultes" de Papus, "d’Eglise et fin de siècle" de l’abbé Jeannin et dont la Librairie, rue de
Trévise, recèle un sanctuaire gnostique où l’on célèbre selon le culte valentinien ou messianiste ; c’est Augustin Chaboseau pour qui il
fait la réclame de la revue "Psyché" ; c’est Barlet dont il recommande les ouvrages. Tous trois font partie des douze de la Chambre de
L’ORDRE KABBALISTIQUE DE LA ROSE-CROIX. Mieux encore, ses rapports avec les Mages attestent dans le blasphème la nature du dieu auquel il
prostitue son sacerdoce, à Stanislas de Guaita qui lui écrit : "Mon bien cher frère en Jésus-Christ" il répond : "MON BIEN AIME FRÈRE EN
JÉSUS-CHRIST... JE NE RENIE AUCUN DES PRINCIPES DE VOTRE ENSEIGNEMENT QUI EST LE MIEN. NOUS SOMMES D’ACCORD, MON CHER FRÈRE SUR TOUS LES POINTS DE
LA DOCTRINE ÉSOTÉRIQUE". Lorsque le Mage Papus, fondateur de l’Ordre Martiniste derrière lequel se retranche l’Ordre Kabbalistique, crée