LECTIO DIVINA Dimanche V de Carême - Année

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LECTIO DIVINA
Dimanche V de Carême - Année A
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Pour ce dernier dimanche avant la Semaine sainte, nous accompagnons
Jésus qui ressuscite son ami Lazare. Alors que le Carême touche à sa fin, et que
le Seigneur sera bientôt soumis à la Passion et à la mort, l’Église nous rappelle
ainsi que Jésus est le Seigneur de la Vie. Ce signe si puissant - si scandaleux
- provoque la foi de nombreux Juifs (Jn 11,45). Il provoque aussi sa Passion
(v.53 : ils résolurent de le tuer). C’est une image du baptême, lorsque Jésus nous a
fait sortir du tombeau du péché ; mais c’est aussi une figure de la résurrection
finale, lorsque qu’Il viendra réveiller toute l’humanité soumise à l’emprise de la
mort. Nous pouvons ainsi anticiper le chant d’une hymne pascale :
Mors et vita duello / Conflixere mirando / Dux vitae mortuus / Regnat vivus.
La mort et la vie s’affrontèrent dans un duel formidable : le Seigneur de la vie,
mort, règne vivant. (1)
1
Lectures de la Messe
Ez 37,12-14 Le peuple mort va revivre
Ps 130,1 Auprès du Seigneur est la grâce, la pleine délivrance
Rm 8,8-11 Celui qui a ressuscité Jésus vous donnera la vie
Jn 11,1-45 Mort et résurrection de Lazare
Explication des lectures
Pendant l’épreuve de l’Exil à Babylone, le prophète Ezéchiel s’adresse
aux Hébreux qui désespèrent et se croient perdu : quel futur pour un petit
peuple déporté et humilié ? Le Dieu d’Israël promet alors de ne pas
l’abandonner. Il ouvrira bientôt le tombeau de l’Exil et fera revenir son peuple
sur la Terre Sainte. Après l’accomplissement historique de cet oracle (sous
Cyrus : Esd 1,1), la voix du prophète continue de résonner comme une
promesse de vie pour toutes les situations de mort : à ses fidèles, le Dieu vivant
donnera son Esprit pour une vie nouvelle.
Le péché est précisément une de ces situations de mort : comme en écho à
la promesse d’Ezéchiel, le Psaume 130 (129) exprime l’espérance du pécheur
de ne pas être abandonné par son Dieu. Il le supplie (écoute mon appel !), essaie de
le convaincre (si tu retiens les fautes, qui subsistera ?), exprime son espérance par
l’image du veilleur qui, harassé par la fatigue de la nuit, attend impatiemment
l’aurore pour se reposer. En pardonnant, le Seigneur récompensera cette
espérance et offrira une nouvelle vie.
2
Vivre dans l’Esprit : c’est l’invitation de saint Paul, par opposition à la vie
de la chair (v. 5 : ceux qui vivent selon la chair désirent ce qui est charnel ; ceux qui
vivent selon l’esprit, ce qui est spirituel). Le chrétien est un temple de l’Esprit Saint :
cet Esprit est celui de Dieu même, qui a ressuscité Jésus et qui nous ressuscitera
au dernier jour. Il nous conduit donc de la vie présente à la Vie en Dieu. La fleur
est d’abord un germe, et ensuite s’épanouit sous la poussée de la sève : ainsi
notre vie dans le Christ sur cette terre n’est qu’un germe qui s’épanouira au Ciel
sous l’action de l’Esprit.
Toutes ces images d’opposition entre la vie et la mort trouvent leur
culmination dans l’épisode de la résurrection de Lazare : Jésus est le
Seigneur de la vie (Moi, je suis la résurrection et la vie), qui laisse pourtant son ami
s’endormir dans la mort, avant d’être sollicité par les deux Soeurs Marthe et
Marie. Très humainement, il se laisse bouleverser par l’émotion, pleure et se
rend au tombeau : une parole lui suffit pour faire revenir à la vie Lazare. Tout
cet épisode nous montre ainsi le double attachement de son cœur : avec son
Père, Dieu de la vie, et avec les hommes, ses amis. C’est pourquoi la foi est si
importante pour Jésus et dans ce passage, puisqu’elle relie l’homme avec Dieu
comme le dit le pape François :
« À Marthe qui pleure la mort de son frère Lazare, Jésus dit : Ne t’ai-je pas
dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? Celui qui croit, voit ; il voit avec
une lumière qui illumine tout le parcours de la route, parce qu’elle nous
vient du Christ ressuscité, étoile du matin qui ne se couche pas. » (2)
3
Méditation
1. L’empire de la mort
La mort domine tout ce chapitre 11 de saint Jean : en apprenant la
nouvelle de la maladie de Lazare, Jésus la mentionne tout de suite (v.4) ; c’est le
thème de l’incompréhension des disciples (v.13) et de l’enthousiasme de
Thomas (v.16) ; tout le mouvement des personnages conduit devant la tombe ;
les deux sœurs font le même reproche à Jésus : Seigneur, si tu avais été ici, mon
frère ne serait pas mort (vv. 21 et 32) ; les Juifs sont venus pour partager le deuil et
Marthe est qualifiée de sœur du mort… Dans le texte grec, la racine θαν(θάνατος, ἀποθνήσκω) apparaît 11 fois. Et surtout, la mort de Jésus luimême est présente, depuis le début puisque les disciples en ont peur (les Juifs
cherchent à te lapider, v.8) et jusqu’à la fin, quand elle est décidée par les autorités
(v. 53 : ils résolurent de le tuer).
Avant de considérer le miracle de Jésus, il est bon de s’arrêter sur cette
présence dramatique de la mort, en cet épisode comme dans notre vie
personnelle, dans l’histoire de l’humanité ; c’est l’illustration de cette phrase de
saint Paul que nous avons lue au début du Carême (premier dimanche) : Par un
seul homme [Adam], le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la
mort a passé en tous les hommes… (Rom 5,12). Nous le savons… mais en tironsnous toutes les conséquences ? Le grand Bossuet, en représentant la scène de cet
évangile devant la Cour, nous aide à pratiquer ce memento mori classique de la
spiritualité moderne :
4
« C’est à lui [Jésus] que l’on dit dans notre évangile : Seigneur, venez, et
voyez où l’on a déposé le corps du Lazare ; c’est lui qui ordonne qu’on lève
la pierre, et qui semble nous dire à son tour : venez, et voyez vousmêmes. Jésus ne refuse pas de voir ce corps mort, comme un objet de
pitié et un sujet de miracle ; mais c’est nous, mortels misérables, qui
refusons de voir ce triste spectacle, comme la conviction de nos
erreurs. Allons, et voyons avec Jésus-Christ ; et désabusons-nous
éternellement de tous les biens que la mort enlève. » (3)
La mort se présente souvent à notre porte : un ami qui subit un accident,
un parent qui meurt après une longue maladie, les nouvelles de chaque jour avec
leur lot d’infortunés, des problèmes de santé… Et pourtant lorsqu’elle nous
concerne plus particulièrement, c’est toujours un sujet d’étonnement ! La
première leçon que nous devrions tirer de sa présence est notre petitesse ; notre
histoire personnelle n’est qu’un point dans l’éternité :
« Encore une fois, qu’est-ce que de nous ? Si je jette la vue devant moi,
quel espace infini où je ne suis pas ! Si je la retourne en arrière, quelle
suite effroyable où je ne suis plus ! Et que j’occupe peu de place dans cet
abîme immense du temps ! Je ne suis rien : un si petit intervalle n’est
pas capable de me distinguer du néant ; on ne m’a envoyé que pour faire
nombre ; encore n’avait-on que faire de moi, et la pièce n’en aurait pas été
moins jouée, quand je serais demeuré derrière le théâtre. » (4)
Jésus vient précisément dans cet empire de la mort ; si nous méditons sur
5
les vanités de ce monde qui passe, ce n’est pas pour le mépriser, mais pour
attendre Celui qui l’a racheté. Notre cœur a besoin d’être vidé des créatures
pour pouvoir accueillir Dieu comme il se doit. Bossuet, dans le second point de
son sermon, voit ainsi Jésus auprès de Lazare comme le Créateur revenu
pour réparer sa création :
« Mais voici en la personne de Jésus-Christ la résurrection et la vie : qui croit
en lui, ne meurt pas ; qui croit en lui, est déjà vivant d’une vie spirituelle et
intérieure, vivant par la vie de la grâce qui attire après elle la vie de la
gloire. Mais le corps est cependant sujet à la mort ! Ô âme, console-toi : si
ce divin architecte, qui a entrepris de te réparer, laisse tomber pièce à
pièce ce vieux bâtiment de ton corps, c’est qu’il veut te le rendre en
meilleur état, c’est qu’il veut le rebâtir dans un meilleur ordre ; il entrera
pour un peu de temps dans l’empire de la mort, mais il ne laissera rien
entre ses mains, si ce n’est la mortalité. » (5)
Seigneur, accorde-moi la sagesse que donne la méditation sur la mort : que mon
cœur ne s’attache pas à ce monde qui passe, mais qu’il soit ancré en Toi. Montre-moi
toutes les vanités dans ma vie, et libère-moi de ces illusions. Je te confie aussi tous les
défunts de ma famille, et tous ceux qui sont affligés par le deuil ; donne-nous la
consolation de Ta présence dans l’Eucharistie, en attendant ton Retour glorieux où tu
viendras ouvrir définitivement nos tombeaux.
6
2. Notre histoire terrestre en compagnie de Jésus
Relisons la prophétie d’Ezéchiel (1º lecture) :
« Ainsi parle le Seigneur Yahvé : Voici que j'ouvre vos tombeaux; je vais vous faire
remonter de vos tombeaux, mon peuple, et je vous ramènerai sur le sol d'Israël. Vous
saurez que je suis Yahvé, lorsque j'ouvrirai vos tombeaux et que je vous ferai
remonter de vos tombeaux, mon peuple. Je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez,
et je vous installerai sur votre sol, et vous saurez que moi, Yahvé, j'ai parlé et je
fais, oracle de Yahvé. » (Ez 37,12-14).
Cet oracle continue de nous interpeller aujourd’hui : nous vivons tant de
situations de mort (physique, spirituelle, morale…) où l’intervention de Dieu
est nécessaire, où sa main secourable doit venir nous arracher à la détresse. La
maladie de Lazare figure bien notre histoire : le chemin de chacun
d’entre nous sur cette terre, qui aboutit inexorablement à la mort ; le chemin de
l’humanité qui semble s’engouffrer dans le péché ; le chemin de tant de
malheureux qui se sentent abandonnés par le Seigneur… Il nous a promis
d’ouvrir nos tombeaux et de nous conduire à la terre : quand, et sur quelle terre ?
Dans l’évangile de Jean, une phrase de Jésus fait écho à l’oracle d’Ezéchiel :
Elle vient, l'heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa
voix et sortiront : ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux
qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement. (Jn 5,28-29)
7
Jésus parle bien de son retour à la fin des temps ; nous l’attendons avec
patience et nous savons qu’il prononcera un jour ce grand cri (Lazare, viens dehors
! = Venez, les bénis de mon Père ! Mt 25,34). La terre promise est désormais le Ciel
avec Lui. Mais entre-temps notre histoire semble vraiment tragique, et comme
pour Lazare, la maladie conduit à la mort. Pourquoi Jésus a-t-il dit le contraire à
ses disciples ? Pourquoi ce retard pour aller trouver son ami ? Le même reproche
que lui font les deux sœurs peut être mis sur les lèvres de l’Eglise aujourd’hui :
Seigneur, si tu étais plus présent en ce monde, nos frères ne mourraient pas… Pourquoi
tarder ? Viens, Seigneur Jésus ! (Ap 22,20). Et Jésus nous répond aujourd’hui
comme à Marthe :
Je suis la résurrection. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et quiconque vit
et croit en moi ne mourra jamais. (Jn 11,25-26)
Il est présent dans l’histoire aujourd’hui, il ne promet pas seulement de
retourner à la fin des temps : son Incarnation est bien l’irruption de Dieu sur
notre terre, Dieu qui vient cheminer avec nous. Et cette Incarnation continue
aujourd’hui avec l’Eglise, qui nous donne par anticipation la vie éternelle. Jésus
qui marche avec nous : lors de sa toute première audience, le Pape François a
voulu transmettre cette Présence :
« Dans sa mission terrestre, Jésus a parcouru les routes de la Terre Sainte ;
il a appelé douze personnes simples afin qu’elles demeurent avec Lui,
qu’elles partagent son chemin et poursuivent sa mission ; il les a choisies
parmi le peuple plein de foi dans les promesses de Dieu. Il a parlé à tous,
8
sans distinction, aux grands et aux humbles, au jeune homme riche et à la
veuve pauvre ; aux puissants et aux faibles ; il a apporté la miséricorde et
le pardon de Dieu ; il a guéri, réconforté, compris ; il a donné l’espérance
; il a porté à tous la présence de Dieu qui s’intéresse à tout homme et
toute femme, comme le fait un bon père et une bonne mère à l’égard de
chacun de ses enfants. Dieu n’a pas attendu que nous allions à Lui, mais
c’est Lui qui est venu à nous, sans calculs, sans mesures. Dieu est ainsi : Il
fait toujours le premier pas, Il vient vers nous. Jésus a vécu les réalités
quotidiennes des personnes les plus communes : il s’est ému devant la
foule qui semblait un troupeau sans pasteur ; il a pleuré devant les
souffrances de Marthe et Marie pour la mort de leur frère Lazare ; il a
appelé un publicain à être son disciple ; il a également subi la trahison d’un
ami. En Lui, Dieu nous donné la certitude qu’il est avec nous, parmi nous.
« Les renards — a-t-Il dit — les renards ont des tanières et les oiseaux du
ciel ont des nids ; le Fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête » (Mt
8, 20). Jésus n’a pas de maison car sa maison, ce sont les personnes, c’est
nous, sa mission est d’ouvrir à tous les portes de Dieu, être la présence
d’amour de Dieu. » (6)
La liturgie de la messe du jour note le même aspect de l’évangile :
Il [Jésus] est cet homme plein d’humanité qui a pleuré sur son ami Lazare ; il est
Dieu, le Dieu éternel qui fit sortir le mort de son tombeau : ainsi, dans sa tendresse
pour tous les hommes, il nous conduit, par les mystères de sa Pâque, jusqu’à la vie
nouvelle. (7)
9
Nous pouvons dès lors contempler cette présence de Jésus à nos côtés et
vivre le Carême de façon différente : en étant comme Jésus tournés totalement
vers les besoins de nos frères. Le pape François y insiste et nous offre matière à
une prière plus concrète :
« Que signifie tout cela pour nous ? Cela signifie que c’est également mon
chemin, ton chemin, notre chemin. Vivre la Semaine Sainte en suivant
Jésus non seulement avec l’émotion du cœur ; vivre la Semaine Sainte en
suivant Jésus signifie apprendre à sortir de nous-mêmes — comme
je le disais dimanche dernier — pour aller à la rencontre des autres, pour
aller vers les périphéries de l’existence, faire le premier pas vers nos frères
et nos sœurs, en particulier ceux qui sont le plus éloignés, ceux qui sont
oubliés, ceux qui ont le plus besoin de compréhension, de réconfort,
d’aide. Il y a tant besoin d’apporter la présence vivante de Jésus
miséricordieux et riche d’amour ! » (8)
3. L’amour de Jésus envers les pécheurs
Saint Jean imprègne toute sa narration du miracle par la bonne odeur de
l’affection et de l’amitié : Lazare est « notre ami » ; il y a le souvenir de
l’onction à Béthanie (un geste si féminin) ; Jésus aimait Marthe et sa sœur et Lazare
(v. 5) ; les disciples se préoccupent pour Jésus et décident de le suivre dans le
danger… Jusqu’aux reproches de Marthe puis de Marie, qui montrent leur
familiarité et leur confiance envers Jésus. Comme le note saint Augustin :
10
« L’un était malade, les deux autres étaient affligées, tous étaient aimés,
mais celui qui les aimait était celui qui guérit les malades et, plus encore
même, celui qui ressuscite les morts et qui console les affligés. » (9)
Même si ce n’est pas l’intention de l’évangéliste, nous pouvons appliquer
sa narration à l’amour de Jésus pour les pécheurs. Nous savons que Jésus avait
une prédilection particulière pour eux : il affirme être venu chercher ce qui était
perdu, ou encore guérir les malades. La maladie de Lazare est comme le péché, qui
nous conduit à la mort spirituelle, paralysés que nous sommes sous le poids de
nos fautes. C’est ainsi que saint Augustin interprète la situation de Lazare dans le
tombeau :
« Combien y en a-t-il dans ce peuple qui sont écrasés par le poids de
l’habitude ? Parmi ceux qui m’écoutent il y en a peut-être certains à qui on
a dit : Ne vous enivrez pas de vin : en lui se trouve la luxure (Eph 5,18) et qui
répondent : ‘Nous ne pouvons pas’. Peut-être parmi ceux qui m’écoutent
se trouve-t-il des impurs, souillés de débauches et de turpitudes, auxquels
on dit : ‘N’agissez pas ainsi pour ne pas périr’, et qui répondent : ‘Nous ne
pouvons pas être arrachés à notre habitude’. Seigneur, ressuscite-les. Je
suis, dit-il, la Résurrection et la Vie, la Résurrection parce que je suis la Vie.
» (10)
Dès lors, les détails de la narration prennent un sens nouveau : Jésus
demande « où l’avez-vous mis ? » (v. 34), comme Dieu dans le Paradis interpella
Adam : « Où es-tu ? » (Gn 3,9). Marthe et Marie qui appellent au secours sont
11
comme l’Église qui supplie le Médecin des âmes de prendre soin de
nous (intercession). Et lorsque Jésus pleure, c’est pour nous enseigner les
larmes du repentir :
« Écoute encore : le Christ a pleuré. Que l’homme pleure sur lui-même.
Pourquoi le Christ a-t-il pleuré en effet si ce n’est parce qu’il a enseigné à
l’homme à pleurer ? Pourquoi a-t-il frémi et s’est-il troublé en lui-même
sinon parce que la foi de l’homme qui se déplaît à juste titre doit d’une
certaine manière frémir dans l’accusation de ses œuvres mauvaises pour
que l’habitude de pécher cède devant la violence du repentir ? » (11)
Jésus est venu à Béthanie pour ressusciter son ami, et il est venu en ce
monde pour donner la Vie : son apostrophe à Lazare (viens dehors ! v.43), avec sa
prière à son Père, symbolise son intercession pour les pécheurs et le pardon qu’il
obtient : Alors Lazare s’avance, lié de bandelettes…
« Quand tu n’as que mépris [pour le bien], tu es étendu mort et […] dans
le tombeau ; quand tu confesses tes fautes, tu t’avances ; qu’est-ce que
s’avancer en effet sinon se manifester en sortant pour ainsi dire de ce qui
était caché ? Mais cette confession, c’est Dieu qui t’amène à la faire en
criant d’une voix forte, c’est-à-dire en t’appelant par une grande grâce.
C’est pourquoi, après que le mort se fut avancé encore lié, confessant ses
fautes et coupable encore, le Seigneur dit aux ministres pour que
ses péchés soient déliés : Déliez-le et laissez-le s’en aller. » (12)
Cela nous invite à intercéder pour tous nos frères pécheurs ; redisons avec
12
le psalmiste : Si tu retiens les fautes, Seigneur / Seigneur, qui subsistera ? / Mais près de
toi se trouve le pardon / pour que l’homme te craigne. / Oui, près du Seigneur est l’amour
; / près de lui, abonde le rachat. / C’est lui qui rachètera Israël / de toutes ses fautes. (Ps
130)
Pour aller plus loin
Résolution
Pendant ces derniers jours avant la Semaine sainte, j’essaierai de suivre
l’invitation du pape François à apporter la présence vivante de Jésus miséricordieux et
riche d’amour pour tous mes frères : en étant plus disponible pour les confessions,
si je suis prêtre ; en étant plus attentif aux membres de ma famille (naturelle ou
religieuse) et à leurs nécessités spirituelles ; en implorant pour tous la
miséricorde divine.
Réflexion
Ce chapitre 11 de l’évangile de Jean insiste beaucoup sur la foi, en voyant
le miracle de Jésus, ou en écoutant sa Parole. Voir, écouter, croire : dans sa
première encyclique, Lumen Fidei, le pape François (guidé par le pape émérite
Benoît…) nous offre une réflexion très profonde sur ces thèmes. Elle nous
introduit à cet évangile mystique (13) :
« 30. La connexion entre la vision et l’écoute, comme organes de
connaissance de la foi, apparaît avec la plus grande clarté dans l’Évangile de
Jean. Selon le quatrième Évangile, croire c’est écouter et, en même
13
temps, voir. L’écoute de la foi advient selon la forme de connaissance qui
caractérise l’amour : c’est une écoute personnelle, qui distingue la voix et
reconnaît celle du Bon Pasteur (cf. Jn 10, 3-5) ; une écoute qui requiert la
sequela, comme cela se passe avec les premiers disciples qui, « entendirent
ses paroles et suivirent Jésus » (Jn 1, 37). D’autre part, la foi est liée aussi
à la vision. Parfois, la vision des signes de Jésus précède la foi, comme avec
les juifs qui, après la résurrection de Lazare, « avaient vu ce qu’il avait fait,
crurent en lui » (Jn 11, 45). D’autres fois, c’est la foi qui conduit à une
vision plus profonde : « si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11,
40). Enfin, croire et voir s’entrecroisent : « Qui croit en moi (…) croit en
celui qui m’a envoyé ; et qui me voit, voit celui qui m’a envoyé » (Jn 12,
44-45). Grâce à cette union avec l’écoute, la vision devient un engagement
à la suite du Christ, et la foi apparaît comme une marche du regard, dans
lequel les yeux s’habituent à voir en profondeur. Et ainsi, le matin de
Pâques, on passe de Jean qui, étant encore dans l’obscurité devant le
tombeau vide, « vit et crut » (Jn 20, 8) ; à Marie de Magdala qui,
désormais, voit Jésus (cf. Jn 20, 14) et veut le retenir, mais est invitée à le
contempler dans sa marche vers le Père ; jusqu’à la pleine confession de la
même Marie de Magdala devant les disciples : « j’ai vu le Seigneur ! » (cf.
Jn 20, 18).
Comment arrive-t-on à cette synthèse entre l’écoute et la vision ? Cela
devient possible à partir de la personne concrète de Jésus, que l’on voit et
que l’on écoute. Il est la Parole faite chair, dont nous avons contemplé la
14
gloire (cf. Jn 1, 14). La lumière de la foi est celle d’un Visage sur lequel on
voit le Père. En effet, la vérité qu’accueille la foi est, dans le quatrième
Évangile, la manifestation du Père dans le Fils, dans sa chair et dans ses
œuvres terrestres, vérité qu’on peut définir comme la « vie lumineuse »
de Jésus. Cela signifie que la connaissance de la foi ne nous invite pas à
regarder une vérité purement intérieure. La vérité à laquelle la foi nous
ouvre est une vérité centrée sur la rencontre avec le Christ, sur la
contemplation de sa vie, sur la perception de sa présence. En ce sens, saint
Thomas d’Aquin parle de l’oculata fides des Apôtres — une foi qui voit !
— face à la vision corporelle du Ressuscité. Ils ont vu Jésus ressuscité avec
leurs yeux et ils ont cru, c’est-à-dire ils ont pu pénétrer dans la profondeur
de ce qu’ils voyaient pour confesser le Fils de Dieu, assis à la droite du
Père.
31. C’est seulement ainsi que, à travers l’Incarnation, à travers le partage
de notre humanité, pouvait s’accomplir pleinement la connaissance propre
de l’amour. La lumière de l’amour, en effet, naît quand nous sommes
touchés dans notre cœur ; nous recevons ainsi en nous la présence
intérieure du bien-aimé, qui nous permet de reconnaître son mystère.
Nous comprenons alors pourquoi, avec l’écoute et la vision, la foi est,
selon saint Jean un toucher, comme il l’affirme dans sa première lettre : «
(…) ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux (…) ce
que nos mains ont touché du Verbe de vie » (1 Jn 1, 1). Par son
Incarnation, par sa venue parmi nous, Jésus nous a touchés, et, par les
15
Sacrements aussi il nous touche aujourd’hui ; de cette manière, en
transformant notre cœur, il nous a permis et nous permet de le
reconnaître et de le confesser comme le Fils de Dieu. Par la foi, nous
pouvons le toucher, et recevoir la puissance de sa grâce. Saint Augustin, en
commentant le passage sur l’hémorroïsse qui touche Jésus pour être guérie
(cf. Lc 8, 45-46), affirme : « Toucher avec le cœur, c’est cela croire ». La
foule se rassemble autour de Lui, mais elle ne l’atteint pas avec le toucher
personnel de la foi, qui reconnaît son mystère, sa Filiation qui manifeste le
Père. C’est seulement quand nous sommes configurés au Christ, que nous
recevons des yeux adéquats pour le voir. »
Références
(1) Hymne pascale Victimae Paschali Laudes.
(2) Pape François, encyclique Lumen Fidei, nº1.
(3), (4) et (5) : J.-B. Bossuet, Sermon sur la mort, prononcé au Louvre devant la Cour,
pour le vendredi de la IVème semaine de Carême 1662.
(6) et (8) Pape François, Audience générale, 27 mars 2013 (la première de son
pontificat).
(7) Préface de la messe du 5º dimanche de Carême.
(9), (10) (11) et (12) : Saint Augustin, Homélies sur l’évangile de Jean, Tractatus XLIX,
Etudes augustiniennes 1989 (vol. 73B), pp. 197 sq : nn. 7, 14, 19 et 24.
(13) Pape François, encyclique Lumen Fidei, nº30-31.
Contacter l'auteur de la Lectio Divina, P. Nicolas Bossu, LC
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