THOMAS D’AQUIN (1224/25-1274) ET L’UNIVERSITÉ
En 1215, un appel est lancé par le concile de Latran IV : le salut du peuple chrétien exige
qu’on lui enseigne la Parole de Dieu. La grande politique ecclésiale que mène la papauté
durant la première moitié du XIIIe siècle pour instituer des centres de formation s’incarne
dans l’université et notamment la prestigieuse université de Paris. Ces universités accueillent
des étudiants destinés à devenir des prédicateurs. Parmi ces étudiants se trouve Thomas
d’Aquin
. Thomas appartient à l’ordre des frères prêcheurs, un ordre mendiant fondé en 1215
par Dominique de Guzman. Celui-ci a organisé la vie de ses religieux autour de l’étude et de
la prédication. Il souhaitait des frères parfaitement formés
. Thomas incarne cette volonté de
Dominique. Formé à l’université, il y exerce comme maître et enseigne, prêche et défend la
foi
.
Thomas étudiant.
Les statuts de l’ordre dominicain insistent sur l’aptitude à l’étude du postulant. Thomas entre
dans l’ordre vers avril 1244. Il a déjà reçu une formation de base au monastère du Mont-
Cassin où il a été oblat puis une première formation universitaire à Naples. Devenu frère
prêcheur, Thomas poursuit sa formation à Naples, à Paris puis à Cologne. Cette formation
universitaire est une formation es-arts, préalable indispensable pour intégrer la faculté en
théologie. Thomas découvre alors la philosophie morale. Cette découverte est capitale. Le
XIIIe siècle est marqué par le renouvellement de la conception de la philosophie morale
.
L’Aquinate participe à ce renouvellement. Il s’appuie sur la conviction qu’il existe une
identité entre l’agir moral et l’agir rationnel et qu’en agissant librement car rationnellement,
l’homme se conforme à la loi naturelle c'est-à-dire à la loi divine.
Thomas doit beaucoup à l’enseignement d’Albert dont il est l’assistant à Cologne. Celui-ci a
longtemps été considéré comme un auteur brouillon et peu original. Or il n’en est rien. Tout
au long de sa carrière, l’Aquinate ne cesse de s’intéresser aux écrits de son maître. Thomas
doit d’abord à Albert une méthodologie. Albert, contrairement à ce qui est parfois dit, ne
concilie pas la foi et la raison mais les sépare
. L’Aquinate reprend cette méthodologie
albertinienne. Thomas doit ensuite à Albert sa connaissance de la pensée grecque. Aristote et
Denys l’Aréopagite sont deux auteurs essentiels qui structurent la pensée thomasienne.
Aristote est un auteur contesté. Ses œuvres ainsi que des commentaires juifs et arabes sont
traduites en latin à partir du XIIe siècle. Les autorités universitaires tentent d’abord d’interdire
puis de contrôler leur lecture. Les thèses d’Aristote heurtent les théologiens par les questions
qu’elles suscitent : le monde est-il éternel ? ; le bonheur existe-t-il en cette vie ? Si la plupart
des théologiens condamnent ces thèses sans les discuter, d’autres, en revanche s’y intéressent.
Pour l’ensemble des données biographiques, consulter : J.-P. TORRELL, Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa
personne et son œuvre, Fribourg-Paris, Éditions Universitaires de Fribourg-Cerf, 2002, 2e éd. Pour une
présentation de sa pensée philosophique : R. IMBACH et A. OLIVA, La philosophie de Thomas d’Aquin, Paris,
Vrin, 2009. L. ELDERS, Au cœur de la philosophie de saint Thomas d’Aquin, Paris, Parole et Silence, 2009.
Pour une présentation de sa pensée théologique : O. H. PESCH, Thomas d’Aquin. Grandeur et limites de la
théologie médiévale, Paris, Cerf, 1994.
J.-M. GOGLIN, L’enseignement de la théologie dans les ordres mendiants à Paris au XIIIe siècle, Paris,
Éditions Franciscaines, 2002.
A. OLIVA, « Frère Thomas d’Aquin, universitaire », Université, Église, Culture. L’Université Catholique au
Moyen Âge, G.-R. Thivierge et alii éd., Paris, Centre de coordination de la recherche de F.I.U.C., 2007, p.233-
268.
M. B. INGHAM, La vie de la sagesse. Le stoïcisme au Moyen Âge, Fribourg-Paris, Academic Press-Cerf, 2007.
A. DE LIBERA, Métaphysique et noétique. Albert le Grand. Paris, Vrin, 2005.