Emile,
John,
Alfred et
les AUTRES
demandé de venir partager notre repas.
J. Briquet, car c’était lui, nous exprima
tous ses regrets; il attendait son ami et
compagnon de courses F. Cavillier...
De cette rencontre fortuite sont nées ces
relations intimes que j’ai eu l’inestima-
ble faveur de nouer avec deux hommes
éminents: E. Burnat et J. Briquet... C’est
ainsi que je fus amené à participer aux
explorations botaniques de J. Briquet,
d’abord d’une façon intermittente, en
raison de mon service militaire, puis
finalement tous les ans...». En 1906, le
commandant Saint-Yves a 51 ans; il
vient de prendre sa retraite d’officier
d’artillerie de montagne, carrière qu’il
a d’ailleurs accomplie en grande partie
dans les Alpes Maritimes.
MM. François Caviller et Emile-Samuel
Abrezol sont sur la photo en tant qu’as-
sistants-préparateurs de l’expédition
Burnat – Briquet – Saint-Yves. Ils ont
accompagné Emile Burnat et John
Briquet dans la plupart de leurs voyages
botaniques depuis 1890. Cela signifiait
beaucoup de choses, de la préparation
pratique de l’expédition, à la récolte et
au séchage des plantes. Caviller colla-
bora aussi à la rédaction de certains
chapitres de la Flore des Alpes Mariti-
mes. Lorsqu’ils n’accompagnaient pas
leur patron, ces deux botanistes travail-
laient comme conservateurs de l’her-
bier Burnat.
Références
Briquet, John & François Cavillier (1922). Emile
Burnat. Conservatoire et Jardin botaniques. Genève.
Cavillier, François (1935). Alfred Saint-Yves
(1855-1933). Notice biographique. Candollea 6:
25-43.
John Briquet: www.lexhist.ch
– la Grande Ecole napo-
léonienne formant les
Ingénieurs – garantissait
le succès d’une carrière
tant par la matière acquise
que par le réseau de rela-
tions qu’elle offrait. Même
retiré de son activité de
chef d’entreprise métal-
lurgique, Burnat a
conservé des liens privilé-
giés avec la France. A la fin
de sa vie, il a d’ailleurs
reçu la Légion d’Honneur
des mains du commandant Alfred Saint-
Yves. Il est étonnant de ne trouver dans
l’autobiographie de cet homme telle-
ment lié à l’Alsace aucune mention du
désastre de 1870. Quoi qu’il en soit,
c’est à partir de cette date que Burnat a
décidé de se consacrer uniquement à la
carrière de botaniste. Comme chacun
sait, il a été l’auteur principal de la Flore des
Alpes Maritimes – ce qu’il considérait
comme son grand œuvre, parmi beau-
coup d’autres travaux. Il a aussi été l’ini-
tiateur des recherches menées à partir
de Genève sur la Corse, expédition
immortalisée par cette fameuse photo.
Burnat est un homme du XIXesiècle, qui
connut les grandes révolutions libérales
de France et de Suisse. Il avait donc 78
ans lorsque la photo fut prise. Son collè-
gue et ami John Briquet était beaucoup
plus jeune (36 ans). Briquet rencontra
Burnat au Conservatoire botanique de
Genève en 1889. Ce fut le début d’une
solide amitié. En plus de huit missions
en Corse, John Briquet accompagna
Emile Burnat dans presque tous ses
voyages botaniques dans les Alpes Mari-
times. Formé à Genève, puis à Berlin,
Briquet fut d’abord conservateur
(1896), puis directeur des Conserva-
toire et Jardin botaniques de 1906 à
1931. Il participa activement à l’emmé-
nagement dans la Console. Il fit la
brillante carrière que l’on connaît,
s’illustrant notamment comme rappor-
teur aux congrès internationaux de
botanique de 1900, 1905, 1910, 1925 et
a mère était la petite-
fille d’un entrepreneur
en maçonnerie des
Monts de Corsier, au-
dessus de Vevey, spécia-
lisé dans la construction des murs de
vignoble. Jules Pilet était le voisin
d’Emile Burnat, à Nant. Il entretenait la
propriété de Nant, siégeait avec Burnat
au conseil de Paroisse et entretenait
avec lui d’excellentes relations de voi-
sinage. Mon arrière-grand-père était
donc très fier de compter ce notable
parmi ses amis. Il aimait raconter que
la première voiture à moteur de la
région avait été achetée par son voisin
et ami Burnat, que cette voiture des-
cendait très bien la fameuse Côte
Rouge des Monts de Corsier, mais que
Burnat devait régulièrement envoyer
son chauffeur chercher Jules et son
attelage de chevaux afin de faire
remonter ladite Côte à son véhicule.
Selon Jules Pilet, Burnat était égale-
ment un philanthrope; il avait, entre
autres, construit la chapelle protes-
tante sise quasiment sur la frontière
entre le pays de Fribourg et celui de
Vaud, sur la route de Châtel-St-Denis.
C’était bien la moindre des choses de
rappeler aux ouvriers d’Attalens qui
descendaient travailler dans les vignes
du Lavaux qu’à partir de là, on prati-
quait la vraie religion!
L’intéressante autobiographie de Burnat
(Briquet & Cavillier, 1922) est une
source d’informations passionnantes
sur lui-même, ses amis et son époque.
Elle rappelle aussi comment Emile
Burnat a non seulement donné son
herbier à la ville de Genève plutôt qu’à
l’état de Vaud, mais aussi comment,
grâce à cette généreuse donation, la
Console a pu être édifiée, puis agrandie.
Burnat était un grand bourgeois du
canton de Vaud, dont la famille était
alliée aux plus grands noms de la métal-
lurgie alsacienne. Bien qu’il soit assez
difficile pour un scientifique actuel de
prendre conscience de l’importance de
ce fait, Burnat, comme d’autres grands
scientifiques ou ingénieurs de son
époque, a été formé en France. En effet,
les Hautes Ecoles Helvétiques n’étaient
de loin pas ce qu’elles sont devenues de
nos jours. Etre un ancien élève de «Centrale»
1930. Lorsque je fus invité au Missouri
Botanical Garden de Saint-Louis (USA),
on me lut une lettre du major John
Briquet, commandant du bataillon de
fusiliers 121, qui s’excusait de ne pas
effectuer la tâche de rapporteur au
congrès de 1915, étant mobilisé sur
la frontière.
Pour la petite histoire, le soussigné
a lui-même commandé ce bataillon de
1987 à 1992. Briquet a publié d’impor-
tants travaux sur la flore des Alpes
Maritimes, de la Corse, de l’Afrique du
Nord, ainsi que des monographies et
des biographies de botanistes.
Alfred Saint-Yves est probablement
oublié par les botanistes genevois
contemporains. Il fut néanmoins un
grand collaborateur du Conservatoire
auquel il légua un herbier riche en types
et des ouvrages sur les Graminées. Il
publia sur les genres de cette famille
dans l’Annuaire du Conservatoire
(actuellement Candollea). Cavillier
(1935) décrit ainsi la première rencon-
tre entre Saint-Yves et Briquet: «Le 15
juillet 1898, la 14e batterie alpine, que
je commandais alors, cantonnait à
Breuil, petit village des Alpes maritimes, situé
à 1450 m d’altitude, au pied du Mt
Mounier. Avant le dîner, nous nous pro-
menions, devisant de botanique en
simples amateurs, lorsque nous vîmes
arriver un touriste paraissant un peu las
sous le poids d’une boîte et d’un carta-
ble bourrés de plantes. Immédiatement
nous l’avons abordé et nous lui avons
PAGE 4 - LA FEUILLE VERTE - JOURNAL DES CONSERVATOIRE ET JARDIN BOTANIQUES - N°34 - MARS 2004
Burnat a été l’initiateur des
recherches menées à partir de
Genève sur la Corse
«...Nous vîmes arriver un touriste
paraissant las sous le poids d’un
cartable bourré de plantes...»
Rodolphe Spichiger, directeur