patronnés (cf. Svetlana Alpers, « Rembrandt, un maître dans son atelier », Annales ESC,
, p. -, et L’Atelier de Rembrandt. La liberté, la peinture et l’argent, trad. franç., Paris,
Gallimard, ). Mais ces cas demeuraient exceptionnels et tenaient à la situation socio-
économique particulière de la Hollande du XVIIesiècle qui préfigurait la société démocra-
tique bourgeoise. « […] à partir du XVIesiècle, tous les grands artistes tenaient à faire une
nette différence entre l’art et l’activité manuelle, mais de nombreux commanditaires,
surtout dans le Nord, se montraient réticents à le reconnaître — moins en théorie peut-
être qu’en pratique. Au Moyen Âge, les peintres avaient, à la cour de France, un rang à
peine plus élevé que les serviteurs et les marmitons ; au XVIesiècle, ils n’avaient pas dépassé
le titre de “valets de chambre”, titre qu’ils partageaient avec les poètes, les musiciens et les
bouffons et qui les mettait en-dessous du personnel militaire, ecclésiastique et laïc de la
maison royale. » (Rudolf et Margot Wittkower, op. cit., p. .)
L’émancipation des règles et des astreintes corporatives, puis de la commande de la ville,
passera par l’octroi de libéralités qui consacrent un art libéral non plus rétribué au prorata
de la quantité de travail ni de la valeur des composants, et évaluent l’« œuvre » à l’aune du
« génie » de son « créateur ». Cette émancipation de l’artiste de la Renaissance accédant
au statut d’« intellectuel », dès lors que les arts visuels sont reconnus parmi les arts libé-
raux, sera le fait de l’académisation du monde artistique, corrélatif à la promotion d’un
idéal courtisan de l’artiste, homme de bonne composition, de bonnes manières, de grande
culture et de goût supérieur, bref d’une grande civilité et pourvu d’une « noblesse d’es-
prit » (idéal exemplifié par le De Pictura d’Alberti). Toutefois, cet avènement eut pour
corollaire l’assujetissement de l’artiste au goût de la cour et à la politique du prince (ou du
cardinal). L’enjeu politique de l’art remonte ainsi au moins à la Renaissance, lorsqu’une
reconnaissance statutaire fut accordée à certains artistes très prisés et très sollicités, dans le
jeu des rivalités entre Cités en Italie, entre villes et cours, puis plus tard entre mécènes. Le
désir d’accroître son prestige par rapport aux villes rivales conduisit à l’établissement du
poste de « Peintre de la Ville » (à Venise surtout) et à la nomination d’artistes renommés
à une fonction de prestige, comme la nomination de Giotto, en , en qualité d’archi-
tecte de la Ville de Florence : « Comme il n’est de par le vaste monde personne de mieux
qualifié […] que maître Giotto de Bondone, le peintre de Florence, il sera dès lors nommé
dans sa cité natale Magnus Magister et publiquement considéré comme tel, de sorte qu’il
puisse, le cas échéant, y demeurer ; car par sa présence, nombreux sont ceux qui pourront
bénéficier de sa sagesse et de son savoir, et la cité en retirera un grand prestige. » (cité par
Francis Haskell, « L’art et la société », in D. Vander Gucht (s.l.d.), Art et Société, Bruxelles,
Les Éperonniers, , p. .) Ces actions firent beaucoup pour installer un climat plus