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Hervé Bazin est de cette trempe-là, à la fois épicurien poursuivant les plaisirs
simples et naturels, proche de la Nature et ce combattant opiniâtre qui
s’engage dans la Cité. Il le dit et l’écrit car tout passe chez lui par l’écriture :
« Je redis : la paix d’abord ! Avant quoi que ce soit. Avant les partis, avant
les religions, avant le progrès, avant la justice. Avant la liberté même. Parce
que la paix est désormais synonyme de survie ». Et il ajoute : « La paix
absolument ! »
Il rejoint ici les grandes figures du XXème siècle qui ont œuvré sans relâche
pour la paix. A une question de Jean-Claude Lamy, il répond :
« J’ai été avec Camus, un des premiers « citoyens du monde », j’en fais
toujours partie en me reprochant de ne l’être que de façon nominale… Je
tiens que la paix est le bien suprême ».
Il voit aussi un monde « au-delà de notre monde ». Il reconnaît même que
« l’anthropocentrisme fait encore des ravages, même parmi les savants » et le
regrette. L’univers d’Hervé Bazin est infini et ne l’effraie pas comme il
effrayait Pascal, car à l’instar de Descartes, il peut le réduire à une étendue et
ainsi le maîtriser. Dans ce monde qui est le nôtre, pour Hervé Bazin, la
femme y a un rôle essentiel et incomparable. Il souhaite l’émancipation totale
de la femme. Il regrette qu’on l’accuse parfois de misogynie alors qu’il a – de
son propre aveu – créé de beaux rôles de femmes dans Qui j’ose aimer, dans
Lève-toi et marche, dans l’Huile sur le feu.
Deux phrases dans Ce que je crois résument bien sa pensée quant aux
femmes :
« Un prêtre ne l’est jamais tout à fait, s’il n’est évêque » et
« La femme naît évêque ».
Nous constatons par ces deux phrases toute la culture profonde d’Hervé Bazin
capable de s’interroger sur des qualificatifs comme ceux de la prêtrise. Un
prêtre, pour lui, n’est complet et réalisé que lorsqu’il est évêque. Il puise
cette conception dans l’Eglise primitive : l’évêque, épiscope, est l’ancien,
celui dont l’autorité est reconnue par les autres prêtres. Et si la femme
« naît » évêque c’est qu’elle est complète dès sa naissance. Bel hommage qui
éloigne encore Hervé Bazin du libertaire révolutionnaire que l’on décrit
souvent.
Et pour conclure, à la fois ce que nous voulions dire de la religion, de la
famille et du monde chez Hervé Basin, cette exhortation dans Ce que je crois
page 57 :
« Saint Freud, orant laïque, pourrait dire ce qui trouble un grand peuple de
fils. Ces révoltes de jeunes, partout, sur la planète, ce goût pour le
vedettariat, ces monuments de bronze ou de papier élevés de leur vivant aux
chefs vénérés de la révolution, ces présidentialisations généralisées, cette
accession des grands hommes à une hagiographie passée du vitrail à l’écran,
voilà bien des intersignes ! Voilà bien des aveux camouflés, disant tous
combien vous nous manquez, Ô notre Père ! qui n’êtes plus aux cieux ».
Magie du verbe et talent de l’écriture !