Chapitre 2.1.15. — Peste bovine
Manuel terrestre de l’OIE 2008 367
Dans la forme classique de la peste bovine, la période d’incubation est de 1 à 2 semaines et la maladie clinique
qui suit est caractérisée par une attaque fébrile au cours de laquelle on distingue une phase prodromale et une
phase érosive. La phase prodromale dure environ 3 jours pendant lesquels on observe de la fièvre (entre 40 °C et
41,5 °C), de l’anorexie, de la constipation, de la congestion des muqueuses, du larmoiement et du jetage séreux,
de l’abattement et un dessèchement de la muqueuse du mufle. Cependant ce n’est que lors de la phase érosive
avec le développement des lésions nécrotiques de la bouche qu’un diagnostic clinique de peste bovine peut être
envisagé. Au pic de température, de petites plaques épithéliales nécrosées apparaissent sur la gencive et la lèvre
inférieures, qui s’étendent rapidement à la gencive supérieure, aux côtés de la langue, à la face interne des joues
et aux papilles, ainsi qu’au palais. Du fait de l’accroissement des lésions existantes et de l’apparition de nouveaux
foyers, la nécrose de la cavité buccale s’étend de façon dramatique au cours des 2 à 3 jours suivants. La plus
grande partie des tissus nécrosés tombe pour laisser place à des érosions peu profondes et non-hémorragiques
de la muqueuse.
La diarrhée est un autre trait caractéristique de la peste bovine et se développe en 1 à 2 jours après l’apparition
des lésions buccales. La diarrhée est généralement importante, liquide mais peut contenir ultérieurement du
mucus, du sang et des lambeaux d’épithélium et peut s’accompagner, dans les cas sévères, de ténesme.
Pendant la phase érosive, une nécrose peut s’observer dans le nasopharynx, sur la vulve et le vagin et sur le
fourreau. L’anorexie s’accroît, le mufle se dessèche complètement, l’animal est déprimé, la respiration est fétide
et le larmoiement et le jetage mucopurulents se développent.
Il y a de la mortalité mais le taux est variable et peut augmenter si le virus atteint un grand nombre d’animaux
sensibles. Les taux initiaux de mortalité sont aux alentours de 10 à 20 % et aux stades terminaux de la maladie,
les animaux peuvent tomber en décubitus pendant 24 à 48 h avant de mourir. Certains d’entre eux meurent avec
des lésions sévères de nécrose, une forte fièvre et de la diarrhée, d’autres après une chute rapide de la
température, souvent en dessous de la normale. À l’opposé, au milieu de la phase érosive, la température peut
se calmer puis, 2 à 3 jours plus tard retourner complètement à la normale avec une cicatrisation rapide des
lésions buccales, un arrêt de la diarrhée et une convalescence sans complications.
De façon typique, la carcasse de l’animal mort est déshydratée, émaciée et souillée. Le mufle et les joues portent
les traces du larmoiement et du jetage mucopurulents, les yeux sont enfoncés dans les orbites et la conjonctive
est congestionnée. Dans la cavité buccale, l’épithélium nécrosé est souvent complètement desquamé et forme
une démarcation nette avec les parties saines de la muqueuse adjacente. Les lésions s’étendent fréquemment au
voile du palais et peuvent inclure le pharynx et la partie haute de l’œsophage. Le rumen, le bonnet et le feuillet
sont le plus souvent indemnes, bien que des plaques de nécroses soient trouvées de façon occasionnelle sur les
piliers du rumen. La caillette, et spécialement la région du pylore sont sévèrement atteintes et montrent une
congestion, une pétéchisation et un œdème de la sous-muqueuse. La nécrose épithéliale donne à la muqueuse
une couleur grise. L’intestin grêle n’est généralement pas impliqué excepté par l’altération notable des plaques de
Peyer dont la nécrose lymphoïde et la desquamation laisse l’architecture de base congestionnée et noirâtre.
Dans le gros intestin, les changements concernent la valvule iléo-caecale, les cils caecaux et les crêtes des plis
longitudinaux du coecum, la muqueuse du colon et le rectum. Les plis apparaissent très congestionnés dans le
cas de mort brutale ou avec une décoloration noirâtre dans les cas prolongés ; dans les deux situations, ces
lésions forment les « zébrures » typiques.
La forme clinique associée à la lignée 2 est un bon exemple de forme atténuée de peste bovine telle qu’elle est
rencontrée dans les zones d’enzootie : la période d’incubation est de 1 à 2 semaines et la maladie clinique qui
suit se résume en un pic de température ou à peine plus. La fièvre est fluctuante, transitoire (3 à 4 jours) et est
peu élevée (38 à 40 °C). Les animaux qui développent des formes frustes ne présentent pas la dépression
caractéristique des formes plus aiguës et comme ils ne perdent pas leur appétit, ils continueront de brouter, de
boire et de marcher comme les animaux sains. Ils n’ont généralement pas de diarrhée. En pratiquant un examen
plus poussé, on peut déceler une congestion des muqueuses et sur les gencives inférieures, de petites zones
d’érosion épithéliales surélevées et blanchâtres, parfois pas plus grandes qu’une tête d’épingle, et quelques
papilles érodées. Certains animaux peuvent ne pas développer de telles érosions, dont la manifestation est
brève. D’autres peuvent montrer de discrètes sécrétions séreuses oculaires ou nasales, mais, n’évoluant pas
vers la purulence contrairement à ce qui se passe dans formes plus sévères de la maladie.
Même si l’infection par le virus de lignée 2 peut passer inaperçue chez le bovin, il est hautement pathogène pour
les espèces de la faune sauvage et pour celles généralement considérées comme sensibles (buffle, girafe, éland
et petit koudou) il génère de la fièvre, du jetage, une stomatite nécrosante, une gastroentérite et la mort. En outre,
Kock (7) a observé que les buffles infectés par la lignée 2 présentaient des nœuds lymphatiques périphériques
hypertrophiés, des lésions de kératinisation en plaque de la peau et une kératoconjonctivite. Les petits koudous
étaient atteints à l’identique, mais alors que chez eux la cécité causée par une kératoconjonctivite sévère était
ordinaire, la diarrhée elle, n’était pas usuelle. Les élands montraient aussi une nécrose et une érosion de la
muqueuse buccale accompagnée d’une déshydratation et d’une émaciation. Aussi, dans de telles conditions, un
diagnostic de peste bovine chez une de ces espèces privilégie l’hypothèse d’une transmission concurrente du
virus aux bovins avoisinants, même à un niveau sub-clinique.