RESUME
En quelques décennies, le changement climatique s’est affirmé comme un objet de
recherche central pour la communauté scientifique et comme une question sociale et
politique de premier plan. Deux modes d’action dominants, relayés par les travaux du
GIEC, ont fait office de réponse institutionnelle : l’atténuation, d’une part, l’adaptation,
d’autre part. Cette seconde réponse s’est imposée comme une voie politique potentielle,
en empruntant l’argument d’un impératif de survie de l’humanité et en adoptant la forme
d’un vaste programme normatif. Dans une première partie, nous interrogeons la
construction scientifique et politique ainsi que la diffusion de ces politiques d’adaptation
au changement climatique en tant que cadre émergent structurant d’une action publique
globale, transversale et multiniveaux. Nous analysons particulièrement le processus
d’institutionnalisation convergent des politiques d’adaptation au changement climatique
en France et au Québec. Dans une seconde partie, la thèse vise à expliquer les enjeux de
la diffusion de l’adaptation au changement climatique dans les politiques territoriales de
gestion des risques et de gouvernance des ressources en eau. En mobilisant, un cadre
théorique empruntant à la sociologie des épreuves, à l’actionnisme et à la sociologie des
espaces de définitions des problèmes publics, la thèse permet de déterminer ce que peut
produire la mise en visibilité du changement climatique dans la gestion territoriale de
l’eau. On reviendra ainsi sur trois situations contrastées. Tout d’abord, un cas d’expertise
de type lanceurs d’alerte lors de la gestion d’une inondation (Richelieu, Québec). Une
situation où l’expertise s’intègre dans les enjeux actuels de gestion de l’eau (la révision du
plan de gestion des étiages de la Garonne), cependant l’appropriation stratégique des
incertitudes du changement climatique par les acteurs de l’eau contraint le potentiel
transformateur et enfin une dernière situation où l’expertise dégagée des enjeux actuels
(la prospective Garonne 2050) tend à produire une tension cognitive qui se révèle
insuffisante pour engager les acteurs vers de nouvelles pratiques. Il ressort finalement de
ces nouvelles exigences qu’impose l’adaptation au changement climatique entrent en
contradiction avec les intérêts et les temporalités plus courtes qui prévalent encore dans
les activités locales de gestion.
Mots clés : Adaptation, changement climatique, espaces de définition, mise en visibilité,
gestion locale de l’eau