pAgE 34 / LE bARbIER DE SÉVILLE
C’est là où j’en suis en ce moment. Je vais analyser
les scènes et voir ce qui revient dans chacune
d’elles. Je vais aussi me pencher sur les points forts
de la pièce en me demandant ce que je retiens du
texte et ce que j’en enlève. On parle beaucoup dans
cette œuvre et ce n’est peut-être pas nécessaire
de parler autant.
Est-ce qu’à la lecture de la pièce certains
éléments comiques vous ont attiré que
vous auriez envie de mettre en relief?
Cette pièce-là, pour moi, est d’abord un conte de
fées. Dans la pièce, Rosine est sauvée par un prince
charmant. Il y a aussi un côté étrange à cette pièce.
Un vieux monsieur qui élève une jeune fille, ce n’est
pas évident pour nous aujourd’hui. Ça rappelle
aussi La Belle et la bête, un conte un peu bizarre,
étrange. J’ai tenu à respecter cette caractéristique
du texte, en choisissant des comédiens de façon
à ce que la jeune fille ait l’air jeune et à ce que
le monsieur ait l’air d’un homme d’âge mûr. Bien
sûr, dans la pièce, il y a des ressorts comiques,
mais ce n’est pas une comédie dans le sens où on
l’entend aujourd’hui. À l’époque, une comédie est
une pièce qui finit bien. Qu’est-ce qui doit être joué
dans la vérité et non dans le grotesque ? Qu’est-ce
qui est drôle ? Il y a des jeux de cachette, des jeux
de passe-passe avec des lettres. On pourrait dire
des amoureux qu’ils sont naïfs, et c’est toujours
drôle des gens maladroits en amour.
Quelles images vous sont venues en tête
quand vous avez lu la pièce?
Quand je lis, ce sont les costumes qui me viennent
d’abord en tête. Pour cette pièce, à la lecture, je
voyais des costumes classiques dans les tons de
noir et blanc.
C’est aussi lors de ces premières lectures que
je fais les coupures. Il y a ensuite rencontres et
discussions avec les concepteurs, et dialogue
avec Véronique Borboën, professeure à l’UQÀM.
Cette femme est une encyclopédie vivante. On
discute de l’époque, je lui pose toutes les questions
qui me passent par la tête, par exemple sur le
quotidien des gens, sur la façon dont ils vivent. Je
rencontre ensuite à nouveau les concepteurs. Nous
nous appuyons alors sur le texte. Vient ensuite la
rencontre avec les comédiens. Je leur donne le
plus d’informations possible sur le spectacle. Je
travaille beaucoup avec le cinéma comme référence
et je conseille aux comédiens de visionner tel ou
tel film. Ça aide beaucoup de s’inspirer d’univers
cinématographiques. Une fois que c’est fait, on
oublie l’époque pour se concentrer sur le jeu.
En ce qui a trait à cette pièce, j’ai déjà effectué
les coupures, ce que je fais toujours dans les
textes d’époque. On a souvent l’impression qu’on
doit garder tout ce qui est écrit. Or, les auteurs
s’adressent à leurs contemporains et lorsqu’une
pièce nous parvient des dizaines, voire des
centaines d’années après sa création, il nous
manque des références. Dans Le Barbier de Séville,
par exemple, j’ai coupé plusieurs chansons. Pour
choisir celles que je gardais, je me suis posé la
question suivante : est-ce que, dans ce passage, le
personnage chante pour se divertir ou est-ce que
le texte chanté est indispensable au spectacle ?
Les nombreuses chansons présentes dans le texte
s’expliquent peut-être par le fait que Beaumarchais
était aussi un compositeur.
Comment choisissez-vous les comédiens?
Pour ce projet-là, je voulais travailler avec
Carl Poliquin dans le rôle de Figaro et
Daniel Desparois dans celui de Bazile, un autre
personnage comique. Ils ont étudié ensemble et
développé une belle complicité dans Les Fourberies
de Scapin que j’ai mis en scène au Théâtre Denise-
Pelletier en 2007. J’ai reçu 34 personnes en audition
pour les rôles de Rosine et du Comte. Quand j’ai
vu Kevin Houle, j’ai su que c’était lui le Comte.
J’avais déjà travaillé avec Madeleine Péloquin
ENTRETIEN AVEC DANIEL PAQUETTE,
METTEUR EN SCÈNE