Introduction à la sociologie- Licence 1- Cours magistral 8 – Sociologie urbaine
Fabrice Guilbaud, Maître de conférences, Amiens.
Les villes sont la marque de la civilisation moderne : concentration humaine au sein de vastes ensembles
d’habitation qui centralisent des fonctions administratives, économiques et commerciales.
Quelques indicateurs statistiques : 3 personnes sur 4 habitent en ville en France (44,2 millions en 1999, soit
le double qu’en 1936, alors que la population n’a augmenté que de 40%). Les trois quarts de la population
française vivent dans les unités urbaines qui ne forment que 18% du territoire.
Evidemment, le passage d’une société rurale à la société urbaine touche tous les aspects de la vie sociale
(répartition de la population active, habitats, modes de transport, modes de consommation).
L’urbain est un phénomène mondial dominant : selon l’ONU, en 1999, la population urbaine (considérée à
partir de villes de plus de 5000 habitants) rassemble 50% de la population mondiale, contre un tiers en 1950,
250 agglomérations de plus d’1 million d’habitants contre 16 en 1900 et aucune au XIXe. (Tokyo : 35 ;
Mexico : 19 ; New-York : 18,3 ; Sao Paulo : 17,9, Bombay : 15 ; Calcutta : 14 ; Shanghai : 13 ; Djakarta :
12,3 ; Rio de Janeiro : 11,2). Sur les 100 premières villes du monde, 44 en Asie et 9 en Afrique.
Est-ce que le contexte urbain change les phénomènes ? qu’est-ce qui est propre à la ville dans ces
phénomènes : l’idée c’est que la sociologie urbaine, ça n’est pas tellement la sociologie dans la ville, mais la
sociologie de la ville : on pose donc l’urbain comme objet de l’analyse et non seulement comme cadre, voire
même comme sujet au sens où la ville peut-être le protagoniste de l’histoire : cf. socio-histoire des villes.
I. La question urbaine chez les fondateurs
La question urbaine est présente très tôt dans la sociologie ; sans être centrale, on la trouve chez les pères
fondateurs de la discipline sous différents traits.
Chez Marx, l’opposition ville / campagne est forte parce qu’elle naît de la division capitaliste du travail, elle
est le reflet de l’économie, la ville est le lieu de la concentration ouvrière, le lieu de l’exploitation ; beaucoup
de travaux sociologiques partent de la division du travail et de la répartition spatiale des travailleurs pour
penser la ville. Dans une vision marxiste, elle est le lieu de la reproduction de la force de travail, le lieu où
s’expriment les contradictions du capitalisme.
Chez Durkheim, la ville est un fait social car l’urbain exerce sur nous un ensemble de contraintes.
L’industrialisation et la concentration croissante de individus dans les espaces urbains vient modifier les
liens de solidarité : la ville est à la fois le lieu de l’ « anomie », c'est-à-dire que la ville peut constituer le
terreau à un affaiblissement des liens sociaux, à l’anonymisation et à l’absence ou l’affaiblissement des
règles morales mais la ville est aussi le lieu de l’intégration moderne où l’interdépendance de la ville et sa
densité morale se renforcent c'est-à-dire que le tissu des obligations sociales entre les individus se densifie.
Chez Weber enfin (livre posthume découvert en 1922, La Ville une enquête sociologique), c’est dans la ville
que la rationalisation du monde est visible puisqu’elle centralise le pouvoir bureaucratique : c’est la ville
comme entité politico-administrative. Le langage traduit d’ailleurs cela par le terme d’administré en parlant
des habitants du point de vue du pouvoir municipal. La ville correspond au développement du pouvoir dit
« rationnel légal » qui organise la cohésion urbaine. Cette cohésion urbaine se fonde selon Weber d’abord
sur l’économie avec l’importance stratégique du marché (vente) et des lieux de production, elle se fonde sur
la sécurité (type idéal de la ville forteresse) condition de la mise en œuvre des affaires et, la ville c’est aussi
le lieu de la liberté (plus facile d’innover y compris en matière de droit) et de la fraternisation (Weber a le
modèle de la ville commune, où l’habitant a des droits qui le portent à des devoirs : défendre la ville).
Pouvoir et légitimité politique d’administration et de gestion collective (sur la sécurité, l’économie,
l’emploi) : a quel groupe social la gestion des villes revient-elle etc ?
II. Espace social / Espace urbain – Divisions sociales / divisions spatiales
Dans les villes, les rapports entre individus, groupes et institutions sont structurés par des enjeux liés
directement à l’espace urbain :