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usqu’à la mise en place du Système européen des banques centrales
(SEBC 1) au 1er janvier 1998, les Bourses européennes ainsi que les
banques parvenaient à communiquer via un « mode opératoire »
qui n’était guère moins coûteux, ni plus souple, que celui par lequel
elles communiquaient avec les systèmes financiers 2situés en Asie ou
en Amérique, d’où l’idée d’une fragmentation inefficiente du système
financier européen 3. C’est donc en raison de « la fragmentation du
système financier en Europe », notion que nous nous proposons
d’actualiser après l’avoir définie, qu’une expression comme celle de
« système financier européen » a eu pendant longtemps une teneur
discutable, puisqu’il s’agissait en réalité d’une juxtaposition de systèmes
financiers nationaux restés — en dépit des accords de change caracté-
risant le Système monétaire européen — essentiellement indépendants,
c’est-à-dire fragmentés selon deux points de vue: la fragmentation des
techniques de transactions boursières, ainsi que la fragmentation du
secteur bancaire européen.
Dans ce cadre, il semble que le lancement de l’euro en janvier 1999
soit une étape décisive de l’intégration européenne en même temps
que la mise en communication directe des systèmes de paiements inter-
bancaires nationaux via notamment, mais pas uniquement, son épine
dorsale, le système TARGET (Trans European Real Time Gross Settlement
System), système qui assure l’irrévocabilité des transferts de fonds pour
tous les règlements pour lesquels une Banque centrale nationale ou la
Banque centrale européenne est contrepartie. En mettant en commu-
nication les marchés interbancaires de la zone euro, la création de la
Banque centrale européenne et son architecture bancaire, le SEBC, a
probablement amorcé, en effet, la constitution d’un système financier
méritant le qualificatif «d’Européen ». Les systèmes financiers des pays
membres de la zone euro participent dorénavant au même «pool de
liquidités »sur lequel prévalent les mêmes taux d’intérêt, gérés par la
Banque centrale européenne:
Pascal de Lima
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Revue de l’OFCE 9922
1. La politique monétaire au sein de l’UEM (Union Économique et Monétaire) est définie par
le SEBC (Système Européen des Banques Centrales). Il se compose de la BCE et des BCN des
onze pays de l’UEM, dont la Banque de France. Le SEBC a pour mission de définir et mettre en
œuvre la politique monétaire; conduire les opérations de change; gérer les réserves officielles de
change des États membres; promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement.
2. Par souci de clarté, nous désignons par système financier européen, les Bourses ainsi que
les secteurs bancaires des différents pays de la zone euro.
3. Nous précisons « fragmentation inefficiente », dans la mesure où, malgré l’idée tenace
selon laquelle la fragmentation serait nécessairement génératrice d’inefficience, la fragmentation
peut, en théorie, et moyennant certaines conditions liées à la fluidité des transactions locales,
générer, aussi, une certaine forme d’efficience. Ainsi, il n’est pas non plus évident de dire que
l’intégration du système financier européen ne génère pas d’inefficience, notamment d’inefficience
sociale liée au risque de système.