
Au nom du respect d’autrui ou de l’opinion d’autrui, la cri-
tique des religions devrait s’effacer au fur et à mesure
qu’on s’approche du dogme ou de l’intimité des convic-
tions des croyants. Étrange conception qui impose des
limites à l’investigation et qui borne la curiosité humaine
puisque le libre examen de quelque doctrine que ce soit
n’est que l’expression la plus libre de la curiosité de cha-
cun à démêler le vrai du faux, du mensonge ou de la
tromperie.
Les religions aussi bien que les croyances religieuses
devraient donc être exclues du champ de la critique pour
obéir aux injonctions des censeurs. Il faut toutefois distin-
guer la religion et les croyances : la religion est l’instru-
mentalisation politique de la croyance à des fins de cap-
tation du pouvoir. Au nom d’une transcendance imaginai-
re, nul ne serait autorisé à questionner l’une comme l’au-
tre. C’est ainsi depuis que les prêtres et autres gourous
existent et c’est fréquemment la mort qui a été promise
aux sceptiques.
Pourtant, la croyance religieuse est une opinion comme
une autre et mérite d’être examinée, débattue, dénoncée,
contestée avec la virulence la plus irrespectueuse ou
moquée avec l’humour le plus irrévérencieux. La religion
n’est pas seulement le bras terrestre et armé d’une paro-
le qu’on qualifie opportunément de divine, c’est aussi et
surtout l’imposition d’un système politique fait d’une sou-
mission absolue qui repose sur un fatras de superstitions.
Ceci pour mieux légitimer un système de privilèges au
profit d’une caste.
A ce titre, la critique des religions doit pouvoir s’exercer
en deux directions : une politique de domination des fem-
mes, des mal pensants, avec l’arsenal répressif qui l’ac-
compagne, et une direction d’ordre surnaturel avec le
recours à des superstitions d’une bêtise absolue qui sont
autant d’insultes à l’intelligence.
Nul système ne peut se prévaloir du titre de démocratie si
la loi d’un dieu absent est placée au-dessus de la loi éta-
blie par les citoyens. C’est pourtant ce qu’on a pu voir lors
des manifestations musulmanes à Paris pour le port du
voile à l’école où des banderoles en arabe proclamaient
que la loi de dieu a priorité sur celles des êtres humains.
L’individu n’est plus libre de s’exprimer sans la censure
divine de ses propos et opinions. L’interdiction de critiquer
une religion est la première bénéficiaire, et bien souvent
l’instigatrice, de l’interdiction de la liberté d’expression et
de conscience. Au XIXème siècle, dans l’encyclique
Mirari vos, le pape Grégoire XVI (1831-1846) a condam-
né “cette opinion absurde et erronée ou plutôt ce délire, à
savoir que doit être revendiquée pour chacun la liberté de
conscience". Le Vatican a toujours été très clair dans son
refus du modernisme, Pie IX reprendra ces même propos
à la lettre près.
Paradoxalement, c’est aujourd’hui au nom de la toléran-
ce et de la liberté d’expression qu’on veut interdire la cri-
tique des religions alors que ces valeurs ont été acquises
contre les prophètes de tous bords. Quand elles ne peu-
vent plus faire taire les athées en employant la violence,
les religions voudraient les faire taire au nom de la tolé-
rance. C’est donc au nom de cette liberté d’expression
que des fanatiques réclament le droit, par exemple, de
faire leur prière dans des lieux publics qui ne sont pas
prévus pour cela. Un exemple ahurissant en a été donné
en 2000 dans les locaux du ministère de l’intérieur quand
les futurs représentants du CFCM ont interrompu une
réunion pour effectuer leur prière. Autre exemple, cette
fois dans des mairies de la région lyonnaise où, pendant
la cérémonie du mariage civil, on a pu voir des personnes
faire la prière dans la salle de la mairie. Occuper l’espace
fait partie de la stratégie de tout mouvement expansion-
niste.
La critique des religions doit donc non seulement être
possible dans la loi, mais doit aussi être pratiquée dans
les faits. Le bilan tragique de siècles et de millénaires de
monothéismes suffit à justifier une religiophobie catégo-
rique. Mais les religions ne doivent pas être uniquement
attaquées pour ce qui est habilement dénommé comme
leurs extrémismes qui, en fait, n’en sont pas. Ce sont bien
leurs valeurs intrinsèques qui doivent être dénoncées
avec la plus grande fermeté, celles inscrites dans des tex-
tes dits sacrés dont l’interprétation parabolique n’est qu’u-
ne piètre tentative d’atténuation de la violence du messa-
ge originel. L’extrémisme religieux est en fait un intégris-
me au sens où il est l’expression du message intégral de
la religion et pas une extrapolation abusive des textes.
Quand Torquemada ou Ben Laden massacrent les
incroyants, ils ne le font pas en vertu d’un détournement
de leurs textes de référence mais en application fidèle de
ce qui reste la plus éclatante des preuves de l’existence
de dieu exprimées dans le Pentateuque : son aptitude à
exterminer, massacrer, détruire. Le Déluge pour extermi-
Jocelyn BEZECOURT Responsable du site atheisme.org
“Pour le droit à la libre
critique des religions “
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Colloque “Islam contre Islam”30 Octobre 2004