Rapport de Mission La Mission 2015 en visite chez Naver. © MC ttt 4 Contributeurs Rédaction Michèle Assi Audrey Bellefeuille Maxime Callais Alexandre Couture Blackburn Jeremy Cuningham Kim Gariépy Pascale Girard Sonia Grégoire Camille Hamelin Adriana Houle Charles-Etienne Lafleur Karl Lepage Shuang Liang Catherine Marcoux Patrice O’Carroll Alexandre Paradis-Michaud Philippe Perron-Roelandts Olivier Pettersen Mathieu Rault Daniel Santiago Harvey Maximilien Tomé Alexandre Torres Raïssa Umumbu Otmane Zizi Correction Maxime Callais Sonia Grégoire Camille Hamelin Karl Lepage Catherine Marcoux Philippe Perron-Roelandts Maximilien Tomé Mise en page Maxime Callais Camille Hamelin Philippe Perron-Roelandts Maximilien Tomé Cartes et graphiques Maximilien Tomé (MT) Crédits photographiques Maxime Callais (MC) Shuang Liang (SL) Olivier Pettersen (OP) Les photos de l’équipe en pages 10 et 11 ont été prises par PolyPhoto. www.polyphoto.org Toute reproduction totale ou partielle de ce document sans autorisation et sans mention de la source est interdite. © Poly-Monde 2015 Mission Poly-Monde 2015, C.P. 6079, succ. Centre-Ville, Montréal, QC, H3C 3A7 +1 (514) 340-4735 www.polymonde.org Remerciements Sans l’appui de tous ses supporteurs, la Mission Poly-Monde n’aurait pas eu le succès qu’elle a connu. Nous tenons d’abord à souligner la contribution des entreprises et institutions québécoises et sud-coréennes, tant pour leur aide financière que pour l’accueil et l’intégration des étudiants entre leurs murs. Leur soutien est à la base de la réussite de ce projet. Poly-Monde 2015 souhaite remercier Mme Thibodeau-DeGuire, présidente du Conseil d’administration de la Corporation de Polytechnique Montréal, M. Christophe Guy, directeur général de Polytechnique Montréal, M. Pierre Baptiste, directeur du département de mathématiques et de génie industriel, ainsi que les directeurs de départements pour leur support financiers et conseils, année après année. Ce projet extraordinaire, bien que sous l’entière responsabilité des futurs ingénieurs, est aussi appuyé par le Conseil Poly-Monde, lequel est formé de la présidente de Polytechnique, Mme ThibodeauDeGuire, de la directrice du Bureau des relations internationales (BRIN), Mme Line Dubé, du directeur du département de mathématiques et de génie industriel, M. Pierre Baptiste, d’un membre de la direction d’Air Liquide Canada, M. Guy Frenette, du professeur responsable, M. Marcelin Joanis, du coordonnateur de la Mission et des anciens Poly-Mondiens, M. François Cartier et Mathieu Panet-Raymond. C’est au Conseil Poly-Monde que revient la res- ponsabilité du choix des destinations des Missions d’année en année. Nous souhaitons aussi remercier Mme Myung-hee Kim d’avoir su nous transmettre la beauté et les particularités de la culture coréenne. Sa persévérance fut certainement un élément clé dans l’obtention de plusieurs visites d’entreprises en Corée. La Mission aurait été tout autre sans l’apport du BRIN aux multiples communications avec les entreprises et universités coréennes. Notamment par l’entremise de Mme Dubé, directrice, de Mmes Nathalie Pelletier et Guylaine Larocque, conseillères sénior. L’équipe tient aussi à rappeler la contribution de M. Marcelin Joanis pour son implication au sein de la Mission. Son apport a été plus qu’un soutien permanent. Bien qu’à sa première expérience avec Poly-Monde, il a su plonger pleinement dans l’aventure et nous espérons qu’il pourra superviser les futures Missions pendant plusieurs années encore. Notons aussi que M. Guy, Mme Dubé, M. Baptiste et Mme Kim ont accompagné la Mission en Corée, offrant leur soutien et leur précieuse expérience aux membres. Finalement, un merci tout spécial à nos parents et amis qui ont encouragé la réalisation de ce projet et appuyé la Mission à travers leur participation aux nombreuses initiatives étudiantes. 5 ttt La Mission Poly-Monde est rendue possible grâce à La Mission Poly-Monde est rendue possible grâce à POURSUIVRE AUX ÉTUDES SUPÉRIEURES, UNE IDÉE DE GÉNIE! 100 % VAL AJOUEUR TÉE 10 0 % 110 PROGRAMMES DE 2e ET 3e CYCLE : DOCTORAT MAÎTRISE DESS MICROPROGRAMME Pour en savoir plus : POLYMTL.CA/FUTUR/ES En collaboration avec Avec la participation de Département de Génie industriel et de Département de Génie civil Merci à tous les commanditaires de la Mission Poly-Monde 2015 en Corée du Sud Fortigo Freight Services Inc. Cirano Département de Génie chimique Département de Génie biomédical Uber Coopoly Famille Gervais Cuningham Famille Zizi La bannière de commanditaires de la Mission Poly-Monde 2015 en Corée du Sud, lors de la visite de l’Université d’Hanyang. © MC Poly-Monde 2015 L’équipe Coordination Philippe Perron-Roelandts Génie logiciel Coordinateur Poly-Monde 2014 Allemagne W ttt 10 Équipe Édition Maxime Callais Génie mécanique Responsable Édition Directeur du Polyscope Maximilien Tomé Génie civil Stage à Washington, É-U, volontariat en Australie Camille Hamelin Génie civil Échange à Prague, République tchèque W Équipe Financement Olivier Pettersen Génie civil Responsable Financement Échange à Taipei, Taïwan Daniel Santiago Harvey Génie civil Trésorier Trésorier des Jeux de Génie Audrey Bellefeuille Génie mécanique Équipe mécanique de Smart Bird Jeremy Cuningham Génie mécanique Échange à Lausanne, Suisse Directeur Structure Avion Cargo Charles-Etienne Lafleur Génie mécanique Consultant junior au CCGP Karl Lepage Génie civil Mentor Plan Canada Bénévole Moisson Montréal Shuang Liang Génie physique Échange à Taipei, Taïwan VP Finances de PolyÉnergies Mathieu Rault Génie des mines Trésorier de Polycultures Raïssa Umumbu Génie chimique Agente télémarketing de la Fondation de Polytechnique Otmane Zizi Génie industriel VP Exécutif du CCGP Équipe Logistique Pascale Girard Génie civil Responsable Logistique Échange à Taipei, Taïwan Michèle Assi Génie chimique Échange à Compiègne, France Présidente de PolyExplore Alexandre Couture Blackburn Génie mécanique Échange à Málaga, Espagne Kim Gariépy Génie civil Stage au Cameroun avec le CIPO Sonia Grégoire Génie civil Échange à Bruxelles, Belgique VP PolyBuddy de PolyExplore Adriana Houle Génie biomédical Stage chez KAO au Japon Échange à Brisbane, Australie Catherine Marcoux Génie industriel VP Réseautage 2013-2014 du CEGIndustriel Patrice O’Carroll Génie mécanique Échange à Lausanne, Suisse Stage chez Merck, Allemagne Alexandre Paradis-Michaud Génie civil Stage en Zambie avec Ingénieurs sans frontières Canada Alexandre Torres Génie biomédical VP Éducation du CEGBiomed 11 ttt po Al n le m Sc ag an ne Ita din lie av ie Ro ya Ja um po eU ni Al n le m Fr ag an ne c Ét e at s Be -Un ne is C lux et M or ex é iq Es e d ue pa u S g u Br ne d és Sc il an Su din is av s i C e e hi n Po e lo In gne de e tR Ta ép ïw ub an liq Ru , ue ss Ho n i tc e D ghè an Ko qu em n Fr e g an ark et ce et S in Af Pa ga riq ys po Au ue -B ur d a st u s r S Al alie ud le m C ag or n ée e du Su d Ja Les Missions précédentes 25 ans d’international 1990 ttt 12 1995 2000 2005 2010 2015 La visite des installations coréennes de Merck a permis de marquer la transition entre la Mission 2014 en Allemagne et la Mission 2015 en Corée. © MC Mot du professeur responsable Les Missions Poly-Monde sont devenues une tradition à Polytechnique Montréal. Chaque année depuis maintenant un quart de siècle, un groupe sélect de futur(e)s ingénieur(e)s de l’École s’impliquent corps et âmes dans l’organisation d’une mission industrielle à l’étranger. Les étudiant(e)s impliqué(e)s dans ce formidable projet qu’est PolyMonde se voient donc offrir une occasion unique de faire l’expérience concrète et directe des grandes tendances de notre temps, tant économiques et technologiques qu’environnementales ou culturelles. La 26e Mission Poly-Monde s’est déroulée en Corée du Sud au printemps 2015. Poly-Monde retournait dans ce pays 15 ans après la Mission Poly-Corée en 2000. Cette visite en République de Corée arrivait a point nommé alors qu’a été signé tout récemment l’Accord de libre-échange Canada-Corée (ALECC). Ce nouvel accord commercial bilatéral ouvre de toutes nouvelles occasions d’échange et de partenariat avec cette importante économie asiatique qui fait déjà partie des 15 principaux partenaires commerciaux du Québec, tant comme client que comme fournisseur. Comme professeur responsable de l’orientation thématique Projets internationaux à Polytechnique, j’ai le plaisir et l’honneur de superviser le volet académique de la Mission. Dans le cadre de ce volet, les participant(e)s à PolyMonde ont acquis les compétences requises pour tirer pleinement profit de l’expérience de leur Mission en Corée, des techniques d’analyse économique aux rudiments de la langue coréenne. Mais au-delà des compétences acquises pendant la phase de préparation et lors de la Mission elle-même, Poly-Monde est un projet d’une grande richesse. Les membres étudiant(e)s de Poly-Monde y font l’apprentissage de tous les aspects de l’organisation de la Mission et de son financement. Dans ces tâches, ils sont épaulés par un conseil d’administration – dont je remercie chaleureusement tous les membres – où s’impliquent notamment des anciens de Poly-Monde, un témoignage concret de l’impact que la Mission a eu sur eux, tant au plan professionnel que personnel. Alors que tire à sa fin la Mission Poly-Monde 2015 en Corée du Sud, déjà couronnée de succès, j’ai la ferme conviction que ses participants ont su y développer des compétences complémentaires cruciales pour leur formation d’ingénieur certes, mais qu’ils y ont surtout fait des rencontres qui les suivront toute leur vie, tant en Corée qu’ici parmi leurs pairs. Sur une note plus personnelle, j’ai beaucoup apprécié mes premiers mois à titre de professeur responsable de Poly-Monde. Pour cette première Mission, j’ai pris un train en marche à l’automne 2014. Tant la destination que les participants avaient déjà été sélectionnés depuis plusieurs mois. De surcroit, la naissance de mon fils Émile pendant la Mission – une belle nouvelle certes! – m’a empêché d’accompagner le groupe en Corée (je remercie au passage Myung-hee Kim, Christophe Guy, Pierre Baptiste et Line Dubé, qui ont accompagné la Mission cette année). Malgré cela, j’ai la ferme conviction que mon implication dans cette première Mission Poly-Monde restera gravée dans ma mémoire et servira d’assise solide aux prochaines Missions. J’y ai découvert les rouages bien huilés d’un formidable projet. Mais surtout, j’ai appris à connaitre plusieurs leaders de demain dont je suivrai avec passion la progression et les réalisations au cours des prochaines décennies, sans aucun doute aux quatre coins du monde. Marcelin Joanis, Ph.D. Professeur responsable des Missions Poly-Monde et de l’orientation thématique Projets internationaux Professeur agrégé, Département de mathématiques et génie industriel Responsable, groupe de recherche en Gestion et mondialisation de la technologie (GMT) Vice-président Développement économique, CIRANO 13 ttt La Mission en visite chez Bombardier en Corée du Sud. © MC Poly-Monde au pays du matin calme C’est avec grande fierté que les membres de Poly-Monde 2015 vous présentent ce rapport de Mission. Cette histoire débute en avril 2014 alors que 24 étudiantes et étudiants en ingénierie à Polytechnique Montréal sont sélectionnés pour faire partie du projet. L’aventure en sol étranger se termine fin mai 2015 dans une des plus grandes villes portuaires de l’Asie du Nord-Est, Busan. Finalement, après plus d’un an de financement et de travail rigoureux, la Mission prend fin au mois de novembre et ce rapport en est le parachèvement. industriel qui sera le leur. La concurrence internationale et la mondialisation des technologies, bien présentes de nos jours, ne sont pas abordées dans le cursus typique de l’étudiant en ingénierie. Pourtant, des ingénieurs tournés vers l’international peuvent améliorer le développement de nos entreprises, donnant tout son sens aux Missions Poly-Monde. Les étudiants s’engageant dans le projet ont la chance de recevoir cette formation exceptionnelle et de faire des rencontres hors du commun. Ils ont aussi la responsabilité de la réalisation de leur Mission en prenant en charge la logistique, le financement ainsi que de toutes les activités connexes au projet. Via l’orientation académique Projets internationaux du département de mathématiques et de génie industriel, les étudiants ont reçu une formation sur l’innovation technologique et la compétitivité internationale, qui leur fut des plus utile. Ainsi, ils ont su profiter pleinement de leur expérience en Corée, leur permettant d’intégrer les notions du cours et de mettre en lumière les meilleures pratiques en innovation et en stratégie. Destination Corée du Sud Visite de Daewoo Shipbuilding and Marine Engineering (DSME). © MC ttt 14 Les Missions Poly-Monde Poly-Monde 2015 est la 26e édition des Missions Poly-Monde, fondées pour préparer les ingénieurs de demain au contexte La République de Corée a été la destination retenue pour la Mission Poly-Monde 2015. Ce pays a connu un essor économique des plus impressionnants durant les dernières décennies en misant principalement sur une économie d’exportation. Jouissant d’une géographie centralisée et stratégique, la Corée a surmonté de nombreux défis, passant d’un pays démuni à un statut de « dragons asiatiques ». Ce pays s’est développé au point de devenir une véritable porte d’entrée vers l’Asie pour les entreprises. Suite à la conclusion toute récente d’un accord de libre-échange entre la Corée du Sud et le Canada, les relations entre les deux nations sont plus fortes que jamais et les occasions d’affaires sont multiples. et de la gestion de ceux-ci, et des défis ou perspectives futures dans le domaine. De par son environnement à forte densité de population, sa nécessité à échanger avec d’autres pays par voie maritime en raison de sa situation géopo- La Corée du Sud a su se tailler une place considérable dans cette ère de mondialisation. Non seulement est-elle considérée comme étant un chef de file mondial de technologie de l’information, mais elle excelle également dans le secteur du transport. C’est dans cette optique que ces secteurs ont été sélectionnés afin d’être étudiés et comparés lors de la Mission 2015. Lorsque l’on parle de technologies de l’information, il est difficile d’éviter la Corée du Sud. Ce pays se classe au premier rang mondial en termes de vitesse moyenne de connexion Internet, en plus d’être reconnu comme un géant de l’électronique hautement compétitif à l’échelle internationale. L’industrie du transport est en constante évolution aussi, tant au niveau de la construction, que de la gestion ou des perspectives de développement durable. Tout comme le Canada, la Corée du Sud possède de vastes réseaux de transport d’énergie, de marchandises et de personnes, ce qui fournira une base intéressante de comparaison au plan de la construction des réseaux, de la logistique La Mission 2015 en visite chez Samsung Electronics. © MC litique et de son énorme besoin d’énergie, la Corée du Sud apporte de très intéressants modèles de logistique et de gestion dans de nombreux domaines. Nous vous invitons à vous plonger dans notre rapport afin de mieux saisir l’ensemble des enjeux que nous avons eu le privilège d’analyser. Bonne lecture! 15 ttt Visite au Port de Montréal. © MC ttt 16 Visites au Canada Fondamentaux Conférence de Son Excellence M. Choi Dong-hwan, ambassadeur de Corée du Sud à Montréal Rencontre avec Marcel Desjardins Pomerleau Technologies de l’information Blackberry YRH Celesica Accenture Bell Real Ventures Rogers Communication Anges Québec Telus GSoft Telus Santé Nexalogy Boston Consulting Group Samsao McKinsey Transit App Transport Deloitte Metrolinx Hatch Canadian Pacific Railways Scotiabank Canada Steamship Lines SNC-Lavalin Fednav 8D Technologies Port de Montréal AMT Gaz Métro Bombardier aéronautique Hydro-Québec TransÉnergie Visites en Corée du Sud Fondamentaux Zone coréenne démilitarisée Ambassade du Canada en Corée Technologies de l’information Samsung C&T Hanyang University Naver Corp KAIST Alticast Samsung Electronics Penta Security Merk Performance Materials Transport Ministry of Land, Infrastructure and Transport Busan Transportation Corporation Seoul National Univeristy Korail Electric Vehicle Symposium (EVS28) Bombardier transport (Light rail train) Incheon Airport Hyundai Motors Transport Operation and Information System (TOPIS) Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering 17 ttt Visite des installations du Korea Institute of Energy Research (KIER). © MC ttt 18 Guide de lecture Les explications qui suivent visent à clarifier les conventions d’écriture utilisées dans ce rapport afin d’en faciliter la lecture. Lors de la rédaction de ce rapport nous avons tenté de respecter le plus possible les règles et recommandations de l’Office québécois de la langue française. Les mots empruntés à la langue anglaise ou coréene sont indiqués en italiques, sauf pour les termes passés dans le langage courant. Les références présentées à la fin de ce rapport et classées par chapitre suivent la norme APA 6e édition en français Canada, version Université de Montréal (créée par Florian Martin-Bariteau). Ceci est une bulle théorique Vous en trouverez au fil du texte. Les bulles théoriques définissent des termes ou des concepts clés évoqués dans le texte et essentiels à la compréhension de celui-ci. Les bulles théoriques se trouvent à proximité du terme défini. Traditionnellement, les noms occidentaux suivent la forme « prénom nom » et les noms asiatiques suivent la forme « nom prénom ». Cet ordre est conservé dans le rapport pour plus de fidelité. Ainsi, la présidente Park Geun-hye porte comme nom de famille « Park » et comme prénom « Geun-hye ». Symboles Le dollar ($) fait référence au dollar canadien. Le dollar américain est exprimé par $US. 1 $ = 0,82 $US Le won sud-coréen est exprimé par . 1 $ = 886,74 1000 = 1,13 $ Les conversions sont en date du 1er mai 2015. Toute abbréviation de quantité suit la nomenclature suivante : t milliers (103) : k (kilo-) t millions (106) : M (méga-) t milliards (billions en anglais) (109) : G (giga-) t billions (trillions en anglais) (1012) : T (téra-) Table des matières Géopolitique 20 Macroéconomie 36 Microéconomie 52 Commerce international 68 Technologies de l’information 84 Transport 110 « Quand les baleines se battent, la crevette se fait écraser » - proverbe coréen Le drapeau coréen flottant au sommet du Bukhansan. © MC Géopolitique vaincre les anciens vainqueurs 21 ttt Mise en contexte La Corée telle qu’on la connaît aujourd’hui est une péninsule d’Asie du Nord-Est, divisée en deux pays : la République de Corée au Sud et la République populaire démocratique de Corée au Nord. Une démocratie ouverte sur le monde au Sud, un régime communiste totalitaire fermé sur lui-même au Nord. Si le territoire coréen apparait aujourd’hui comme un des derniers vestiges d’une guerre froide que l’on imagine souvent révolue, la région est aussi le lieu du développement de nombreuses industries de pointe. Afin de mieux comprendre l’environnement dans lequel les industries évoluent en Corée du Sud, la compréhension des enjeux géographiques, historiques, politiques et culturels de la région est nécessaire. La Corée du Sud est actuellement la 15e puissance économique mondiale (Banque Mondiale, 2013) pour une superCorée du Nord Chine Séoul Incheon Daejon Pohang Daegu Ulsan Jeonju Gwangju Population des agglomérations 11 000 000 4 000 000 2 500 000 1 000 000 500 000 Ports principaux Zone Démilitarisée (DMZ) La mégalopole Séoul - Busan La Corée du Sud et ses principales villes. © MT ttt 22 Busan ficie 15 fois plus petite que celle du Québec. Avec un PIB de 1000 milliards de dollars et une croissance économique qui se maintient à 5 % comme c’est le cas en moyenne depuis 10 ans (OCDE, 20052015), la Corée du Sud pourrait être la 3e puissance mondiale d’ici 2050, dépassant des pays comme l’Inde, le Japon, l’Allemagne ou le Canada (Pons, 2010). Avec des ports tels que Busan ( ), Ulsan ( ), Gwangyang ( ) et Incheon ( ), le littoral coréen est le plus dynamique d’Asie de l’Est outre la Chine. Sa position géographique ouverte sur l’océan fournit aux ports de la péninsule un avantage stratégique par rapport aux autres ports asiatiques. Un des atouts principaux par rapport au Japon est la protection des ports face aux courants océaniques, mais aussi la stabilité sismique de la région. Ces zones portuaires ont d’autant plus d’intérêt que la Corée du Sud est, à l’origine, un pays de tradition agricole doté de maigres ressources naturelles et qui dépend donc beaucoup aujourd’hui, de ses échanges avec l’extérieurs. Par l’intermédiaire des ports, elle importe les technologies, les capitaux et les matières premières, mais aussi exporte des produits à forte valeur ajoutée. L’énergie coréenne doit elle Japon aussi se fonder sur les importations, notamment de pétrole ou sur le nucléaire depuis les années 1980. Cette dépendance énergétique est l’une des faiblesses majeures de la puis- Corée du Nord La ville de Séoul, vue du sommet du Bukhansan, le plus haut point de la capitale. © MC sante industrie coréenne par conséquent entièrement subordonnée aux pays qui la Chine fournie. La densité de population en Corée du Sud étant aussi très élevée avec 515 hab/ km2 en 2013 (Banque Mondiale, 2013), les réseaux de circulation s’y sont fortement développés. Qu’ils soient ferroviaires ou routiers, ces réseaux se sont concentrés sur l’axe principal Séoul-Busan et sur l’axe secondaire Séoul-Gwangju. Ils ont aussi été adaptés aux besoins des industries, permettant donc leur évolution. Sur l’axe entre Séoul ( ), la capitale, et Busan, 11e port mondial (Port de Rotterdam, 2013), c’est une véritable mégalopole coréenne qui a pris forme. Cet axe est hérité de la colonisation japonaise qui avait développée les industries au nord de la péninsule pour les acheminer au sud à Busan, port le plus ouvert vers le Japon. Avec 33 millions d’habitants, l’agglomération de ChineSéoul regroupe 70 % de la population pour former la région la plus dynamique du pays et regrouper à elle seule 75 % du PIB sudcoréen. La capitale regroupe les industries textiles, électroniques, électriques et de pointe. C’est 50 % des installations industrielles coréennes que l’on retrouve dans cette zone ouverte vers l’extérieur par le port d’Incheon, aussi spécialisé dans les industries lourdes telles que le raffinage (Encyclopædia Universalis, 2015). Busan, quant à elle, est le centre de la seconde grande région industrielle du pays. Le port a un rôle central dans l’organisation des axes littoraux puisqu’il est relié à tous les complexes industrialo-portuaires du Sud de la péninsule. Entre Séoul et Busan, la ville de Daejeon ( ) joue le rôle de centre de développement technologique. Véritable berceau de la recherche sud-coréenne, la plaine de Daejeon est souvent comparée à la Silicon Valley américaine. La commu- Corée du Sud Ports principaux Principales voies de transports terrestres vers Séoul POHANG sidérurgie ULSAN CHANGWON mecanique - automobile vers la Chine GWANGYANG chantier naval - pétrochimie raffinage BUSAN #11 Port Mondial acierie #1 mondiale vers le Japon Le port d’Icheon (Séoul) est directement relié, à l’est, au complexe industrialo-portuaire d’Ulsan regroupant le raffinage, la pétrochimie et des chantiers navals, ainsi que Pohang pour la sidérurgie. À l’ouest, Changwon regroupe la mécanique et l’automobile alors que Kwangyang, 2e port coréen, possède la plus grande aciérie mondiale. © MT nication entre ces 3 pôles est encore une fois renforcée par le réseau ferroviaire et la circulation du KTX, le TGV coréen, mis en service depuis 2004 (Encyclopædia Universalis, 2015). Par sa situation géographique entre la Chine et la Russie au nord, et le Japon au sud, la péninsule coréenne se trouve entre 3 des 5 plus grandes puissances mondiales (Banque Mondiale, 2013). Bien avant d’être le théâtre des relations tendues entre ces puissances, il faut rappeler que la culture coréenne est le résultat d’une réelle différenciation locale. Depuis plus de 1000 ans, jusqu’à la colonisation par le Japon au début du 20e siècle, de nombreux Royaumes se sont succédés sur la péninsule coréenne. Ce sont ces Royaumes qui ont permis de maintenir une société indépendante politiquement et culturellement distincte des puissances voisines. 23 ttt La Corée avant le 20e siècle les 3 Royaumes Les premiers peuples sédentaires présents sur la péninsule coréenne sont relatés dans la littérature chinoise dès le 4e siècle avant Jésus-Christ. Progressivement, ces différents peuples et royaumes ont défini une identité régionale commune. C’est seulement après une période de conflits entre trois Royaumes : Koguryo ( ) au nord, Baekche ( ) au sud-ouest et Silla ( ) au sud-est puis la victoire de Silla, que la péninsule coréenne est unifiée en 668. Détail du toît d’un des palais du complexe de Gyeongbokgung à Séoul. © MC ttt 24 C’est sous la dynastie Koryo ( , 9181392), dont le nom occidental « Corée » est dérivé, que le territoire atteint les frontières qu’il connaît aujourd’hui, Corée du Nord incluse. La dynastie Choseon ( ), qui occupe le trône de 1392 à 1910, cherche ensuite à consolider les frontières nationales et les pratiques culturelles locales. Contrairement à la Chine, bien qu’il y ait des différences régionales de moeurs et de dialectes, une réelle homogénéité culturelle fondamentale existe et les accents sont parfaitement intelligibles entre tous les Coréens. Cependant, du fait de la proximité du puissant empire chinois, un certain héritage culturel en provient et reste présent dans les traditions coréennes que ce soit par les caractères chinois dans le langage écrit ou par l’adoption de la philosophie néo-confucianiste par l’élite dirigeante coréenne. L’influence du confucianisme dans la société coréenne est d’abord visible au niveau des relations sociales dont l’harmonie résulterait du fait que chaque individu connaisse sa tâche dans l’ordre naturel et que cette tâche soit bien faite. En adoptant cette idéologie, l’État encourage aussi l’éducation, pilier de la philosophie de Confucius. De nombreuses écoles sont alors fondées pour enseigner selon l’idéologie traditionnelle. La méritocratie est en effet à la base de l’organisation de la structure sociale et de l’accès au pouvoir, régie par des tests d’aptitude écrits. La capacité à diriger est évaluée par la capacité d’une personne à se gouverner elle-même ainsi que ses sujets à travers l’éducation et le caractère exemplaire de ses décisions. La personne qui gouverne est alors celle qui le fait par vertu et qui cherche à corriger son peuple par bienveillance plus que par punitions ou méthodes coercitives (Confucius, Entretiens, II.1.). La nature culturelle et philosophique de ces rapprochements avec la Chine permet aussi une entente militaire entre la Chine et la Corée. Sous la dynastie ChoConfucianisme Le confucianisme est la doctrine philosophique de Maître Kong, ou Kongfuzi, nom que les jésuites ont latinisé en Confucius. Le néo-confucianisme en Corée est une évolution des pratiques du confucianisme qui est adoptée sous la dynastie Joseon comme idéologie d’État. Durant cette ère, le Bouddhisme et toute autre religion sont considérés néfaste par l’ordre néo-confucéen. seon, le Roi coréen entretien un lien étroit avec la Cour chinoise allant même jusqu’à préter allégeance à cet Empire. Cette obédience envers la Chine pour une protection militaire et une reconnaissance politique n’est cependant que symbolique, car les Coréens possèdent une réelle autonomie dans leur développement local. Après les invasions japonaises dévastatrices du 16e siècle et celles des Mandchous au 17e siècle, la Corée de la dynastie Choseon va jusqu’à développer une politique pseudo-autarcique limitant les contacts avec l’extérieur à quelques rares missions diplomatiques en Chine et à un port destiné aux échanges avec les marchants japonais. C’est ce port qui devient plus tard le Port de Busan que l’on connaît aujourd’hui. 250 ans de paix et de stabilité interne s’en suivent jusqu’au 19e siècle, période où les pays occidentaux découvrent ce territoire et manifestent de l’intérêt à ouvrir le marché coréen vers l’international (Encyclopaedia Universalis, 2015). Des relations délicates Dans les années 1860, la GrandeBretagne, la France et les États-Unis tentent, en vain, successivement d’amener la Corée vers l’ouverture au commerce. C’est finalement le Japon, très récemment ouvert aux relations internationales, qui impose un traité diplomatique à la Corée pour la première fois en 1876. Suit alors une guerre d’influence dans la région entre la Chine, le Japon et la Russie. La victoire de cette guerre de 10 ans par le Japon lui permet d’annexer la Corée qui est ainsi considérée en 1910 comme une colonie nippone. Ce conflit ainsi que plusieurs autres qui ont suivi ont fortement marqué et, en quelque sorte, forgé l’identité coréenne. En effet, suite aux nombreuses invasions, un fort sentiment de vengeance s’est emparé du peuple coréen, justifiant par le fait même leur extrême compétitivité (Hong Lai, 2010). Aujourd’hui, alors que la Corée du Sud est devenue une puissance économique mondiale, plusieurs rivalités et tensions avec la Chine, le Japon et la Corée du Nord, demeurent. « Il faut vaincre les anciens vainqueurs » (Légaré-Tremblay, 2015) Les relations conflictuelles entre le Japon et la Corée du Sud perdurent depuis plus d’un siècle. Les Sud-Coréens entretiennent une volonté profonde de surpasser leur rival historique dans toutes les sphères de la société. Par exemple, Samsung considère Sony comme son principal compétiteur, plutôt que les géants américains Microsoft ou Apple. Alors que le Japon ne semble pas entretenir un tel désir de rivalité, quelle est la motivation réelle des coréens? D’abord, il faut mentionner que le Japon a réalisé les prémices du développement industriel en Corée. Ce sont des industries telles que l’acier, le ciment et les produits chimiques qui sont mises en place dans les années 1920 et 1930, particulièrement dans la partie nord de la péninsule où le charbon et les ressources hydroélectriques sont abondants. À l’époque où les lois coloniales japonaises prennent fin, la Corée est le 2e pays d’Asie le plus industrialisé, après le Japon lui-même (Armstrong, 2014). Or, si le Japon colonise la péninsule au début du 20e siècle contribuant à l’apport de nombreuses technologies industrielles lors de la colonisation, une gouvernance stricte et souvent brutale est exercée. L’objectif des Japonais est clair : assimiler le peuple coréen à la culture nipponne en tentant d’anéantir la langue et l’identité culturelle coréenne (Armstrong 2014). Par la suite, lors de la Deuxième Guerre mondiale, ceux-ci vont même jusqu’à forcer de jeunes hommes à s’enrôler dans l’armée japonaise et de jeunes femmes à se prostituer. Naît alors un fort sentiment de colère des Coréens envers les Japonais, que l’on peut ressentir encore aujourd’hui. Ceux-ci n’ayant toujours pas oublié la présence forcée des Japonais sur leur territoire. 25 ttt La fin de l’occupation nipponne survient alors que le Japon abdique face aux États-Unis et leurs alliés occidentaux en 1945. Officiellement, le traité de paix est signé en 1965 : le Japon alors devient le plus important partenaire commercial de la Corée du Sud (Hong Lai, 2010). Cependant, les tensions sont toujours palpables : le gouvernement coréen actuel critique la rhétorique révisionniste du Japon. En effet, de nombreux actes symboliques de la part du gouvernement japonais dans les dernières décennies, réinterprétant ou niant certains gestes commis durant la guerre, sont venus attiser les mésententes des deux peuples (Hong Lai, 2010). Les cicatrices semblent profondes. En dépits des nombreux différends historiques et mémoriels, le Japon et la Corée tentent d’améliorer leurs relations. De plus en plus de projets communs sont entrepris en vue d’une réconciliation. Un exemple majeur est l’organisation de la Coupe du monde de football 2012 réalisée conjointement entre les deux pays; un pas vers une coopération essentielle à leur développement économique. En effet, la Corée est un partenaire commercial de poids pour le Japon, et inversement. Elle dépend notamment du pays du Soleil-Levant pour de nombreux produits de haute technologie (Hong Lai, 2010). Outre l’interdépendance économique, les deux pays partagent la même vision en ce qui concerne la sécurité des voies maritimes et les relations avec la Corée du Nord. Les produits culturels japonais et coréens connaissent un succès retentissant dans chacun des pays (Heimburger, 2014). Deux pays en guerre La guerre de Corée; épisode de la guerre Froide La fin de l’occupation japonaise sur le territoire coréen suite à la Deuxième Guerre mondiale marque le début d’une La frontière très surveillée entre les Corées du Sud et du Nord. Symbole du conflit coréen, la zone démilitarisée (DMZ) est la frontière terrestre unique longue de 238 kilomètres, doublée de structures militaires permanentes, séparant les deux pays. © MC ttt 26 des plus grandes rivalités de l’Histoire. Malgré ses allures de guerre civile, la guerre de Corée s’étend à l’international, comme la majorité des conflits qu’a connus la Corée. En raison de sa situation géopolitique et de sa position stratégique, «un problème coréen n’a existé indépendamment du contexte régional et mondial» (Pak, 2013). La péninsule coréenne est alors divisée en deux; le Nord communiste et le Sud pro-occidental. À ce moment, les relations entre les deux États antagonistes sont très tendues et la Corée devient le décor des oppositions entre les protagonistes de la guerre froide. En effet, ce conflit, opposant les démocraties occidentales aux régimes communistes, n’a pas lieu qu’en Europe. Les disputes territoriales en Asie jouent également un rôle crucial dans le dénouement des combats entre alliés de l’Union soviétique et des États-Unis (Jean Cermakian, 2013). C’est dans cette atmosphère que les Nord-Coréens, appuyés par les armées chinoises et soviétiques, décident d’envahir leur voisin du sud en 1950. Cette attaque a ironiquement pour but de réunir à nouveau les deux Corées. La guerre de Corée éclate. Trois ans et quatre millions de morts plus tard, le conflit prend officiellement fin le 27 juillet 1953, alors que l’armistice de Panmunjom est signé. Cet accord consacre la division de la péninsule entre les deux états ennemis de part et d’autre d’une zone démilitarisée suivant le 38e parallèle et statue, de façon permanente, la présence des forces armées américaines en Corée du Sud (Benjebria, 2015). Ainsi, cette guerre, dont la réunification était l’objectif, a inversement entériné la division. Relations d’aujourd’hui Un armistice se décrit comme une convention mettant fin à un conflit entre deux ou plusieurs armées en temps de guerre. Ce n’est cependant pas un traité de paix : les deux Corées sont théoriquement toujours en guerre. Ces dizaines d’années de « paix armée » n’ont fait qu’accentuer le contraste entre les deux États. Au nord, la population est sous le joug d’un régime totalitaire dont les politiques priorisent le développement militaire aux dépends des besoins fondamentaux, alors qu’au sud, l’économie est en plein essor et ses politiques favorisent une ouverture sur le commerce international. Les relations sont conflictuelles et on assiste à des épisodes de forte tension. Cependant, l’arrivée de Park Geunhye à la tête de la Corée du Sud en 2012 amène une lueur d’espoir en faisant de la réunification une priorité. Le gouvernement tente d’ouvrir le dialogue avec le régime de Kim Jong-Un tout en favorisant la sécurité nationale. La Corée du Sud pourrait alors profiter des nombreuses ressources naturelles des nord-coréens, tandis que ces derniers auraient accès à la main d’œuvre industrielle très développée sud-coréenne. Toutefois, le maintien de l’activité nucléaire par Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, se dresse comme un obstacle à cette politique et fige les projets de réconciliation (Benoit HardyChartrand, 2013). D’un point de vue économique, une réunification serait-elle rentable pour la puissance mondiale qu’est devenue la Corée du Sud? À partir du modèle de la réunification allemande, il est possible de croire qu’une telle démarche coûterait 500 milliards de dollars. Avec un PIB 45 fois plus élevé que son voisin, ces coûts seraient absorbés en quasi-totalité par la Corée du Sud. Il est à se demander si les Sud-Coréens sont prêts à de tels investissements. Selon une enquête menée par le ministère sud-coréen de l’Unification publiée en 2014, seulement 50 % des habitants seraient prêts à consentir des sacrifices financiers pour parvenir à une réunification (RTL, 2014). Selon M. Walsh, ambassadeur du Canada en Corée, il y aurait aussi la possibilité d’une intervention économique des pays étrangers supportant la réunification afin de combler la faible capacité financière de la Corée du Nord. Les démarches ne sont toutefois pas assez avancées pour que le Canada puisse prendre une quelconque décision. Il ajoute aussi qu’il est probable que la Corée du Nord, pour une question de fierté, ne soit pas réceptive à une telle aide financière (Kim, Kim, Walsh, Dubuc et Poly-Monde, 2015). Outre le côté économique, il ne faut pas négliger les différences idéologiques et culturelles entre les deux peuples. Les organisations non-gouvernementale (ONG) venant en aide aux réfugiés nord-coréens s’inquiètent du fait que « soixante et une années de séparation et d’isolement pour le régime ermite de la Corée du Nord ont éloigné les deux peuples qui, [même] s’ils continuent de se voir comme une seule nation, se méfient l’un de l’autre et ont de plus en plus de mal à se comprendre, y compris sur le plan linguistique » (Autere, 2014). 27 ttt Dans les rues de Séoul, aucune trace de la guerre n’est ressentie. On perçoit plutôt le succès planétaire que connait la Corée dans la présente décennie. Pour les jeunes, la guerre semble appartenir au passé. Cependant le conflit est réel et la zone démilitarisée du 38e parallèle marque le fossé important entre les deux Corées. Les soldats du sud et du nord postés à la frontière rappellent que la réunification ne se fera pas sans conséquences ni sacrifices (Pak, 2013). « Non pas la dernière station depuis le Sud, mais la première vers le Nord. » Comme l’illustre cette pancarte visible dans la gare frontalière de Dorasan, les espoirs de réunification sont encore présents. © MC ttt 28 L’influence des puissances mondiales La Chine et les États-Unis, alliés respectifs du Nord et du Sud, sont des acteurs importants dans la question de la réunification de la péninsule. Selon les Américains, la Corée du Nord représente un des problèmes les plus dérangeants et persistants pour les politiques étrangères. Le régime de Kim Jung-un est perçu comme une réelle menace à la sécurité nationale du pays. C’est pourquoi, les Américains supportent ardemment la vision de la Corée du Sud pour une réunification sous le contrôle de Séoul (John-Chul Park, 2014). La Chine pour sa part ne se positionne pas officiellement sur la question de la réunification afin de protéger ses propres intérêts. En effet, Pékin est de loin le plus important partenaire économique des Nord-Coréens, leur fournissant plusieurs ressources telles que de l’énergie, des produits de consommations et de luxe, ainsi que de la nourriture. Il est logique de croire que la Chine ne veut pas mettre en péril cette relation particulière avec ses voisins du sud (Kelly, 2014). La Corée du Sud se retrouve donc dans une situation bien délicate alors que les deux plus grandes puissances mondiales divergent sur la question de la réunification. La vision de Pékin sur la question, à l’opposé de celle de Séoul, freine le développement des relations entre les deux pays. Cependant, ce développement est inévitable en raison de la montée de la Chine dans les dernières années. La Corée du Sud fait donc face à un dilemme stratégique. D’une part, les ÉtatsUnis, allié traditionnel assurant leur protection et d’autre part, la Chine, de laquelle la Corée est grandement dépendante économiquement. Pour leur propre intérêt national, les Sud-Coréens croient qu’il ne faut, en aucun cas, promouvoir une relation au dépend de l’autre (Han, 2012). Bref, que ce soit avec le Japon, la Chine ou les États-Unis, la Corée se retrouve dans plusieurs cas le théâtre de confrontations, d’oppositions et de mésententes qui créent un climat d’incertitudes politiques et sociales. On y voit, encore-là, la source de la méfiance constante, du nationalisme et du sentiment de vengeance du peuple coréen. Ces situations conflictuelles poussent la Corée à sortir de l’état d’extrême pauvreté dans lequel elle s’est retrouvée. Conséquemment, une doctrine prônant l’ardeur au travail et les efforts constants est inculquée au peuple. Plusieurs années plus tard, cette mentalité persiste et la Corée est gouvernée par la culture du « Ppalli, Ppalli! » (« Allez, allez! »). Cet état d’esprit met de l’avant l’efficacité d’exécution au dépend du bien-être de tous. Une forte compétitivité est alors présente dans plusieurs sphères de la société coréenne. Relations avec le Canada Plus de 50 ans de relations diplomatiques lient la Corée du Sud et le Canada. Premiers missionnaires occidentaux à visiter la péninsule coréenne au 19e siècle (Foreign Affairs Trade and Development Canada Government of Canada, 2015) (Yoo, 1996), les Canadiens participent à la mise en place d’élections libres par l’entremise de la Commission des Nations Unies en 1947 et reconnaissent la République de Corée en 1949 (Foreign Affairs Trade and Development Canada Government of Canada, 2015). Par la suite, le Canada devient, avec 26 791 troupes, le troisième plus gros contingent étranger lors de la Guerre de Corée en 1950-53, une attention que les Sud-Coréens tiennent encore en estime (Choi, 2015). Ce n’est qu’en 1963 que les deux pays officialisent leurs relations diplomatiques. Deux ans plus tard, la Corée du Sud est la première à inaugurer son ambassade à Ottawa (Embassy of the Republic of Korea to Canada, 2015); il faudra attendre 1973 pour qu’une ambassade canadienne ouvre ses portes à Séoul (Foreign Affairs Trade and Development Canada Government of Canada, 2015). Le développement rapide de la Corée a permis aux deux pays d’étoffer leurs relations au fur et à mesure des années : leurs adhésions communes au G20 (Groupe des vingt), à l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique, en anglais Asia-Pacific Economic Cooperation), à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) ou encore à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ont renforcé leurs liens diplomatiques, économiques et commerciaux. C’est ainsi qu’en 2014 la Corée est le 7e partenaire commercial du Canada avec 11,4 milliards de dollars de marchandises échangées (Kim et al., 2015) comprenant principalement de la part de la Corée des voitures, des téléphones mobiles, des La Mission 2015 à l’ambassade du Canada en Corée du Sud. © MC pièces automobiles, des pneus ou encore de l’acier, et de la part du Canada du charbon bitumineux, des minerais de cuivre, de fer et d’uranium, et de la pâte à papier (Embassy of the Republic of Korea to Canada, 2015). Afin de favoriser encore ces échanges et de concurrencer les États-Unis et l’Union européenne, un accord de libre-échange Canada-Corée du Sud (ALECC) est signé en septembre 2014. Cet accord, étudié plus en détails dans le chapitre Commerce international de ce rapport, permettra au Canada d’augmenter ses exportations vers la Corée de 32 %, en plus d’injecter 1,7 milliards de dollars dans l’économie canadienne et de créer des milliers d’emplois (Affaires étrangères Gouvernement du Canada, 2015). 29 ttt L’évolution des systèmes politiques Évolution du système politique et organisation actuelle Le développement de la puissante industrie sud-coréenne et la croissance rapide du pays est le fruit de politiques de développement favorisées par la structure même du pouvoir qui a oscillé entre régime présidentiel et dictature. Il s’agit donc ici de comprendre les évolutions qu’ont apportées les six Constitutions coréennes promulguées depuis 1948. L’ambassadeur Choi en conférence à Polytechnique, soulignant l’amitié canado-coréenne. © MC ttt 30 La première Constitution coréenne est promulguée le 17 juillet 1948, suite à l’occupation japonaise qui durait depuis plus de 35 ans. La République de Corée est fondée le 15 août 1948 avec la mise en place d’un gouvernement pro-américain à Séoul et l’élection du Président Rhee Syngman au suffrage indirect. Sous la gouvernance de Rhee, la Constitution est amendée pour autoriser le cumul des mandats et l’élection du Président au suffrage universel direct. À la chute du régime de Rhee, l’Assemblée nationale adopte une nouvelle Constitution instaurant un système parlementaire bicaméral permettant une meilleure régulation du pouvoir exécutif. C’est le début de la IIe République qui semble dessiner les bases d’un système politique plus équilibré. Pourtant, le 16 mai 1961, un coup d’état militaire dirigé par le général Park Chung-hee dissout le Parlement et crée un Conseil suprême de reconstruction nationale. Park fait adopter par le référendum du 17 décembre 1962 une nouvelle constitution qui restaure le système présidentiel, c’est la IIIe République. Dix ans plus tard en 1972, dans l’objectif de pérenniser son pouvoir « à vie », Park fait adopter une nouvelle Constitution pour créer la IVe République qui ne limite plus le nombre de mandats présidentiels. Cette dernière constitution, assurant une élection majoritaire à Park est fortement critiquée par des Coréens qui souhaitent une réelle démocratie. Jusqu’à sa mort, Park ne réussit alors à gouverner qu’en prenant des mesures d’exception et en proclamant des lois martiales pourtant à l’encontre d’une culture néo-confucianiste profondément anti-coercitives. À la mort de Park, un Comité spécial de la sécurité nationale est créé et aboutit au vote de la Constitution de la Ve République, approuvée par référendum. Cette République est marquée par la limitation du mandat présidentiel à 7 ans et par la suppression du couvre feu qui existait depuis 1945. En 1987, la Constitution coréenne évolue une nouvelle fois pour faire entrer la Corée du Sud dans la VIe République. Elle marque le retour d’une réelle représentaBicamérisme Système d’organisation politique divisant le Parlement en une Chambre basse élue directement par le peuple (assemblée) et une Chambre haute représentant l’État (sénat). Monocamérisme Système d’organisation parlementaire à une seule Chambre (l’Assemblée dans le cas de la Corée). tion du peuple dans les décisions législatives et le choix de leur dirigeant par le suffrage universel qui n’existe plus depuis 1972 et réduit à 5 ans le mandat présidentiel (Encyclopædia Universalis, 2015). Actuellement, le régime sud-coréen est présidentiel et monocaméral, même si peu à peu, le Président a perdu de ses prérogatives au profit du Parlement. Or, si un gouvernement sud-coréen est créé très tôt, une réelle démocratie ne commence à se mettre en place qu’au cours des années 1980 et 1990 pour ressembler à l’organisation que l’on connaît aujourd’hui (BiblioMonde, 2006). L’organisation du pouvoir est faite autour d’un pouvoir exécutif, d’un pouvoir législatif et d’un pouvoir judiciaire. Le pouvoir exécutif est détenu par le Président de la République, et son Premier ministre doit être considéré comme son premier assistant. Park Geun-hye, la prési- dente actuelle et fille de Park Chung-hee, a été élue en Novembre 2013. Le pouvoir législatif appartient au parlement d’une seule chambre : l’Assemblée nationale ou Gukhoe ( ). Elle est composée de 273 députés dont les deux tiers se font élire au scrutin majoritaire alors que le dernier tiers des sièges est réparti proportionnellement à la représentation de chaque parti lors du suffrage direct. Ils sont élus pour un mandat de 4 ans. L’Assemblée investit ensuite le Premier ministre proposé par le Président et, même une fois investi, elle conserve le droit de révoquer le chef du gouvernement en place après un an. C’est aussi à l’Assemblée que les lois sont proposées, débattues et votées (BiblioMonde, 2006). Le pouvoir judiciaire est quant à lui constitué des cours de district, des cours d’appel et de la Cour suprême, et le Chef de la Justice est nommé pour 6 ans par le Président de la République avec approbation de l’Assemblée nationale. Le Chef de la Justice nomme les juges des tribunaux suite à l’approbation du Conseil constitutionnel. Une fois nommés, les juges sont inamovibles (BiblioMonde, 2006). Le miracle de la rivière Han Hangangui Gijeok, 한강의 기적 La croissance économique sud-coréenne est comparée à un véritable miracle pour son efficacité fascinante. Les leaders du pays ne manquent pas une utilisation de ce terme pour éveiller la fierté et le nationalisme des Sud-Coréens. Cette croissance forte a permis une industrialisation rapide du pays, des créations technologiques, une urbanisation importante, ou une excellence éducative qui font désormais la fierté du peuple coréen. Ces évolutions sont cependant les fruits de politiques nationales difficiles. La réforme des territoires de Rhee Syngman (1953-1961) Si les politiques de Rhee Syngman sont critiquées pour leur autoritarisme, le début de la réussite économique coréenne est souvent attribuée à sa reforme des territoires. L’objectif de cette réforme est une redistribution équitable des territoires et un accès à la propriété qui se traduit par une nette augmentation du pourcentage de terres exploitées par des agriculteurs propriétaires qui passe de 14 % à 72 % entre 1944 et 1964 (Putzel, 2000). Cette division équitable de la propriété des terres permet une augmentation et une répartition des revenus dans les campagnes. Trois facteurs majeurs montrent ensuite que cette réforme s’inscrit dans le plan de développement économique sud-coréen : Premièrement, cette réforme crée un envi- 31 ttt ronnement politique et économique plus stable dans les campagnes permettant ainsi à Rhee puis Park de se concentrer sur le développement du secteur industriel (Putzel, 2000). Deuxièmement, la reforme est essentielle pour l’accès à l’éducation des populations rurales dans les années 60. La tradition néo-confucianiste du pays amène les familles rurales à dépenser la majorité de leurs augmentations de revenu dans l’éducation de leurs enfants qui fournissent alors une mains d’œuvre hautement qualifiée, ressource de choix pour l’industrie locale en développement. Des membres de la Mission en hanbok, l’habit traditionnel coréen. © MC ttt 32 Finalement, l’augmentation des revenus du secteur rural permet l’expansion du marché local dont l’étendue est fondamentale au début de la période d’industrialisation par substitution des importations du plan quinquennal de Park Chung-hee (Putzel, 2000). Le plan quinquennal de développement économique de Park Chung-hee Amorcé au début de la dictature de Park Chung-hee en 1962, le premier plan quinquennal de développement économique coréen est mis en place jusqu’en 1966. Son objectif est l’industrialisation forte du pays par la promotion des exportations et le contrôle d’un État autoritaire. À travers des plans d’industrialisation de 5 ans, l’accent a été mis progressive- ment sur des industries légères dans les années 1960, sur des industries lourdes et chimiques dans les années 1970, pour enfin atteindre le développement des hautes technologies dans les années 1980. Cette évolution est visible dans la part du PIB de la production industrielle qui passe de 9 % en 1953 à 39 % en 1985. Mais cette évolution rapide n’est pas sans causer de protestations du peuple qui conduisent alors Park à prendre des mesures pour contenir la population et conserver le pouvoir (Encyclopædia Universalis, 2015). L’héritage des lois martiales Le peuple coréen a été fortement marqué par le recours récurent de leurs Présidents aux lois martiales. Dès son second mandat, le Président sudcoréen Rhee Syngman, anticommuniste virulent, décrète une loi martiale en 1956, ainsi qu’une loi sur la sécurité nationale destinée à opprimer la presse. Pendant la dictature de Park une seconde loi martiale est là encore mise en place lorsqu’il réalise que son despotisme n’est pas accepté par la société coréenne. Après sa mort, malgré la volonté de Choi Kyu-hah de prendre des mesures libérales, un nouveau groupe militaire dirigé par le général Chun Doo-hwan prend le pouvoir. C’est finalement en 1987 que le Président Roh Tae-woo met en place la VIe République et apaise les traumatismes laissés par ces lois en rétablissant le suffrage universel, la liberté de la presse et la liberté syndicale. Des politiques de purification du Chaebol ( ) De chae – richesse – et bol – clan (MerriamWebster Dictionary, 1984). Créés après la guerre par le gouvernement Park Chung-hee, ces conglomérats familiaux de compagnies (sous forme de maison mère– filiales) avaient pour but de relever l’économie nationale en leur confiant le monopole de secteurs donnés. Bien qu’ayant fait de la Corée l’un des dragons asiatiques, les chaebols sont aujourd’hui critiqués pour leur aspect ploutocratique (dirigés par l’argent), leurs relations financières complexes et leur poids trop important dans le PIB coréen. Parmi les principaux chaebols, on peut nommer Samsung, Hyundai et LG Group. système politique sont ensuite mises en place. D’abord par le Président Kim Young-sam pour que ses prédécesseurs puissent être jugés pour leurs crimes commis lors du coup d’état de 1979 et ensuite lors des soulèvements populaires de Kwangju. Par la suite, élu en 2002, le programme du Président Roh Moo-hyun est principalement orienté vers la lutte contre la corruption récurrente dans les puissants chaebols (conglomérats) et dans les milieux politiques (Encyclopædia Universalis, 2015). Hallyu : la déferlante coréenne 2,3 milliards. C’est le nombre de vues que totalise en mai 2015 le vidéoclip Gangnam Style du chanteur sud-coréen PSY (PSY - GANGNAM STYLE ( ) M/V, 2012), lui valant plusieurs records Guinness (Guinness World Records News, 2012). Cette chanson, devenue virale, a démocratisé la musique coréenne en Amérique du Nord et en Europe. Cette découverte soudaine de l’Occident pour la culture coréenne n’est pas le fruit du hasard, mais d’une entreprise bien plus profonde et calculée du gouvernement. Car oui, la culture coréenne s’exporte déjà depuis la fin des années 1990, notamment dans le reste de l’Asie, mais également au Moyen-Orient et en Amérique du Sud (Courmont, 2012; Légaré-Tremblay, 2015). Appelée hallyu, cette « vague [culturelle] coréenne » est l’initiative du gouvernement du président Kim Dae-jung (en poste de 1998 à 2003), désirant à l’époque diversifier les revenus du pays (Légaré-Tremblay, 2015). La dépendance aux chaebols devenant un risque d’écroulement de l’économie si l’un de ses géants venait à péricliter, le président Kim décide, après la crise économique asiatique de 19971998, de relancer le pays en concentrant Hallyu ( ) Des racines han ( ) – état d’être coréen – et ryu ( ) – vague ou courant, la hallyu est la vague culturelle initiée par le gouvernement de Kim Dae-jung au début des années 2000. Exportant la culture musicale, cinématographique, télévisée, technologique et culinaire, ce mouvement vise à diversifier les revenus nationaux et promouvoir internationalement le Made in Korea, pour ainsi assurer la stabilité économique du pays. Le chanteur sud-coréen PSY a su démocratiser la K-Pop en occident. © Capture d’écran YouTube les efforts non pas sur l’industrie manufacturière, mais sur la culture. Une approche assez inédite et risquée, rarement entreprise par les gouvernements occidentaux, comme par exemple au Québec, où 2,5 millions de dollars ont encore été coupés du budget du Conseil des arts et des lettres du Québec en 2015 (ICI.RadioCanada.ca, 2015). Pour mener à bien ce programme, le gouvernement se lance dans le pari audacieux de devenir le pays le plus connecté du monde, défi qu’il relève à peine quelques années plus tard (Légaré-Tremblay, 2015). Aujourd’hui encore, la Corée du Sud est l’un des pays précurseurs de nombreuses technologies, comme les normes de téléphonie mobile CDMA ou LTE, ce qui lui valent le qualificatif de « marché test » pour de nombreuses innovations électroniques (Ducourtieux, 2013). 33 ttt Parallèlement, beaucoup d’efforts sont mis pour encourager la création de contenu : en 2012, ce sont plus de 1 billion de won (1,1 milliard de dollars canadiens) qui ont été insufflés par le Ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme dans l’industrie de la culture (Cho, 2012). Les bénéficiaires vont des studios cinématographiques de Busan aux maisons de production musicale, telles SM entertainment, YG entertainement ou encore JYP entertainement. Son influence est telle en Asie que les célébrités coréennes figurent parmi les acteurs les mieux payés au monde derrière ceux de Hollywood (Faiola, 2006). ou la diffusion de programmes télé et de films, mais est grandement amplifiée par Internet, d’où la course à la connectivité menée par le gouvernement. Les vidéoclips de K-pop sont vus plusieurs dizaines de millions de fois sur les sites de partage comme YouTube, les admirateurs de K-drama s’entraident afin de traduire en plusieurs langues leurs émissions préférées, et les films sont disponibles en ligne et sous-titrés. La société coréenne restant très traditionnaliste, ses programmes – surtout ses téléromans – s’exportent très facilement : contrairement aux séries américaines mêlant violence et sexualité, les K-drama demeurent très pudiques et abordent des thèmes pouvant passer aux heures de grande écoute dans le monde musulman, expliquant leur succès dans les pays du Moyen-Orient (Légaré-Tremblay, 2015). Les conséquences de cette vague culturelle sont impressionnantes et visibles dès les balbutiements du programme : de 2003 à 2004, le nombre de touristes étrangers visitant la Corée du Sud est passé de 2,8 à 3,7 millions (Faiola, 2006), pour atteindre 14 millions aujourd’hui (Office national du Tourisme coréen, 2014). Un autre effet collatéral de cette vague : une solidification des chaebols. Grâce au placement de produits dans les K-drama, les films ou les vidéoclips de K-pop, l’Asie, le MoyenOrient ou l’Amérique du Sud sont inondés visuellement de produits coréens, les ménages de ces pays en développement désirant maintenant posséder une voiture Kia, de l’électroménager LG ou le nouveau téléphone Samsung (Légaré-Tremblay, 2015). C’est un véritable écosystème socio-économique que le gouvernement coréen a réussi à installer avec sa hallyu. Cet hôtel de Busan, à l’effigie du groupe de K-pop 2NE1, témoigne de la place qu’occupe la hallyu dans la culture coréenne. © MC ttt 34 Cet univers artistique gigantesque se base sur différents média : la musique (avec la K-pop – de l’anglais Korean pop), les téléromans (K-drama), les films, les technologies et la cuisine. Sa propagation se fait au travers de moyens traditionnels, par la vente de CD Les raisons officielles de cette exportation culturelle cachent cependant une motivation plus profonde : l’obsession de la première place. Constamment envahie et occupée par ses voisins, c’est la première fois que la Corée part à la conquête du monde. Entretenu par des années de soumission et d’assimilation, le sentiment du han est omniprésent dans la société du matin levant. Soft Power Le soft power – ou puissance douce – est un concept utilisé en relations internationales lorsqu’un État, une firme ou toute autre institution ou organisation tente d’influencer d’autres acteurs à l’aide de moyens non coercitifs. Introduite par Joseph Nye en 1990, cette forme de pouvoir se base sur l’admiration pour ladite organisation, son prestige ou le rayonnement de son idéologie comme force de persuasion sans avoir à user de la force de contrainte ou de menaces (solution qualifiée de hard power). Ce concept, difficile à traduire, est un désir de vengeance, jamais assouvi, propre au peuple coréen (Légaré-Tremblay, 2015). Ce désir de conquête est donc le résultat d’un nationalisme exacerbé, nourri par une recherche de pérennité économique. De plus, la hallyu est considérée par beaucoup comme une tentative de soft power envers la Corée du Nord (Courmont, 2012) : Kim Dae-jung déclarait même que « si les deux Corées se réunissent un jour, ce sera grâce à cette vague » (LégaréTremblay, 2015). Dans les faits, sa vision pacifiste porte ses fruits : dans les rares zones de collaboration des deux régimes comme à Kaesong, des Nord-Coréens risquent leurs vies pour ramener chez eux des biens et des idéologies du Sud (Légaré-Tremblay, 2015). Synthèse L’histoire de la Corée et de ses relations avec ses pays limitrophes a forgé l’identité d’un peuple asiatique singulier, aujourd’hui 15e puissance mondiale. Cette réussite économique exceptionnelle est le fruit d’une culture locale imprégnée par le néo-confucianisme prônant travail et réussite, et par le sentiment de han qui met la rivalité avec le Japon au centre des motivations populaire. Les 65 dernières années ont particulièrement marqué la société coréenne, entre héritage d’une occupation japonaise brutale, guerres, dictatures et régimes autoritaires. La guerre de Corée et la rivalité idéologique face au Nord sont des sources constantes de tensions dans cette poudrière héritée de la guerre froide. Pourtant les contraintes économiques actuelles laissent envisager des rapprochements entre ces deux sœurs, encore une fois dans une logique sud-coréenne de maintenir la péninsule compétitive face aux géants voisins que sont la Chine, le Japon ou la Russie. Cependant, au-delà d’une identité coréenne forte, le Miracle de la rivière Han est du à un système politique, dont l’important pouvoir donné à l’exécutif facilite la prise de décision et la mise en place des grandes réformes qui font de la Corée une des plus grandes puissances industrielles actuelles. Et bien que ces reformes aient été difficiles pour le peuple en raison du recours récurent aux lois martiales par les gouvernements, il faut aussi admettre leur efficacité. Chaque réforme et chaque plan quinquennal s’inscrit dans la logique du précédent. La reforme des territoires soutient le plan quinquennal de développement des infrastructures, qui soutient à son tour le plan de développement des industries lourdes, qui soutient à son tour le plan de développement des hautes technologies par l’exportation. Depuis quelques années, le gouvernement tente de revoir sa politique économique face aux géants que sont la Chine et le Japon en développant un nouveau plan quinquennal. Car après avoir subit les invasions voisines, c’est à la Corée du Sud d’envahir le monde avec sa culture dont le vecteur est finalement l’industrie électronique dont elle est un des leader mondiaux. La hallyu en est l’expression et participe au rayonnement international actuel du pays en s’inscrivant dans un nouveau plan de développement. Cette dynamique est particulièrement appuyée par les nombreux traités de libreéchange signés par la Corée ces dernières années et dont le dernier a été signé avec le Canada. Encore une fois, l’efficacité de la stratégie du pays du matin calme semble imparable. 35 ttt « Le Système du Budget et des Comptes coréen est le système de gestion d’information financière le plus développé que je n’ai jamais vu. » - Cem Dener, Directeur des Solutions digitales intégrées à la Banque Mondiale, 2010 La Banque de Corée, au centre-ville de Séoul, régit la valeur du won. © MC Macroéconomie un système bancaire unique au monde 37 ttt Les géants tels Samsung, Hyundai et LG parviendront-ils à soutenir l’économie coréenne à eux seuls? © MC ttt 38 Introduction La situation économique de la Corée a changé drastiquement depuis la fin de la guerre opposant le Nord et le Sud. La partie septentrionale de la péninsule a réussi à sortir de la pauvreté avec l’intervention, certe autoritaire de son gouvernement. Celle-ci a permis au pays de connaître une croissance économique sans précédent grâce au développement des grosses compagnies coréennes (aussi connues sous le nom de chaebols) telles Hyundai, Samsung et LG. Avec le temps, les différentes politiques gouvernementales ont notamment orienté le plan de développement national vers les secteurs des transports et des technologies informationnelles. Le développement de ces compagnies a causé la création de très grandes puissances mondiales dans ces domaines particuliers. Les activités de ces entreprises représentent aujourd’hui une large part du PIB du pays. Cette section vise à présenter les différentes données macroéconomiques ainsi que les politiques économiques qui permettent de placer la Corée sur l’échiquier mondial. Ce chapitre analyse la situation économique coréenne en portant attention à trois aspects clés de cette dernière : la conjoncture économique, la politique budgétaire ainsi que la politique monétaire. Les situations du Québec et du Canada sont aussi présentées en guise de comparaison. Conjoncture économique Comme il a été mentionné auparavant, la Corée du Sud a vécu un redressement spectaculaire au cours des 50 dernières années, passant du statut de pays pauvre à celui de puissance mondiale. Cette progression est principalement attribuée à la montée en puissance des chaebols sur la scène mondiale avec l’aide importante du gouvernement. La situation générale de l’économie coréenne au courant des dernières années sera observée en analysant des éléments tels le comportement du pays durant la crise et la Grande récession asiatique, le PIB, ainsi que le taux de chômage. La crise économique asiatique et la Grande Récession Afin de comprendre les données économiques ainsi que les politiques mises en place, il est nécessaire de connaître les évènements marquants de l’histoire économique récente de l’Asie. Les deux principaux évènements sont la crise financière asiatique (CFA) de 1997 ainsi que la Grande Récession de 2008. Au cours de ces deux évènements, la Banque Centrale de Corée (BCC) et le Fond monétaire international (FMI) ont joué un rôle crucial pour que la Corée puisse se remettre des turbulences économiques encourues. Une des raisons majeures ayant mené à la CFA est le manque de coopération entre les différentes instances financières, monétaires et gouvernementales asiatiques avant la crise. L’ASEAN Plus Trois (APT) ou Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Association of Southeast Asian Nations, abrégé ASEAN) ainsi que la Chine, le Japon et la Corée ont décidé conjointement d’amélio- rer leur communication et de coordonner certaines politiques monétaires et financières pour éviter de revivre une situation similaire. La crise financière asiatique de 1997 a commencé en Thaïlande avant de rapidement se propager dans toutes les régions avoisinantes. Un afflux massif de capitaux étrangers qui s’était accumulé dans la région s’est brusquement retiré suite à l’éclatement de la bulle financière en Thaïlande, ce qui a causé un déséquilibre de la monnaie des différents pays. L’expansion rapide de la crise a été favorisée par la méfiance des investisseurs étrangers dans les autres pays de la zone à la vue des évènements se déroulant en Thaïlande. Rapidement, la Thaïlande, l’Indonésie et la Corée ont eu besoin d’être secourues financièrement par le FMI. Ce qui distinguait ces trois pays des autres pays de la région qui n’ont pas eu besoin de l’aide du FMI est le fait que leur ratio de dette étrangère sur leurs réserves en devises étrangères dépassait 100 %. En Thaïlande, ce ratio était de 110 %, en Indonésie de 167 %, tandis qu’en Corée il s’élevait à 195 % (Sussangkarn, 2014). Ces pourcentages sont dangereux dans le cas où ces dettes ne soient pas renouvelées en raison d’une perte de confiance des investisseurs. En effet, le niveau de réserves en devises étrangères est important pour un pays afin d’assurer une sécurité dans le cas où sa propre monnaie se dévalue, par exemple dans des périodes de turbulences financières. Suite à ces évènements l’APT a mis en place l’initiative Chiang Mai (Chiang Mai initiative, abrégé CMI) qui assure un fonds de réserve en devises étrangères qui atteint maintenant 240 milliards $US en plus d’établir un mécanisme d’échange de devises étrangères efficace entre les pays membres (McGillivray et Carpenter, 2013). Un autre changement fut d’instaurer un groupe nommé Asian Bond Market Initiatives (Sussangkarn, 2014). Cette instance a pour but de s’assurer que les marchés d’obligations asiatiques se développent de manière efficace et que les épargnes soient utilisées pour des investissements régionaux (Kawashima, 2013). Ces deux nouvelles instances permettent aujourd’hui aux pays asiatiques d’être moins dépendants du FMI comme c’était le cas précédemment. C’est en Thaïlande que commence la crise asiatique de 1997. © MC En effet, au cours de la crise asiatique, les pays comme la Corée qui ont dû se plier aux demandes du FMI pour obtenir une aide financière de l’organisme à cause du peu d’influence qu’ils possédaient auprès de ce dernier. De ce fait, ils n’ont pas eu leur mot à dire sur la nature et les conditions imposées, et ont dû accepter des politiques monétaires restrictives qui ont causé des problèmes sociaux. Les conditions n’ayant pas été pensées en fonction du pays, elles ont mené à des tensions politiques et culturelles en plus d’engendrer une réforme de restructurations corporatives rapides qui a 39 ttt ttt 40 particulièrement touché les chaebols. Finalement, le FMI a demandé aux pays concernés par les crises d’assurer des garanties complètes pour les prêteurs d’institutions financières (Sussangkarn, 2014). Pour ce qui est du cas particulier de la Corée, à la veille de la crise financière asiatique le taux d’endettement des chaebols atteignait 500 % de leurs avoirs alors que la dette nationale s’élevait à 150 G$US dont 60 % de ce montant était à moins d’un an d’échéance. De plus, les réserves en devises étrangères n’étaient que de 8 G$US. À la suite d’une sortie massive de capitaux étrangers, la Corée est tombée en crise et celle-ci a engendré les faillites successives de banques et d’entreprises. Le plan de sauvetage du FMI s’est élevé à 47 G$US et il fut finalement remboursé en 2001. Le succès de la reprise venait entre autres des mesures mises en places par la BCC, et la libéralisation de l’économie coréenne sous la direction du FMI. Au travers de cette crise, la Corée a pu entrevoir les limites de son économie, et a pu restructurer celle-ci pour la rendre viable. La grande récession de 2008 fut la dernière grande crise qui a affecté les pays asiatiques. Grâce aux discussions plus intensives de l’APT, mais aussi grâce aux structures déjà mises en place lors de la précédente crise, certains pays ont pu réduire l’impact de la récession. Ce fut notamment le cas de la Corée qui connut une courte période de récession avant de reprendre sa croissance. Au-delà des structures déjà en place, un des autres facteurs importants fut la négociation de nombreux accords de libreséchanges avec les principaux pays importateurs des produits coréens. Ces accords couplés à la faible valeur du won ont favorisé les exportations qui sont le moteur économique du pays. La production coréenne, d’une croissaince effrénée signe Le PIB de la Corée se situait à 260 $US par habitant au lendemain de la guerre de Corée, et était comparable aux produits intérieurs bruts de pays sous-développés d’Afrique et d’Asie (Consulat général à Montréal de la République de Corée, 2015). Il était inférieur à celui de la Corée du Nord. En 2014, ce même PIB par habitant s’élevait à 28 739 $US (OCDE, 2014). La progression fut d’autant plus marquée avec la présence du président Park Chung-hee au pouvoir, de 1962 à 1979. Il privilégia une économie basée sur l’exportation et permit l’arrivée des fonds japonais pour appuyer l’industrialisation du pays, grâce au traité nippo-sud-coréen de 1965. Malgré les progrès spectaculaires, le PIB de l’année 2014 ne se situe que dans la Comparaison de la variation de croissance du PIB. Il est possible de voir ici que la variation du PIB coréen est supérieure à ceux des autres présentés. sources : OCDE, 2014; Gouvernement du Canada, 2014; Institut de la statistique du Québec, 2013 moyenne de l’OCDE et est inférieur au PIB tivement de 7,3 % et de 6,9 % durant la canadien, qui est de 37 000 $US per capita même année (OCDE, 2014). (OCDE, 2014). Cependant, cette impression est à relativiLe poids des chaebols Samsung et Hyunser selon différents aspects. dai dans le produit intérieur brut est Premièrement, la proportion de travailleurs important. En effet, ces derniers reprétemporaires est de 24 %, soit deux fois sentent respectivement 23 % et 12 % du plus que la moyenne de l’OCDE (OCDE, PIB national, ce qui illustre la dépendance 2014). Cela dénote une faible sécurité de du pays à ses chaebols (BusinessKorea, l’emploi. 2014). De plus, le taux de chômage des jeunes Malgré cette dépendance, les Coréens s’élève à 11 % en février 2015 en Corée peuvent être opti(Trading Economistes puisque le mics, 2015). Samsung et Hyundai PIB du pays est Les disparités soreprésentent respectivement en croissance, ciales qui existent et ce de manière entre le fait de 23 % et 12 % du PIB coréen importante par travailler dans un rapport aux autres pays de l’OCDE. En chaebol ou dans une PME expliquent en effet, l’économie coréenne est en pleine partie ce chiffre. En effet, les jeunes travailcroissance économique avec un taux de leurs vont souvent préférer travailler dans croissance du PIB de 3,5 % en 2014, alors un chaebol à cause de cette distinction. que celui de l’OCDE n’était que de 1,8 %. Cependant, le manque d’opportunités À titre de comparaison, la croissance cadans les chaebols combiné au peu d’ennadienne a été de 2,4 % sur cette même gouement envers les petites et moyennes année (OCDE, 2014). Pour ce qui est du entreprises (PME) sont donc des éléments Québec, on observe une croissance du qui expliquent le chômage important chez PIB plus faible que celles précédemment les jeunes. présentées, avec 1,5 % en 2014. (Institut De plus, la rude concurrence causée par de la statistique du Québec, 2013; Gouverla quantité de personnes de la tranche nement du Canada, 2014). 25-34 ans possédant un diplôme universitaire (environ 67 % de cette tranche) est Chômage et emploi un autre élément qui vient gonfler ce chôLe taux de chômage représente la partie mage (Reuters UK, 2015). de la population active qui est sans emploi Ce problème pourrait être résolu par l’enmais qui en cherche activement un. Dans couragement de la création des start-ups cette optique, la Corée semble avoir des par le gouvernement. Ce phénomène tend résultats satisfaisants, avec un taux de à se développer dernièrement en Corée chômage de 3,5 % en 2014, alors que les dans le but de favoriser l’innovation au trataux de l’OCDE et du Canada sont respecvers de l’économie créative. Le taux de chômage coréen est deux fois plus faible que la moyenne des pays de l’OCDE sources : OCDE, 2014; Gouvernement du Canada, 2014; Institut de la statistique du Québec, 2013 41 ttt Visite de l’équipe Poly-Monde à l’usine Hyundai Motors, chaebol coréen ayant un poid important dans le PIB national. © MC ttt 42 Cependant, la Corée reste le pays membre de l’OCDE ayant le taux de chômage à long terme le plus faible. Ce dernier représente un chômage durant depuis une année ou plus. En Corée, ce chiffre est quasiment nul sur les dernières années (Banque Mondiale, 2015). À titre de comparaison, le Québec possède un taux de chômage plus haut que la moyenne de l’OCDE avec 7,7 % en 2014, et reste toujours historiquement supérieur à la moyenne canadienne. Toutefois, un resserrement a pu être observé suite à la Grande Récession, le Québec se rapprochant sensiblement des résultats de l’OCDE ainsi que celui du Canada (Institut de la statistique du Québec, 2013). Finances publiques La politique budgétaire est l’une des politiques macroéconomiques les plus importantes d’un gouvernement. Les différentes décisions budgétaires influencent directement et considérablement l’économie nationale. Processus d’appropriation du budget Le processus d’appropriation du budget du gouvernement coréen ressemble au système canadien qui est basé sur celui de Westminster. Vers la fin de l’année budgétaire, le ministre des Finances canadien dépose les documents budgétaires au Parlement pour approbation. En Corée, le président soumet le budget de l’année suivante à l’Assemblée nationale. Un comité permanent de l’assemblée, composé de seize membres revoit le budget proposé et vote sur des recommandations qu’il compte soumettre au Comité spécial sur les Comptes et le Budget (Special Committee on Budget and Accounts, SCBA). Après avoir revu et incorporé les recommandations, ce dernier émet une proposition de loi à l’assemblée. Il est intéressant de noter que le SCBA ne peut pas proposer de nouvel élément budgétaire sans l’approbation du comité permanent. La proposition de loi est finalement votée à l’Assemblée nationale. Un fait important de ce processus est la tendance du comité à augmenter le budget alors que le SBCA a au contraire tendance à vouloir le diminuer. Ce phénomène peut s’expliquer par la volonté des membres du comité permanent d’ajouter des projets dont bénéficient particulièrement leurs électeurs. Le SCBA d’un autre côté représente plutôt les intérêts du parti majoritaire au pouvoir et met donc l’accent sur la réduction du budget dans le but d’établir l’équilibre budgétaire (Kim, 2012). Structure des finances publiques Les finances publiques de la Corée du Sud sont divisées entre celle du gouvernement central et des gouvernements locaux. Le gouvernement central est entièrement financé par le budget établi et les divers fonds. En 2014, le budget du gouvernement central est constitué d’un Compte général (General Account), 18 Comptes spéciaux (Special Account) et de 64 Fonds Budgétaires (Funds) (Ministry of Strategy and Finance, 2014). Le Compte général est utilisé pour maintenir l’ordre public ainsi que la sécurité du territoire à travers la défense nationale et la Les finances publiques locales sont également composées des trois comptes. Les revenus proviennent en partie des impôts locaux, considérés comme source de revenus indépendante. L’autre partie des revenus est financée par les subventions locales et la trésorerie nationale. La sécurité sociale, la protection de l’environnement et les transports constituent la majorité des dépenses du niveau de gouvernement local. De plus, en concordance avec le principe de l’autonomie de l’éducation, l’éducation est financée par un compte spécial séparé du compte général, de par la loi sur l’éducation locale. Revenus consolidés et recettes fiscales entre 2006 et 2014. source : National Assembly Budget Office, 2014 Revenus Les revenus totaux consolidés du gouvernement central coréen en 2014 étaient de 369,9 T (24,6 % du PIB), soit une augmentation de 2,4 % par rapport à 2013. Par ailleurs, les revenus consolidés croissent annuellement de 5,8 % en moyenne depuis 2006 (National Assembly Budget Office, 2014). La majorité du revenu (58,6 %) provient directement des différents impôts. Suite à la révision majeure des lois fiscales en 2014, l’Assemblée nationale a voté pour une augmentation totale de 2,19 % des impôts pour les cinq années suivantes (National Assembly Budget Office, 2014). Cette augmentation se reflète surtout au niveau de l’impôt sur le revenu individuel. En effet, le seuil d’imposition maximal a été abaissé. 300 25 250 23,1 20,5 25,1 29 29,6 39,2 34,5 38,3 41,2 45,5 36,1 100 0 35,7 52,4 55,1 49,9 50,7 2008 Ordre social et sécurité Défense nationale 56,2 57,2 51,6 48,7 81,2 86,4 92,6 99,3 106,4 80,4 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Éducation Administration publique 45,9 68,8 Revenus consolidés 23,7 33 31,4 26,6 150 50 Les revenus consolidés sont obtenus en excluant les différents transferts entre comptes et les revenus provenant du financement de chaque compte par la somme des comptes généraux, spéciaux et fonds. 24,4 25,5 200 Dépenses (T ) diplomatie. En plus de cela, les dépenses en éducation, logements sociaux, infrastructures, aide sociale et santé passent également par ce compte. Les revenus qui constituent le Compte général proviennent essentiellement des impôts sur le revenu des individus et des entreprises et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les Comptes spéciaux sont par exemple financés par les intérêts provenant des prêts, les taxes sur l’alcool et celui du développement pour les zones rurales. Ces Comptes spéciaux ont été établis pour financer des projets spécifiques entrepris par le gouvernement. Il est important de noter que les fonds des Comptes spéciaux ne peuvent servir qu’à financer les projets définis par les différentes lois. Enfin, les Fonds Budgétaires comprennent notamment les différentes pensions gouvernementales et sont gérés indépendamment du budget, mais requièrent tout de même l’approbation de l’Assemblée nationale. La principale source de revenus de ces fonds provient de prêts et dons au lieu des recettes fiscales. De plus, ils ont l’avantage d’être plus flexibles au niveau de leur usage (Ministry of Strategy and Finance, 2014). Aide sociale Les revenus consolidés et recettes fiscales de 2006-2014 montrent l’importance et l’augmentation des dépenses dédiées à l’aide sociale. source : National Assembly Budget Office, 2014 43 ttt En 2013, les personnes dont le revenu était supérieur à 300 M étaient imposées à 38 %. Après l’entrée en vigueur de la loi en 2014, c’est dorénavant les personnes dont le revenu est supérieur à 150 M qui sont imposées à ce taux. Ceci permettra au gouvernement de récupérer 4,6 T (impôt sur le revenu), une augmentation de 9,2 % par rapport à 2013. 600 40 Dépenses du gouvernement 35 500 25 300 20 15 200 10 100 Dette publique par rapport au PIB (%) Valeur nominale de la dette (T ) 30 400 38 % selon le nombre d’habitations autres qu’un domicile principal que possède une personne. D’autres politiques de réduction encouragent les entreprises à s’engager dans le développement durable (conservation énergétique et respect de l’environnement) (National Assembly Budget Office, 2014). Valeur nominale % du PIB Les dépenses consolidées du gouvernement central en 2014 étaient de 355,8 T , une augmentation de 2 % par rapport à 2013. Les cinq secteurs où les dépenses sont les plus élevées sont l’emploi et l’aide sociale, l’administration publique, l’éducation, la défense nationale et l’ordre social (National Assembly Budget Office, 2014). 5 0 Dette et solde budgétaire 14 13 20 20 11 12 20 10 20 09 20 20 07 08 20 06 20 05 20 04 20 03 20 20 01 02 20 00 20 99 20 19 97 98 19 96 19 95 19 19 19 94 0 La dette publique coréenne a considérablement augmenté de 1994 à 2014. source : FMI, 2014 Malgré cette augmentation générale, le gouvernement a aussi mis en place des politiques de réduction d’impôt. Le taux d’imposition sur la vente des propriétés foncières qui ne sont pas utilisées comme domicile principal a été changé. Il est passé de 60 % du montant de la vente à un taux oscillant entre 6 % et Luxembourg Corée du Sud 34.7 Suisse Suède Danemark Finlande Allemagne Espagne Royaume-Uni Canada 109,0 France Etats-Unis Italie Japon 0 50 100 150 200 250 % du PIB Dette publique des pays membres de l’OCDE. Malgré l’augmentation de sa dette, la Corée se compare bien aux autres pays. source : OCDE, 2014 ttt 44 Le solde budgétaire coréen est comptabilisé sous deux méthodes. La première est le solde consolidé qui représente la différence entre les revenus et les dépenses consolidés. Le deuxième solde représente plutôt les frais liés aux fonctionnements du gouvernement. Il s’agit en effet du solde consolidé excluant le solde des fonds d’investissement. Cette façon de présenter le solde permet tout d’abord d’éliminer les revenus provenant de ces fonds qui sont généralement consacrés aux dépenses à long terme (Ministry of Strategy and Finance, 2014). Depuis 2000, un déficit budgétaire est présent chaque année, à l’exception de 2002, 2003 et 2007. Il est d’autant plus marqué en 2009, suite à la crise financière de 2008. En 2014, le déficit budgétaire a atteint 25,5 T . L’augmentation du déficit s’explique par l’augmentation des dépenses dues aux politiques de relance économique. Malgré l’augmentation du déficit de fonctionnement, le solde consolidé est tout de même positif depuis 2010. La crise financière de 2008 influence également la dette publique. En effet, cette dernière a augmenté de 50,6 billions en 2009 et de 32,6 T en 2010 (National Assembly Budget Office, 2014). Effet du vieillissement de la population sur les finances publiques Depuis quelques années, l’Assemblée nationale a tendance à favoriser l’équilibre budgétaire, voire de créer un surplus. Ceci peut s’expliquer par la crise démographique que subit la Corée du Sud. Les experts estiment que les dépenses augmenteront de manière significative dans les 50 prochaines années à cause du vieillissement de la population et du faible taux de natalité. Tout d’abord, les revenus du gouvernement vont décroître à 26,1 % du PIB en 2011 à 22,1 % en 2060 d’après les projections du NABO, bureau de l’Assemblée nationale spécialisé dans l’analyse du budget (National Assembly Budget Office, 2012). Parmi les revenus, la croissance des revenus fiscaux et la contribution de la sécurité sociale seront bien plus faibles que ceux des revenus non fiscaux à cause de l’augmentation du nombre de personnes âgées. Le vieillissement de la population peut affecter directement ou indirectement les revenus fiscaux. En effet, la décroissance de la population active diminue directement ces revenus que ce soit à travers les impôts sur la consommation (TVA) ou les impôts sur le revenu. De manière indirecte, le vieillissement de la population ralentit la croissance économique et réduit alors les revenus. Les dépenses gouvernementales cependant augmenteront. D’après les estimations, les dépenses imposées seront de 22,4 % du PIB 2060 alors que celles-ci n’étaient que de 11,3 % en 2012 (National Assembly Budget Office, 2012). Les dépenses reliées aux différentes pensions sont celles qui croissent le plus rapidement avec une moyenne annuelle de 7 %. Ainsi, un déficit du solde consolidé est prévu à partir de 2021 pour atteindre -13,3 % du PIB 2060. Par conséquent, la dette publique augmentera de manière significative. Le fardeau de cette dette retombera ainsi sur les contribuables. La dette publique augmentera non seulement à cause du défi- cit budgétaire, mais également à cause des intérêts des emprunts qui s’accumuleront. La population étant vieillissante, augmenter les impôts ne suffit plus à couvrir la dette publique. Le NABO estime que cette dernière atteindra 218,6 % du PIB en 2060 et cette tendance continuera (National Assembly Budget Office, 2012). Le vieillissement de la population est l’un des enjeux majeurs des prochaines décennies. © MC Réforme budgétaire Suite à la crise financière asiatique de 1997-1998 et compte tenu des prévisions du vieillissement de la population, la Corée a mis en place plusieurs réformes au niveau de son Système de Gestion des Dépenses publiques depuis 2003 (Public Expenditure Management System, PEMS). Ces réformes ont été radicales et ont changé la plupart des pratiques utilisées depuis 50 ans. La Corée a tout d’abord adopté un nouveau système budgétaire. Le système de comptabilité nationale est passé d’un système de comptabilité de caisse à celui de comptabilité d’exercice pour un meilleur suivi des dépenses. Les revenus ou dépenses sont dorénavant enregistrés au moment où ils sont reçus ou engagés contrairement à la pratique de la comptabilité de caisse où ceux-ci sont enregistrés une fois encaissés. 45 ttt ttt 46 Le gouvernement coréen a également développé et utilisé un nouveau système de gestion d’information budgétaire surnommé Système du Budget et des Comptes (Digital Budget and Accounts System, abrégé DBAS). Le budget suit dorénavant un processus d’attribution hiérarchique descendant tout comme le Québec et le Canada. Le ministère de la Stratégie et des Finances (Ministry of Strategy and Finance, MOSF) assigne d’abord à chaque ministère un plafond budgétaire établi selon le Plan national de Gestion budgétaire (National Fiscal Management Plan, NFMP), qui planifie le développement socioéconomique du pays des cinq prochaines années. Les différents ministères attribuent le budget accordé selon la priorité des différents projets. Avant la mise en place de ce processus, il arrivait souvent que les ministères demandent une augmentation du budget de 25 à 30 % par rapport à l’année précédente. Cependant, depuis l’implémentation, l’augmentation a été contrôlée à seulement 6 %, d’après un rapport émis par le MOSF (Bae, Choi, Kang, Heo et Kim, 2011). Le DBAS ou « cerveau intelligent » (digital brain, abrégé dBrain) a été conçu pour mieux gérer la préparation, l’exécution, la comptabilité et l’évaluation de la performance du budget. Ce système permet la manipulation d’un grand nombre de données rapidement et de manière efficace. Il permet de centraliser toutes les données pour permettre ainsi une meilleure surveillance des dépenses par le MOSF (Bae, Choi, Kang, Heo et Kim, 2011). D’après Cem Dener, expert en finances publiques de la Banque mondiale, le système de gestion des informations financières DBAS de la Corée est parmi les plus avancés et intégrés au monde. Politique monétaire La BCC fut fondée au début de la Guerre de Corée en 1950 (Bank of Korea, 2015). Il s’agit de la banque des autres institutions financières du pays et du gouvernement coréen. Suite à l’armistice de 1953, la Corée est devenue membre du FMI, alors que le produit national brut (PNB) par habitant n’était que de 65 $US (le PNB correspond à la production de richesses par les résidents du pays à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières de ce dernier). La BCC a grandement aidé le pays à atteindre ses objectifs de croissance au cours de 60 dernières années (Bank of Korea, 2010). Comme la Banque du Canada, son but premier est de cibler un taux d’inflation et de le maintenir au cours des années afin d’offrir une stabilité des prix et augmenter la confiance des agents économiques. Comme toute autre banque centrale moderne, les moyens utilisés par la BCC pour atteindre ses objectifs sont de gérer l’impression de la monnaie ainsi que d’implémenter les politiques de crédits et les politiques monétaires. La Corée est un pays majoritairement exportateur de biens et services. En effet, les exportations constituaient 54 % de son PIB en 2013 (McCully et Shankar, 2015). De plus, la Corée est dépendante du reste du monde au niveau des ressources naturelles. C’est pour cette raison que le cours du won a des impacts majeurs sur son économie. C’est d’ailleurs une des motivations de l’Accord de libre-échange Canada-Corée (ALECC) puisque le territoire canadien est riche en matières premières de toutes sortes. Les deux pays sont complémentaires en ce sens (F. A. T. and D. C. Government of Canada, 2014). Les détails de ce sujet sont traités dans le chapitre du Commerce international de ce rapport. Pour cette raison, un won fort peut avantager la Corée au niveau de l’achat des ressources premières. Cependant, au moment de vendre les produits finis à l’étranger, un won fort diminue la compétitivité des entreprises coréennes. Cette section explique les effets des crises sur la politique monétaire, le système bancaire coréen ainsi que les positions officielles et les actions que prend la BCC. La BCC en temps de crise 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 20 10 20 11 20 12 20 13 20 14 99 20 98 19 97 19 96 0 19 En 2008, la Corée fut particulièrement vulnérable aux fluctuations des marchés internationaux. En effet, la demande internationale pour les produits coréens diminua fortement en raison du ralentissement économique mondial. Ceci fut spécialement difficile pour l’économie coréenne qui dépend énormément de ses exportations. Le won coréen a donc été drastiquement dévalué en comparaison avec le cours des autres devises asiatiques et celle du Canada. Pour comparer les fluctuations des valeurs des monnaies, elles ont été fixées à la valeur de 100 en 1996. Cette astuce permet de comparer les variations de taux de change subséquentes en ayant un point de référence. On peut remarquer les périodes de la CFA ainsi que de la Grande Récession où le won a été beaucoup plus dévalué que les monnaies des pays avoisinants comme le yuan chinois ou le yen japonais (OCDE, 2015). 19 Il est intéressant de remarquer la tendance similaire des taux d’intérêts au Canada et en Corée (voir figure en bas à droite). La principale différence est celle de la période de la CFA où les taux d’intérêt coréens étaient très hauts en raison de la perte de confiance généralisée. Ces variations semblables des monnaies ne sont pas surprenantes puisque les changements macroéconomiques se font maintenant au niveau international et les économies des pays développés sont étroitement liées. Le won (en dollar américain sur ce graphique) est grandement dévalué à la suite des crises de 1997 et 2008. source : OCDE, 2015 Indice Comme mentionné précédemment, deux grands épisodes économiques difficiles ont frappé la Corée, c’est-à-dire la crise financière asiatique (abrégé CFA), ainsi que la Grande Récession de 2008. Dans les deux cas, la BCC, le gouvernement et les instances internationales telles que le FMI ont dû intervenir pour éviter une catastrophe financière dans la région. Ces épisodes ont eu des effets sur le cours du won. Le won n’étant pas une monnaie refuge, c’est-à-dire une monnaie de placement sécurisé en temps de crise, il s’est donc dévalué durant ces périodes (voir figure en haut à droite). Cette dévaluation du won est un défi important pour les entreprises, et il s’agit d’un phénomène sur lequel elles ont peu de contrôle. Dans le but de diminuer le risque relié aux fluctuations du taux de change, les compagnies coréennes utilisent la stratégie de couverture de change (Choi, 2015). Année Comparaison des taux de change (indice à 100 en 1996). Le won réagit plus fortement aux turbulences économiques que les autres dévises. source : OCDE, 2015 47 ttt Dans le cadre de la Grande Récession, la BCC a aussi fait appel à des mesures d’assouplissement quantitatif en fournissant 18,5 T ou 20,5 G$ en liquidités au marché coréen. Ceci équivalait à près de 28,5 % des réserves monétaires de la Corée à la fin de l’année 2008 (Chung, 2009). Encore une fois, ces mesures ont eu pour effet de stabiliser la monnaie à un taux raisonnable d’avant crise pour permettre, entre autres, aux entreprises d’acheter des matières premières à des prix acceptables. Au Canada, la situation est semblable puisque le pays exporte énormément de matières premières et il est donc sujet aux variations du taux de change. En Corée, ces fluctuations affectent directement les chaebols puisqu’ils ont une forte présence dans le domaine des importations et des exportations. Les stratégies utilisées par les entreprises peuvent inclure de tirer profit des fluctuations. Au moment où la devise nationale est forte, c’est un moment avantageux pour les compagnies de faire l’acquisition d’équipements, de machineries étrangères et de matières premières, tandis que lorsque la monnaie nationale se dévalue, c’est un moment propice pour les chaebols d’exporter leurs marchandises et produits finis. Système bancaire coréen Le niveau d’emprunt des particuliers et des entreprises fluctue avec le taux d’intérêt. Avec comme base les taux directeurs émis par la BCC et la Banque du Canada, Actifs coréens et canadiens selon l’indice IHH. Même après la restructuration, les avoirs des banques sont plus répartis en Corée qu’au Canada. source : Bank of Korea, 2008; Embree et Roberts, 2009 ttt 48 les institutions bancaires coréennes et canadiennes fixent leurs taux d’emprunt respectifs. Ces taux ont des impacts importants, car lorsqu’ils sont bas, ils sont des stimuli de croissance économique nationale. Les instances et fonctionnements du système bancaire permettent de comprendre les interactions financières entre les différents acteurs d’une économie. En Corée, il existe deux institutions pour réguler, superviser et inspecter l’environnement bancaire du pays. Il s’agit de la Commission de services financiers (Financial Services Commission, abrégé FSC) et le Service de supervision financière (Financial Supervisory Service, abrégé FSS). Au total, il y a treize banques commerciales en Corée. De ce nombre, sept sont nationales et six sont régionales. De plus, il y a aussi cinq banques spécialisées telles que la Banque d’échange coréenne (Korea Exchange Bank, abrégé KEB), la Banque immobilière coréenne (Korea Housing Bank, abrégé KHB) et la Fédération nationale d’agriculture (National Agricultural Cooperation Federation, abrégé NACF) (FSS, 2013). Suite à la CFA, la restructuration du système bancaire a fait passer le nombre de banques commerciales (régionales et nationales) de 26 à 13, ce qui a eu pour effet d’augmenter l’efficacité de celles-ci. Entre 1997 et 2007, les ratios de réserve en proportion des actifs à risque (ratio de Bâle), de retour sur capitaux propres (Return on Equity, abrégé RoE) et de retour sur les actifs (Return on Asset, abrégé RoA) se sont tous améliorés. La transition montre un système bancaire plus robuste. Un contrecoup à la diminution du nombre de banques est la concentration des avoirs pendant la même période comme l’indique l’indice IHH. L’indice n’a toutefois pas atteint le seuil critique de 2500 points tel que le décrit par la Commission de commerce équitable coréenne (Korean Fair Trade Commission, abrégé KFTC) (Shin et Kim, 2011). En guise de comparaison, il y a au Canada 29 banques nationales, 27 banques étrangères et trois branches de banques étrangères (Association des banquiers canadiens, 2014). Toutefois, les six plus grandes banques détiennent plus de 90 % des avoirs bancaires au pays. L’indice IHH calculé en 2013-2014 des banques nationales canadiennes est de 1914 (Association des banquiers canadiens, 2015). Les institutions TD, RBC, Scotiabank, BMO, CIBC et Banque Nationale sont les plus grandes et elles ont de grandes parts de marché (Ministère des Finances du Canada, 2002). C’est ce qui explique le fait qu’avec un nombre de banques similaire, l’indice IHH canadien est plus grand que le coréen. Banques commerciales nationales La classification « banques commerciales nationales » en Corée regroupe les banques nationales et régionales. Depuis la fin du mois de juin 2008, une structure en réseaux a été adoptée pour les banques commerciales domestiques avec des branches nationales et régionales (ou provinciales). À ce moment précis, il y avait 4900 établissements. La libéralisation du secteur bancaire au tournant des années 2000 a donné plus de pouvoir aux banques commerciales. Par exemple, depuis 2003, elles peuvent maintenant vendre des produits d’assurances. Les individus ont également profité de plus de liberté suite à cet assouplissement de la réglementation. En effet, un actionnaire peut maintenant être propriétaire de jusqu’à 10 % des parts d’une banque, une augmentation significative de 6 % par rapport aux lois précédentes (BoK, 2008). Une autre mesure mise en place à cette époque est de permettre aux résidents d’investir à l’étranger et d’accepter que les non-résidents ouvrent des comptes en wons. Ces mesures ont permis d’augmenter les flux entrants et sortants et l’indice de prix composé du marché coréen (Korea Composite Stock Price Index, abrégé KOSPI) est donc bonifié tout en restant très volatile (Stanley, 2011). Le KOSPI étant l’indice boursier du marché coréen, sa volatilité crée une incertitude économique. Le principal secteur d’activité des banques nationales est d’offrir des prêts à courts et longs termes tandis que les banques régionales sont plutôt orientées vers le support du développement des petites et moyennes entreprises. En plus des prêts de garanties du gouvernement aux chaebols, les banques nationales ont rendu possibles des prêts additionnels à ceux-ci à travers l’histoire. Cela a permis aux chaebols de payer les créanciers étrangers lors de leur montée en puissance. Leur valeur de marché est donc surévaluée pour qu’ils aient accès à un meilleur ratio valeur sur dette (Murillo et Sung, 2013). Le contrecoup de ces mesures facilitatrices est que les chaebols ont tendance à se mettre à risque en surinvestissant. C’est une des raisons qui a expliqué les difficultés importantes de la Corée lors de la CFA. Banques étrangères Les banques étrangères offrent plusieurs avantages dans une économie. Elles offrent une source de capitaux diversifiés et elles sont moins sensibles aux conditions du pays hôte que leurs contreparties locales. Ces caractéristiques peuvent offrir une certaine stabilité économique à une nation. Toutefois, elles ont le risque d’augmenter la volatilité du marché local en fonction des fluctuations de l’économie du pays d’où provient la banque étrangère (Jeon, Lim et Wu, 2015). De plus, les banques étrangères sont, dans le cas de la Corée, soumises à différentes réglementations dans le but de limiter les fluctuations dues à leur présence. En effet, en octobre 2010, le ministère des Finances coréen a imposé une limite de 250 % aux banques nationales en termes d’actifs en devises étrangères tandis que cette limite est de 50 % pour les banques étrangères. Le principal secteur d’activité des banques étrangères est d’offrir des services bancaires importants et à grande échelle. Les banques étrangères et domestiques ont chacune des rôles respectifs, des sources de revenus différentes ainsi qu’une réglementation distincte. Les deux types sont complémentaires et nécessaires au développement de la Corée. Les institutions domestiques supportent l’activité économique interne alors que les 49 ttt banques étrangères offrent une certaine stabilité tout en facilitant les accords internationaux entre les entreprises. Le rôle des institutions extérieures est d’autant plus important dans le contexte coréen en raison de leur économie basée sur l’importation et l’exportation de biens et services. L’avènement du paiement mobile La structure transactionnelle des banques devient un enjeu important dans le domaine des technologies de l’information. Samsung et Apple sont aux abords d’un nouveau champ de bataille féroce. En effet, avec l’introduction en 2015 des méthodes de paiement mobile Samsung Pay et de Apple Pay, il sera pertinent d’observer les différences entre les deux. Les Coréens sont déjà des habitués du paiement sans contact, comme ici dans le métro de Séoul. © MC ttt 50 Selon le professeur John Kim du KAIST (Korean Advanced Institute of Technology), le système bancaire coréen est mieux préparé que le système bancaire nord-américain à l’arrivée de cette technologie. En effet, les habitudes de paiement coréennes sont déjà plus axées sur les virements informatiques. L’infrastructure des banques nord-américaines n’est pas encore totalement prête à l’arrivée de ce nouveau mode de paiement. C’est un avantage majeur pour Samsung Pay qui pourra profiter du marché coréen pour déployer et développer sa technologie avant de tenter de l’implanter mondialement. Objectifs de la BCC À la fin de l’année 2012, la banque centrale coréenne a émis l’objectif de maintenir l’inflation à 3 % avec une fourchette de 0,5 % (Reuters, 2015). Les avantages de maintenir les taux d’intérêt relativement bas sont multiples. Le premier est de garder un certain contrôle sur l’évolution économique du pays. Cela permet en effet d’éviter les périodes d’extrêmes, c’est-àdire des périodes prospères tout comme des périodes de récession, et ainsi d’assurer une évolution saine. Ce contrôle aide également à mieux réagir aux crises économiques. Le Canada avait adopté une politique similaire en 1991 qui a été un facteur important permettant au pays d’être l’un des premiers à sortir de la crise de 2008. De plus, en observant encore le modèle canadien, on remarque que la stabilité du taux d’inflation permet une prise de décisions économiques plus judicieuses aussi bien de la part des entreprises que des particuliers. Cela a donc entraîné une chute du chômage ainsi que la baisse des taux hypothécaires (Banque du Canada, 2015). Les objectifs actuels de la BCC sont de soutenir la croissance économique coréenne. En 2015, un ralentissement des marchés émergents est observé incluant les voisins chinois. Il s’agit d’un enjeu pour la Corée puisque la Chine est la destination de 25 % des exportations coréennes. En réponse à cela, la BCC baisse son taux directeur pour stimuler l’économie. En mars 2015, il a atteint 1,75 %. C’est un taux plus bas que celui utilisé en réponse à la Grande Récession qui était de 2 %. Le but est d’atteindre les objectifs de croissance économique de la BCC de 3,2 % en 2015 et 3,8 % en 2016. Au niveau monétaire, cela a pour effet de tenter de dévaluer le won pour obtenir un avantage comparatif face à la compétition japonaise. Ces mesures d’assouplissement monétaire ne dureront toutefois plus très longtemps puisque la dette augmente. Enfin, grâce au surplus prévu de 6,5 % par année du PIB en 2015-2016, les perspectives d’avenir sont bonnes pour la Corée (McCully et Shankar, 2015). Synthèse En conclusion, la CFA fut un moment marquant pour la Corée d’un point de vue macroéconomique. En effet, le gouvernement tente de promouvoir l’innovation et les PME dans le but de stimuler la création d’emploi tout en réduisant sa dépendance des chaebols. Au niveau des finances publiques, c’est la réforme budgétaire qui a permis d’assurer un meilleur contrôle des dépenses publiques en changeant d’un système de comptabilité de caisse à celui de comptabilité d’exercice. Ensuite, l’objectif de la BCC est de soutenir la croissance économique du pays malgré les difficultés actuelles de la Chine qui compte pour 25 % des exportations coréennes. Une grande portion de ces exportations sont des produits des secteurs des technologies de l’information et des transports où l’innovation est la clé du succès. 51 ttt La bibliothèque du siège social de Naver, ouverte au public. © MC « On peut construire une montagne en rassemblant des grains de poussière. » - proverbe coréen Microéconomie vers une main-d’œuvre performante 53 ttt L’Université d’Hanyang, avec laquelle Polytechnique Montréal a signé un Protocole d’Entente lors de son passage. © MC ttt 54 Introduction Suite à la guerre de Corée qui prit fin en 1953, la péninsule sud-coréenne peut être fière de s’être remise sur pieds grâce, entre autres, à ses politiques en éducation. La population se faisant aujourd’hui vieillissante, le maintien de la croissance technologique repose sur les épaules des jeunes de demain. Aujourd’hui, les politiques mises en place par la présidente Park Geun-hye témoignent du désir de faire fleurir l’économie locale ainsi que le rayonnement à l’international de la Corée du Sud. La créativité et l’innovation sont priorisées dans l’atteinte d’ob- jectifs fixés dans le Three-year plan. Pays sujet à des changements importants dans ses secteurs industriels, une grande dualité existe entre les chaebols et le nombre croissant de PME. La fragilité de son économie découle d’un déséquilibre du rapport de force entre les grands groupes coréens et le gouvernement ainsi que des habitudes de consommation de la population coréenne. Ces phénomènes liés aux comportements et interactions des agents individuels seront étudiés dans le présent chapitre consacré aux aspects microéconomiques. Structure industrielle Les politiques derrière le miracle coréen Au début des années 1960, le secteur agricole en Corée du Sud représentait encore 37 % du PIB et le secteur industriel seulement 20 % de l’activité économique. Ce pays, dépourvu de richesses naturelles abondantes, semblait alors voué à une misère sans lumière au bout du tunnel. L’année 1961 est marquée par l’arrivée au pouvoir du président Park Chung-hee. Ce dernier amorce alors un changement structurel et une relance économique progressive passant par une politique d’autofinancement et d’exportation de biens produits par l’industrie légère. Ces biens, nécessitant une forte intensité de main d’œuvre, pouvaient être produits à moindre coût en Corée du Sud et pouvaient ainsi compétitionner les États-Unis et les pays d’Europe de l’Est (Advameg Inc., 2015). Cette stratégie provoque rapidement l’accélération de la croissance industrielle ainsi que du PIB. De 1962 à 1971, ce der- nier est propulsé à un taux de croissance annuel moyen de 6,83 % et la part de l’agriculture dans l’économie diminue à 27 %. Au cours de cette même période, le Québec sort de la « Grande noirceur », époque marquée par un fort conservationisme social et économique. Le gouvernement libéral de Jean Lesage amorce alors un développement économique imprégné de réformes et projets nationalistes tels que la nationalisation de l’hydroélectricité (1962) et la création de la Caisse de dépôt et placement (1965). Aussi, à l’instar du gouvernement sud-coréen, le gouvernement québécois intervient davantage dans la vie économique de la province sous la forme de subventions et d’aides à l’exportation. Cette période est connue comme la « la Révolution tranquille » (Dif, 2010). En Corée du Sud, le début des années 1970 est marqué par la création et le financement gouvernemental d’entre- La récession économique de 19791980, causée principalement par un choc pétrolier au niveau mondial, est l’élément qui pousse le président Park Chung-hee à réorienter de nouveau l’industrie coréenne. Il met alors sur pied des politiques fiscales avantageuses pour le développement de nouvelles technologies dans les secteurs de l’automobile et des TIC. Ainsi, des entreprises comme Samsung Electric Industries bénéficient d’une forte aide financière gouvernementale pour appuyer la recherche et le développement dans le domaine des semi-conducteurs. Au Québec, le choc pétrolier se fait également sentir et fait monter le taux de chômage à près de 15,8 % en 1982 (Le Québec économique, 2015). Les pertes d’emplois sont en majorité absorbées par les jeunes. La création des Fonds de solidarité de la FTQ en 1983 vient remédier à la situation en assurant le maintien et la création d’emplois, tout en effectuant de nombreux investissements dans les PME québécoises (FTQ, 2015). L’économie coréenne connaît une relance spectaculaire entre 1987 et 1997, portée par la démocratisation et une ou- verture sur le monde marquée par les Jeux olympiques de Séoul en 1988. Durant cette période, la Corée du Sud délaisse grandement l’industrie légère au profit de l’industrie lourde et met également l’accent sur les technologies de pointe, l’informatique et les télécommunications. 100 90 80 % de l'économie prises stratégiques, dont POSCO et Hyundai Shipbuilding Industries visant le développement des activités manufacturières. Le gouvernement s’engage alors dans une politique de substitution à l’importation afin d’accroître les exportations coréennes dans le domaine chimique et de l’industrie lourde (Barjot, 2011). Les années 1970 se soldent cependant par une perte de compétitivité des entreprises coréennes face aux économies émergentes des tigres asiatiques (Philippines, Malaisie, Indonésie et Thaïlande). Ainsi, un ajustement structurel vers un nouveau secteur clé s’impose. 70 60 Services 50 Industries 40 Agriculture 30 20 10 0 1960 1970 1980 1990 Depuis les années 60, l’industrie remplace l’agriculture dans l’économie coréenne. source : Barjot, 2011 Avec les années, les politiques du gouvernement coréen ont donc apporté un changement drastique à la structure de production du pays. En effet, il s’est opéré un virage majeur vers la production manufacturière au détriment du secteur primaire. Durant la crise financière asiatique (CFA) de 1997, le nombre de chômeurs en Corée du Sud atteint 8,4 % de la population active. Ayant contracté de nombreux prêts non performants afin de nourrir l’expansion de leurs entreprises tentaculaires, les chaebols n’ont pu faire face à la diminution mondiale des exportations créée par le ralentissement économique de la région. Ils se sont retrouvés incapables de rembourser leurs dettes, et plusieurs, dont le groupe KIA, ont fait face à la faillite. C’est le gouvernement coréen qui, en contractant un prêt du Fonds monétaire international (FMI), a pu sauver l’économie coréenne de manière à prendre en charge les dettes de ces grands conglomérats (Marlow, 2015). 55 ttt Afin d’éviter qu’une situation similaire se reproduise, le gouvernement met en place une politique de restructuration des chaebols afin d’y induire une gestion plus transparente et de les forcer à devenir vraiment concurrentiels sur les marchés internationaux. Pour ce faire, les financements publics sont nettement diminués, les conglomérats sont forcés de se recentrer vers leurs industries d’origine et une réforme du système bancaire resserre la surveillance de leurs créances. Le redressement de l’économie s’effectue toutefois rapidement et s’opère selon trois volets. Ces volets concernent la poursuite de la 2% 39% Agriculture Industries Services 59% La Corée du Sud, premier producteur de semi-conducteurs au monde, voit son PIB dominé par les productions des secteurs secondaires et tertiaires. source : Planet-Expert, 2015 ttt 56 politique d’exportation, l’augmentation de la compétitivité dans des secteurs clés tels que la sidérurgie, la construction navale, la fabrication automobile, la fabrication électronique et les semi-conducteurs, ainsi qu’un investissement massif dans le domaine des TIC (Planet-Expert, 2015). Le visage actuel de la Corée En 2012, le ralentissement économique en Chine et aux États-Unis a affecté négativement l’économie coréenne. La présidente Park Geun-hye entreprend son quinquennat en annonçant un retour à l’équilibre entre les chaebols et les PME. Elle affirme par la même occasion son intention d’effectuer la promotion d’une économie créative, basée sur les services et l’innovation grâce à l’intégration des TIC dans tous les secteurs de l’économie (Planet-Expert, 2015). Le gouvernement coréen offre notamment des subventions aux PME coréennes afin de financer l’emploi de jeunes diplômés dans le domaine des TIC. Malgré cet apport financier supplémentaire, les jeunes diplômés sont encore davantage attirés à travailler dans les grands chaebols où ils peuvent toucher des salaires jusqu’à deux fois plus élevés (Alticast, 2015). Aujourd’hui, le secteur agricole représente environ 2 % du PIB, le secteur industriel 39 %, et le secteur des services représente quant à lui 59 % de l’activité économique totale (Planet-Expert, 2015). Démographie En quête d’une nouvelle jeunesse En 2014, la population sud-coréenne atteint 49 millions d’habitants. Séoul, la capitale, en compte près de 22,7 millions (Statistiques mondiales, 2015). Avec la reconstruction du pays et sa croissance des dernières années, le nombre de citadins continue de croître malgré le fait que le rythme de croissance ait diminué. Les autorités coréennes prévoient d’ailleurs une baisse de la population d’ici 2030, le vieillissement de celle-ci étant actuellement en voie de devenir problématique. En effet, la pyramide des âges situe l’âge médian coréen autour de 40,2 ans, en plus de faire ressortir certains enjeux que représente le vieillissement de la population. Il est possible de constater que les jeunes sont de moins en moins nombreux. Le taux de natalité est d’environ 1,25 enfant par femme (1,61 au Canada), tandis qu’à l’opposé, la population de plus de 65 ans représente plus de 12 % de la population sud-coréenne (OCDE, 2015a). Depuis 1960, le taux de naissance a connu une diminution marquée. Selon l’institut de développement de la Corée (Korea Development Institute), l’entrée soudaine des femmes sud-coréennes sur le marché du travail est une cause significative de l’effondrement du taux de natalité. En 2014, l’OCDE stipulait que l’espérance de vie chez les Sud-Coréens atteignait 81,1 ans. Les démographes estiment qu’à partir de 2018, il y aura plus d’aînés (population âgée de 65 ans et plus) que de jeunes âgés de moins de 15 ans. Cette même année, le taux de décès s’élevait à 6,63 ‰ (Statistiques mondiales, 2015). Tout comme au Québec, le nombre élevé de personnes âgées constitue un enjeu démographique important de la Corée du Sud. Celui-ci viendra grandement influencer le débat public. La place occupée par les aînés en politique sera potentiellement considérable de même que son poids sur l’endettement des ménages. Le risque de tomber dans la déflation existe (Guay, 2015). Cela s’explique entre autres par le fait que les consommateurs favoriseront l’épargne à la dépense dans l’économie du pays (Bulletin de l’Organisation mondiale de la Santé, 2010). Ce même phénomène démographique est observable dans l’ensemble du Canada et au Japon, ce dernier est d’ailleurs le pays où le taux de vieillissement est le plus élevé. Dans l’optique de combler ce déséquilibre démographique, la réunification de la Corée du Sud et de la Corée du Nord serait favorable. En plus de posséder plus de matières premières et un plus grand nombre d’ouvriers, la proportion de jeunes en Corée du Nord est plus importante Pyramide des âges de la population sud-coréenne en 2012 85 et + 80-84 75-79 70-74 65-69 60-64 55-59 50-54 45-49 40-44 35-39 30-34 25-29 20-24 15-19 10-14 5-9 0-4 -2 500 000 -1 500 000 -500 000 Femmes 500 000 1 500 000 2 500 000 Hommes La base étroite de la pyramide témoigne d’un déficit des naissances. source : OCDE, données sur la Corée du Sud qu’au sud (Dubuc, 2015). Dans un autre ordre d’idées, certains pays comme le Canada favorisent l’immigration et mettent en place des mesures d’intégration sociale pour les nouveaux arrivants. En Corée du Sud, les mesures portent plutôt sur les naissances. Tout comme au Québec, le gouvernement finance depuis 2012 des systèmes de gardes d’enfants afin d’offrir un service plus abordable. Il tente par le fait même de relancer la natalité puisque la question de l’immigration demeure taboue. En effet, la population sud-coréenne ne semble pas être favorable à la coexistence de différentes cultures dans son pays (Ibbitson, 2014). Le taux de migration était de 0 % de 2011 à 2014 (Statistiques mondiales, 2014). Ce taux représente la différence entre le nombre de personnes entrant dans le pays et le nombre sortant pendant une année pour 1000 personnes. Ce taux nul met de l’avant la contribution négligeable de l’immigration en territoire coréen à l’enjeu démographique. Politiques sociales Le prix de la privatisation À la lumière du constat démographique, le vieillissement de la population préoccupe également le système de santé coréen. Bien que les villes comme Séoul, la capitale, regorgent de cliniques privées et d’hôpitaux, privés ou universitaires, l’accessibilité a dû être mainte fois étudiée. Les grands hôpitaux coréens abritent tous les services de santé de la dentisterie aux médecins spécialistes. Les hôpitaux privés tels que les centres médicaux de Samsung sont les plus réputés grâce à la 57 ttt qualité et l’efficacité des professionnels et des services offerts. Il est à noter que le système de santé coréen a la particularité d’avoir un secteur public peu développé contrairement au système public du Québec où l’État agit à la fois comme assureur et administrateur. Contrairement au Québec, les dépenses privées représentent une part majeure du total des dépenses en santé. Ces investissements comprennent les assurances santé privées ainsi que la participation financière directe des usagers pour les services de soins. Le régime d’assurance social est financé par le gouvernement, les salariés, les employeurs et les travailleurs indépendants. L’Institut national de l’assurance maladie, un centre de recherche relevant de la Caisse nationale d’assurance maladie, gère le partage du coût des soins. Le paiement de la cotisation représente 10,5 % des dépenses des ménages, une part plus faible que celle de la moyenne de l’OCDE située autour de 12,9 % (Bulletin de l’Organisation mondiale de la Santé, 2010). Certaines compagnies, comme Naver, offrent même des services de soins Ce régime couvre jusqu’à gratuits à leurs employés. © MC 80 % des coûts selon la nature de la prestation. Selon les revenus du patient et lorsque les frais de soins dépassent deux à quatre millions de wons, la participation du patient sera réduite considérablement, voire annulée (CLEISS, 2015). Depuis 2004, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale de la Corée a également mis en place un programme de soins longue durée destiné aux personnes âgées. Celui-ci est financé par des cotisations de particuliers de même que par les cotisations publiques locales. Cependant, ce programme connaît des limites de financement auxquelles le centre de recherche s’intéresse actuellement. ttt 58 Miracle de la rivière Han Il est dit dans la littérature que Séoul est considéré comme étant le miroir de la croissance de la Corée du Sud. La rivière Han traverse la ville de Séoul. L’expression relate la force dont a fait preuve le pays en période d’après-guerre. La stratégie industrielle mise en place et les politiques établies méthodiquement de même que le savoir et la volonté de sa population ont permis au pays de se relever. L’éducation, l’obsession réussite coréenne de la Les autorités coréennes soutiennent que l’éducation est un facteur clé du succès de la remontée économique de la République de Corée suite à la guerre. Dans les dernières années, la pensée populaire a fait de l’éducation une obsession. Ce phénomène portant le nom du « miracle de la rivière Han » relate la croissance économique rapide du pays gravée dans la mémoire collective de la population. En Corée du Sud, deux individus sur trois âgés de 25 à 34 ans possèdent un diplôme universitaire. Il s’agit du taux le plus élevé relevé par l’OCDE en 2013. Parmi ceux-ci, près d’un étudiant sur quatre gradue en ingénierie ce qui témoigne du présent virage technologique (Chandler, 2012). Le nombre de diplômés dans les domaines des sciences, de l’ingénierie et des mathématiques est 75 % plus élevé en Corée qu’au Canada (Ministère des Finances du Canada, 2014). La plupart des entreprises sud-coréennes privilégient l’embauche des diplômés universitaires, ce qui encourage la réussite scolaire et la poursuite des études aux cycles supérieurs. Cet héritage culturel est ancré : la performance et l’atteinte de l’excellence sont de mise dès le plus jeune âge avec le passage des examens Indicateur du vivre mieux Il s’agit d’un indicateur créé par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) permettant l’évaluation de la qualité de vie dans les pays membres de l’organisation. Il mesure le progrès d’une population dans différentes sphères sociales en étant une évaluation complémentaire à celle du PIB. Test PISA Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Program for International Student Assessment, abrégé PISA) est mené par l’OCDE. Il évalue les systèmes d’éducation du monde entier en testant les compétences des élèves de 15 ans dans les matières principales, dont la résolution de problèmes. L’enquête PISA fournit des résultats pour chaque pays recensé à des fins de comparaison. La Corée est reconnue pour le haut taux de formation de sa population. Les tests PISA réalisés en 2012 révèlent que le pays se classe premier en mathématique et second en compréhension de l’écrit (OCDE, 2014). d’entrée à l’université, étape tournante du système d’éducation coréen (LégaréTremblay, 2013). En ce qui concerne les compétences, la Corée du Sud arrive deuxième au classement de l’Indice du mieux vivre de l’OCDE dans la catégorie compétence des élèves. Cet indice est calculé en fonction de la moyenne des résultats des tests du Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves sur la lecture, les sciences et les mathématiques (Program for International Student Assessment, abrégé PISA). Historiquement, la Corée du Sud a toujours obtenu un excellent résultat aux tests PISA. D’une part, ces bonnes performances peuvent être dues à l’investissement des parents dans les instituts privés de cours de soutien, les hagwons. D’autre part, la qualité de l’enseignement primaire et secondaire a été grandement améliorée depuis 2008. Les établissements sont plus responsables et l’autonomie est favorisée au niveau local. De plus, depuis 2011, la loi Cendrillon (shutdown law) interdit aux enfants de moins de seize ans de jouer aux jeux vidéo de minuit à six heures du matin dans le but de minimiser les problèmes sociaux tels que la dépendance aux jeux. Cette interdiction vient du fait que le manque de sommeil nuit au développement de l’enfant en affectant notamment ses performances scolaires. La Mission au département d’ingénierie de la Seoul National University. © MC Dans l’ensemble du système d’éducation coréen, les autorités locales désirent obtenir plus de responsabilités en matière d’éducation visant de ce fait la diversité, l’innovation ainsi que la concurrence (OCDE, 2014). Il est vraisemblable de croire que le recours aux cours de soutien privés de même que la pression exercée sur les jeunes pourraient être évités par des changements dans le système. Hagwon Un hagwon est un établissement scolaire privé coréen. Il offre de l’aide aux études dans toutes les matières et pour des personnes de tous les âges. Les hagwons ont été importés durant l’occupation japonaise de 1940. Initialement, ils étaient réservés aux étudiants en difficulté. Aujourd’hui, en Corée, la culture veut qu’après la journée d’école, presque tous les enfants gagnent ces établissements pour poursuivre leur étude jusqu’à tard le soir, soit en général de 15 h à 22 h (Légaré-Tremblay, 2013). La pression académique coréenne est démesu- rée par rapport à celle éprouvée par les étudiants québécois. Dans cette société marquée par le confucianisme, tout individu obéit à l’autorité des parents, des maîtres et des anciens. L’épuisement physique et mental des enfants inscrits dans ces établissements par leurs parents peut être mis en doute. Actuellement, le gouvernement s’inquiète de ce phénomène hors de contrôle. Les hagwons forment néanmoins des individus travailleurs, caractéristiques observables de la population active dans le marché du travail coréen. 59 ttt ttt 60 Par ailleurs, les statistiques rapportées par l’OCDE sur le taux de scolarisation des Sud-Coréens ne sont pas gage d’équilibre dans la société. En effet, l’arrivée d’un nombre important de diplômés chaque année ne fait que saturer davantage un marché dans lequel le capital humain est déjà concurrentiel. Les chaebols ne peuvent employer la totalité des milliers de diplômés universitaires issus des universités annuellement. Des réformes au système d’éducation tel qu’il est aujourd’hui devraient être mises de l’avant afin de renforcer l’enseignement professionnel et technique, et par le fait même la cohésion sociale. Le poids trop important de l’enseignement supérieur se verrait apaisé tout en favorisant l’égalité des chances ainsi que la diminution des dépenses des ménages en cours de soutien privé (OCDE, 2014). Marché du travail Un déséquilibre à l’horizon La population active en Corée du Sud représente actuellement 62,8 % de la population, ce pourcentage diminuant actuellement de 0,2 point de % par année. Selon les prévisions de la Banque Mondiale, la portion active de la population coréenne reculera d’environ 15 % d’ici 2040. Le FMI a alerté les autorités du faible taux de natalité. Le faible nombre d’immigrants ainsi que le vieillissement de la population entraîneront assurément des conséquences négatives sur la croissance économique du pays. Le taux de chômage est stable à 3,9 % et parmi les chercheurs d’emplois, ce sont les jeunes diplômés et les femmes qui constituent la majorité des personnes concernées. Des inégalités à surmonter En Corée, le salaire moyen annuel était de 36 354 $US en 2013 et l’écart salarial entre les hommes et les femmes de 36,3 % (OCDE, 2013). Il s’agit du taux d’inégalité entre les sexes le plus élevé de tous les pays de l’OCDE. Les femmes ressentent encore aujourd’hui que leur statut social est contraignant dans leur choix de carrière. De plus, beaucoup de Coréens persistent à croire que les femmes devraient seulement être responsables de l’économie domestique après le mariage (Kwon, 2014). En comparaison, le Canada possède un écart des salaires entre les hommes et les femmes correspondant à près de la moitié de celui de la Corée du Sud, soit 18,8 % plus faible, pour un salaire moyen annuel de 47 800 $US en 2013 (OCDE, 2013). Selon Piketty, les inégalités dans les revenus ont cru rapidement depuis la seconde moitié des années 90, de telle façon qu’à la fin de l’année 2012, 1 % des meilleurs salariés gagnaient 12 % de tous les revenus et les 10 % des meilleurs salariés gagnaient 44,87 % des revenus (Denney, 2014). De ce fait, la Corée du Sud se classe au second rang de l’OCDE en termes d’importance des inégalités de distribution des revenus. Avec un indice de disparité des revenus (coefficient de Gini) de 0,422 en 2011, le pays se situait seulement derrière le Mexique (OCDE, 2015b). À titre comparatif, le Canada avait un coefficient de Gini de 0,274 durant la même année. La raison de cette augmentation serait, toujours selon Piketty, due au faible taux de création d’emplois durant la période de croissance économique suivant la crise financière asiatique de 1997. Coefficient de Gini Le coefficient Gini est une mesure statistique de dispersion indiquant à quel point les revenus entre les individus au sein d’une économie s’écartent de l’égalité parfaite. Il est compris entre 0 (tous les revenus sont identiques) et 1 (une seule personne reçoit la totalité des revenus). Économie équitable et efficace Relation amour-haine envers les chaebols l’économie domestique et les exportations (Trade solutions, 2015). « Un poison dans l’économie coréenne », Depuis quelques années, suite à de nomvoici comment le leader de l’opposition breux pardons judiciaires nébuleux ocofficielle du gouvernement coréen, M. troyés à de hauts cadres de ces congloMyeong-Sook, décrit les chaebols lors mérats et principalement après le très d’une séance parlementaire de 2012. médiatisé incident du Nut Rage touchant Ces conglomérats, principaux acteurs Heather Cho, le régime élitiste dans lequel de la fulgurante relance économique des les chaebols évoluent depuis des décendernières décennies et aujourd’hui consinies est décrié. dérés comme des fleurons de l’économie En outre, l’écart de productivité entre les coréenne, sont désormais confrontés à chaebols et les PME est sujet de discusune montée de colère de la part des Cosion en ce qui a trait au développement et réens tant sur le plan sociétal qu’éconoà la gestion des compagnies. En effet, il remique. Depuis la séparation de la Corée, flète une problématique notamment dans les chaebols ont permis à la Corée du Sud le secteur des services. de se remettre sur pied et de réaliser un De 2007 à 2010, 99,9 % des entreprises immense progrès économique. industrielles coréennes étaient des PME contre 98,8 % au Québec et 99,8 % au Les stratégies économiques emCanada (Banque de développement du ployées aujourd’hui par les chaebols difCanada, 2011). fèrent de celles utilisées lors de la relance Cependant, les dix plus grands chaede l’économie. bols, un groupe comprenant des compaDans les années 70 et 80, les chaebols gnies telles que Samsung, Hyundai, LG réduisaient leurs coûts en agrandissant et Daewoo, représentaient plus de 80 % leur entreprise grâce du produit intérieur aux divers avantages brut (PIB) en 2011, Les dix plus grands économiques offerts en n’employant chaebols représentent par le gouvernement. qu’un maigre 12,6 % Aujourd’hui, ce mode plus de 80 % du PIB coréen de la main-d’œuvre de gestion crée des alors que les PME barrières à l’entrée dans la majorité des embauchaient 87,4 % de cette dernière marchés pour les PME se heurtant à des dans le secteur privé (Kwon Eun-jung, entités gigantesques au niveau écono2012). mique et technologique. De plus, ce mode De surcroît, les chaebols sont accusés de gestion entraîne un déséquilibre entre de générer beaucoup de richesse envers Répartition des compagnies selon leur nombre conglomérats moyennes entreprises petites entreprises Répartition des emplois en fonction de la taille de l’entreprise 0,05 % conglomérats 12,6 % moyennes entreprises 7,4 % petites entreprises 80,0 % 0,15 % 99,8 % Les chaebols, bien que ne représentant que peu d’entreprises en Corée du Sud, ont un pouvoir d’attraction important auprès des jeunes diplômés. source : Merck performance material, 2015 61 ttt ttt 62 leurs propres intérêts sans redistribuer à la nation coréenne, tout en envahissant des marchés variés et en étouffant du fait même les PME. Ce déséquilibre crée une économie fragile et très dépendante des marchés internationaux puisque la majorité de la production des chaebols est orientée vers l’exportation (Dubuc, 2015). C’est donc avec une situation délicate que le gouvernement actuel doit jongler. Il doit satisfaire les besoins des chaebols, piliers de l’économie du pays, tout en permettant aux PME de prendre leur place sur le marché afin de diversifier les acteurs influençant l’économie nationale. Le modèle économique d’après-guerre, désigné comme un modèle catch-up, atteindra vraisemblablement sa limite prochainement (Marlow, 2015). La croissance économique par habitant a ralenti de 7 % en 1995 à 4 % en 2013. Selon les projections, cette décroissance se poursuivra jusqu’à près de 2 % en 2030 (Ministry of Strategy and finance, 2015). Afin de prévenir ce problème et assurer la relance économique, la structure économique doit être repensée afin de promouvoir l’un des piliers de la richesse pour un pays dépourvu de ressources naturelles comme la Corée : l’innovation et la créativité. Cependant, la dominance des chaebols sur le marché gêne les tentatives du gouvernement de passer d’une économie préférentialiste à une économie orientée sur le développement et l’innovation propulsés par les PME. C’est pourquoi en 2013, dans cette optique de recherche de nouveaux moteurs économiques, de création d’emplois et d’innovation, la présidente Park annonça son plan de relance économique : Three-year plan for economic innovation (Jeon Han, 2014). Motivés par la volonté de changer le paradigme existant et axés sur le thème de l’économie créative, les objectifs de cette réforme économique sont l’augmentation de la croissance économique à 4 %, du taux d’emploi à 70 % et du PIB par habitant de 30 000 $US à 40 000 $US d’ici 2017. Catch-up/convergence Cette théorie économique met de l’avant l’hypothèse selon laquelle les revenus par habitant des pays pauvres auront tendance à croître plus rapidement que ceux des pays riches. Éventuellement, toutes les économies devraient converger en termes de revenus par habitant, puisque les pays pauvres peuvent reproduire les méthodes de production et les technologies des pays développés (Investopedia, 2015). Une facette importante de cette politique économique est d’augmenter la compétitivité des PME dans le marché domestique afin de stimuler la créativité et la création d’emplois qui viendront à manquer dans un futur proche. Il est démontré que les compagnies déjà bien ancrées dans un marché ne sont pas des sources importantes de création d’emplois. Par exemple au Japon, entre 1996 et 2006, la quasi-totalité des nouveaux emplois provenait de nouvelles compagnies ou d’investissement étrangers (Connell, 2013). Il est donc primordial pour le gouvernement coréen actuel de mettre de l’avant un écosystème propice au développement des PME. Cependant, promouvoir un écosystème favorable n’est qu’une partie de la solution. La peur de l’incertitude et la volonté de travailler pour un chaebol afin de faire partie de l’élite de la société sont des moteurs qui laissent peu de place au développement entrepreneurial. Un changement complet de paradigme est la seconde partie de la solution à adopter. Économie créative L’économie créative, teintée par la culture d’un pays, englobe plusieurs activités économiques qui concernent la production de connaissances et d’informations. Dans le contexte coréen, le terme économie créative représente un thème directeur pour les politiques de relance économique du gouvernement actuel visant à pallier le ralentissement économique national. Ces politiques économiques mettent l’accent sur le développement de nouveaux moteurs de croissance, la création d’idées, l’expansion de la culture entrepreneuriale, l’innovation et la création d’emploi par le biais d’une convergence de la science et de la technologie avec l’industrie. Les stratégies de la réforme économique Afin de mener à terme son ambitieux changement de paradigme, le Three-year plan for economic innovation entend employer plusieurs stratégies économiques. Tout d’abord, le gouvernement supprimera plusieurs réglementations contraignantes pour encourager le développement entrepreneurial, entre autres par des programmes encadrant la création de startups et la croissance des PME. Ensuite, la vente et le développement de nouvelles entreprises seront créés et gérés par des instances gouvernementales. Il y aura une augmentation marquée des investissements dans la R et D dans le but de faire converger les TIC dans le domaine industriel. Afin de combler ce déséquilibre et de palier aux autres problèmes économiques auxquels la Corée fait face aujourd’hui, le gouvernement prévoit, par le biais de son Three-year plan for economic innovation, atteindre trois objectifs précis par l’intermédiaire de six stratégies (Ministry of Strategy and finance, 2015) : 4. Favoriser le talent créatif. 5. Renforcer la capacité d’innovation des sciences, de la technologie et des TIC, piliers de l’économie créative, dans le domaine public et privé. 6. Promouvoir une culture d’économie créative avec la participation du peuple coréen. Croissance par l’innovation La Corée est un pays technophile. En 2009, 3,4 % de la dépense intérieure brut est allée directement en R et D (l’un des chiffres les plus élevés de l’OCDE) afin d’augmenter la combativité technologique face à la Chine et le Japon. Pour sa part, le Canada n’a réinvesti que 1,9 % de son PIB dans l’innovation lors de la même année, démontrant ainsi les priorités de la Corée en matière de développement (Statistic Canada, 2012). Trois objectifs : 1. Créer de nouveaux emplois et de nouveaux marchés par le biais de la créativité et de l’innovation. 2. Renforcer le leadership coréen en matière d’économie créative. 3. Créer une société où la créativité est manifestée et respectée. Six stratégies : 1. Compenser correctement pour la créativité et créer un écosystème qui encourage la création de start-up. 2. Renforcer le rôle des entreprises risquées et des PME dans l’économie créative en plus de renforcer leurs habiletés à entrer sur les marchés globaux. 3. Créer des moteurs de croissance pour créer de nouveaux marchés et de nouvelles industries. Les innovations ne manquent pas à la salle de montre d’light de Samsung. © MC Dans son plan économique, le gouvernement coréen planifie d’investir encore plus dans son fer de lance en augmentant ses investissements en R et D jusqu’à 5 % du PIB pour 2017. De plus, en termes d’innovation, la Corée est la quatrième plus grande source de brevets triadiques dans le domaine 63 ttt des sciences, sans oublier qu’elle possède d’innombrables innovations dans le domaine des TIC, une expertise que bon nombre de pays ont déjà commencé à emprunter ou à copier. Cependant, malgré les apparences envieuses, il existe encore un déséquilibre entre le secteur privé et public ainsi qu’entre les conglomérats et les PME. En 2009, un peu moins de trois quarts (74,3 %) des fonds pour la R et D ont été investis par les grandes compagnies pour leurs propres activités, dont la majorité par des chaebols. Il ne reste donc pas une grande part pour les universités conduisant des recherches fondamentales plutôt qu’industrielles, orientées vers le profit. De plus, une collaboration entre les universités et le Ministère des Sciences, des TIC et du Développement futur (créée lors de l’annonce du plan de relance économique il y a trois ans) visera le développement de technologies afin de faire converger les TIC dans les domaines industriels. Cette association devrait accroître la productivité des compagnies œuvrant dans ces domaines, spécialement celle des PME. L’organisation responsable du réseau de transport en commun de Séoul (Seoul transport, operation and information service, abrégé TOPIS) est un exemple probant de cette convergence récente des TIC dans les services rendus aux citoyens. Les enjeux du transport en Corée seront plus amplement développés dans le chapitre du rapport couvrant le transport. De l’aide par le développement La salle de contrôle du TOPIS repose sur les TIC pour gérer le transport en commun de Séoul en temps réel. © MC ttt 64 De plus, les investissements de la part des PME et des compagnies dans le domaine du service (source indéniable d’innovation et de développement de nouveaux produits à travers le monde) sont particulièrement faibles. Ces quelques chiffres démontrent la faiblesse de l’écosystème d’innovation présent en Corée en plus de refléter la situation économique dominante des chaebols. C’est pourquoi d’ici 2017, le gouvernement augmentera jusqu’à 40 % les investissements destinés aux projets de recherche fondamentale principalement conduits par les universités. Les recherches seront principalement axées sur les domaines des données de masse (big data), du développement web, des services sur le nuage et sur les objets intelligents. Une autre facette du plan relate l’importance de pallier les liens faibles entre les universités, les laboratoires de technologies, les centres de recherches, les chaebols et les PME. Une meilleure liaison entre ces domaines permettrait de développer, de partager et de commercialiser plus rapidement de nouvelles idées et de nouvelles technologies. C’est pourquoi le gouvernement coréen met en place des comptoirs de développement national et régional. Ces comptoirs offriront des programmes de soutien et le partage de technologies à brevet ouvert dans l’optique de donner de meilleurs outils aux start-ups et PME dans le but d’accroître leur compétitivité. Depuis 2011, la Corée du Sud a mis en place un système national d’innovation très sophistiqué impliquant les universités dans le développement des différents secteurs spécifiques. Ainsi, les chercheurs et étudiants travaillent en étroite collaboration avec les responsables de chaînes de production dans le but d’imaginer des solutions aux problématiques actuelles rencontrées dans les secteurs industriels ainsi que de nouvelles technologies pour le maintien de leur compétitivité. De plus, il sera possible pour les startups et les PME d’adhérer à différents programmes, notamment des accélérateurs pour les start-ups, qui leur permettront d’augmenter leur visibilité au sein des marchés et faciliter leur financement. Également, sachant que les PME coréennes souffrent entre autres de la concurrence chinoise, des mesures gouvernementales ont été mises en place pour pallier ce contexte économique peu propice au développement. Ainsi, en juillet 2013, la présidente Park Geun-hye inaugure son troisième marché financier, le KONEX. Dans la politique de soutien aux petites structures figuraient déjà le KOSPI et le KOSDAQ (Mesmer, 2013). L’établissement de ces marchés financiers est une stratégie globale adoptée dans le but d’accroître le système d’innovation et de favoriser le développement d’une économie créative attirant des investisseurs. Les PME coréennes sont également protégées par la commission du commerce coréenne (Korea Fair Trade Commission, abrégé KFTC). La fragilité de l’économie nationale a engendré la mise en œuvre de nouvelles mesures en faveur des entreprises affiliées aux chaebols, telles que le renforcement des règles applicables aux relations commerciales internes à ces groupes (OCDE, 2014). Un second miracle de la rivière Han Afin d’atteindre les trois objectifs fixés par le gouvernement, plusieurs autres mesures sont mises en œuvre pour stimuler les marchés nationaux et changer progressivement la mentalité actuelle vers une plus favorable à l’entrepreneuriat. Effectivement, l’obsession de la majorité des Coréens reste encore aujourd’hui l’éducation et la réussite. Énormément de pression est exercée sur les jeunes pour performer à l’école et décrocher un emploi stable, bien rémunéré et avec de bons avantages sociaux (au sein du gouvernement ou d’un chaebol). L’environnement de travail est donc peu ouvert aux risques et par le fait même à l’entrepreneuriat. Cependant, selon une étude de Global Entrepreneurship Monitor (abrégé GEP) réalisée en 2012, la mentalité commence à changer puisque 59 % des sondés affirment que l’entrepreneuriat est une bonne option de carrière. De surcroît, 70 % d’entre eux affirment que les entrepreneurs ont un bon statut social. Malgré cela, 43 % de ces mêmes répondants affirment que la peur de l’échec menant à la faillite personnelle les décourage de se lancer en affaire puisqu’il est encore difficile de se remettre financièrement en Corée. Le portail web Naver est devenu une référence en innovation. © MC C’est en raison de ce tabou culturel et de la volonté du gouvernement de changer ce paradigme qu’un fonds de plus de 4 milliards de wons sera investi jusqu’en 2017 pour promouvoir l’esprit entrepreneurial. En investissant dans un fonds de la seconde chance, en assurant le suivi des compagnies durant les trois étapes (naissance, financement/croissance, maturité) de leur mise en service et en augmentant la sécurité d’emploi, le gouvernement esVoies d’investissement d’ici 2017 Montant alloué (en G ) Promouvoir l’entrepreneuriat pour atteindre 13 000 nouveaux entrepreneurs 1059,8 Supporter les entreprises qui promeuvent une économie créative 2200,0 Encourager une culture de « deuxième chance » après une tentative infructueuse Total 773,0 4032,8 Répartition des investissements en économie créative d’ici 2017. source : Ministry of Strategy and Finance, 2015 65 ttt ttt 66 père augmenter considérablement la naissance de nouvelles entreprises. Des centres pour encourager l’entrepreneuriat sont progressivement mis en place afin d’encourager une économie créative et variée. Dix-sept régions métropolitaines et provinces accueillent ces centres afin de faciliter le développement et le fleurissement des talents régionaux. De plus, cette facette du plan gouvernemental permet le développement d’un bassin d’entraide technologique. Ce bassin contribuera à promouvoir le partage d’information et la stimulation de l’innovation régionale en plus de faciliter le développement et la commercialisation des technologies émergentes. Un fonds d’appui équivalant à 760 milliards de wons sera également créé et le gouvernement investira 460 milliards de wons dans celui-ci. Le fonds sera utilisé pour encourager spécialement les jeunes start-ups et encourager l’investissement des anges. De plus, afin d’aider la convergence des TIC par le biais de start-ups dans différentes industries, les investissements passeront de 20 milliards à 100 milliards de wons en 2015. Cet investissement permettra de financer 120 projets pour les trois années à venir. Création de marchés inclusifs aux start-ups et PME Les interventions gouvernementales semblent avoir porté fruits, puisque depuis 2000, le nombre de start-ups a triplé en Corée du Sud. Le pays ayant gagné en popularité dans les dernières années, il occupe le 28e rang du classement des en- Incubateur Un incubateur d’entreprise est une structure d’accompagnement de projets d’entreprise. Selon l’avancement du projet, l’incubateur peut offrir de l’appui en termes d’hébergement, de conseils, de technologies et de financement. Leur principale mission est de faciliter la création d’entreprises afin de stimuler l’innovation et la créativité (Réseau Entreprises Canada, 2014). vironnements d’affaire de 2015 à 2019 réalisé par The Economist Intelligence Unit. Ce rang révèle entre autres l’intérêt accru pour le marché coréen. La scène entrepreneuriale coréenne est fleurissante et devient de plus en plus influente. Des incubateurs tels que KStartup et SparkLabs témoignent du dynamisme du marché (De Villemandy, 2014). La concentration géographique d’entreprises interdépendantes a d’ailleurs fait émerger le concept de création de grappes industrielles (appelés clusters en anglais). En Corée du Sud, la structure la plus importante est le KINOX comprenant 77 grappes industrielles dans lesquelles sont rassemblés 193 incubateurs (Hadopi, 2015). Elle vise la réduction des coûts d’entrée sur le marché ainsi qu’un soutien financier favorisant la croissance. La Corée a développé un avantage comparatif dans le domaine des technologies de l’information et les entreprises misent sur cet outil pour demeurer compétitives. En effet, l’exploitation du réseau Internet permet aux compagnies, notamment celles dans le milieu du transport, de réduire les coûts fixes et d’avoir accès à des ressources informatiques adaptées à leurs besoins (OCDE, 2014). Ange Grappe industrielle (cluster) Les anges, dans le domaine des startups, sont des individus ou des réseaux d’investisseurs qui apportent de l’aide financière aux différentes étapes de vie d’un startup, soit à la naissance, à la croissance ou à la maturité. Ils fournissent habituellement de l’aide financière en échange d’une dette ou d’une part de la compagnie. Les anges accordent de l’aide financière généralement à des conditions plus favorables que les banques et autres prêteurs permettant ainsi un épanouissement plus rapide des start-ups possédant un certain potentiel de croissance (StartupDefinition, 2015). Une grappe industrielle est un ensemble d’entreprises et d’institutions réparties sur un territoire géographique défini œuvrant dans un domaine similaire. Les grappes industrielles peuvent aussi bien comprendre des institutions gouvernementales telles des universités, des agences, des institutions de formation et des associations d’affaires que des entreprises et des industries. La majorité des grappes industrielles en Corée sont axées autour de la recherche et du développement entrepreneurial, communément appelé Technopole (Communauté métropolitaine de Montréal, 2015). Synthèse À travers la deuxième moitié du XXe siècle, la Corée du Sud a remarquablement développé son industrie en instaurant des politiques influençant fortement l’économie, créant ainsi des liens très importants entre le gouvernement et les grands conglomérats coréens. En près de 55 ans, la proportion de l’économie occupée par les industries a plus que doublé remplaçant graduellement la part occupée par l’agriculture. La Corée fait aujourd’hui face à un défi démographique important qui aura un impact notamment sur le marché du travail dans les prochaines années. De plus, le pays est aux prises avec certaines réalités sociales et culturelles limitant dans nombre de cas les opportunités et l’accès à l’emploi chez les jeunes et les femmes. Bref, la situation économique actuelle ainsi que le ressentiment généralisé envers les chaebols ont récemment mené à l’avènement de nouvelles stratégies de réforme économique misant davantage sur le développement de l’entrepreneuriat, la croissance des PME ainsi que l’investissement dans le secteur des TIC. 67 ttt Le nouveau port de Busan, acteur majeur du dynamisme des échanges commerciaux coréens. © MC « Même si le ciel tombe sur toi, il y a toujours un trou par lequel tu peux t’échapper. » - proverbe coréen Commerce international des échanges effrénés 69 ttt Introduction La phase actuelle de mondialisation de l’économie planétaire est marquée par la montée en puissance de plusieurs pays asiatiques. Parmi ceux-ci, la Corée est l’exemple parfait d’une nation ayant entièrement transformé sa situation économique entre la deuxième partie du XXe siècle et aujourd’hui. En effet, le pays est passé d’une situation de grande pauvreté à un titre de puissance asiatique en l’espace de quelques décennies. Pour y arriver, la Corée a mis de l’avant plusieurs mesures dont une mise en valeur du commerce international et des investissements internationaux. La Corée s’est concentrée sur l’exportation de produits transformés nécessitant un capital d’investissement technologique important. La balance des opérations courantes coréenne est donc passée de -10,2 % du PIB en 1980 à 6,4 % du PIB en 2014 atteignant même 10,8 % en 1998 tout juste avant le début de la crise économique asiatique de la fin des années 90 (OCDE, 2014a). Une forte croissance économique a résulté de cette nouvelle approche alors que le produit intérieur brut par capita a augmenté de plus de 13 fois, c’est-à-dire de 2439 $US en 1980 à 33 089 $US en 2013. À titre comparatif, le PIB par capita du Canada s’est accru de moins de 4 fois (11 612 $US à 43 038 $US) durant la même période de temps (OCDE, 2014b). Plusieurs avantages comparatifs permettent aujourd’hui à la Corée d’être une nation commerciale importante sur la scène internationale. Cette nation membre de l’OMC et de l’OCDE est reconnue pour l’exportation de ses produits technologiques de qualité partout à travers le monde. Cependant, cette forte dépendance aux échanges commerciaux internationaux a fait en sorte que la Corée a été grandement touchée lors de la crise financière asiatique de 1997 et la Grande Récession de 2007-2009. Le pays a été affecté en raison des grandes difficultés financières de ses principaux partenaires commerciaux lors de ces deux ralentissements économiques (Le Moci, 2015). Pour palier à la situation, la Corée tente maintenant de diversifier ses échanges économiques en ayant une cinquantaine d’accords de libre-échange avec des pays de partout à travers le monde, dont un avec le Canada entré en vigueur le 1er janvier 2015 (Affaires étrangères Gouvernement du Canada, 2015; Lee, 2015). Le port de Busan, 5e port mondial, voit transiter près de 18 millions conteneurs (en équivalent vingt pieds) par année. © MC ttt 70 Les voitures Hyundai attendent par milliers d’être chargées sur des porte-conteneurs à destination du monde entier. © MC Une économie axée sur les échanges commerciaux Portrait des échanges commerciaux La Corée est un pays ayant connu une croissance économique fulgurante depuis un demi-siècle et celle-ci se traduit par un commerce international très dynamique. Dans les années 60, Park Chung-hee a mis l’emphase sur l’industrialisation par les exportations avec son plan quinquennal pour le redressement économique de la Corée. Ce virage a d’abord débuté par l’entremise d’un développement des industries légères du secteur secondaire comme le textile, la mécanique et les chaussures. Ensuite, une série de cinq autres plans quinquennaux visant à développer des industries lourdes telles que la construction navale, la production automobile, le secteur pétrochimique et la création de biens électroniques sont venues complètement changer le visage de la Corée. Le pays a d’ailleurs affiché une première balance commerciale positive en 1986. Cette dernière n’est pas un indicateur de la richesse d’une nation, mais plutôt un indice exposant un excédant ou un déficit au niveau des échanges commerciaux. Il s’agissait donc d’un signe prometteur pour le gouvernement coréen désirant faire de la Corée un pays misant sur l’exportation de ses produits et services (Encyclopædia Universalis, 2015). En 2014, la valeur monétaire des exportations de biens et services de la Corée était de 573 G$US, soit environ 50,6 % de son PIB, et celle des importations était de 526 G$US, soit 45,3 % du PIB. La balance commerciale de la Corée est ainsi égale à un surplus de 47 G$US pour l’année 2014. Durant la même année, le Canada a exporté pour 475 G$US et importé 463 G$US de marchandises et services, ce qui correspond à une balance commerciale positive de 12 G$US (OCDE, 2015). Les principaux partenaires commerciaux de la ville de Busan. © MC Principaux produits échangés La Corée est un pays qui possède peu de ressources naturelles, mais il s’agit d’une nation dotée d’une main-d’œuvre hautement qualifiée. Cela transparait lors de l’analyse des produits échangés avec ses partenaires commerciaux. Effectivement, la majorité des produits exportés par la Corée sont des produits manufacturés de haute technologie. Plus précisément, il s’agit de semi-conducteurs, d’équipements de télécommunication sans-fil, de véhicules, de pièces automobiles, d’ordinateurs, d’appareils ménagers et de navires (CIA, 2015). La grande majorité de ces produits sont manufacturés par les chaebols coréens. Ceux-ci opèrent dans une vaste gamme de secteurs économiques, mais ils possèdent tous une filiale d’importance supérieure. 71 ttt IMPORTATIONS son territoire, mais les importations comprennent également beaucoup d’équipements électroniques et électriques. Le peuple coréen est fanatique de technologies de toutes sortes et il consomme donc beaucoup de produits de ce genre venant de la Corée, mais également de partout à travers le monde. De plus, la production partielle d’équipements technologiques dans des pays où les coûts de production sont moindres est un autre élément faisant en sorte que le pays importe beaucoup de produits de ce type. Composition et origine des principales importations coréennes © MT ttt 72 Par exemple, la filiale Samsung Electronics est le fleuron du chaebol et elle produit la majorité des semi-conducteurs et des téléphones mobiles exportés par la Corée. Au niveau des importations, la composition variée inclue majoritairement des hydrocarbures, des équipements électriques et électroniques, des produits chimiques ainsi que de multiples ressources naturelles (CIA, 2015). Sans surprise, la Corée importe majoritairement des ressources naturelles qui sont manquantes ou simplement absentes sur Comme mentionné précédemment, la Corée mise depuis plusieurs décennies sur une économie d’exportation. Cet élément est primordial au pays puisque la consommation de produits locaux est en déclin. Effectivement, les Coréens se tournent de plus en plus vers les marchés extérieurs pour faire leurs achats. Dans plusieurs domaines, les compagnies locales sont aujourd’hui moins compétitives qu’elles ne l’étaient auparavant et les Coréens choisissent ainsi davantage des produits étrangers. Par exemple, comme le reste du monde à l’heure actuelle, la population coréenne est friande du magasinage en ligne et elle adore particulièrement EXPORTATIONS magasiner sur des sites web étrangers en raison des bas prix. Les économies importantes possibles en achetant des produits sur Amazon ou l’équivalent chinois, Taobao, attirent grandement les consommateurs coréens. De plus, les multiples accords de libreéchange que le pays possède permettent également aux habitants de la Corée d’acheter des biens étrangers moins coûteux avec plus de facilité. Un autre élément important explique cette baisse de vente de produits coréens. Celle-ci est également due au fait que plusieurs compagnies coréennes vendent leurs produits à des prix plus élevés en Corée que partout ailleurs dans le monde. La plupart des compagnies coréennes utilisant cette pratique justifient cette différence de prix par une qualité supérieure des produits offerts en Corée. Or, la grande majorité des Coréens ne croient pas à ce raisonnement et ils préfèrent donc se tourner vers des alternatives étrangères (The Economist, 2015). Somme toute, la disponibilité de produits étrangers plus compétitifs et un affichage de prix locaux plus élevés sont les éléments principaux expliquant la diminution de la consommation nationaliste coréenne. Composition et destinations des principales exportations coréennes. © MT Avantages comparatifs La Corée possède un grand nombre d’avantages comparatifs qui en font un partenaire de choix pour les échanges commerciaux à l’international. D’abord, la Corée est bien située géographiquement par rapport à plusieurs marchés importants. Elle se trouve au cœur de l’Asie du Nord-Est entre la Chine, la Russie et le Japon. Cet excellent emplacement géographique est appuyé par des infrastructures performantes (Choi, 2015). La Corée possède effectivement plusieurs ports et aéroports internationaux en plus d’être dotée de réseaux ferroviaires et 73 ttt Avantage comparatif Adam Smith a défini l’avantage absolu d’un pays comme étant la possibilité de fabriquer un bien avec un coût de production inférieur à une autre contrée. Selon Smith, il est avantageux pour un pays de se spécialiser dans la production et l’échange d’un bien pour lequel il a un avantage absolu. Or, il est fort possible qu’une nation n’aie aucun avantage absolu par rapport à une autre et que tous ses processus de fabrication soient donc en situations de désavantages absolus. Est-ce avantageux pour un pays d’échanger avec un autre s’il se retrouve dans cette situation? Selon David Ricardo, de réseaux routiers très développés sur l’ensemble de son territoire. De plus, la superficie du pays étant restreinte, les compagnies coréennes réalisent des économies importantes de frais de transport lors des processus de fabrication et de distribution locale. tous les pays sont gagnants à échanger entre eux-mêmes et chacun peut tirer profit d’une relation commerciale avec un pays partenaire. L’économiste britannique développe que le gain mondial associé au commerce international provient du fait qu’il existe une différence entre les coûts relatifs et les prix relatifs des biens dans chacun de pays. La théorie ricardienne stipule qu’un pays a avantage à commercialiser le bien pour lequel il a le plus grand avantage absolu, ou le plus petit désavantage absolu, ce qui correspond à l’avantage comparatif. (Lemoine, Madiès et Madiès, 2012). Un autre grand avantage comparatif de la Corée est le niveau de qualification de sa main-d’œuvre. Plus de 49 % de la population coréenne d’environ 52 millions d’habitants possèdent un diplôme universitaire (Choi, 2015). Partenaires commerciaux proches et historiques Les grands partenaires commerciaux de la Corée La Corée est un pays très bien situé géographiquement pour faire des échanges à l’international. La capitale, Séoul, se trouve Des voitures Hyundai en attente de chargement sur des porte-conteneurs au port de Ulsan. Les exportations coréennes de véhicules non-ferroviaires comptent pour près de 3 milliards de dollars dans l’économie canadienne. © MC ttt 74 à moins de trois heures d’avion de plus de 60 villes ayant des populations au-dessus d’un million d’habitants (Choi, 2015). Une situation idéale pour maximiser les marchés d’exportations. À titre comparatif, le marché unique de l’Union européenne regroupe 28 pays et compte seulement 17 villes avec des populations de plus d’un million d’habitants (Nations Unies, 2015). De plus, la Corée est au centre de puissances économiques mondiales telles la Chine, les États-Unis et le Japon. Il s’agit d’ailleurs des trois partenaires principaux de la Corée au niveau des exportations. En première position, la Chine accueillait 16,1 % des exportations totales en 2013. Ensuite venait les États-Unis avec 11,1 %, le Japon avec 6,2 % suivi de Hong Kong avec 5 % (CIA, 2015). Du côté des importations, la Corée importe beaucoup de matières premières afin de les transformer en produits destinés à la consommation. Les partenaires principaux desquels la Corée importe le plus sont la Chine avec 16,1 %, le Japon avec 11,6 %, les États-Unis avec 8,1 %, l’Arabie Saoudite avec 7,3 %, le Qatar avec 5 % et l’Australie avec 4 % (CIA, 2015). De plus, l’Arabie Saoudite, le Qatar et l’Australie sont les principaux fournisseurs de matières premières pour la Corée. Le pays importe surtout du pétrole brut et raffiné, du gaz de pétrole, des briquettes de charbon et finalement du minerai de fer et de cuivre. Trois pays sont récurrents peu importe la nature des échanges commerciaux, soit la Chine, les États-Unis et le Japon. Cela s’explique par la proximité géographique de ces pays facilitant le commerce (Observatory of Economic Complexity, 2012). Échanges commerciaux canadiens avec la Corée La Corée est un partenaire économique important pour le Canada. Du point de vue canadien, les États-Unis, l’Union Européenne, la Chine, le Mexique et le Japon sont en ordre les cinq pays dont les échanges combinés avec le Canada étaient les plus imposants en 2014. Au sixième rang vient la Corée. Mêmes si elles sont élevées au niveau global, les importations ainsi que les exportations venant de cette nation demeurant faibles en comparaison avec les autres grands joueurs asiatiques. Du fait même, le désir d’accroître le commerce avec la nation coréenne a motivé le gouvernement canadien à signer un accord de libre-échange entre les deux pays (Affaires étrangères Gouvernement du Canada, 2015). En ce qui attrait aux principales transactions entre le Canada et la Corée, les exportations canadiennes sont majoritairement des matières premières alors que les importations du pays Nord-Américain sont plutôt composées de produits manufacturés. La force de l’économie coréenne étant son industrie technologique, l’ensemble de ses exportations est majoritairement composée de produits nécessitant ce type d’expertise. Le tableau qui suit représente bien les principaux produits échangés entre le Canada et la Corée en 2014 (S. C. Gouvernement du Canada, 2015). Produits Exportations (M$) Produits Importations (M$) Minerais, scories et cendres 956,9 Véhicules nonferroviaires 2869,5 Combustibles minéraux, pétrole et sables bitumineux 835,3 Réacteurs nucléaires et pièces de rechange 1089,1 Réacteurs nucléaires et pièces de rechange 277,6 Machinerie électrique et pièces 1066,4 Pâtes de bois ou autres matières fibreuses 263,5 Fer et acier 362,0 Bois et articles en bois 221,6 Articles en fer ou en acier 235,2 Céréales 182,9 Articles en plastique 207,3 Autres 1299,7 Autres 1432,1 Principaux produits exportés et importés par le Canada avec la Corée. source : Le Facteur Asie, 2015 Les provinces canadiennes les plus impliquées dans le commerce international avec la Corée sont celle de l’Ouest canadien. La proximité géographique entre les deux régions explique les échanges plus importants qu’avec le reste du Canada. Les produits de la mer, du bois et du sous-sol de la Colombie-Britannique ainsi que les produits agricoles et pétroliers des Prairies constituent la majorité des produits exportés vers la région. En revanche, les importations de produits manufacturés coréens sont plus réparties à travers le Canada, puisque la demande pour ces derniers est élevée dans toutes les provinces (S. C. Gouvernement du Canada, 2015). Échanges commerciaux québecois avec la Corée Même si le Québec est plus distant de la Corée que la majorité des autres provinces canadiennes, sa participation au commerce avec ce pays asiatique compte pour environ 10 % des exportations et à peu près 20 % des importations des totaux canadiens. De la perspective québécoise, il est évi- 75 ttt Produits Exportations (M$) Pâtes michimiques de bois 49,9 Produits Importations (M$) Voitures de tourisme 705,2 43 Argent sous forme brute 59,2 17,8 Articles de robinetterie et organes similaires pour la tuyauterie 43,1 17,1 Circuits intégrés et microassemblages électroniques Produits de beauté ou de maquillage; préparations antisolaires et pour bronzer 14,7 Bouteurs, bouteurs biais, niveleuses, décapeuses, autopropulsés 20,2 Barres en aciers alliées 11,9 Étoffes de bonneterie 18,6 Autres 54,9 Autres 358,2 Viandes de porc Minerais de fer et leurs concentrés Turboréacteurs, turbopropulseurs autres turbines à gaz 24 Principaux produits exportés et importés par le Québec avec la Corée. source : Finances et Économie du Québec, 2013 ttt 76 dent que les abondantes ressources naturelles de la province sont mises en valeur dans son commerce international avec la Corée. L’industrie des pâtes et papiers et les éleveurs de porcs sont les acteurs principaux des échanges québécois en direction coréenne (Finances et Économie du Québec, 2013). Pour ce qui est des exportations coréennes en 2012, 81,7 % de ceux-ci étaient considérés comme étant de haute-technologie ou de moyenne-technologie, ce qui est typique de l’activité économique du pays. Les Québécois sont d’ailleurs des grands consommateurs des voitures coréennes qui haussent en popularité partout à travers le monde. Le tableau précédent résume les échanges de biens faits entre le Québec et le Corée en 2012 (Finances et Économie du Québec, 2013). Investissements directs étrangers (IDE) La Corée est un pays qui investie massivement à deux endroits en particulier, les États-Unis et la Chine. En 2012, les inves- tissements directs coréens à destination de la Chine totalisaient 51 G$US, ce qui représente environ un quart des IDE totaux coréens. Ceux dirigés vers les États-Unis étaient évalués à 35 G$US (Schott et Cimino, 2014). Autrefois, l’investissement direct étranger coréen en sol américain était plus important que celui en territoire chinois, mais la montée en puissance de l’économie chinoise dans les dernières années a renversé la tendance. En effet, les Coréens financent beaucoup d’usines de fabrication de produits électroniques et de voitures automobiles situées chez leur voisin asiatique (Reuters, 2014). Toutefois, la Chine a récemment subi un ralentissement économique suite à une restructuration industrielle importante du pays. Malgré cela, les investissements des chaebols coréens chez le géant asiatique n’ont pas diminué. En effet, les grandes entreprises coréennes ont même augmenté leurs investissements en région chinoise en profitant d’opportunités apparues suite à la diminution des IDE japonais en Chine. Des disputes politiques entre le Japon et la Chine expliquent cette diminution des investissements directs étrangers nippons (Reuters, 2014). Quant à l’investissement direct étranger en sol coréen, ce dernier provient majoritairement de l’Union Européenne, du Japon et des États-Unis. Ces trois régions avaient respectivement investi 60,5 G$US, 41,8 G$US et 29,8 G$US en 2012. Ces investissements sont faits en grande partie dans les chaebols qui gouvernent l’activité économique du pays (Schott et Cimino, 2014). Investissement direct étranger Tel que défini par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), un investissement direct étranger est un investissement fait par un pays à l’international afin « d’établir un intérêt durable dans une entreprise qui est résidente d’une autre économie que celle de l’investisseur direct. L’investisseur est motivé par la volonté d’établir, avec l’entreprise, une relation stratégique durable afin d’exercer une influence significative sur sa gestion. L’existence d’un « intérêt durable » est établie dès lors que l’investisseur direct détient au moins 10 % des droits de vote de l’entreprise d’investissement direct » (OCDE, 2015). Un accès privilégié aux grands marchés mondiaux Dans son optique d’ouverture au commerce international débutée lors de la fin du XXe siècle, la Corée a conclu un grand nombre d’accords de libre-échange dans les quinze dernières années afin de faciliter et renforcer les liens économiques avec ses partenaires commerciaux (Schott et Cimino, 2014). Cette approche agressive mise de l’avant par la Corée pour établir des liens économiques privilégiés avec une multitude de partenaires commerciaux est surnommée « Le bol de nouilles » (Desrosiers, 2007). Ce dernier fait référence à la tendance récente des puissances économiques mondiales, particulièrement celles asiatiques, de signer de plus en plus d’accords de Accord de libre-échange (ALE) Un accord de libre-échange permet de réduire ou même d’éliminer les barrières commerciales entre les pays participants à l’accord. Il peut favoriser l’échange de biens ou de services entre deux pays « sans qu’il y ait application de tarifs [douaniers], de quotas ou d’autres restrictions ». Il peut aussi aider l’un ou l’autre des pays pour tout ce qui a trait aux normes sanitaires ou à la règlementation des marchés (Gouvernement du Canada, 2007). libre-échange bilatérales avec leurs partenaires commerciaux. Plutôt que de dépendre sur l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les pays préfèrent s’entendre entre eux afin de pouvoir accéder au libre-échange plus rapide- Accords de libre-échange signés par la Corée dans les dernières années. source : Yes FTA, 2015 77 ttt ment qu’en attendant l’aboutissement de négociations de plus en plus complexes de l’OMC. Le « bol de nouilles » fait donc référence au recours à un réseau enchevêtré d’accords bilatéraux employés par un nombre grandissant de grands joueurs économiques planétaires, tout cela dans le but de faire fructifier leur commerce international (Desrosiers, 2007). asiatiques. La Chine étant le pays échangeant le plus avec la Corée, l’impact de l’entente sera non-négligeable puisque le gouvernement coréen lui associe une croissance du PIB national de 1 % au cours des dix prochaines années (Tiezzi, 2015). Récemment, la Corée a aussi conclu un accord de libre-échange avec le Canada, l’ALECC (Affaires étrangères Gouvernement du Canada, 2015). Accord de libre-échange CanadaCorée (ALECC) Grâce à l’Accord de libre-échange Canada-Corée, les liens entre les deux pays sont plus serrés que jamais. © MC ttt 78 La nation coréenne possède aujourd’hui une cinquantaine d’ententes dont une avec les États-Unis et une avec l’Union européenne, deux des états avec lesquels elle transige le plus (Lee, 2015; OMC, 2014). Le KORUS, l’accord de libre-échange entre les États-Unis et la Corée a été spécialement profitable aux industries automobiles et aux compagnies technologiques du pays asiatique depuis son inauguration en mars 2012 (Congressional Research Service, 2014). De plus, après de longues négociations, le gouvernement coréen a officiellement signé un accord de libre-échange avec la Chine en juin 2015. L’accord devrait entrer en vigueur durant la fin de l’année 2015 et il éliminera entre autres les frais de douane sur 90 % des biens échangés entre les deux puissances Après plusieurs années de négociations entre les deux pays, un accord de libreéchange a finalement été signé entre le Canada et la Corée le 22 septembre 2014. Ce traité, entré en vigueur le 1er janvier 2015, est le premier accord canadien avec un pays asiatique. Pour le Canada, il peut donc servir de voie d’accès aux autres marchés asiatiques et océaniques; seules régions du globe où le pays nordaméricain n’avait pas d’accords commerciaux en place jusqu’en début 2015. Cet accord est d’autant plus important afin de faire face à la compétition des ÉtatsUnis, de l’Union européenne et de l’Australie, pays ayant tous signé des ententes avec la Corée au cours des dernières années. Les points inclus dans l’ALECC touchent en grande majorité des secteurs de commerce qui sont déjà établis entre les deux pays tels que les biens et services (particulièrement l’industrie automobile), les investissements et services financiers, le commerce électronique, les marchés publics, l’environnement ainsi que quelques autres secteurs. L’emphase est aussi mise sur le développement de secteurs potentiellement profitables aux deux nations. Il s’agit entre autres de secteurs tels que la culture, où chaque pays doit tenter d’amener son savoir-faire à l’autre, et le domaine du travail, où l’admission et les déplacements des travailleurs entre chaque pays seront grandement facilités. Il est important de noter que malgré cette coopération sur le domaine de la culture, le Canada a conservé une certaine élasti- cité pour la modification de ses politiques et programmes culturels. D’autres exceptions à l’accord de libreéchange sont les mesures de fiscalité propres à chaque pays, les mesures de protection de vie humaine ou animale ainsi que les mesures de sécurité nationale et de ressources naturelles épuisables (A. étrangères Gouvernement du Canada, 2014b). Il est aussi important de mentionner que l’accord comporte une clause de la nation la plus favorisée assurant aux deux pays une sécurité sur les avantages futurs qui pourraient être offerts lors de la négociation d’ententes futures. L’ALECC devrait profiter au Canada de plusieurs façons différentes. Globalement, l’accord devrait créer des milliers d’emplois à travers le Canada en plus d’amener une hausse de l’économie canadienne de 1,7 G$ et d’augmenter les exportations vers la Corée du Sud de 32 % (A. étrangères Gouvernement du Canada, 2015). Du côté coréen, le pays asiatique pourrait s’attendre à une grande augmentation des exportations d’automobiles et de produits électroniques vers le Canada en plus de profiter d’un accès privilégié aux matières premières et aux produits de l’agriculture de la nation nord-américaine. Les marchés grandement impactés par l’ALECC sont présentés plus précisément dans le tableau suivant (Sosnow, 2014). Toutefois, tous les points de l’ALECC ne font pas l’unanimité et les travailleurs de Clause de la nation la plus favorisée (NPF) L’Organisation mondiale du commerce (OMC) régie les règles du commerce international pour les pays membres. Celle-ci traite la discrimination potentielle entre les nations membres avec la règle de la Nation plus favorisée (NPF). L’OMC décrit ce principe de la manière suivante : « Aux termes des Accords de l’OMC, les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Si vous accordez à quelqu’un une faveur spéciale (en abaissant, par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), vous devez le faire pour tous les autres membres de l’OMC » (OMC, 2015). Secteur Avantages pour le Canada Avantages pour la Corée du Sud Accès au marché Élimination de 81,9 % des droits de douanes coréennes Élimination de 76,4 % des droits de douanes canadiennes Services tAccès aux services de chacun (exception : santé et éducation publique) tFacilitation du commerce transfrontalier tSécurité des systèmes financiers Agriculture/ élevage Élimination des droits de douanes coréennes sur 13 ans Élimination des droits de douanes canadiennes sur 15 ans Automobile Élimination de tous les droits de douanes coréennes Augmentation d’exportations et d’emplois dans le secteur Produit de la mer Élimination de 70 % des droits de douanes coréennes sur 5 ans Atteindra 100 % sur 12 ans Élimination de 77,2 % des droits de douanes canadiennes immédiatement Atteindra 100 % sur 3 ans Technologie de l’information/télécommunications Élimination de tous les droits de douanes coréennes Élimination de 87,6 % des droits de douanes canadiennes immédiatement Atteindra 100 % d’ici 3 à 5 ans Produits forestiers Élimination de 85 % des droits de douanes coréennes sur 5 ans Atteindra 100 % d’ici 10 ans Élimination de tous les droits de douanes canadiennes Les principaux avantages de l’ALECC pour chaque pays. source : Fasken Martineau, 2014 certains milieux jugent cette entente plus négativement que positivement. En effet, les agriculteurs et les éleveurs coréens s’opposent à la signature de cet accord depuis le début des négociations. La réduction des tarifs douaniers pour les produits de viande et de grain (élimination totale d’ici une quinzaine d’années) pourrait grandement nuire aux entreprises coréennes œuvrant dans ce secteur, puisque la compétition canadienne sera beaucoup plus féroce. Pour venir en aide aux producteurs agricoles locaux, le gouvernement coréen investira environ 2 G$CA au cours des dix prochaines années en plus d’offrir une assistance plus approfondie (Y. Lee, 2014; Seung-woo, 2014). Ensuite, les employés du secteur automobile au Canada ne sont pas enchantés par l’idée de la croissance des importations de voitures coréennes en raison de la réduction des frais douaniers. D’ail- 79 ttt leurs, plusieurs concessionnaires Hyundai et Kia ont déjà profité de l’accord pour réduire les prix de certains véhicules et promouvoir des ventes prônant le libreéchange. Finalement, certaines PME canadiennes développant des produits électroniques tels des semi-conducteurs seront affectées par la plus grande accessibilité au marché canadien d’entreprises reconnues internationalement pour ces produits tels Samsung et SK hynix, respectivement premier et cinquième producteur mondial de semi-conducteurs (Jung, 2015). Les développements futurs possibles grâce à l’ALECC sont nombreux. Tel que mentionné précédemment, cet accord est le premier du Canada avec un pays de l’Asie. Il peut donc avoir un grand impact sur la présence canadienne dans les marchés asiatiques, améliorer la position du Canada dans ses négociations en cours Entré en vigueur le 1er janvier 2015, l’Accord de libre-échange Canada-Corée est le premier que le Canada signe avec un pays asiatique. © MC ttt 80 avec le Japon et Singapour et encourager de nouvelles négociations d’accords de libre-échange avec d’autres pays de cette région. Il pourrait aussi mener à des partenariats de plus grande envergure entre plusieurs pays tenant à développer leurs marchés. Partenariat transpacifique (PTP) Si la Corée a réussi à établir des relations économiques plus profitables avec beaucoup de régions du monde, il reste un partenaires commercial asiatique avec lequel elle n’a toujours pas d’entente en vigueur : le Japon. Des pourparlers entre le Japon et la Corée pour une entente bilatérale ont lieu depuis plusieurs années, sans néanmoins mener vers des conclusions précises. Un historique de tensions politiques et de désaccords vis-à-vis de la libéralisation de l’agriculture sont les principaux éléments expliquant le fait que les négociations n’aboutissent pas entre les pays voisins (Schott et Cimino, 2014). En parallèle, des discussions préliminaires quant à la possibilité d’un accord entre la Chine, le Japon et la Corée (China-JapanKorea, abrégé CJK) ont débuté en 2012 (Schott et Cimino, 2014). Ce projet complexe demeure toutefois à un stade embryonnaire. La conclusion récente d’une entente entre la Chine et la Corée pourrait aider à accélérer les négociations du CJK, mais l’attention semble portée ailleurs avec le gain en popularité d’un autre accord audacieux visant l’établissement de liens commerciaux et économiques entre plusieurs pays de la région du Pacifique, le Partenariat transpacifique (Schott et Cimino, 2014; Tiezzi, 2015). Durant les dernières décennies, la région du Pacifique est devenue une région du globe où il y a de plus en plus d’échanges internationaux. En effet, les continents de cette partie du monde sont des grands partenaires commerciaux pour plusieurs biens et services. Plusieurs gouvernements de pays bordant le Pacifique ont récemment mentionné leur intérêt d’amplifier le commerce de la région. Ce désir de promouvoir la croissance des échanges commerciaux dans le Pacifique a mené aux discussions visant la conclusion du Partenariat transpacifique (PTP). Cette entente regrouperait des pays d’Asie, d’Océanie, d’Amérique du Sud, d’Amérique Centrale, ainsi que tous les pays d’Amérique du Nord (A. étrangères C. et D. C. Gouvernement du Canada, 2015). Les pays membres du PTP représentent un marché de 792 millions d’habitants en plus d’avoir un PIB combiné de 28,1 billions de dollars canadiens, ce qui représente à peu près 40 % de l’économie mondiale (Gouvernement du Canada, 2014). La carte qui suit indique les douze pays membres de cet accord, ceux ayant démontré de l’intérêt, et les nations qui pourraient être intéressés à se joindre au Partenariat transpacifique. Tel que visible sur la carte, la Corée n’a pas officiellement rejoint le PTP même si elle démontre de l’intérêt depuis novembre 2013. Comme expliqué plus tôt, la Corée possède déjà une cinquantaine d’accords de libre-échange à travers le monde dont neuf parmi les douze nations impliquées dans le PTP en plus d’être en négociation avec les trois restantes. Elle possède déjà des ententes bilatérales avec la majorité des grands acteurs économiques du PTP à l’exception du Japon. La Corée est donc déjà en bonne position pour échanger avec les pays membres du Partenariat transpacifique (Gouvernement du Canada, 2014). Cependant, il est difficile pour le gouvernement coréen de passer à côté d’une entente si importante où plusieurs négociations reliées au commerce à travers la région du Pacifique seraient tenues. Effectivement, environ un tiers des échanges commerciaux de la Corée est effectué avec les pays membres du PTP, et ce ratio serait beaucoup plus élevé si la Chine se joignait à l’entente. Enfin, le Partenariat transpacifique représente une possibilité intéressante pour la Corée de renouer les discussions avec le Japon de manière plus indirecte, limitant ainsi l’impact de la sensibilité historique entre les pays (Schott et Cimino, 2014). Les douze pays membres du Partenariat transpacifique (PTP) et les pays ayant démontré un intéret. source : Gouvernement du Canada, 2015 81 ttt Synthèse La Corée organise son commerce international afin de pouvoir maximiser les échanges selon les avantages comparatifs de la contrée. Elle vise une stratégie d’exportation de biens manufacturés technologiques, la production principale de la région. Le pays tire profit de sa population instruite pour maintenir son savoir-faire dans le domaine des technologies de l’information et des communications ainsi que le secteur des transports, deux secteurs qui seront analysés en détails dans les chapitres suivants. En plus d’avoir une position géographique enviable pour accéder à plusieurs grands marchés internationaux, la Corée est dotée d’infrastructures de transport qui lui donnent un accès rapide à plusieurs marchés internationaux par voies maritimes et aériennes. Afin d’être plus compétitif sur la scène internationale, le gouvernement coréen a également conclu des multiples accords de libre-échanges durant les dernières années. Possédant maintenant une cinquantaine d’ententes internationales dont une avec le Canada, les chaebols du pays sont en mesure de mieux tirer avantage de ces liens économiques multiples. L’ouverture aux échanges internationaux a été un facteur majeur de la transformation de la Corée qui a connue une croissance économique spectaculaire depuis 65 ans. Le pays du matin calme est passé du statut de civilisation archaïque à celui de puissance technologique dont les produits sont reconnus mondialement. L’Accord de libre-échange Canada-Corée devrait voir les importations canadiennes de produits électroniques coréens augmenter. De son côté, le Canada prévoit une hausse de son économie de 1,7 G$ et une augmentation de 32 % des exportations vers la Corée du Sud. © MC ttt 82 Afin de maintenir son économie exportatrice, il sera intéressant d’analyser les initiatives futures mises de l’avant par la Corée pour accroitre sa présence sur les marchés extérieurs (K. Lee, 2015). 83 ttt La Corée du Sud est l’un des pays les plus connectés au monde. © MC « L’information est le pétrole du XXIe siècle et son traitement analytique, le moteur à combustion. » - Peter Sondergaard, VP Recherche Gartner Technologies de l’information et de la communication mobile 85 ttt ttt 86 Introduction Le secteur dynamique des technologies de l’information et de la communication mobile présente un haut niveau de croissance et d’opportunités. Des communications de plus en plus rapides et efficaces sur des territoires étendus sont rendues possibles par des réseaux de câblodistribution qui deviennent de plus en plus performants. Pour ce qui est des réseaux non filaires, les ressources sont limitées, ce qui rend la compétition féroce entre les compagnies de télécommunication. Ces connexions filaires et non filaires ultrarapides permettent d’ailleurs aux utilisateurs d’avoir des téléphones intelligents de plus en plus performants. En effet, le marché du matériel mobile est très dynamique et nécessite des innovations constantes. Les nombreuses améliorations des réseaux de télécommunication et des appareils mobiles permettent l’implémentation de logiciels plus puissants. Cela a donné naissance au marché fleurissant des applications mobiles. Le tout combiné permet aujourd’hui de récolter une quantité et variété innombrable de données qui constitue une source précieuse d’information pour diverses études. Câblodistribution La notion de technologie de l’inforla Corée avec l’industrie des télécommunimation et de la communication se base cations et des câbles. inévitablement sur un réseau filaire. La câblodistribution est la distribution de serLa demande grandit sans cesse vice Internet, téléphonique et télévisuel par pour une connexion plus rapide, c’est le une compagnie vers un consommateur. défi principal des câblodistributeurs. Tout Il faut noter que pour relier deux tours celd’abord, la population augmente, mais ce lulaires ou une tour aux serveurs, il faut n’est pas qu’une question de démograun élément phie. C’est le physique pour d’utiLe nombre d’utilisateurs d’Internet nombre faire transiger lisateurs d’Inaugmente environ 8 fois plus les données, ternet qui augcar les bandes mente environ que le taux de croissance de la réseau ont 8 fois plus population mondiale des capacités que le taux de limitées. C’est croissance de la fiabilité et l’étendue de ce réseau de la population mondiale (IWS, 2014). De câbles qui permet l’épanouissement de ce plus, le nombre d’appareils connectés au secteur. réseau est lui aussi sans cesse en expanÀ la base d’un Internet haute vitesse et sion; ce n’est plus qu’une histoire d’ordide l’essor que connait le mobile ces dernateur ou de téléphone, il suffit de penser nières années, la section suivante décrit aux tablettes et aux montres intelligentes. les rapports qu’entretiennent le Canada et L’un des phénomènes qui engendrent une Les personnages de la messagerie instantannée Line de Naver, sont très populaires. © MC accélération de la demande est associé au changement de l’utilisation des données. La tendance actuelle de consommation du web est majoritairement dominée par les vidéos en ligne (Normandeau, 2015). Avec ces vidéos vient la venue de la haute résolution qui tend à devenir de plus en plus performante. Ce qui nécessite une plus grande bande passante qu’un simple courriel. Cet élan n’est pas près de s’essouffler, car les nouvelles générations sont imprégnées de cette technologie. En effet, selon le sondage Internet de Bell, 100 % des nouveaux employés se sont abonnés au forfait Internet (Normandeau, 2015). En terminant, la demande contient aussi un aspect important de fiabilité, en particulier pour les institutions telles que les banques qui demandent une connectivité parfaite en tout temps. Les réseaux de câbles doivent donc être capables de fournir plus, et cela sans interruption. Ainsi, la technologie des câbles se doit de suivre l’élan que cette demande impose. Initialement, l’Internet et la téléphonie utilisaient le même câble, c’est pourquoi il fallait fermer le modem pour effectuer un appel. Effectivement, bien que les câbles en cuivre ont longtemps servi et servent encore, ils semblent aujourd’hui limiter la bande passante que désirent fournir les câblodistributeurs. Pour remédier à ce défi, la réponse a été la fibre optique. Fibre optique La fibre optique est un filament de vitre sensiblement aussi mince qu’un cheveu qui contient et transmet des signaux de lumière au lieu d’électricité. Il n’y a quasiment pas de perte ou de dégradation du signal, elle peut donc transmettre énormément d’information sur de très longues distances de manière bidirectionnelle. Canada Corée du Sud 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% On remarque que la Corée est bien plus en avance que le Canada sur l’adoption de la fibre optique par le grand public. source : OCDE, 2014 Ainsi, le médium physique reliant deux points n’est plus le facteur limitant et il devient résistant à l’évolution des technologies. Pour augmenter le débit, il est nécessaire que les installations à chaque bout de la fibre soient en mesure de pousser et recevoir plus d’information. Au niveau des coûts, l’implantation de fibre optique nécessite un investissement initial plus grand que le cuivre. Toutefois, la fibre coûte moins en maintenance et engendre moins de temps d’interruption. De plus, pour augmenter le débit du réseau en constante croissance, remplacer le cuivre existant par d’autre cuivre n’est pas la stratégie que les câblodistributeurs envisagent (Normandeau, 2015). La fibre comporte beaucoup trop d’avantages techniques pour que son coût soit un frein à son déploiement. Au Canada, environ 25 % des résidences sont alimentés de près ou de loin par la fibre optique. Toutefois, seulement 4 % sont actuellement abonnées à un forfait avec fibre. En 2009, le gouvernement coréen a investi 152,3 G$US dans le domaine des télécommunications (Huawi, 2011). Une part de ces investissements a permis d’étendre le réseau de fibres. Ils arrivent deuxièmes dans le monde derrière le Japon avec 66,3 % de la population abonnée à un forfait avec fibre. 87 ttt Des marchés nationaux Les compagnies de télécommunication évoluent dans des marchés nationaux. Du moins, c’est le cas au Canada et en Corée. Les limites géographiques des pays sont aussi celles du marché étudié. Bien que le contenu desservi télévisuel par exemple puisse provenir de l’extérieur du pays, la compétition pour le nombre d’abonnés ne dépasse pas les frontières. Poly-Monde en visite à la Seoul National University. © MC ttt 88 Au Canada, les consommateurs ont beaucoup de choix en matière de prestataire de service de télécommunication. Toutefois, c’est 1 % des compagnies qui génèrent 62 % des revenus (CRTC, 2014), ceci inclut ceux du sans-fil. Ce 1 % est constitué de BCE, MTS inc., Rogers, Telus et Shaw. C’est donc dire que le marché canadien est oligopolistique. C’est principalement dû à la barrière à l’entrée que représentent les investissements pour les structures d’opération. Cependant, ces compagnies se partagent le marché selon des régions. Telus et Shaw sont majoritaires dans l’ouest. Dans les maritimes, c’est essentiellement un territoire de Bell. Québecor est très actif au Québec. Alors que l’Ontario est dominé par Rogers, où la région de Toronto est à 65 % abonnée à Rogers (Rogers, 2014). Le résultat de cette segmentation est qu’il y a moins de concurrents par région et que l’oligopole se resserre. Les temps sont tout de même difficiles pour les TI au Canada (MercierDalphond, 2014). Bien que le taux de pénétration de l’Internet filaire, en 2013, franchissait la barre des 33 % (OCDE, 2015) et que les revenus des compagnies de matériel technologique connaissent des records d’année en année, la croissance des revenus des câblodistributeurs canadiens ralentit. Le tableau ci-dessous présente le taux de croissance du revenu des compagnies de télécommunication filaire de 2009 à 2013 et celui-ci est en baisse 0,4 % (CRTC, 2014). Bref, avec une diminution des profits (BAIIDA) de 2,6 % (CRTC, 2014), les câblodistributeurs canadiens semblent dans une situation particulière. Cependant, le taux de croissance des connexions à fibre optique était de 96 % (OCDE, 2015), il reste donc des possibilités d’abonnement. Le marché coréen est aussi un oligopole. Par exemple, au niveau des fournisseurs d’Internet, Korea Telecom domine avec 43 % des parts de marché et il est suivi de SK Telecom à 22,4 %, LG U+ à 17 % et le reste des connexions Internet est fournie par des plus petits fournisseurs (Point Topic, 2014). En 2014, 37,9 % de la population sont abonnés à Internet par câble et le taux de croissance est d’environ 1,26 % pour les 2012 2013 Croissance annuelle (%) Revenu des télécommunications par service filaire (G$) 23,6 23,7 -0,4 Dépense en immobilisation annuelle dans les installations et les équipements pour le réseau filaire (G$) 7,1 6,9 -2,8 Marge de BAIIDA (%) 41,1 40 -2,6 Résumé des résultats des télécommunications filaires au Canada. source : CRTC, 2014 2 dernières années (OCDE, 2015). Ce taux est plutôt faible, mais il est dû au taux élevé de pénétration de la technologie et à la maturité du marché. Tout comme pour le Canada, les compagnies sont moins profitables (Ho-cheon, 2015). Ils cherchent donc à relancer le marché. En 2014, lors d’une conférence de presse inattendue, KT télécom a lancé son programme appelé GigaTopia. Cette vision a trois objectifs : fournir 1 Gb/s aux utilisateurs, développer une plateforme pour l’Internet des objets (The Internet of Things, abrégé IoT) et converger le Wi-Fi et la mobilité sous un service sans fil. C’est avec un investissement de 4,97 millions de dollars canadiens sur trois ans que la compagnie compte atteindre cet objectif (Kwon et Evans, 2014). Netflix imposent un débit de bande encore plus grand que les applications de messagerie. Le bémol est qu’aucun câblodistributeur ne touche d’argent sur les recettes de ces sites ou de ces applications. Virage Les ventes par assortissement des services de télécommunication sont toujours en croissance. Par contre, il y a un phénomène bien réel d’observé. La diminution du taux de croissance, en 2009 la croissance annuelle de ce genre de forfait était de 30,4 % alors qu’elle était de 4,1 % en 2013 (CRTC, 2014). Les populations étudiées sont plus connectées à Internet et elles préconisent un contenu en ligne. Les taux de pénétration de l’Internet du Canada 86 % et de la Corée 85 % (Banque Mondiale, 2013) sont élevés, cette saturation oblige les câblodistributeurs, en particulier, à évaluer le contenu et le service offert de manière à satisfaire le marché. Des changements dans la façon d’approcher la concurrence sont en effet observables. L’avenir pour ces compagnies se trouve dans l’intégration de service supplémentaire, les acquisitions et les partenariats de contenue exclusif (Mercier-Dalphond, 2014). En fait, les compagnies de télécom perdent au profit d‘applications qui utilisent le service Internet offert par le câblodistributeur. Ces applications de service par contournement (over-the-top) telles que WhatsApp et Skype, des applications de messagerie instantanée, utilisent le réseau de Bell par exemple pour faire transiger une quantité imposante de données. Tous les portails de vidéo sur demande comme YouTube ou Les joyeuses mascottes de Line Messenger. © MC Cette situation est déplorée par les câblodistributeurs canadiens (Normandeau, 2015), puisqu’ils doivent débourser d’importante somme pour que leur réseau puisse fournir à la demande, sans pour autant recevoir d’argent de Netflix ou autre. Ils ont tenté de limiter la vitesse ou la quantité des données qui transigeaient de ces sites, mais le CRTC leur a interdit cette démarche (Normandeau, 2015). Ainsi, les fournisseurs d’Internet doivent tout de même continuer de fournir le service parce qu’ils se doivent de conserver leurs abonnés dans ce milieu compétitif. Canada Corée du Sud Vitesse de l’Internet 50 Mbti/s 100 Mbti/s Nombre de chaines Choix de 30 chaines + non payantes Choix de 25 chaines + non payantes + une sélection de films sur demande 143,85 $/mois 95,42 $/mois Prix La comparaison entre les forfaits canadiens et coréens est assez frappante. source : Bell, 2015; Olleh Shop, 2015 89 ttt Le genre d’approche proposé pour contrer l’exode de ses consommateurs vers les services sur demande est d’obtenir des exclusivités comme par exemple : une série télévisée ou les droits de diffusion d’évènement. En 2014, Rogers a mis la main sur les droits de la Ligue nationale de hockey qui appartenaient à Bell avant. En réponse à cette acquisition importante, Bell Média s’est offert la Ligue nationale de football américain pour les prochaines années. Un autre exemple serait le lancement de Crave.tv de Bell qui se veut un compétiteur direct à Netflix que seuls les usagers de Bell peuvent avoir. Shaw et Rogers ont aussi lancé leur version de Netflix. C’est une pratique observée même en Corée, LG U+ possède Uflix Movie (Ho-cheon, 2015). Dans ce même élan de recherche de contenu, les acquisitions sont multiples. Le 27 juin 2013, BCM a fait l’acquisition d’Astral Media pour 3,38 milliards de dollars canadiens (Brousseau-Pouliot, 2013), ce qui comprend 8 services de télé spécialisée et payante, 77 stations de radio ainsi que des plateformes d’affichage extérieur. Cette approche de marché se retrouve aussi sur la mobilité. Tout récemment, Fido, qui est une branche de RoCertaines compagnies, comme Naver, gers, a lancé des forfaits de offrent même des services de soins téléphonie mobile en partegratuits à leurs employés. © MC nariat avec Spotify, une application de musique. Les consommateurs vont se procurer l’application quoi qu’il arrive, alors pourquoi ne pas leur offrir au moyen d’une alliance stratégique avec les propriétaires. ttt 90 Au-delà du câble Quand il est question de Wi-Fi ou de connexion sans fil, il y a assurément un routeur et derrière ce routeur, il y a une connexion Internet par câble. Ainsi, la connexion Wi-Fi s’avère une extension Wi-Fi Le Wi-Fi est un ensemble de protocoles de communication sans fil qui permet de relier des appareils informatiques entre eux. La communication Wi-Fi est régie selon les normes IEEE 802.11 qui permettent d’éviter la cacophonie. Les ondes utilisées sont de haute fréquence (2,4 GHz – 5 GHz). du câble. Cette zone grise entre la mobilité et le câble est des plus convoités, car elle permet de devenir mobile à des coûts moindres qu’avec l’installation d’antenne. Le Wi-Fi est accessible chez soi, dans les endroits publics et même dans l’avion, il suffit d’une borne. Ainsi, il permet d’aller chercher un plus grand nombre d’abonnés ou d’offrir un abonnement comprenant une valeur ajoutée. L’exemple de Comcast, ce câblodistributeur états-unien, est intéressant, car peut-être y aura-t-il une suite de ce genre d’approche sur le marché. Il a décidé de déployer du Wi-Fi avec près de 8 millions de points d’accès partout aux États-Unis. Ces points sont en fait les quelque 150 000 PME et tous les modems de maison. Ainsi, les abonnés de Comcast ont accès à une connexion Internet sans fil gratuite un peu partout dans les États-Unis. Afin de profiter du potentiel de ces installations, ceux qui ne sont pas clients de Comcast peuvent bénéficier du réseau appelé Xfinity Wi-Fi (Bertrand, 2015). C’est un moyen d’accrocher les touristes ou ceux sans abonnement le temps d’une journée par exemple. La domotique est un concept assez récent qui va assurément changer la dynamique d’utilisation de donnée. Ce domaine technologique intègre toute sorte d’application afin de centraliser le contrôle des différents systèmes (chauffage, lumière, etc.). Le nombre d’objets pouvant se connecter est grandissant et il est observé que le phénomène de l’Internet des objets va de pair avec la domotique et le Wi-Fi à domicile. Selon Accenture (Bertrand, 2015), les câblodistributeurs doivent s’imposer dans ce domaine en offrant des plateformes dans lequel le modem devient le centre névralgique de communication. Il faut que les compagnies de câble regroupent ces ser- vices sous le leur. Cette stratégie a pour but de simplifier la tâche du consommateur et de pouvoir augmenter les revenus en chargeant pour ce service. Le cas de la Corée est intéressant, car le marché coréen représente quelque peu le Canada dans quelques années. Des villes comme Séoul sont parsemées de réseaux Wi-Fi. Certaines fois gratuits et d’autre fois payants, ces réseaux proviennent des institutions publiques (la ville de Séoul) ou de compagnies de télécom. L’accès à une connexion Wi-Fi payante est en fait gratuit si l’utilisateur fait affaire avec la même compagnie. Cette approche a pour but d’une part de diminuer la demande sur leur installation mobile et d’une autre part de permettre à l’abonné de profiter d’une infinité de données. Étant bien couvert par cette extension du réseau filaire, les compagnies coréennes sont déjà en train d’essayer de profiter de l’Internet des objets. KT, le plus important câblodistributeur, propose des avenues avec le Wi-Fi à domicile telles que la gestion intelligente de l’énergie, un système de sécurité centralisé, etc. (Sung-won, 2014). Alors que le Wi-Fi public en Corée semble un plan d’affaire de l’industrie, il se partage entre des initiatives sociales et des dons de l’industrie au Canada. En effet, plusieurs organismes existent dans le but de fournir une connexion Wi-Fi gratuite au résident, en créant un réseau d’individu, de commerce et d’entreprise qui partagent leur connexion. Pour n’en nommer que quelques-uns, il y a île sans fil, Toronto Free-Net, BC Wireless (torfree, 2015). L’industrie des télécommunications filaires se veut, pour l’instant, qu’un simple distributeur de point d’accès gratuit sous une bannière connue. À titre d’exemple, Bell fournit tous les McDonald’s du pays, mais elle n’affiche jamais Wi-Fi de Bell et plutôt Wi-Fi de McDonald’s. Bref, cette branche technologique est peu exploitée au Canada et si l’on se fie aux experts rencontrés et à ce qui a été observé en Corée, elle pourrait l’être dans un futur rapproché. Perspectives Pour ce qui est du Canada, les compagnies de câblodistribution font face à de plus en plus de défis. La demande changeante, la compétition internationale ou sans frontière, tel que Netflix, est de plus en plus présente et les coûts d’investissement toujours plus grands font partie d’une liste qui s’allonge. Plusieurs solutions sont toutefois sur la table, ils impliquent de nouvelles technologies comme la domotique ou les réseaux Wi-Fi. Par chance, le taux de pénétration des différents services n’est pas saturé. Il leur reste donc encore quelques années de revenus garantis. La taille du pays et l’importance des distances entre les usagers sont en partie pourquoi les taux de pénétration du filaire sont faibles. C’est pour cette même raison que la mobilité devient une priorité non seulement pour les compagnies, mais pour les consommateurs. Face à Internet, le marché de la télévision doit se renouveler. © MC En Corée, la situation des télécommunications pourrait être qualifiée de mûre. Les technologies sont souvent au plus haut de leur branche et les taux de pénétration sont très élevés. Une pensée d’un des conférenciers de Bell a fait beaucoup d’écho (Normandeau, 2015) : est-ce qu’un jour, l’accès à un service Internet ne pourrait-il pas être nationalisé, ou du moins considéré comme un besoin essentiel tel que l’eau ou l’électricité? 91 ttt Mobilité Selon Yves R. Hamel & Associés Inc, firme d’ingénieurs-conseils en télécommunications, la mobilité doit être un standard et représente l’avenir. Le terme mobilité se limite aux données Internet utilisées sur un téléphone cellulaire. Afin de bien comprendre le sujet couvert par la présente section, une différence est à noter entre un réseau émis par câblodistribution - explicité préalablement - et un réseau issu d’une antenne de mobilité. Ce dernier ne nécessite pas de connexion filaire, ce qui lui permet de couvrir une plus importante étendue grâce à la transmission par antennes, permettant par exemple une connexion Internet sur la route. 22 Milliards de dollards 21 20 19 18 17 La standardisation des appareils intelligents, la variété d’applications mobiles et la popularisation des réseaux sociaux entraînent une explosion de l’usage des données sans fil. En 2013, 83% de foyers canadiens possèdent un service de téléphone mobile sans fil. De plus, dans le groupe des moins de 35 ans, 60% n’utilisent que cette technologie, par rapport à seulement 26% en 2008 (Statistique Canada, 2014). Les revenus des services sans fil mobiles ne cessent d’augmenter, comparativement à ceux des services filaires. Cette nette augmentation en revenus des services sans-fil s’explique par une constante croissance des utilisateurs de téléphones cellulaires. Au Canada comme en Corée du Sud, le nombre d’abonnements à un service de téléphonie mobile ne cesse de croître. De plus, à noter qu’au cours de l’année 2010, le nombre d’abonnements en Corée du Sud a dépassé le nombre d’habitants. L’offre croissante 16 15 2009 Virage vers la mobilité 2009,5 2010 2010,5 2011 Services filaires 2011,5 2012 2012,5 2013 2013,5 2014 Services sans-fil Les revenus des services sans-fil rattrappent ceux des services filaires. source : CRTC, 2014 ttt 92 Ce type de réseau est étudié en étayant la demande grandissante de la connectivité mobile au Canada et en Corée du Sud, ainsi que l’offre croissante qui en découle. Enfin, ce virage vers la mobilité engendre un enjeu non-négligeable quant à la bande spectrale. Au Canada et en Corée du Sud, trois grands joueurs dominent le marché national de l’Internet mobile, soit respectivement Rogers (34 %), Telus (29 %) et Bell (28 %) ainsi que SK Telecom (55 %), KT Corporation (35 %) et LG U+ (10 %). Il est intéressant de noter que ces six compagnies offrent également un service de câblodistribution, soit de connexion Internet filaire à domicile et y sont pareillement importants. Au Québec, Vidéotron entre dans ce marché de la téléphonie mobile en 2010, avec 12 % des parts de marché au Rang Pays Prix mensuel ($US) PIB national Pourcentage du par habitant PIB national par en 2013 ($US) habitant (%) Attribution mensuelle de données (Mo) 15 Corée du Sud 10,05 25 920 0,47 500 50 Canada 49,38 52 200 1,14 540 Comparaison des prix de forfait de téléphone mobile entre la Corée et le Canada source : Union internationale des télécommunications, Organisation des Nations unies, 2014 Abonnements à un téléphone mobile par 100 habitants Dans les deux marchés à l’étude, la tendance est similaire : l’augmentation de l’utilisation des données par les consommateurs engendre une croissance des revenus de mobilité chez les fournisseurs par rapport à ceux des appels. Alors qu’en 2014, en Corée du Sud, les revenus de données mobiles avaient déjà dépassé ceux de la voix (International Data Corporation, 2014), au Canada, Rogers comme Telus expliquent tous deux leur croissance de revenus dans le domaine du téléphone mobile par une augmentation de l’utilisation des données chez leurs consommateurs. Telus justifie cette augmentation d’abonnements et d’utilisation de données par une adoption croissante des téléphones intelligents et l’étendue de leur couverture de réseau (Rogers, 2015; Telus, 2014). Enfin, bien que le Canada et la Corée étayent des tendances et portraits semblables, une comparaison des prix se doit d’être soulignée. En pourcentage du PIB national par habitant, la Corée du Sud figure au 15e rang avec un forfait de téléphone mobile incluant 500 Mo par mois à 120 110 100 90 Abonnements niveau provincial en fin d’année 2014 (Arsenault, 2014). Enfin, KT Corporation est constituée de l’industrie gouvernementale coréenne de services des télécommunications, dont la privatisation d’une durée de 15 ans s’est terminé en 2002 (Jin, 2006). 80 70 60 50 40 30 20 1999 2001 2003 2005 Canada 2007 2009 2011 2013 Corée du Sud La Corée précède de loin le Canada en termes d’abonnements à un téléphone mobile par 100 habitants, dépassant même les 100 abonnements par 100 habitants depuis 2009. source : Union internationale des télécommunications, 2015 prix correspondant à 0,47 % du PIB par capita (10,05 $US mensuellement). Les données présentées sont résumées dans le tableau suivant où le Canada se classe au 50e rang : un même forfait exigeant 1,14 % du PIB du consommateur. La différence de densité de population peut expliquer cet écart de prix entre la Corée et le Canada. En effet, plus une population est concentrée, plus une certaine antenne rejoint un nombre d’utilisateurs élevé. De plus, les antennes situées en ruralité, devant couvrir de grandes étendues de territoire, sont significativement plus puissantes 6,7% 10% 2,3% 28,4% 35% 29,1% 55% 33,5% Bell Rogers Telus Vidéotron Autres KT Corporation SK Telecom LG U+ Répartition des parts de marché au Canada (1 trimestre 2015) et en Corée (4 trimestre 2014) par nombre d’abonnements à un téléphone mobile. sources : ACTS, 2015; KT Corporation, 2015; LG U+, 2015; U.S. Securities and Exchange Commission, 2015 er e 93 ttt que celles des métropoles et, par le fait même, plus dispendieuses. Afin de maximiser les revenus, les fournisseurs ont intérêt à implanter leurs antennes de mobilité dans des régions très denses atteignant pour un même coût un maximum de consommateurs. La densité de population sud-coréenne étant plus de 130 fois plus élevée que celle du Canada (519 contre 3,96 habitants par km2), les compagnies de réseaux sans-fil de la Corée possède un avantage non-négligeable inhérent au portrait démographique national (Université de Sherbrooke, 2015). Pour compenser cette faible densité de population, le partage d’antennes au Canada est pratique courante (surtout en région). Le propriétaire de l’antenne occupe le meilleur endroit sur l’antenne, soit le sommet, et loue les endroits moins efficaces à ses compétiteurs. Tout comme au Canada, certains efforts sont mis en place en Corée pour limiter les nuissances visuelles créées par les antennes. © MC ttt 94 L’enjeu de la bande spectrale Il est essentiel de souligner le fait que le virage vers la technologie du sans-fil, cette augmentation de la demande pour la mobilité, mène à une importante réduction des ondes disponibles sur la bande spectrale. Bien qu’il y ait énormément de fréquences disponibles, très peu sont utilisables à des fins de transport de données. À titre d’exemple, les ondes radio ont une très grande couverture mais une faible capacité en transport d’informations. De ceci découle une importante enchère des bandes avoisinant 700 MHz, qui représentent l’idéal en termes de capacité et de couverture pour le transfert de données. Ainsi, entrer tardivement sur le marché des téléphones cellulaires alors que de gros joueurs tels Rogers et Bell au Canada et KT Corporation en Corée dominent depuis des décennies nécessite un important capital de départ. En premier lieu, l’entreprise doit acheter une bande de fréquence. En deuxième lieu, il doit y avoir déploiement du réseau par l’installation d’antennes. À l’automne 2014, soit 4 années après son entrée dans le secteur, Vidéotron avait déjà investi près de 2 milliards de dollars en achat de spectre et construction Une technologie évolutive dépendante de la bande spectrale Au Canada comme en Corée du Sud, les gouvernements et les organismes de normalisation réglementent l’utilisation des dispositifs de télécommunication afin de définir les plages de fréquences et les puissances auxquelles il est possible d’émettre pour chaque catégorie d’exploitation. En effet, les catégories d’exploitation étant multiples (de l’exploration de la Terre par satellite à la radiodiffusion) et en vertu de la loi canadienne, la plupart de ces technologies exigent une autorisation par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Ainsi, pour pouvoir offrir un service de téléphonie sans fil et de données mobiles, il faut acquérir de la bande spectrale gérée et mise aux enchères par le CRTC. De ce fait, lorsqu’une entreprise investit pour un réseau autorisé par licence, il s’assure d’être son seul exploitant. L’équivalent sud-coréen de la CRTC est le Radio Policy Bureau du Ministry of Science, ICT & Future Planning (MSIP) (Jahng, 2014). Plus la bande spectrale est large, plus la capacité de transférer des données est grande et plus elle est dispendieuse, d’où l’importance de l’encodage. Chaque technologie d’encodage correspond à une technologie sans fil (soient GSM, GPRS, HSPA, LTE entre autres). L’utilisation de manière efficace des bandes spectrales grâce à l’encodage permet non seulement d’augmenter la vitesse, mais aussi la capacité de transfert de données sans avoir à augmenter la largeur de bande. On se réfère à l’encodage en citant la génération technologique en question, d’où les termes 3G (3e génération) et 4G LTE (4e génération – Long-term Evolution). Comme illustré sur la figure ci-dessous, pour une même largeur de bande (axe des ordonnées), la quatrième génération, 4G, peut transmettre des données à une vitesse environ 30 fois supérieure que la troisième génération, soit 15 Mbps par rapport à 500 kbps. de son réseau (Québecor, 2014). Ces importants coûts de départ constituent d’immenses barrières à l’entrée qui expliquent la concurrence oligopolistique du secteur. Voice over IP, afin de réduire le trafic sur une même antenne. VoIP engendre alors une demande supplémentaire pour les données. Ouverture Enfin, les téléphones mobiles se doivent de suivre l’avancement rapide de ces réseaux de mobilité sans-fil, puisque l’évolution des deux technologies s’effectue conjointement. Un lien intrinsèque apparaît alors entre la mobilité et les dispositifs permettant son utilisation, soit le matériel mobile (hardware). Avec l’avènement de l’Internet des objets, fortement inauguré par la place prépondérante qu’occupent les données, la technologie du sans-fil ne peut que poursuivre son évolution. Par ailleurs, les appels commencent à utiliser la technologie des données, par un processus appelé Matériel mobile Les années 1990 furent marquées par l’essor de la demande mondiale pour les services de télécommunication mobile. Durant cette période, les compagnies coréennes LG et Samsung furent internationalement reconnues pour leurs téléphones mobiles bons marchés et fiables. Aujourd’hui, le téléphone intelligent est notre principal outil de télécommunication mobile. Pour ce produit, la course aux parts de marché se poursuit entre les compagnies coréennes et leurs concurrents internationaux. Dans cette partie, nous tenterons de mettre à jour les raisons qui font qu’un pays aussi peu peuplé héberge deux compagnies qui a elles seules se partagent 34,6 % des ventes mondiales de téléphones intelligents et de tenir tête à des géants mondiaux. La situation de la demande mondiale sur le marché des téléphones intelligents Durant les années 1990 les consommateurs avaient comme préférence les téléTéléphone mobile ou intelligent? Nous définissons par téléphone mobile les téléphones ayant pour unique utilité de passer des appels vocaux. Les téléphones intelligents sont les téléphones mobiles qui en plus de faire des appels servent de navigateur internet, de lecteur multimédia, etc... phones mobiles de petite taille. Cette spécificité de la demande a poussé les fabricants de téléphones mobiles à travailler sur les composants de leurs téléphones pour les pousser à la miniaturisation et ainsi se conformer aux préférences de leur clientèle. Par la suite, les téléphones mobiles ont connus une période dite de convergence, car les fabricants commencèrent à consolider téléphone, lecteurs de musiques, GPS, caméras, applications Internet. Le nom communément donné à ces outils électroniques est smartphones ou téléphones intelligents. Ironiquement, ces appareils tendent à s’agrandir dans le temps contrairement aux téléphones mobiles. Depuis peu, le taux de pénétration des téléphones intelligents dans le monde a surpassé celui des téléphones mobiles. La Corée a connu ce phénomène en 2011 alors que le Canada dût attendre jusqu’en 2013 pour voir cela arriver. Pour avoir un ordre d’idée, 84 personnes sur 100 détiennent un téléphone intelligent en Corée du Sud (Lee, 2014a) alors qu’au Canada seulement 55 % des gens détiennent un téléphone intelligent (Breikss, 2013). Au niveau mondial, la croissance de la demande a été fulgurante. Comme nous pouvons le voir sur l’histogramme de la page suivante, les ventes mondiales ont augmentées de presque 920 % entre 2007 et 2014 (Statista, 2014). 95 ttt Nombre de ventes (Millions) 1400 1245 1200 970 1000 800 680 600 472 400 200 0 297 122 139 172 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 La croissance des ventes de téléphones est effrénée depuis les dernières années. source : Statista, 2014 ttt 96 Les revenus du téléphone intelligent suivent également cette tendance à la hausse. De 56,92 G$US en 2009, ils sont passé à 270 milliards en 2014 (Statista, 2014) D’après les analystes, seront connectés entre 2013 et 2019 plus de 2 milliards de nouveaux téléphones intelligents, dans la région de l’APAC, comparativement à 150 millions pour la même période dans la région occidentale du globe (Dobbie, 2014). L’APAC est donc pleine d’opportunité pour les fabricants de téléphones intelligents. La spécificité des consommateurs de cette région du monde est qu’ils sont friands de phablets, soit des téléphones intelligents ayant des écrans de dimension diagonale entre 5 et 6,1 pouces. En Corée du Sud par exemple, 41 % des per4% sonnes sondées détenaient une phablet versus 7 % en moyenne dans le monde. Nous devrions donc voir dans les années à venir un agrandissement des tailles des écrans pour répondre aux préférences des consommateurs. Sur ce marché, la demande des consommateurs est encore forte et la technologie se banalise. La résultante en est que les joueurs sont de plus en plus nombreux sur le marché et que la concurrence s’intensifie. Nous allons maintenant présenter la dynamique du marché du point de vue des fabricants des téléphones intelligents en portant une attention particulière sur les compagnies canadiennes et les compagnies coréennes. La situation concurrentielle sur le marché des téléphones intelligents La compagnie BlackBerry entre sur le marché des téléphones intelligents en 2003, prenant ainsi de court Nokia, Sony, Samsung et les autres géants de la téléphonie mobile. Alors qu’en 2008, la compagnie ontarienne détient 15 % des ventes de téléphones intelligents dans le monde, Apple vient juste de commercialiser son premier iPhone. Les produits BlackBerry sont adoptés par la tranche de consommateur la plus lucrative, à savoir les gens d’affaires. Ces derniers, sont séduits par la productivité et la sécurité de ces téléphones (Gilette, 2013). 69% 7% 6% 14% Monde 54% 41% 1% 4% Corée du Sud 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% Petit écran (<3.5 pouces) Écran moyen (3.5 - 4.9 pouces) Petite tablette (7 - 8.4 pouces) Tablette moyenne ( > 8.5 pouces) 70% 80% 90% 100% Phablets (5 - 6.9 pouces) Les consommateurs sud-coréens ont des goût bien différents des consommateurs des autres pays. source : Flurry Analytics, 2015 25% 20% 15% 10% 5% 07 -Q 07 1 -Q 07 2 -Q 07 3 -Q 08 4 -Q 08 1 -Q 08 2 -Q 08 3 -Q 09 4 -Q 09 1 -Q 09 2 -Q 09 3 -Q 10 4 -Q 10 1 -Q 10 2 -Q 10 3 -Q 11 4 -Q 11 1 -Q 11 2 -Q 11 3 -Q 12 4 -Q 12 1 -Q 12 2 -Q 12 3 -Q 13 4 -Q 13 1 -Q 13 2 -Q 13 3 -Q 14 4 -Q 14 1 -Q 14 2 -Q 3 0% Malgré les efforts de Blackberry, les parts de marché deson système d’exploitation se sont effondrées depuis 2010. source : Statista, 2015 L’incapacité de BlackBerry à répondre aux préférences des consommateurs, notamment pour les grands écrans tactiles, fera en sorte que leurs parts de marché s’effriteront à partir de 2010 (Gilette, 2013). Aujourd’hui la compagnie ontarienne est dans une situation financière difficile. En janvier 2015, Samsung a offert 7,5 G$US pour le rachat de BlackBerry et de son portefeuille de brevets (L’agence EP, 2015). Bien qu’ils aient suivi des stratégies aux antipodes, les leaders incontestés du marché des téléphones intelligents sont, aujourd’hui, Samsung et Apple. À eux deux, ils se partagent 44,9 % des parts de marché. Nous allons passer en revue dans cette partie les facteurs qui ont poussé à cet équilibre. À la suite de la guerre de Corée, Samsung et LG se trouvent fortement supportés par le gouvernement coréen qui voit en eux la porte de sortie du pays de la crise économique et sociale dans lequel il se trouve (Murillo & Sung, 2013). Dans ce contexte politique très favorable, LG et Samsung commercialisent avec grand succès leurs tout premiers modèles de radio et de télévision. Grâce à la vision de son fondateur, Lee Byung-chul, Samsung Electronics entre dans le marché des semi-conducteurs dans les années 1980. À l’époque, c’était un investissement risqué. Aujourd’hui, l’expérience développée dans le semi-conducteur, est pour plusieurs analystes, la plus grande force de Samsung Electronics permettant à celle-ci de servir ses clients (qui sont aussi parfois ses concurrents), entre autre, en batteries, en mémoire vive et en écrans à diodes électroluminescentes. La stratégie mentionnée ci-dessus est aussi appelée stratégie d’intégration verticale en amont. Elle procure à Samsung Electronics quatre avantages majeurs. Le premier et le plus évident est qu’elle permet à la division « matériel informatique » de diminuer ses coûts d’achats de matière première en semiconducteur. Ensuite, cela permet à cette division d’accéder en avant-première aux innovations dans les composants de leurs téléphones intelligents (Grobart, 2013). De plus, puisque certain concurrents de sa division matériel informatique sont des clients de sa division semi-conducteur, cela permet à la compagnie d’avoir des informations névralgiques sur les prochains composants des téléphones de leurs concurrents. C’est entre autre le cas d’Apple (Samsung VIllage, 2012). Enfin, cette intégration permet d’accélérer la mise en marché des produits Sam- 97 ttt ttt 98 sung. Un exemple, illustre bien ce dernier point, à la sortie du Galaxy S III, les recherches en marketing ont montré que dans certains marchés, la grande taille de l’écran ne convenait pas à plusieurs consommateurs. Quatre mois plus tard, le Galaxy S III mini était sur les lignes de production afin de répondre aux préférences de ces consommateurs (Grobart, 2013). Une stratégie similaire d’intégration verticale a été adoptée par LG, l’autre grand chaebol coréen qui œuvre dans le marché du téléphone intelligent. Spécialisé dans les écrans, elle tire des profits différents que Samsung de son intégration. Apple a également opté pour une stratégie d’intégration verticale, mais dit en aval cette fois-ci. Cette stratégie est couplée à une stratégie de diversification horizontale afin de créer un écosystème de produits et de tirer parti des synergies et des revenus pouvant exister entre ces derniers. Le nombre élevé de compagnies qui sont présentes sur le marché des téléphones intelligents (plus de 10) nous laisse penser que celles-ci sont assujetties aux lois des marchés concurrentiels. La réalité est pourtant bien différente, puisqu’il s’agit Compagnie Nombre d’unités vendues du téléphone intelligent d’un marché à deux vitesses. Divisé entre le haut de gamme d’une part et le moyen de gamme de l’autre, les réalités d’affaire y sont extrêmement différentes. Apple des États-Unis, et Samsung de la Corée du Sud, dominent le segment haut de gamme en termes d’unités vendues, de profits d’opération et de marges d’opération. Ces marges d’opération élevées témoignent de l’existence de combinaisons d’actifs et d’une perception de qualité permettant à ces compagnies de justifier un prix de vente plus élevé. Sur le reste du marché, la dynamique est très différente puisque les compagnies présentes font face à une demande plus sensible au prix. Jusqu’à très récemment, LG était la seule à faire un profit d’opération positif. La pression des compagnies chinoises, comme Huawei, Lenovo et ZTE, est de plus en plus forte. Aujourd’hui, non seulement leurs compétences techniques dépassent le simple niveau de l’imitation, mais leurs parts de marché sont également en pleine croissances depuis 2010. Leur stratégie est généralement une stratégie de différenciation par les prix avec une stratégie technologique de différenciation minimale par rapport aux leaders (Business Korea, 2014). Parts de marché du téléphone intelligent Profit d’opération du téléphone mobile Marge de profit du téléphone mobile Samsung 309 30 % 18,7 18 Apple 153 14,9 % 36,7 28,4 LG 48 4,6 % 0,1 0,5 BlackBerry 18 1,8 % -1,7 -35,2 Autre 499 49 % 1027 100 % Total Malgré une part de marché moindre que celle de Samsung en 2013, Apple garde une marge de profit plus conséquente que ses concurrents. source : CCS Insight, 2014 Un oeil sur l’avenir : « l’Internet des objets » nombre devrait s’élever à 8,6 milliards de produits connectés à travers le L’industrie de l’électronique grand pumonde et rapporter 583 G$US, soit deux blic tend à offrir de plus en plus de profois plus que les revenus actuels du marduits qui s’échangent des informations ché des smartphones. D’après les anaet des données lystes, la Chine (FP Staff, 2015). comprend le plus 20 % des produits connectés La maison intelgrand bassin de se trouveront en Chine ligente de Samconsommateur sung propose pour ces prod’ici 2020. d’éteindre la téléduits. Ils estivision, les lumières, le climatiseur et de ment que 20 % des produits connectés démarrer l’aspirateur-robot dès que votre se trouveront dans ce pays d’ici 2020 téléphone sera détecté à une certaine (FP Staff, 2015). distance de la maison (Samsung d’light, 2015). L’opportunité pour les manufactuConnecter ces nouveaux produits au riers de produits électroniques mobiles réseau Internet existant n’est pas un réel est d’incorporer leur savoir-faire dans le défi pour les fabricants de matériels techdéveloppement de nouveaux systèmes nologiques, car la technologie nécessaire électroniques utilisant le réseau de compour le faire existe déjà. Cependant, cela munication Internet IP. l’est pour l’industrie de la télécommunication qui devra supporter cette nouvelle La demande mondiale des procharge d’information passant sur son duits intelligents est conduite par la deréseau. Ce sera également un défi pour mande de l’Asie-Pacifique. On compte les développeurs de logiciels qui devront aujourd’hui 3,1 milliards de produits trouver un moyen d’assurer l’intercomconnectés pour un marché de 250 G$US. munication des appareils électroniques à En 2020, d’après les prévisions, ce leurs pleins potentiels. La Mission en visite chez Alticast, fournisseur de solutions médias. © MC 99 ttt ttt 100 Logiciel mobile Le taux de pénétration des téléphones intelligents est actuellement est très élevé, soit 84 % en Corée (Lee, 2014) et 55 % au Canada (Catalyst, 2014). En plus du nombre croissant d’usagers, le temps quotidien d’utilisation est également en augmentation. En 2014, un Coréen passait en moyenne 3,6 heures par jour sur son téléphone intelligent (Sung-won, 2014b), tandis qu’un canadien passait 2,5 heures (Oliveira, 2014). Cette augmentation est en autre liée à l’augmentation de la performance des téléphones intelligents qui permettent d’exécuter une infinité d’applications. De plus, les innovations en télécommunications et le déploiement des réseaux assurent des connexions plus efficaces sur de vastes territoires. Cette accessibilité facilite la distribution de nouveaux logiciels nécessitant une connexion Internet, résultant en une explosion de l’offre et de la demande d’applications mobiles à l’échelle mondiale. La présente section s’intéresse d’abord aux systèmes d’exploitation des téléphones intelligents, suivi des plateformes de distribution d’applications mobiles, pour conclure avec le marché effervescent des applications mobiles ainsi que les éléments favorisant leur développement et leur monétisation. SE mobiles Le marché des systèmes d’exploitation (SE) mobiles et des fabricants de téléphones intelligents est intiment lié. La liaison est encore plus explicite pour les SE avec des codes sources fermées, car le SE et le téléphone vont de paire. Ainsi, si le téléphone connaît un grand succès, il en va de même pour le système qui y est intégré. Autrement, pour un système avec des sources ouvertes (open source), le lien avec les fabricants est plus souple, le système pouvant être installé dans des téléphones de différents fabricants. Les systèmes d’opération mobiles évoluent très rapidement par l’entremise Système d’exploitation Le Système d’exploitation, abrégé SE (en anglais Operating System, abrégé OS), est l’ensemble de programmes central d’un appareil informatique qui sert d’interface entre le matériel et les logiciels. Il permet de contrôler la mémoire, les processeurs, la connexion, etc. C’est ce système qui fait en sorte que l’appareil est utilisable. Deux catégories de SE sont disponibles sur le marché, soit des codes sources dit ouvert (open source) ou fermés (closed source). Les codes sources ouverts comme l’Android de Google sont disponibles pour le publique. Il est ainsi possible de le modifier et de l’implémenté librement dans un appareil contrairement au codes fermés. développer son application mobile. de mises à jour fréquentes. Ils deviennent ainsi plus performants et intuitifs, mais également plus lourds et exigeants. Ainsi, la durée de vie utile des téléphones intelligents est réduite à cause de cette évolution rapide des SE qui finissent par congestionner les appareils et encouragent l’utilisateur à acheter un nouveau téléphone. La plupart des SE sur le marché ont des codes sources fermés, notamment iOS d’Apple, Windows Phone de Microsoft et Blackberry OS de Research In Motion. Ces systèmes sont disponibles sur les appareils de fabricants sous licence uniquement. Cela permet de sélectionner et restreindre les fabricants pouvant utiliser le SE. Par exemple, iOS ne peut pas être installé sur un téléphone Samsung. Ces systèmes sont connus pour être plus stables et sécuritaires. Ils limitent néanmoins l’apport de développeurs externes en restreignant l’accès à leur interface de programmation (API). Interface de programmation (API) Un API facilite le développement d’un programme informatique. Il regroupe des outils, des méthodes et des fonctions pour aider le développer à construire son programme. Par exemple, une société de transport en commun peut utiliser l’API de Google Maps pour développer son application mobile. Du point de vue d’un développeur, commercialiser un SE ouvert permet de rejoindre une grande variété de fabricant. Ainsi, l’avenir du SE ne dépend pas de quelques fabricants sous licences. De plus, cela permet à l’entreprise de se concentrer uniquement sur le développement et l’amélioration du SE. Les systèmes ouverts offrent également la possibilité aux fabricants émergents de commercialiser leurs appareils sans avoir à développer leur propre SE. Ce concept s’avère très efficace pour Android. En effet, Android croît au même rythme que le taux de pénétration des téléphones intelligents. Celui-ci se situe en tête du marché mondial de SE avec 77 % des parts de marché, suivi d’iOS d’Apple avec 19,7 %. Les 3,7 % restants sont partagées entre Windows Phone, Blackberry OS et d’autres joueurs (0,5 %) (Statista, 2015d). L’ascension d’Android a également entraîné la chute du système Symbian de Nokia, un SE originalement développé pour des téléphones mobiles de base. Le 1 er janvier 2014, Nokia a officiellement cessé toute activité de Symbian. Par la fermeture de Symbian, Nokia désire se concentrer sur la fabrication. 100% 90% 80% 70% 60% Android 50% Symbian 40% Microsoft RIM iOS 30% 20% 10% 13 13 20 4 Q 13 20 3 Q 13 20 2 12 20 1 Q Q 12 20 4 Q 12 20 20 3 2 Q Q 11 12 20 1 Q 11 20 4 Q 11 20 3 11 20 2 Q Q 10 20 1 Q 10 20 4 Q 10 20 3 Q 10 20 2 Q 09 20 1 Q 09 20 Q 3 20 2 Q 1 20 09 0% Q Autrement, les systèmes comme Android de Google, avec des codes sources ouverts, peuvent être implémentés dans des appareils de différents fabricants, comme Samsung, LG, Motorola et plusieurs autres. Ainsi, chaque fabricant peut utiliser le SE, le modifier afin de l’adapter à ses besoins et l’implémenter dans ses appareils mobiles. Par exemple, l’interface du nouveau Galaxie S6 Edge de Samsung présente une barre de menu latérale. Samsung a ainsi modifié le code source d’Android afin de l’adapter à son nouveau téléphone. Donc, un même SE peut varier d’un téléphone à l’autre. Par exemple, Naver, l’équivalent coréen de Google, a rencontré plusieurs problèmes lors du développement de leur application mobile sur Android, justement à cause des différences entre les versions d’Android sur différents téléphones. Android domine le marché des systèmes d’exploitation mobiles. source : Statista, 2015d En Corée, Android domine le marché avec 85 %. Cette avance est directement liée aux parts de marché importantes de Samsung et LG qui opèrent avec Android. Malgré ses 14 % de marché, iOS s’impose de plus en plus en Corée, surtout depuis la mise en marché du iPhone 6 (Statista, 2014). Il est à noter que Samsung Electronics a fait son entrée sur le marché des SE mobiles au début de l’année 2015 avec le lancement de l’appareil Z1 utilisant le SE Tizen, développé par Samsung, en Inde et au Bangladesh. Cette entrée agressive dans ces marchés émergents montre l’intérêt de Samsung pour le développement de SE mobiles (Jin-young, 2015). 100% 90% 80% 70% Autres 60% Blackberry OS 50% Windows Phone iOS 40% Android 30% 20% 10% 0% Marché mondial Marché coréen Marché canadien Le marché canadien reste très nationaliste source : Statista, 2014; 2015ad 101 ttt Au Canada, le marché est essentiellement partagé entre iOS, Android et Blackberry OS. Blackberry OS demeurent bien présents au Canada, contrairement au reste du monde. Tout de même, leurs parts de marché s’effritent continuellement depuis 2009 (Statista, 2015ab). Distributeurs d’applications mobiles L’industrie des applications mobiles connait une véritable explosion depuis l’apparition d’interfaces en ligne de vente d’application. Depuis, tout propriétaire de téléphone intelligent peut aisément et rapidement télécharger une panoplie d’applications lui permettant d’adapter son appareil à ses besoins. Les plateformes de distribution connaissant le plus de succès 0,3% MNO stores 1,0% Windows Phone GetJar 2,0% 3,1% Blackberry World 4,1% Autres 7,1% Nokia 39,6% App Store 42,6% Google Play 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% En 2012, les plateformes Google Play et App Store dominaient le marché. Téléchargement cumulatifs (milliards) 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 Ju lSe 08 pAp 08 r0 Ju 9 l-0 Ja 9 nAp 10 rJu 10 nSe 10 pO 10 ct Ja 10 nJu 11 n1 Ju 1 lO 11 ct M -11 ar Ju 12 nSe 12 pJa 12 n M -13 ay O 13 ct Ju 13 nO 14 ct Ju 14 n15 0 Le nombre d’applications téléchargées sur l’App Store est en croissance exponentielle depuis juillet 2008. source : Statista, 2015 ttt 102 sont développées conjointement aux systèmes d’exploitation, soit Google Play sur Android et le App Store sur iOS. D’autres plateformes indépendantes comme Amazon App Store et GetJar, compatibles avec la plupart des SE, gagnent en popularité. Également, certaines plateformes de distribution indépendantes visent un marché spécifique pour survivre, que ce soit par le type d’application, en distribuant seulement des jeux par exemple, ou encore en ciblant une région, comme SK T-Store et Naver App qui se concentre sur les utilisateurs coréens. Les revenus de ces plateformes proviennent majoritairement des ponctions sur les ventes, couramment 30 % du prix de chaque application payante, le 70 % restant allant au développeur. Ce modèle s’avère très lucratif. En 2013, les revenus combinés du App Store et de Google Play s’élevait à 13,83 G$ (Marsal, 2015). Depuis leur mise en œuvre, le nombre de téléchargements et donc leur chiffre d’affaires connaissent une croissance inlassable. Depuis son inauguration en 2012, Google Play domine en matière de téléchargements, mais l’App Store demeure chef de file en termes de revenus. En effet, les utilisateurs d’Apple semblent plus enclins à débourser pour des applications mobiles (Wednesday et al., 2015). Les bibliothèques d’applications mobiles disponibles influencent la vente des téléphones intelligents. Les téléphones Android ou iOS permettent de télécharger une grande variété d’applications sur Google Play et le App Store. À l’opposé, BlackBerry OS, par exemple, possède une banque d’applications très limitée, ce qui limite également l’utilisation du téléphone. Logiciel freemium Logiciel gratuit (free) qui pousse vers un service haut de gamme (premium) pour en améliorer l’utilisation (ex : acheter plus d’espaces sur un Cloud), pour prolonger une période d’essai gratuite, pour acquérir de nouvelles fonctionnalités (ex : acheter des options de jeux supplémentaires) ou encore pour améliorer l’expérience d’utilisateur (ex : payer pour retirer les bannières publicitaires). développer son application mobile. 180 160 Téléchargements indexés Chiffre d'affaire indexé À l’heure actuelle, le marché des applications mobiles est tellement large et accessible qu’il s’approche d’un modèle de concurrence pure et parfaite (CPP). Le nombre d’applications offertes dépasse le million et le nombre de consommateurs potentiels est tout aussi important. De ce fait, aucune application n’a suffisamment de poids pour influencer le marché. La disponibilité des interfaces de programmation (API) des différents SE permet le développement d’application mobile par quiconque. Donc, les barrières à l’entrée 100 80 60 40 0 Téléchargements en 2013 Revenus en 2013 AppStore Téléchargements en 2014 Revenus en 2014 Google Play Les utilisateurs de produits Apple sont plus portés à mettre la main au porte-monnaie pour acheter des applications. source : App Annie, 2015 de ce marché sont quasi inexistantes. De plus, toutes les informations concernant le marché des applications sont faciles d’accès grâce aux plateformes de distribution. Ainsi, aucun développeur n’est réellement avantagé par rapport à un autre. Autrement, les ressources principales du développement d’application mobile sont humaines, et celles-ci sont libres de se déplacer vers de meilleures opportunités en fonction du marché, assurant ainsi la fluidité du marché. Toutefois, le seul facteur qui déséquilibre la concurrence est l’inhomogénéité des produits. En effet, la qualité et la pertinence des applications disponibles varient, ce qui influence le 100 300 90 250 Milliard de téléchargements Les applications comme support à un produit sont celles qui permettent de faciliter la vente d’un produit ou l’utilisation d’un service, par exemple l’application de Korail (Société coréenne de transport ferroviaire) permettant de visionner les horaires de train et d’acheter des billets. La présente section du rapport se concentre cependant uniquement sur les applications comme produit. L’analyse de cellesci est plus pertinente étant donné que le produit est l’application en tant que telle. Les applications comme produits incluent entre autres les applications de jeux, de messagerie et d’enseignement. 120 20 Développement d’applications mobiles Les téléchargements d’applications mobiles devraient atteindre près de 180 milliards de téléchargements en 2015, ce qui devrait générer plus de 58 G$ (Statista, 2015c). Les applications mobiles se divisent en deux catégories, soient les applications comme produit et celles comme support à un produit. 140 80 70 200 60 150 50 40 100 Revenus en G$ Un consommateur friand de technologie optera nécessairement pour un téléphone lui offrant un vaste choix d’applications. Ce fut d’ailleurs le slogan de l’iPhone en 2009 « There’s an App for that! » (Van Grove, 2010). Ainsi, plus de consommateurs optent pour les plateformes Google Play et App Store, vu le vaste choix. De ce fait, plus de développeurs tentent d’y commercialiser leurs applications, ce qui contribue à gonfler la bibliothèque de ces plateformes, qui attirent donc plus de consommateurs, et ainsi de suite. 30 20 50 10 0 2012 2013 Apps gratuites 2014 2015 Apps payantes 2016 2017 0 Revenus des Apps La croissance des téléchargements et des revenus est soutenue. source : Statista, 2015 103 ttt choix des consommateurs. Sur les millions d’applications offertes, certaines sont très rarement téléchargées par les utilisateurs vu leur inanité (Pierrot, 2015). Samsung Electronics expose dans sa salle de montre d’light au plein cœur du quartier Gangnam à Séoul ses nouveaux produits au public. © MC Les applications payantes peuvent s’avérer très lucratives lorsque celles-ci ont une valeur ajoutée importante, telle que du contenu exclusif. Autrement, la majorité des applications n’ont pas suffisamment de valeur ajoutée pour se permettre d’être payante et doivent adopter d’autres méthodes pour être monétisées. Ce sont les applications de type freemium, majoritairement des jeux, qui génèrent le plus de revenus. En effet, les microtransactions résultant de ces applications totalisent des sommes colossales. Ce type d’application constitue 98 % des revenus de Google Play en 2014 (Perez, 2014). Le marché des applications mobiles poursuit sa croissance et les revenus sont estimés à plus de 304 milliards de dollars en 2017 (Statista, 2015c). Autant en Corée qu’au Canada, il semble que le développement d’applications mobiles victorieuses réussisse davantage au sein de petites entreprises comme les start-ups. L’ambiance à la fois détendue et proactive de ces dernières semble stimuler la créativité et générer un climat favorable pour le développement d’applications (Atelier, 2014). Plusieurs infrastructures sont présentes à l’échelle mondiale pour soutenir le développement de start-ups, telles Real Ventures ou Angel Investors. Autrement, les grosses entreprises tentent souvent de simuler un environnement de start-ups pour stimuler la créativité de leurs employés. En Corée, où le marché des logiciels mobiles est dominé par les grosses entreprises, comme Naver et Daum-Kakao, ainsi que par les chaebols, tel Samsung et LG, certains programmes de formation et de recherche sont mis en place par ces grosses entreprises pour promouvoir l’innovation. Ces entreprises investissent également plusieurs millions de dollars annuellement pour le développement de start-ups (SeongJun, 2015). Cependant, malgré l’économie créative soutenue par le gouvernement actuel, peu de PME réussissent à percer dans le domaine des logiciels. La présence des chaebols est si forte que Le succès de KakaoTalk Le modèle freemium génère 98 % des revenus de Google Play. source : App Annie, 2014 ttt 104 KakaoTalk est l’application utilitaire la plus populaire en Corée avec plus de 160 millions d’utilisateurs. En 2013, cette application de messagerie gratuite freemium a généré 247 M$ par la vente d’autocollants virtuels et de microtransactions lié aux jeux mobiles KakaoGames (Wee, 2014). les jeunes développeurs talentueux ne voient pas l’intérêt de contribuer à une PME lorsqu’ils ont la possibilité de travailler pour les géants Samsung, LG ou Naver. Ainsi, les géants bénéficient d’un énorme bassin d’experts motivés pour développer leurs applications à l’interne (SeongJun, 2015; Youlim, 2015). Au Canada, surtout à Montréal, il est plus facile pour les start-ups de percer, puisqu’il n’y a pas d’entreprises dominantes accaparant le marché. En effet, le marché montréalais des TIC est composé à 90 % de PME. Cependant, cette absence de grosses entreprises entraîne un exode vers les marchés plus dynamiques. Tout de même, Montréal bénéficie de plusieurs avantages comparatifs par rapport à la côte est américaine, notamment par la présence d’une multitude de programmes de soutien au développement des start-ups ou des PME en TIC. Par exemple, l’organisme non lucratif TechnoMontréal offre un service de coaching et de suivi auprès de plusieurs PME et le programme intensif d’accélération de start-ups FounderFuel permet éventuellement d’obtenir du financement. Dans un autre ordre d’idée, l’utilisation actuelle du téléphone intelligent permet de recueillir une panoplie d’informations sur son utilisateur que ce soit sa position géographique, son profil Facebook, son calendrier personnel ou encore sa musique préféré. Ces informations, sous forme de données, Naver, le « Google coréen » est le chef de file des moteurs de recherche et des portails web. © MC permettent de personnaliser les applications et de les adapter à son utilisateur mais celles-ci peuvent également entraver la vie privée. Près de 75 % des applications mobiles veulent accéder aux informations personnelles de l’usager. La plupart des applications demande la permission de l’usager avant d’accéder aux informations. Néanmoins, bien que cela ne soit illégal, certaines le font l’insu de l’utilisateur. Dans tous les cas, ces données sont une source précieuse d’informations et présente un énorme potentiel dans toutes les industries. Les mégadonnées Les mégadonnées, mieux connue sous l’expression Big Data, sont aujourd’hui un véritable buzzword dans à peu près toutes les industries, mais peu souvent défini clairement. Selon l’International Data Corporation, le marché des mégadonnées et de leur analyse atteindra 150 G$ en 2015. Toujours selon l’IDC, 70 % des grandes entreprises achètent déjà des données de sources externes, et cette proportion atteindra 100 % en 2019 (Press, 2014). Il est donc important de comprendre, d’abord, ce qui est entendu par le terme mégadonnées, et pourquoi ces dernières sont aussi critiques pour autant d’industries. Volume, vélocité et variété Pour plusieurs, le terme mégadonnées peut sembler excessif, considérant que 105 ttt l’analyse de données est loin d’être un concept nouveau. Il faut cependant comprendre que le développement des technologies de l’information et de la communication a entraîné une véritable explosion de la génération de données. Selon Eric Schmidt, CEO de Google, on générait à tous les deux jours en 2010 autant de données que ce que l’humanité avait généré jusqu’en 2003 : et 5 ans plus tard, ce rythme continue d’augmenter. Le volume total d’information est donc en pleine expansion. les « 3 V », complexifient significativement le traitement, du moins avec des outils traditionnels de gestion de l’information. Il y a donc une nécessité de développer des outils de gestion de données pouvant s’adapter à une certaine incertitude et qui utilisent des méthodes probabilistes; le développement d’intelligence artificielle va de pair avec les mégadonnées. Un processus complexe L’utilisation des mégadonnées est un processus qui peut parfois s’avérer complexe. Il faut d’abord générer les données, que ce soit avec des capteurs, de l’enregistrement d’activités sur Internet ou des suivis de géolocalisation. Google, Facebook et Twitter figurent parmi les grands joueurs de la génération de données. Ces dernières doivent par la suite être gérées, soit une étape particulièrement difficile avec les mégadonnées, en raison justement de leur volume, leur vélocité et leur variété. Plusieurs grands joueurs, comme Alteryx, font de la gestion de données, mais de plus en plus de petites entreprises se penchent également sur Le centre de données GAK, une merveille technologique et architecturale. © Naver cette étape. Nexalogy, une Ces données sont générées à une start-up montréalaise, utilise des algofréquence grandissante, sont disponibles rithmes développés en astronomie à de plus en plus rapidement et sont utides fins de gestion et surtout d’analyse lisées en temps réel, d’où le concept de d’image de marque. Enfin, il faut analyser vélocité des données. Enfin, leur variété et présenter les données; des outils d’anaimplique certains enjeux, puisque les enlyse et de visualisation sont développés sembles de données, contrairement à ce encore une fois tant par des vétérans de qu’on peut retrouver dans des bases tral’industrie, comme Microsoft et IBM, que ditionnelles, sont souvent non structurées. par de nouveaux studios, comme Tableau Il peut en effet être difficile de catégoriser et Qlik. des vidéos, des messages textes ou des requêtes sur des moteurs de recherche. Parallèlement, et tout au long du processus, il y a une nécessité de stocker les Le terme mégadonnées est apparu données générées et même d’emprunter spécifiquement pour désigner des ende la puissance de traitement. À cet effet, sembles de données dont le volume, la véde plus en plus d’entreprises ajoutent des locité et la variété, communément appelés centres de données à leurs actifs. Ces ttt 106 centres leur permettent d’une part d’internaliser le stockage de données massives, et d’autre part d’offrir des services d’hébergement, tant aux consommateurs qu’aux entreprises. Bell, au Québec, investit beaucoup dans le développement de tels centres (Normandeau, 2015), la province y étant très bien adaptée. Ces derniers requièrent des quantités importantes d’électricité, abondante et abordable au Québec, et de climatisation, beaucoup plus facile lorsque la température moyenne est d’environ 7 °C, en plus des coûts immobiliers relativement bas. En Corée, en plus des entreprises de télécommunication, certaines entreprises de logiciels se munissent de centres de données. Naver Corporation, qui est responsable du moteur de recherche dominant en Corée, a récemment construit un énorme centre à la fine pointe de la technologie. L’efficacité énergétique et les mesures éco-responsables du centre de données GAK ont d’ailleurs mérité une certification LEED Platinum. Un mouvement consolidation en besoin de La compagnie Tableau a atteint 504 M$ de chiffre d’affaires en 2014, soit une augmentation de 78 % par rapport à 2013 (Tableau Software Inc., 2015). Qlik a vu son chiffre d’affaires augmenter de 18 % pour atteindre 680 M$ (Qlik, 2014). Cette explosion du marché des mégadonnées, depuis quelques années, a entraîné la création d’une multitude d’entreprises tout au long du processus de production. Pour les entreprises désireuses d’intégrer les mégadonnées à leurs stratégies d’affaires, il peut être intimidant d’avoir autant d’options à chaque étape du processus. Il est donc souhaitable, et très probable d’ailleurs, que l’on assiste à un mouvement de consolidation, tant vertical qu’horizontal, de l’industrie. Google, Oracle et Microsoft ont d’ailleurs déjà commencé à acquérir des compagnies du secteur, soit DeepMind, BlueKai et Revolution Analytics respectivement en 2014, contribuant Green Factory, le siège social de Naver,s’est également mérité la décoration environnementale LEED Platinium. © MC à l’établissement de véritables leaders capables de prendre en charge l’ensemble du processus énoncé plus haut pour leurs clients. Secteurs pertinents Même s’il s’agit d’un secteur très technologique, il s’avère que l’utilisation de mégadonnées est avantageuse pour les entreprises de la majorité des industries. Elle permet en effet d’optimiser les processus, de mieux cerner les besoins des clients ou encore de déterminer des prix en temps réel. Bien qu’elle s’insère dans la sphère technologique, son implémentation se doit donc d’être ancrée dans le développement des affaires, en logistique, en marketing et en stratégie. Il est évident que très bientôt, les mégadonnées seront utilisées dans presque toutes les industries. Les deux secteurs étudiés dans ce rapport, soit les technologies de l’information et de la communication et les transports, les utilisent déjà. Le schéma de la page suivante résume le portrait actuel de cette industrie, du moins pour les compagnies mentionnées, et des différents sous-secteurs. Le secteur des technologies, des médias et des télécommunications, sans surprise, mène le bal en matière d’intégration des mégadonnées. Non seulement 107 ttt ttt 108 Génération Stockage Gestion Analyse Présentation Le marché des mégadonnées est vaste et dur à schématiser. © MC elle leur permet d’importantes optimisations, mais les dirigeants d’entreprises de ces industries sont généralement plus à l’affut des développements technologiques et de l’importance de s’y adapter. On peut penser à Netflix ou YouTube qui offrent dynamiquement des suggestions de contenu à ses utilisateurs en fonction de leurs préférences, en intégrant des données sur les habitudes de consommation de leurs innombrables utilisateurs. Parallèlement, les entreprises de télécommunications peuvent personnaliser leurs offres aux clients afin de favoriser l’adoption. Les mégadonnées y sont donc surtout utilisées à des fins de marketing et de stratégie. Contrairement au secteur technologique, l’industrie du transport, tant de marchandises que d’énergie ou de personnes, bénéficie des mégadonnées davantage sur le plan organisationnel. L’optimisation des réseaux de distribution en temps réel, la gestion des « Smart Grids » et l’adaptation des réseaux de transports en commun sont tous rendus possibles par l’exploitation de quantités énormes de données générées à des vitesses fulgurantes, comme des données de géolocalisation en temps réel. L’intégration des mégadonnées dans le système de transport public de Séoul en est un excellent exemple. La société de transport, d’opération et d’information de Séoul utilise ces données recueillies, entre autres, afin de construire une simulation en temps réel de la circulation routière de la ville. Ils peuvent ainsi simuler les conséquences de divers travaux et optimiser les mesures à prendre en conséquence. Perspectives En somme, l’utilisation des mégadonnées présente un énorme potentiel, et ce, dans toutes les industries. Même si les changements organisationnels majeurs nécessaires au traitement des données en temps réel peuvent en inquiéter certains, la valeur ajoutée par des analyses assez simples à réaliser est déjà évidente pour la majorité des dirigeants d’entreprise. Surtout, la consolidation des compagnies du secteur promet de rendre ces technologies beaucoup plus accessibles. En Corée du Sud particulièrement, l’ouverture face aux mé- gadonnées est grandissante. En 2013, le Centre des Mégadonnées a été inauguré à Séoul, visant l’analyse des mégadonnées pour améliorer l’administration gouvernementale et des entreprises. Cette expansion implique cependant plusieurs considérations éthiques. En effet, les données utilisées sont souvent des informations personnelles, ce qui suscite beaucoup d’inquiétude au sein de la population; un laboratoire de la Seoul National University travaille justement sur une version d’Android qui permettrait de surveiller le partage indésirable de données personnelles. Des controverses s’apparentant à la dénonciation de la NSA pourraient d’ailleurs devenir de plus en plus fréquentes. Il sera intéressant de voir si l’accès aux données demeurera aussi ouvert à mesure que le potentiel commercial du mouvement se réalise. Synthèse L’industrie des télécommunications doit s’adapter à la montée des mégadonnées et de l’Internet des objets. Ces technologies requièrent des quantités grandissantes de données et donc des infrastructures de soutien, tant filaires que sans-fils, de plus en plus développées. Sur le plan filaire plus particulièrement, il est envisageable que ces besoins grandissants en données amènent la société à considérer l’accès à l’Internet comme une commodité, expliquant le développement de contenu chez beaucoup d’entreprises du secteur désireuse d’assurer leur pérennité face à ces changements. L’industrie des télécommunications sansfil conserve une position plus avantageuse, en raison notamment du virage mobile, mais devra tout de même s’assurer de diversifier son offre. Les mégadonnées et l’Internet des objets représentent donc des opportunités pour les entreprises du secteur, mais aussi une certaine menace. En ce qui concerne les téléphones mobiles eux-mêmes, il est évident que ces deux mouvements ne feront qu’accélérer la croissance du marché des téléphones intelligents, au détriment des téléphones mobiles traditionnels. Il sera cependant intéressant de voir si ces opportunités permettront à des fabricants moins concurrentiels de se hisser une place aux côtés de Apple et de Samsung qui dominent significativement le marché actuel. Parallèlement, les mégadonnées et l’Internet des objets, à priori, devraient bénéficier d’un système à code source ouvert. Est-ce qu’ils favoriseront la montée d’Android, ou est-ce qu’Apple saura exploiter ces technologies à son avantage? Dans tous les cas, il est indéniable qu’une panoplie d’applications continuera à voir le jour dans les années à venir, mettant à profit les mégadonnées, l’Internet des objets, ou même les deux. 109 ttt « Le monde change à une vitesse folle. Le fort ne battera plus le faible, dorénavant ce sera le rapide qui battra le lent » - Rupert Murdoch Seoul Station, la principale gare ferroviaire de la capitale. © MC Transport la clé d’une compétitivité industrielle 111 ttt Avec un sol très faible en ressources naturelles ainsi qu’une concentration de population très élevée, la Corée fait face à de nombreux défis de gestion du transport à l’interne et des échanges internationaux très importants de ressources diverses. Ce chapitre s’intéressera tout d’abord à la gestion du transport humain à l’intérieur de la Corée, avant de s’interroger sur les marchandises et biens divers. Finalement, la complexité de la gestion des ressources énergétiques sera abordée pour comprendre la dépendance très importante de la Corée au commerce international. Transport de personnes En raison du profil montagneux de la Corée, la majorité des habitants se retrouvent confinés dans un espace restreint entrainant une forte densité de population. Le transport de personnes à l’intérieur des villes devient donc un enjeu important. De plus, de grandes artères de rails et de réseaux routiers relient ces villes pour permettre le transport interville. Dans cette section, la gestion du transport de per- sonnes en Corée est exposée, analysée et comparée à celle du Québec et du Canada concernant son évolution, son fonctionnement ainsi que les technologies qui y sont impliquées. Aussi, puisque la région métropolitaine de Séoul représente près de la moitié de la population coréenne, une attention particulière y est portée. Toutefois, plusieurs autres villes sont mentionnées telle que Busan dont la densité d’habitants par kilomètre carré est de 4452 (World Data Atlas, 2015), comparable à Montréal dont la densité est de 4517 (WPR, 2015). Transport dans les villes Un transport public pour tous À Séoul, 69 % des déplacements se font en autobus ou en métro, ce qui représente près de 13 millions d’utilisateurs par jour. © MC ttt 112 Dans les années 1950 et 1960, la ville de Séoul dispose d’un nombre insuffisant d’infrastructures de transport : peu d’autobus disponibles, beaucoup de carrefours dépourvus de feux et un recours fréquent à la signalisation manuelle. Le tramway est alors le principal moyen de transport en commun. Entre 1960 et 2002, la population de Séoul quadruple entrainant une forte augmentation de l’utilisation des voitures personnelles. La densité du trafic urbain devient insoutenable selon le centre de service d’opération et d’information du transport Les écrans du TOPIS, centre de gestion du trafic routier et des transports en commun de l’agglomération de Séoul. © MC de Séoul (Seoul Transport OPeration and Information Service, abrégé TOPIS). Afin de pallier cette situation le gouvernement tente d’implanter un réseau de transport accessible à tous et répondant aux besoins des utilisateurs. Pour ce faire, le 1er juillet 2004, le Gouvernement Métropolitain de Séoul réorganise complètement ses services en améliorant et réorganisant les services d’autobus et de métro, en installant des lignes de service rapide par bus (SRB) en intégrant la tarification sur toute la grande région de Séoul (TOPIS, 2014). Ces investissements représentent, à l’époque, près de 80 % de la dette totale de la ville (John Pucher & Mook Han Kim, 2005). grandes villes telles que Busan, Gyeonggi, Daegu, Incheon et Daejeon. Depuis son instauration en 2004, la T-Money permet aux usagers de n’avoir qu’une seule carte pour payer leurs transports en commun y compris les taxis. À Séoul, 100 % des utilisateurs du métro, 98,7 % des utilisateurs des autobus et 53,5 % des utilisateurs de taxi effectuent le paiement avec la carte de transport global (TOPIS, 2014). Cette réforme a visiblement fonctionné puisque, maintenant, seulement le quart des déplacements à Séoul se font en voiture personnelle (TOPIS, 2014). Toutefois, le problème de congestion n’est pas totalement réglé. Un surnombre de voitures par rapport à la capacité des infrastructures routières est toujours observé. Ainsi, malgré les efforts du passé, le gouvernement fait encore face à une problématique mettant en conflit transport en commun et voitures. Le peuple coréen, étant reconnu pour être minutieux, exigeant et hâtif, a maintenant accès à un réseau de transport correspondant à leur exigences. En effet, depuis la réforme, celui-ci est devenu simple à utiliser, fiable et très efficace. En 2014, 69 % des déplacements à Séoul se font en autobus et en métro, avec une capacité maximale respectivement de 6 890 000 et de 5 790 000 d’utilisateurs par jour (TOPIS, 2014). Une carte universelle Toujours avec l’intention d’améliorer le service en le rendant plus simple, le concept de la carte de transport T-Money est instauré à Séoul et dans plusieurs autres De plus en plus d’établissements culturels et commerciaux acceptent le paiement avec la T-Money. © MC Cette technologie facilite la logistique entre les différentes compagnies et villes présentes à travers le réseau de transport, permettant également une division équitable des revenus aux différents secteurs/compagnies. Téléchargeable sur un téléphone mobile (application sans-fil pour que les gens n’aient plus besoin de carte matérielle), elle peut être utilisée à Singapour et pourra prochainement être utilisée au Japon, à Hong Kong, en Thaïlande et en Malaisie (TOPIS, 2014). À Montréal, certaines personnes utilisent l’équivalent de la T-money : la carte OPUS. Toutefois, plusieurs sont ceux qui 113 ttt n’achètent pas de passes mensuelles ou annuelles. Ils n’ont pas besoin de carte OPUS et utilisent donc des billets magnétisés jetables. La gestion du transport Afin d’offrir un service fiable et sécuritaire, le gouvernement coréen a mis sur pied le centre de service d’opération et d’information du transport de Séoul. La mission de cette organisation centrale est d’améliorer, d’instaurer et de gérer les systèmes de gestion du trafic pour la ville Séoul. Depuis 2004, le TOPIS collecte et analyse, à l’aide de hautes technologies, différentes informations afin d’assurer la sécurité et d’augmenter la fluidité du trafic routier de Séoul et de ses agglomérations. Depuis 2005, plusieurs caméras de surveillances (même sur les autobus) permettent de contrôler automatiquement les infractions routières. Par ailleurs, des systèmes de détection du trafic permettent à TOPIS de se renseigner sur les flux, les incidents et aussi la météo à plusieurs endroits de la ville. Par exemple, le GPS de certains véhicules est connecté aux antennes de TOPIS et des capteurs sur les routes détectant le passage des véhicules permettent de calculer la fluidité du trafic. Lors d’un incident, TOPIS est immédiatement averti grâce aux caméras de surveillances. Les conduc- teurs approchant de la zone de congestion routière sont avertis à l’aide des panneaux d’informations routiers et sont guidés vers les voies plus fluides. Certains feux de circulation s’adaptent si la voie est perturbée. Plusieurs autres villes de la Corée, par exemple Busan, s’inspirent du système de gestion du trafic de TOPIS (TOPIS, 2014). Tarification Grâce à la carte T-Money, la tarification se fait aisément par distance. Le tarif de base des autobus est relatif au type d’autobus et à l’âge de l’usager. Le tarif initial couvre les dix premiers kilomètres parcourus, puis chaque tranche de cinq kilomètres supplémentaire coûte 100 (0,11 $) et ce, peu importe l’âge de l’usager ou le type d’autobus. On constate que la tarification à Busan ne se fait pas aussi linéairement. En effet, ils n’ont que deux prix : un tarif de base et un supplément pour un déplacement de plus de 10 km. Contrairement à la Corée du Sud, les institutions de transport du Québec appliquent un tarif unitaire, soit le même prix de base peu importe la distance parcourue. Une tarification par distance a l’avantage de respecter le principe d’utilisateur-payeur car l’usager parcourant une plus courte distance utilise moins de ressources et devrait donc moins débourser que l’usager de longues distances. De plus, le calcul des distances permet la redistribution proportionnelle des coûts associés à chaque type de transport ou aux différentes compagnies impliquées. Le prix d’un déplacement en dollars selon la distance parcourue et le lieu de déplacement. sources : Humetro BTC, 2015; Visit Korea, 2015; OC Transpo, 2014; STM, 2015 ttt 114 Les autobus coréens : un service coloré Le réseau d’autobus est la clé de la couverture de l’immense réseau de transport public en Corée. Bien que ce sous-réseau soit en diminution depuis 1985 étant donné la place que prend le métro, il y a environ 9300 autobus à Séoul (0,36/1000 habitants) (TOPIS, 2014). Au Québec, c’est près de trois fois plus par habitants (1,02/1000 habitants) : 8400 autobus (dont 28 % à Montréal, 17 % à Québec et 16 % en Montérégie) sans compter les 10 800 autobus scolaires (Institut de la statistique Québec, 2013; SAAQ, 2012). De manière à simplifier l’utilisation, un système de couleurs permet de distinguer les autobus parcourant de courtes distances (en vert) des autobus ayant un circuit plus long sur des artères principales (en bleu). Les autobus rouges voyagent de Séoul jusque dans les banlieues tandis que les jaunes opèrent dans un circuit fermé à Séoul. Tous les autobus sont connectés à un GPS qui permet aux usagers de savoir l’heure d’arrivée du prochain via une application mobile (TOPIS, 2014). Une fois de plus, les utilisateurs sont informés, ce qui rend les déplacements plus accommodants. Mitsubishi, BT, Hitachi et Bombardier) ont également pénétré le marché coréen (BT Korea, 2015), notamment dans le cadre du projet de la ligne Everline, formé d’un partenariat public privé (PPP) entre la compagnie québecoise Bombardier Transport et la ville de Yongin pour à relier le district de Giheung et le parc d’amusement Everland via TRL. Selon le gouvernement coréen, le coût d’opération de cette ligne s’élève à 32,4 M$ par année et la ligne ne génère que 10,4 M$. Un déficit de 22 M$ est donc enregistré chaque année. Selon le rapport d’audit sur la ligne Everline fait par le bureau des audits et des inspections (Board of Audit and Inspection, abrégé BAI), la ville n’aurait pas révisé la faisabilité du projet et aurait tout de même accepté de signer le contrat (Nikola, 2013c). Les métros en Corée : transit léger et lourd En raison de la densité de population élévée dans plusieurs villes coréennes, le métro est une solution privilégiée pour les déplacements, notamment dans la capitale. Deux types de métro sont présents en Corée. Le premier et le plus utilisé est nommé le transit rapide lourd, ayant plus de 635 km déployés avec 5759 wagons. L’autre type, qui se différencie par sa taille, se nomme le transit rapide léger (TRL) et compte 108 km de rails dans 7 villes différentes. Le TRL, de par la taille des wagons, est comparable au métro de Montréal. La grande majorité des métros sont fabriqués par la compagnie coréenne Hyundai ROTEM. Trois autres manufacturiers locaux participent à la construction de métros : Woojin, Rowin et POSCO. Quelques fabricants étrangers (Alstom, Siemens, Les autobus de Séoul parcourent différents secteurs selon leur couleur. © MC Le réseau de métro et de train de banlieues de la zone métropolitaine de Séoul est immense : près de 1000 km de rails interconnectés, il couvre plus de cinq villes différentes. Avec l’inauguration de sa première ligne en 1974, le métro de Séoul a contribué a diminuer le trafic dense au nord de la rivière Han et sur les ponts franchissant le fleuve. Ce réseau compte 9 lignes, 292 stations et 316,8 km de rails (TOPIS, 2014). Il est géré par plus de dix entreprises différentes, privées et publiques, qui opèrent les lignes et qui travaillent avec le gouvernement coréen ou avec les municipalités. Les partenariats public-pri- 115 ttt ville Séoul Incheon opérateur(s) fournisseur lignes stations km début Métro de Séoul/Korail ROTEM ligne 1-4 261 390 1974, 1980, 1985 SMRT/Korail ROTEM ligne 5-8 157 162 1995, 2000, 1996 Ligne 9 du métro de Séoul ROTEM ligne 9 30 31 2009 IRTC ROTEM ligne 1 29 31 1999 Korail ROTEM AREX 13 58 2007 Aéroport d’Incheon Hyundai ROTEM ligne Maglev 6 6 2015 Yongin YRTC Bombardier Everline (TRL) 15 18 2013 Uijeongbu UCL Siemens ligne U (TRL) 15 11 2012 Busan BTC ROTEM ligne 1-3 93 99 1985,1999, 2005 BTC Woojin ligne 4 (TRL) 14 13 2011 DMSC ROTEM ligne 1-2 59 57 1997, 2005 Daegu DMSC Hitachi ligne 3 (TRL) 30 31 2015 Gimhae BGL Hyundai ROTEM ligne 1 (TRL) 21 24 2011 Daejeon DJET ROTEM ligne 1 22 23 2006 Gwangju GMRTC ROTEM ligne 1 20 21 2004 Les principaux opérateurs et constructeurs de métro en Corée. ttt 116 vés sont donc omniprésents dans la gestion de ce réseau. L’entièreté du réseau est connectée et il y a unification des tarifs sur la majorité des lignes. Bien que le métro de Montréal touche aussi d’autres municipalités (Laval et Longueuil), la gestion du réseau diffère de celle de Séoul. En effet, le réseau de métro montréalais n’est pas géré conjointement entre les municipalités, malgré l’existence de l’agence métropolitaine de transport, mais plutôt par les sociétés de transport séparément tel que la STM. De plus, les titres de transports ne sont pas compatibles entre les réseaux de Laval, Montréal et Longueuil. Un pari risqué mais payant Le gouvernement a misé gros sur la réforme du transport de 2004 et les résultats ne sont pas décevants. En effet, à Séoul, 88 % des citoyens déclarent être satisfaits du service de transport en commun, par rapport à 25 % il y a dix ans. Outre les éléments d’efficacité et de distribution de l’information mentionnés cihaut, de nombreuses technologies ont été intégrées au réseau afin de rendre les utilisateurs satisfaits. Tout d’abord, Internet est accessible dans tout le métro de Séoul. Les « points morts » sur le réseau sont inexistants. De plus, de nombreuses stations d’autobus sont équipées de Wi-Fi gratuit et de panneaux d’information. source : BT Korea, 2015 Aussi, on remarque un effort considérable afin de faciliter l’accès au transport en commun pour les personnes à mobilité réduite. Des ascenseurs et des rampes sont disponibles et un réseau texturé sur le sol permet aux non-voyants de s’orienter. Ce réseau est à la fois sur les trottoirs et continue jusqu’aux portes palières des métros. Durant les prochaines années, plusieurs expansions sont planifiées au métro de Séoul et à d’autres endroits en Corée. La Corée analyse présentement la possibilité d’ajouter 334 km de rails de TRL à son réseau. Il est aussi discuter de remplacer certains wagons ou d’en accroitre le nombre (2442 nouveaux wagons) (BT Korea, 2015). Aussi, les quelques autres villes ayant des métros planifient d’autre expansions. Quant à elle, la ville de Montréal est en prise de décision à savoir s’il y aura une expansion de la ligne bleue, ou même peut-être de la ligne orange (Desrosiers, 2015). Un chaebol sur la route Sachant l’influence d’un chaebol tel que Hyundai sur l’économie globale du pays, il n’est pas surprenant que le marché de l’automobile occupe toujours une place importante dans le secteur des transports du pays. L’industrie automobile coréenne est reconnue mondialement et ses exportations ne font qu’augmenter depuis la Le projet Everline à Yongin, rames de métro réalisées par le canadien Bombardier Transport. © MC mise en place des différents accords de libre-échange. Le chaebol Hyundai a produit plus de 4 730 000 voitures en 2014, 14 % étant des ventes domestiques. Il est intéressant de noter que durant les deux dernières années, les ventes à l’étranger de Hyundai augmentent en moyenne de 10 % annuellement tandis que les ventes domestiques diminuent en moyenne de 3 %. Cette diminution pourrait s’expliquer en partie par le fait que les Coréens prônent de plus en plus le transport en commun. Le vieillissement de la population pourrait aussi en être la cause selon le directeur de production de Hyundai (Hyundai Motors, 2015). À Séoul, le système de voitures SoCar en association avec Nanum (signifiant « partage » en coréen) compte plus de 300 000 usagers et 1000 voitures. Ce nombre devrait augmenter jusqu’à 5000 d’ici trois ans ans. Le compétiteur Green Car possède près de 200 000 membres dans plus de 33 villes (Park, 2014). La compagnie LG est aussi sur le marché offrant des systèmes de tarification concurrentiels aux voitures Nanum. Korail offre également ce service à ses clients en plaçant des voitures aux sorties de certaines stations de train (Nikola, 2013b). Évidemment, les applications web des téléphones intelligents permettent Bien que le gouvernement tente de réduire le nombre d’automobile sur la route, il est quelque peu délicat de mettre des bâtons dans les roues d’une compagnie connaissant un tel succès. Le vélo et l’auto-partage : une partie de la solution Afin de diminuer le flux de trafic, plusieurs villes du monde font la promotion du vélopartage et de l’auto-partage, concept généralement communautaire qui gagne en popularité en raison de l’importance grandissante accordée aux initiatives d’économie sociale. Les ventes de Hyundai Motors (en milliers de voitures) augmentent à l’étranger, mais reculent en Corée. source : Hyundai, 2014 117 ttt aux usagers de facilement et rapidement réserver leur voiture. Au Québec, les compagnies Communauto et Car2Go possèdent respectivement 1000 et 200 véhicules répartis dans la majorité des grandes villes. Le service de Communauto est d’ailleurs en collaboration avec la STM et BIXI pour offrir des forfaits de transport public intermodaux (Car2Go, 2015; Communauto, 2015). transport. On pourrait s’attendre à ce que le secteur du transport partagé continue de se développer dans les prochaines années puisque ce sont des modes de transport avec un réel potentiel autant pour les entreprises que pour les usagers (Nikola, 2013b). Transport entre les villes Alors que le réseau public est en constante amélioration, qu’advient-il du réseau permettant les déplacements d’une ville à l’autre? La Corée du Sud a développé trois types de réseaux couvrant son territoire et qui sont en constante évolution : les réseaux routier, ferroviaire et aérien. Transport routier Le transport partagé est de plus en plus utilisé en Corée, surtout à l’extérieur de Séoul. © MC ttt 118 Pour ce qui est du vélo-partage, la Corée semble accuser un retard considérable sur plusieurs villes, avec seulement 440 vélos à disposition dans la capitale. Prenons BIXI par exemple, la société montréalaise de vélos en libre-service, qui offre plus de 5000 vélos et 400 stations, permettant une belle complémentarité au transport en commun déjà établi. Il faut mentionner que la situation à Séoul est défavorable aux vélos à l’intérieur de la ville en raison du manque de pistes cyclables et cela ralentit grandement le dévelopement du service de vélo-partage (Nikola, 2013a). Par contre, les villes coréennes de Changwon et Goyang font bonne figure possèdant respectivement 4630 et 3000 vélos en libre-service. En somme, le vélo-partage et l’autopartage permettent d’atténuer le trafic, de pallier la problématique du manque de stationnement, diminuer les coûts reliés à la possession d’une voiture et répandre la culture du partage dans le secteur du Le réseau routier d’un pays représente une réalité géographique et historique. Le Canada, par exemple, a beaucoup de rues suivant un quadrillé. Ceci peut s’expliquer entre autres par l’histoire relativement jeune du Canada. La majorité de la population canadienne réside près de la frontière avec les États-Unis et le long du fleuve St-Laurent, ainsi la majorité des autoroutes traversant le Canada et le Québec se trouvent dans les environs du fleuve et près de la frontière à l’exception de quelques autoroutes montant vers le nord pour rejoindre certaines villes. La Corée du Sud est recouverte de montagnes et l’emplacement des grandes routes représente bien cette réalité, bien qu’il y ait des routes couvrant tout le territoire. Il y a cependant une concentration de grandes routes dans le nord-ouest, près de Séoul. Les montagnes dans l’est du pays ont une grande influence sur la position des routes traversant le pays du nord au sud. Les projets du Ministère du Territoire, de l’Infrastructure et des Transports (Ministry of Land, Infrastructure and Transport, MOLIT), sont présentement axés sur l’entretien des infrastructures existantes. Pour diminuer le fardeau monétaire, des projets en PPP sont envisagés, permettant ainsi de réduire l’investissement public mais aussi de faire plus d’entretien et d’avoir des routes en meilleur état (MOLIT, 2015). Transport par rails Outre l’automobile, le train est un moyen de transport très populaire pour se déplacer entre deux villes. Le marché du transport de personnes par rails est un monopole contrôlé par Korail, une société d’État coréenne. Cette situation est similaire au Canada avec Via Rail, ayant le monopole du transport d’usagers par trains. De plus, dans les deux situations, les chemins de fer sont partagés entre les trains de personnes et les trains de marchandises. Cependant, la Corée est particulière car tous les rails appartiennent au gouvernement et la priorité est accordée aux trains de passagers. Le gouvernement investit beaucoup dans le transport par rails afin de réduire la congestion des autoroutes. Ils ont une part intégrale dans les décisions concernant le transport ferroviaire (Korail, 2015). Routes et reliefs en Corée du Sud. © MT Routes et reliefs au Canada. © MT 119 ttt Une technologie nouvelle L’arrivée du train à haute vitesse Korea Train Express (KTX) en 2010 a révolutionné le marché du transport de personnes en Corée du Sud. Son impact est surtout visible sur la route entre Séoul et Busan, les deux plus grandes villes du pays. Les proportions des transports empruntés auparavant par trains réguliers et par avions avoisinaient les 38 % et 39 % respectivement; depuis son installation, plus de la moitié (58 %) des transports sur longue distance se font par KTX. Le KTX-Sancheon est une fierté pour le gouvernement coréen, étant la première technologie de train à haute vitesse développée en Corée du Sud. Le train roule à 300 km/h et peut voyager de Séoul à Busan en un peu plus de deux heures et demie comparativement aux cinq heures requises par les trains conventionnels. 100% 90% 80% Voiture 70% Bus Express 60% Train régulier KTX Air 50% 40% 30% 20% 10% 0% 2003 2011 Le choix de modes de transports entre Séoul et Busan ont changé dans les dernières années. source : KORAIL, 2015 ttt 120 Des projets sont en cours pour mettre en service dans un futur rapproché un autre train à une plus grande vitesse, vitesse dépassant celle du KTX : le train High-Speed Electrical Multiple Unit (HEMU), conçu pour rouler à 430 km/h. Au moment de mettre sous presse, les tests opérateurs ont été effectués mais aucune date d’inauguration n’a été dévoilée (Korail, 2015). D’autres projets sont prévus d’ici les prochaines années pour faciliter le transport en train, notamment l’ouverture d’une nouvelle station de train à Gangnam, quartier de Séoul, pour 2016. Cette station deviendrait la deuxième dans la capitale. Un élargissement du réseau est également planifié, notamment la création d’une nouvelle ligne de train pour les Jeux olympiques de 2018 de Pyeongchang et l’augmentation du réseau ferroviaire de trains rapides jusqu’à 2361 km en 2020. Un train au service des passagers Tout comme le service d’autobus et métro, de nombreux efforts sont faits afin de rendre le réseau ferroviaire efficace et agréable pour l’utilisateur. Pour faciliter le service à la clientèle, Korail a développé une application mobile permettant d’obtenir toute l’information nécessaire et d’acheter des billets de train électroniques. Via Rail n’a pas d’application mobile permettant l’achat de billets, mais une version mobile du moteur de réservation permet essentiellement le même service d’achat de billets. Il est aussi facile d’acheter son billet de train directement à la gare grâce aux nombreuses bornes de billetterie libre-service en plus du comptoir de service à la clientèle. En Corée, pour optimiser les trajets et la rentabilité des trains il est possible d’avoir un billet de train pour des places debout. Alors que les places assises sont limitées par le nombre de sièges, les places debout coûtent moins cher et ne sont pas limitées. Toutes ces initiatives incitent les personnes à emprunter le train, augmentant ainsi la rentabilité et l’efficacité des rails. Transport aérien L’augmentation du tourisme suite aux Jeux olympiques de 1988 a incité le gouvernement à investir dans la construction d’un nouvel aéroport. En 2001, L’aéroport d’Incheon devient donc l’aéroport international coréen remplaçant celui de Gimpo, devenu trop petit pour le flux de visiteurs (Aéroport d’Incheon, 2015). Voulant se classer parmi les meilleurs aéroports du monde, Incheon offre un service très personnalisé aux clients. Selon les ASQ Awards, il est le meilleur aéroport en termes de qualité de service depuis dix dernières années (Aéroport d’Incheon, 2015). Des projets d’expansion de l’aéroport sont prévus avec la construction d’un deuxième terminal de passagers, permettant ainsi d’augmenter le nombre de passagers atterrissant annuellement à La majorité des transports en commun en Corée offrent l’accès Wi-Fi aux usagers © MC Incheon de près de 45 millions à plus de 60 millions (Aéroport d’Incheon, 2015). La quantité de vols domestiques à destination et en provenance d’Incheon est négligeable. Près d’Incheon et de Séoul se trouve l’aéroport de Gimpo, un hub pour les vols domestiques. Tous les aéroports de la Corée du Sud appartiennent au gouvernement coréen mais Incheon est géré par une corporation différente des autres aéroports domestiques. Ceci permet à l’aéroport d’Incheon de faire avancer ses projets plus facilement, toute l’énergie de la corporation étant focalisée sur un seul aéroport. Bien qu’il existe plusieurs aéroports domestiques en Corée du Sud, depuis l’arrivée du KTX, la popularité des vols domestiques a grandement diminuée (Korail, 2015). La Corée a bien développé son réseau de transport d’usagers et continue d’essayer de réduire la saturation des réseaux routiers, notamment dans la capitale. Cependant, la compagnie Hyundai étant un des plus grand employeurs du pays et continuant de prendre de l’expansion et du prestige à l’international, l’automobile aura toujours sa place dans l’économie du pays et sur les routes. Transport de marchandises Tout comme pour le transport de personnes, les routes et les voies ferrées du transport de marchandises s’adaptent au rythme de l’essor économique de la Corée. Sa situation géographique limite cependant sa connexion à d’autres pays. Par conséquent, l’industrie de la logistique reliée au transport de marchandises est divisée en deux. Le transport outre-mer est assuré surtout par voie maritime et, en ce qui concerne le transport domestique, le trafic de fret est concentré majoritairement sur les routes. Pour ce qui est de l’entrée des biens dans le pays, les aéroports et les ports d’Incheon, de Gimpo et de Busan en sont principalement responsables. Par la suite, les marchandises sont transférées dans les grands centres de distribution. L’augmentation du trafic de fret a contraint le gouvernement coréen à trouver des pistes de solution pour réduire la congestion et assurer la performance des activités industrielles et commerciales (OCDE, 2004) telle que mises en place pour le transport de personnes. L’intégration des technologies de l’information (TI) et le faible coût de la main-d’œuvre comptent parmi les facteurs déterminants. 121 ttt Transfert local des biens Pour transférer d’un endroit à l’autre les marchandises à l’intérieur de la Corée, les réseaux de transport routier et ferroviaire sont principalement utilisés. Le développement de ces réseaux a permis une totale connexion entre les pôles économiques (Mappemonde, 2014) et crée le lien vital entre les fournisseurs et les clients. minimise, d’une manière significative, la distance, les coûts de logistiques et le temps de transport. La Corée conçoit et investit dans des infrastructures telles que les ports maritimes, les terminaux multimodaux et les complexes de logistique pour assurer une chaîne d’approvisionnement optimale. Bref, des efforts ont été fournis pour améliorer la gestion de la chaîne d’approvisionnement du transport de fret et donc, une meilleure intégration du transport des marchandises (OCDE, 2003). Manutention par rails Le réseau ferroviaire coréen, couvrant près de 3590 km et étant très efficace pour le transport de personnes, assure seulement 4,5 % du trafic de marchandises (Kim, 2015). En 2004, deux entités distinctes appartenant au gouvernement gèrent les chemins de fer en Corée : l’Autorité coréenne du réseau ferroviaire (Korea Rail Network Authority) qui se charge de l’infrastructure du réseau et le chemin de fer de la Corée (Korea Railroad, abrégé Korail) qui s’occupe des opérations. Bien que les trains de Korail transportent une grande quantité de marchandises, l’opérateur national priorise davantage le développement du réseau ferroviaire pour le transport de personnes en raison de sa meilleure rentabilité. En Corée du Sud, le transport de passagers et le transport de fret sont gérés par une même compagnie nationale des chemins de fer, KORAIL. © MC ttt 122 Réseau de distribution Le réseau routier a été construit pour relier la zone métropolitaine de Séoul à d’autres grandes villes et, aujourd’hui, il s’étend sur 100 000 km environ. Ces routes assurent près de 82 % du trafic de marchandises (Kim, 2015). Les mesures adoptées, au fil des années, expliquent l’efficacité de la logistique du transport de marchandises en ville nonobstant la complexité des flux de fret urbain dans un pays aussi dense que la Corée. Le réseau en étoile du transport de marchandises est adopté à l’échelle nationale pour assurer la distribution efficace de cargaison dans les principales villes. En effet, la configuration en étoile Au Canada, le réseau ferroviaire s’étend sur près de 46 000 km et génère des revenus de 10 G$ sur une base annuelle (Transport Canada, 2012). Les 95 % de ce revenu sont attribuables au transport de plus de 300 millions de tonnes de cargaison en moyenne par année (Transport Canada, 2012), sans compter qu’il y a plus d’un exploitant des voies ferrées dont les dominants, à ce jour, sont le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique (CP). En 2011, le CN et le CP investissent près d’un milliard de dollars chacun dans les infrastructures liées aux voies, dans les Réseau de distribution en étoile (Réseau hub-and-spoke) Système dans lequel le hub constitue une tête de réseau à partir de laquelle partent des lignes secondaires, régionales et domestiques. centres de distribution, dans la croissance du volume de marchandises transporté et dans la mise à niveau des systèmes de TI (Transport Canada, 2012). Sans aucun doute, les compagnies de chemin de fer canadiennes investissent en immobilisations pour améliorer l’efficacité, la fiabilité et la mobilité du réseau ferroviaire en faveur du transport de marchandises. Transport maritime Contrairement au Canada, la manutention de marchandises par train en Corée est limitée. Toutefois, dans le transport maritime, la Corée du Sud s’est développée au fil des années de manière exponentielle. S’inspirant de leurs compétiteurs japonais, les Coréens ont véritablement fleuri dans le secteur de la construction navale. Ils ont en effet su s’adapter à leur situation péninsulaire en utilisant leurs connaissances en transport maritime pour se spécialiser dans ce secteur. ment. C’est un tout autre sort qui attend l’industrie québécoise et canadienne. Après la Deuxième Guerre mondiale, le secteur a connu, à son tour, une baisse importante de commandes qui a obligé les chantiers à se rabattre sur les navires commerciaux. Malgré les subventions à la production, les chantiers ne sont plus compétitifs au plan international (CSN, 2014). La domination des pays aux faibles salaires comme la Corée du Sud favorise la baisse des prix internationaux des navires. La construction navale Un peu d’histoire Au début des années 1970, alors que le Japon et l’Europe représentent 90 % de l’industrie (CSN, 2014), la Corée du Sud n’a aucune expérience lors de son entrée en construction navale. En s’appuyant sur une main-d’œuvre à moindres coûts et sur des subventions importantes à la production, la construction navale est devenue un symbole du miracle économique sudcoréen (Le Figaro, 2010). L’intervention des pouvoirs publics a été déterminante puisqu’en 2005 le pays devient le premier constructeur mondial. La Corée a en sa possession sept des dix plus gros chantiers de la planète et mise particulièrement sur le haut de gamme. Les plus grands chantiers navals de la planète s’étendent sur quatre kilomètres dans la baie de Mipo à Ulsan. Malheureusement, suite à la crise économique mondiale et à l’excès de capacité de production occasionné par le boom, le secteur connait un ralentisse- L’immensité et la complexité de cette industrie de pointe au chantier naval de Daewoo Shipbuilding. © MC Du point de vue technologique, déjà dans les années 1980, les chantiers canadiens sont considérés comme étant dépassés. Malgré cela, les chantiers québécois font actuellement preuve d’un niveau d’activité en croissance. Non seulement le plus grand chantier naval du Québec et du Canada, le chantier Davie de Lévis, est-il en pleine relance depuis deux ans, mais plusieurs chantiers de moindre envergure sont bien actifs dans des créneaux bien précis (CSN, 2014). Pour le Québec, étant la porte d’accès à l’intérieur du continent nord-américain, il est nécessaire qu’au moins un grand chantier maritime demeure afin que la province profite de son accès facile à l’océan Atlantique et des opportunités d’affaires générées par le trafic maritime vers et en provenance des Grands Lacs. 123 ttt Les défis importants Étant le deuxième secteur derrière la pétrochimie, en termes d’apport de devises étrangères en Corée, les difficultés de la construction navale ont un impact sur l’économie nationale. Ses difficultés s’ajoutent à celles de l’industrie en général, qui souffre du ralentissement économique mondial (Le Monde, 2014). De 2007 à 2014 à l’échelle mondiale, le nombre de chantiers navals a été réduit de 629 à 429 et les prix des navires ont chutés récemment. Il y a aussi la faiblesse du yen qui rend les bateaux japonais plus intéressants en termes de prix que ceux des Coréens, ce qui génère une fonte des commandes du côté de la Corée. Les commandes ont reculé de 17 % entre janvier et juin 2014 en Corée (Le Monde, 2014). chinois décrochent plus de commandes de navires que les chantiers coréens en s’accaparant 44,4 % des commandes mondiales (Le Figaro, 2010). Les faibles coûts des constructeurs chinois sont la cause de la fonte des commandes en Corée du Sud et au Japon. Les géants coréens comme les Industries Lourdes de Hyundai (Hyundai Heavy Industries, abrégé HHI), la Construction Navale et l’Ingénierie Marine de Daewoo (Daewoo Shipbuilding and Marine Engineering, abrégé DSME), ou les Industries Lourdes de Samsung (Samsung Heavy Industries, abrégé SHI) ont tout de même une longueur d’avance dans les secteurs à forte valeur ajoutée, soit les méthaniers, les conteneurs et les plateformes de forage en haute mer dont la demande augmente à mesure que le pétrole se raréfie (Le Figaro, 2010). La Corée conserve tout de même sa deuxième place mondiale jusqu’à maintenant. L’industrie de la construction navale coréenne a des caractéristiques enviables avec les 90 % en équipement que l’on retrouve localement (KOSHIPA, 2014). Les chantiers chinois doivent importer de la Corée de nombreux composants onéreux comme les moteurs, les génératrices d’électricité, les systèmes d’automatisation et du matériel de navigation (OCDE, 2009). Le secret réside dans l’innovation L’impressionnant chantier naval de Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering, le deuxième plus gros constructeur mondial. © MC ttt 124 La Chine, la Corée et le Japon sont devenus les principaux constructeurs de navires marchands et fournissent aujourd’hui 80 % de la flotte mondiale. Depuis une dizaine d’années, la Chine s’impose comme un joueur très important. Sa progression est fulgurante comme dans bien d’autres secteurs. En 2009, les chantiers La Corée mise beaucoup sur sa capacité d’innovation pour conserver son avantage concurrentiel. Son expérience, son haut niveau de qualification de la maind’œuvre et ses équipements maritimes de qualité sont des facteurs de succès stimulant l’industrie coréenne. Avec un environnement propice à la concurrence et à la coopération, les constructeurs coréens préparent l’avenir du secteur en développant en commun de nouvelles technologies novatrices (KOSHIPA, 2014). Pour répondre à la demande actuelle de navires de plus en plus gros, plus économes en carburant et respectant les nouvelles règles de protection de l’environnement, les chantiers navals coréens accélèrent leurs efforts pour attirer les commandes. D’ailleurs, la plus grande entreprise canadienne de transport maritime international de vrac, Fednav, s’oriente vers l’expertise de la Corée pour la construction de briseglaces de taille supérieure. La preuve en est que la Corée a su se distinguer par ses prix compétitifs et par sa spécialité en ce qui concerne la conception de navires de plus grande taille. Le rôle des ports La spécialisation coréenne en construction navale est indéniable. En effet, avec pour seul accès terrestre la Corée du Nord, la Corée du Sud n’a d’autres choix pour transiter ses importations et exportations que d’utiliser le transport maritime. Ses ports se sont ainsi développés au fil des années, particulièrement celui de Busan, pour placer le pays aujourd’hui parmi les plus grands joueurs asiatiques. blic-privé (PPP). Plus spécifiquement, la règlementation des ports coréens et leurs institutions sont contrôlées par le gouvernement. Les lieux physiques, dépendamment des ports, sont propriétés à la fois du public et du privé et les opérations portuaires sont gérées majoritairement par des entreprises privées. Au-delà de ces conventions, il y a le Ministère des terres, du transport et des affaires maritimes (Ministry of Land, Transport and Maritime Affairs, abrégé MLTM) qui est détenteur des ports commerciaux tandis que le Ministère de l’agriculture et de la pêche (Ministry of Agriculture and Fisheries, abrégé MAAIF) possède les ports de pêche. Histoire de l’administration portuaire L’autorité coréenne des terminaux à conteneurs (Korea Container Terminal Authority, abrégé KCTA), établie en 1990, a été la première à obtenir le contrôle d’une douzaine de terminaux dans cinq ports coréens. Sa création a pour objectif de stimuler l’économie nationale à travers un développement et une administration efficace des opérations de conteneurs. Cependant, depuis 2004 lors de la mise en place de la Loi des autorités portuaires de Busan, le KCTA a transféré l’ensemble de ses terminaux à conteneurs à l’autorité portuaire de Busan (Busan Port Authority, abrégé BPA). Le port d’Incheon a également effectué cette réorientation en 2005 lors de l’instauration de l’autorité portuaire d’Incheon (Incheon Port Authority, abrégé IPA) (Reveley et Tull, 2008). Ainsi, grâce à ce changement de direction, le secteur privé a pu obtenir une place plus prépondérante à l’intérieur des multiples ports de la Corée. Les opérations logistiques et le développement des aménagements portuaires du pays sont donc, de nos jours, le fruit d’un partenariat pu- La quantité de marchandises transigeant par le port de Montréal est bien moins qu’à Busan. © MC Pour le Port de Montréal, celui-ci est régi en partie par le domaine public, mais également de manière à attirer davantage d’investissements de compagnies étrangères. En effet, le gouvernement canadien est propriétaire du port et lègue les opérations portuaires à l’Administration portuaire de Montréal (APM), une agence fédérale (Port de Montréal, 2014). L’APM loue ensuite ses infrastructures à des 125 ttt Busan Vancouver 2013 Gwangyang 2011 2009 Incheon Montréal 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 Quantité de marchandises manutentionnées (en milliers d’EVP) dans les plus grands ports du Canada et de la Corée. sources : Busan Port Authority, 2015; Port de Montréal, 2015, World Port Source, 2015 ttt 126 entreprises privées qui transbordent les marchandises, comme Morgan Stanley, détenteur de deux des trois terminaux à conteneurs du Port de Montréal (Vallières, 2015). Les ports coréens En ordre d’importance, les plus grands ports de Corée sont ceux de Busan, Gwangyang et Incheon. Chacun des ports de ces villes est situé dans une zone franche économique permettant un développement important ainsi qu’un avantage attirant pour les compagnies non coréennes. Le gouvernement insiste donc sur ce levier économique pour ériger ses métropoles en tant que centre d’affaires notables au sein de la communauté internationale. L’équivalent de ces zones franches n’est pas observable dans les ports au Québec Zone franche économique Zone dérèglementée où il est possible d’échanger, d’entreposer ou de manutentionner des biens via des frais spécifiques moins élévés que dans le reste du pays. Une telle zone a pour but d’encourager le développement économique de la région (Larousse, 2015). ni même au Canada, mais le graphique cihaut permet une comparaison des principaux ports canadiens et coréens. Le port de Busan Le port de Busan, situé en un lieu stratégique au sud du pays, contient la majeure partie de l’activité portuaire de la Corée. Il accueille en effet 80 % des cargos conteneurs du pays, 40 % des cargos outremer et 40 % de la production nationale de la pêche (World Port Source, 2015). Les principales activités du port sont les cargaisons : de textiles, d’électroniques, de machineries, de produits chimiques et d’acier et ses dérivés (Busan Port Authority, 2012). Pour 2014, le port a enregistré 18,7 millions EVP de marchandises transitées, une augmentation notoire par rapport aux 17,68 millions EVP en 2013. Pour 2015, les prévisions du BPA sont de manutentionner jusqu’à 20 millions EVP de marchandises (JOC, 2015). Pour les nouÉquivalent Vingt Pieds (EVP) Unité représentant un conteneur équivalent de vingt pieds, utilisée pour représenter le nombre de conteneurs dans les ports. Les conteneurs habituels mesurent 20 ou 40 pieds. Grains maritimes Minerais de fer Grains par rails et camions entrées sorties Autres Sel Sucre brut 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 Entrées et sorties (en milliers de tonnes métriques) des principales marchandises de vrac solides du Port de Montréal en 2014. source : Port de Montréal, 2014 velles sections du port de Busan, qui est en pleine expansion dû à l’augmentation de son trafic, les différentes phases sont gérées par des sociétés privées telles que Hanjin Shipping Co. et Hyundai Merchant Marine Co (Busan Metropolitan City, 2014). sur une croissance annuelle continue pour 2015. Étant donné sa proximité profitable avec la Chine, le port d’Incheon a pour objectif d’accumuler le transit de 2,6 millions EVP de marchandises cette année (Shin, 2015). Port d’Incheon Le port de Montréal projette également une augmentation du trafic et a décidé d’augmenter en conséquence l’espace de stockage disponible pour les conteneurs. La visite de Poly-Monde au Port de Montréal a permis de déterminer que, grâce au financement de Transport Canada s’élevant à 14,8 M$, la zone utilisable s’agrandira de 13 % aux terminaux Viau et Maisonneuve, passant d’une capacité de 1,5 millions EVP à 1,7. La figure ci-haut illustre les principales marchandises transitées au Port de Montréal en 2014. Notons ainsi la nuance entre l’absence de manutention de textiles pour Montréal contrairement au port de Busan pour qui les textiles représentent le principal contenu de cargaison. La quantité de grains manutentionnés, par voies ferroviaire, routière et maritime est également très importante au port de Montréal alors qu’en Corée, il s’agit d’un aspect négligeable. Bien que le port d’Incheon soit moins occupé que celui de Busan, son emplacement près de la capitale, Séoul, l’avantage certainement. Effectivement, le port est aux portes de la région de Gyeongin, où s’observe une des plus importantes croissances économiques du pays. Concernant la logistique du port, un ensemble de 15 compagnies gèrent l’exploitation de ses installations, notamment Daewoo Logistics et CJ Korea Express. Hanjin Shipping gère également avec CJ Korex le terminal de conteneurs du Port d’Incheon où circulent principalement des grains, des voitures et des marchandises générales. La partie nord du port se spécialise en manutention de fer avec la présence de la compagnie Hyundai Steel (World Port Source, 2015). Ayant enregistré 2,16 millions EVP en trafic lors de 2013, puis 2,33 milions EVP en 2014, l’IPA (Incheon Port Authority) mise 127 ttt ttt 128 Défis Les mégas navires En plus de l’augmentation indéniable du trafic maritime, le principal défi auquel les ports coréens devront faire face est celui de l’introduction dans le marché des méga navires pouvant contenir 18 000 EVP, déjà utilisé par Maersk, la plus grande compagnie au monde de transport de conteneurs. Le but des grandes compagnies de transport maritime est de profiter des économies d’échelles grâce à une augmentation faramineuse du volume de marchandises transportées par chaque bateau. Effectivement, on a des économies d’échelles quand l’accroissement de la quantité transitée fait en sorte que les coûts unitaires sont moindres. Ainsi, alors que la quantité de conteneurs augmente, les coûts liés au transport par navire diminuent. Malheureusement, il y a présence de déséconomies d’échelles pour les autorités portuaires puisque les ports doivent débourser davantage pour construire de nouvelles installations permettant d’accueillir la cargaison de ces navires. Pour l’ensemble des ports, les dépenses à fournir n’engendrent donc pas de profits dans l’immédiat et causent des pertes, provoquant alors ce qu’on appelle des déséconomies d’échelles. À ce jour, le port de Busan n’a pas assez de grues suffisamment rapides pour assurer un transit efficace de ce type de bateau, tout comme le reste des ports coréens. Toutefois, la Chine transforme rapidement ses installations pour s’adapter à cette nouvelle réalité, rendant la compétition d’autant plus tangible. Montréal, pour sa part, n’a tout simplement pas le caractère géophysique adéquat dans le fleuve Saint-Laurent pour accueillir les navires de 18 000 EVP. Particularités du Port de Montréal L’accès au Port de Montréal est en fait initialement très complexe étant donné les particularités du fleuve et nécessite, pour tout navire, la présence d’un pilote spécialisé pour naviguer entre Les Escoumins et Montréal. Les institutions du fleuve Saint-Laurent font d’ailleurs l’objet de plusieurs critiques concernant l’insuffisance des infrastructures portuaires. Par exemple, le Port de Québec a un faible nombre de grues pour décharger la marchandise en vrac. Conséquemment, il y a parfois plusieurs jours d’attente pour les paquebots désirant charger et/ou décharger leur cargaison d’un navire l’autre. La compagnie Canada Steamship Lines (CSL), basée à Montréal, a su contourner cette faille grâce à son système d’autodéchargeurs qui ne nécessite aucune infrastructure portuaire. N’étant toutefois pas le cas de toutes les compagnies de transport maritime, les ports québécois perdent de leur attrait. Toutefois, lors de la visite de Poly-Monde au Port de Montréal, l’administration nous a informés qu’ils tentaient d’y remédier, entre autre avec l’augmentation de la capacité de leurs terminaux, cité plus haut. Intégration des TI Dans un marché toujours plus compétitif avec des défis constants, le Ministère des affaires maritimes et des pêches (Ministry of Maritime Affairs and Fisheries, abrégé MOMAF) en Corée a créé et implanté un système opérationnel informatisé pour l’administration de l’information dans ses ports. Les entrées et sorties des navires sont ainsi recensées à l’intérieur du système d’échange de données informatisées (EDI) qui permet une communication de machine à machine. De plus, les ports coréens sont tous interconnectés à travers un réseau informatique (Port-MIS) qui permet d’obtenir en temps réel toute information sur les arrivées/départs, les facturations, les prises de décisions, les installations portuaires, etc. (IMO, 2004). L’EDI et le Port-MIS permettent ainsi d’épargner sur le nombre de bureaux, de coûts de logistiques et de main-d’œuvre en plus d’augmenter l’efficacité des infrastructures. Un système ouvert, standardisé et centralisé des ports assure de cette façon la diminution de la congestion portuaire et garde la Corée du Sud au cœur de la compétitivité internationale. Transport de l’énergie La stratégie établie par chaque pays dans le monde afin de combler la demande énergétique locale est assurément influencée par les ressources présentes sur son territoire. C’est d’ailleurs le cas du Québec qui a choisi l’hydroélectricité pour produire presque la totalité de son électricité. La Corée qui est, quant à elle, dotée de très peu de sources d’énergie n’a donc d’autres choix que de se tourner vers l’importation afin d’alimenter les différents consommateurs (International Energy Agency, 2012). Une logistique importante de transport est donc mise en place pour permettre au consommateur de bénéficier de l’énergie. gétiquement durant une certaine période advenant un arrêt soudain de l’approvisionnement. Il est intéressant de savoir que le Canada n’a pas à tenir de telles réserves selon les normes de l’IEA étant donné la grande quantité de ressources qu’il possède (IEA, 2015). De nombreux projets d’exploration ainsi que de production à l’international sont aussi mis de l’avant en Corée. Ces projets sont souvent effectués par des conglomérats constitués d’entreprises de différents pays ayant un certain intérêt par rapport aux ressources qui peuvent être extraites des sites après la construction. Politiques énergétiques Depuis 2002, la Corée fait partie de l’International Energy Agency (IEA). Évidemment, de nombreux choix concernant l’énergie de la Corée sont influencés par les normes établies par cette organisation. Il est donc important de saisir en quoi consiste ce regroupement afin de mieux comprendre par la suite les décisions prises par le gouvernement coréen dans le domaine énergétique. L’IEA regroupe 29 pays et a pour but de s’assurer que ses différents pays membres ont une énergie fiable, abordable et propre. L‘IEA axe entre autre ses activités sur la sécurité énergétique, le développement économique ainsi que la protection de l’environnement (IEA, 2015). Dans le but de soutenir les objectifs de l’IEA et également de pallier les faibles ressources naturelles locales, une politique de sécurité énergétique a été mise sur pied en Corée. Un des aspects importants de cette politique est la diversification des pays d’importation de l’énergie. Dans le cas d’une situation imprévue, telle une catastrophe naturelle dans un des pays fournissant des ressources, la Corée ne serait ainsi pas privée de ses sources d’énergie. Des quantités minimales de réserves d’énergie ont également été fixées dans le pays. Cela permet à la Corée d’être autonome éner- La Mission 2015 en visite au Ministère du Territoire, des Infrastructures et du Transport, acteur majeur de la gestion des ressources énergétiques en Corée du Sud. © MC Également dans le but d’améliorer le bilan énergétique coréen, d’autres politiques sont mises en place concernant l’environnement. La Corée possède actuellement la plus faible proportion d’énergie renouvelable de l’OCDE. Le gouvernement désire donc instaurer un programme afin d’augmenter l’exploitation de ce type d’énergie. Toujours dans l’objectif de mieux respecter l’environnemental, la Corée s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % d’ici 2020 (IEA, 2012). Comment ce pays réussira-t-il à atteindre ces objectifs considérant les sources actuelles d’énergie utilisées? 129 ttt Sources primaires d’énergie Afin de produire l’énergie nécessaire pour répondre à la demande coréenne, une variété de sources d’énergie primaires sont utilisées. L’apport énergétique provient majoritairement du pétrole (36 %) et du charbon (31 %), mais le gaz naturel (16 %) ainsi que de l’uranium (15 %) sont également présents en Corée. L’énergie renouvelable représente quant à elle seulement 2 % de l’approvisionnement (IEA, 2012). Notre situation énergétique Évidemment, la réalité canadienne et québécoise n’est pas la même en ce qui concerne les enjeux énergétiques. Contrairement à la Corée, les ressources présentes localement permettent au pays de se rapprocher d’une indépendance énergétique. La consommation énergétique québécoise provient majoritairement du pétrole (40 %), de l’électricité (39 %) ainsi que du gaz naturel (13 %) (Boulanger, 2015). De la portion électricité, c’est 99 % de celle-ci qui provient de l’hydroélectricité (Hydro-Québec, 2015). Cette ressource renouvelable présente en grande quantité au Québec joue un rôle important dans l’indépendance énergétique québécoise. Pour ce qui est du pétrole et du gaz natu21% 29% Indonésie Malaysie 7% Yemen Autres La production nationale de gaz naturel en Corée ne représentait en 2012 que 0,3 % de la consommation totale. Dans le but de faciliter l’importation de cette ressource, la Corée du Sud a voulu mettre sur pied un projet de pipeline la reliant à la Russie. Cependant, la Corée du Nord s’oppose farouchement à cette idée. Comme c’est le cas pour de nombreux autres secteurs, la Corée se retrouve donc totalement dépendante de son commerce maritime. Les différents navires contenant du gaz naturel proviennent de plusieurs pays pour respecter la politique de sécurité énergétique. Actuellement, aucune de ces importations ne provient du Canada. Cependant, l’entrée en vigueur de l’accord du libreéchange augmentera certainement la part du Canada dans les sources d’importation du gaz naturel en Corée (Government of Canada, 2015). Lors du transport par bateau du gaz naturel, il est peu pratique de le déplacer sous sa forme gazeuse, soit celle que l’on observe à température et à pression courante, étant donné qu’elle prend une quantité importante d’espace. La solution à ce problème consiste à le transformer en gaz naturel liquéfié (GNL) Gaz Naturel Liquéfié 11% 21% 11% Pays d’origine des importations de gaz naturel en 2012. source : Energy Supply Security, 2014 ttt 130 Gaz naturel Pour ce qui est du Québec, le gaz naturel consommé provient majoritairement de deux endroits, soit le sud de l’Ontario et de l’Alberta (Gaz Métro, 2013b). Le transport de cette source d’énergie se fait par pipeline à travers le Canada, ce qui per- Qatar Oman rel, ils proviennent de l’Ouest canadien, du sud de l’Ontario ou de pays étrangers via les ports de l’Est du Canada. Grâce aux ressources québécoises et canadiennes, l’importation de ressources naturelles est faible comparativement à la Corée (Chassin, 2013). La température du gaz est réduite à -162 °C, ce qui amène le gaz à l’état liquide et permet de diminuer son volume de 600 fois. De plus, l’état liquide permet de conserver le gaz naturel à pression ambiante, diminuant du même coup les risques d’explosion. Cette solution est optimale pour le commerce maritime qui est limité en espace mais pas en poids. met au Québec d’éviter la procédure de liquéfaction pour l’acheminement. La province utilise cependant la technologie du gaz naturel liquéfié pour d’autres utilités tel que le carburant des véhicules lourds. L’usine LSR de Gaz Métro permet de liquéfier le gaz naturel arrivant par pipeline, de stocker le GNL ainsi que de procéder à la regazéification lorsque nécessaire (Gaz Métro, 2013a). Cela permet aussi à Gaz Métro de faire des réserves qui peuvent par la suite être utilisées lorsqu’il y a une augmentation importante de la demande. La place de la Corée dans le secteur du GNL Ayant un grand besoin en importation de gaz naturel, la Corée s’est lentement démarquée au niveau mondial pour son expertise dans le processus de transformation en gaz naturel liquéfié, jusqu’à devenir maintenant le plus grand importateur mondial de GNL. Ce sont actuellement quatre ports méthaniers qui sont en place pour accueillir les nombreux bateaux arrivant en Corée avec le gaz naturel liquéfié. Un cinquième terminal est présentement en construction à Samcheok (IEA 2012). L’emplacement du futur port méthanier permet de présumer que celui-ci est Installations gazières en Corée du Sud. © MC bâti pour subvenir aux besoins de cette région, mais aussi en prévision d’importations méthanières provenant de l’Est de la Corée. Étant donné que les États-Unis se rapprochent de l’autosuffisance en termes de gaz naturel en raison de l’exploitation accrue du gaz de schiste, on assiste donc à une diminution de l’exportation du gaz naturel canadien vers les États-Unis. Le gouvernement se tourne donc vers le marché international. Actuellement, ce sont 17 projets de terminal d’exportation qui sont en processus d’examen au Canada (Gouvernement du Canada, 2014). La Corée pourrait ainsi être intéressée par les ressources qui seront exportées à partir de ces terminaux. Les investissements effectués par la Corée dans LNG Canada permettent également de croire à de futurs échanges. Marché du gaz naturel Ce sont 37 navires de transport de GNL qui ont été commandés à Daewoo Shipbuilding en 2014, contre seulement 7 en 2013. Il est ainsi possible de croire que la chute du prix du pétrole éloigne la compagnie de construction navale de la production de matériel d’extraction du pétrole vers la source : Energy Supply Security, 2014 131 ttt distribution du gaz naturel. Comme l’expansion de l’exploitation de gaz de schiste est très importante mondialement, l’expertise de la Corée dans le transport de gaz naturel lui sera très bénéfique dans les prochaines années. Cette source d’énergie lui permettra également de réduire son impact environnemental. Pétrole Plusieurs similitudes entre l’organisation du transport pétrolier et gazier sont existantes en Corée; une société d’État en charge d’alimenter le pays, une ressource importée à 99 %, etc. Cependant, contrairement au gaz naturel, le gouvernement a comme plan de diminuer la part du pétrole dans son bilan énergétique. Il est certain que cet objectif est ambitieux vu les ressources présentes en sol coréen, mais elle permettra de réduire l’empreinte écologique de la Corée, le gaz naturel étant moins polluant que le pétrole. Importations de pétrole Malgré l’effort pour varier ses sources d’importation, la forte dépendance de la Corée envers le Moyen-Orient est évidente. En 2011, c’est 87 % du pétrole brut qui provenait du Moyen-Orient. Cette région est suivie par l’Asie, la Russie et l’Indonésie. Afin de diversifier les sources d’importation, le gouvernement a mis sur pied des programmes de subventions encourageant Saudi Arabia Kuwait Qatar Émirats arabes unis Iraq Iran Autres Pays d’origine des importations de pétrole en 2012. source : Energy Supply Security, 2014 ttt 132 l’importation provenant d’autres sources que le Moyen-Orient. Transport du pétrole Il est clair qu’afin de transporter tout ce pétrole, de nombreux pétroliers doivent se déplacer jusqu’aux différents ports présents sur le sol coréen. Jumelant son fort besoin pour l’acheminement de pétrole et ses connaissances dans le domaine de la construction navale, la Corée a fait de nombreuses avancées reliées aux pétroliers (DMSE, 2015). Daewoo travaille entre autres sur la construction de bateaux foreurs simplifiant le processus lors de l’extraction des ressources. De plus, cette compagnie coréenne construit actuellement une raffinerie flottante pour l’entreprise française Total d’une valeur de 2,1 milliards de dollars pour raffiner au large de l’Angola ce qui permettra de limiter le transport de pétrole brut. Cette technologie évitera également le transport du pétrole dans les régions développées pour procéder au raffinement et, par la suite, le réacheminement dans les régions moins développées près du site d’exploitation. Charbon Le charbon est actuellement très utilisé comme source d’énergie en Corée avec 31 % de la consommation énergétique primaire. La présence en sol coréen d’une certaine quantité de cette ressource est évidemment favorable à son usage. De plus, en Asie-Pacifique, le prix des importations de gaz naturel liquéfié est en grande partie indexé au prix du pétrole. Le coût de cette ressource est donc plus élevé qu’à plusieurs autres endroits. Ce phénomène donne ainsi un avantage à l’utilisation du charbon. La grande consommation de cette ressource en Corée lui donne le titre de troisième plus grand importateur mondial de charbon. Malgré le fait que le charbon soit avantageux économiquement, il est certain que ce type de ressource ne correspond pas aux politiques environnementales mises en place. En fait, la production du chauffage ainsi que de l’électricité à base de charbon ont représenté 30 % des émissions de gaz à effet de serre en 2010. Dans le but d’atteindre ses objectifs énergétiques, le gouvernement réduit donc graduellement les subventions qui étaient instaurées dans le secteur du charbon. Il est cependant évident qu’il sera difficile de faire disparaitre le charbon en Corée. C’est pour cette raison que différentes recherches sont faites concernant le « charbon propre ». Ce concept consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre créées lors de la production de l’électricité. La capture et l’entreposage du carbone est une technologie utilisée dans cette optique. Il est ainsi intéressant de voir que des efforts sont faits afin d’améliorer les processus reliés au charbon pour minimiser les impacts sur l’environnement créés par cette ressource. Uranium Avec la situation énergétique de la Corée ainsi que les avantages de l’énergie nucléaire par rapport aux autres sources d’énergie du pays, le gouvernement lui accorde une place importante. Étant le type d’énergie avec le plus faible coût du pays, cela confère à l’uranium un atout considérable (KAERI, 2015). De plus, le nucléaire est une option intéressante afin de progresser du côté environnemental ce qui est plus ardu avec les énergies fossiles. Puisque l’énergie atomique conservera sa place dans le secteur énergétique coréen, le gouvernement effectue de nombreux projets de R&D en collaboration avec l’Institut coréenne de recherche sur l’énergie atomique dans le but d’améliorer les processus reliés à ce type d’énergie (Korea Atomic Energy Research Institute, abrégé KAERI) (Bataille et Birraux, 2011). La part de l’énergie nucléaire au Québec est évidemment très différente. En fait, au moment où les québécois apprennaient la fermeture de Gentilly-2 en 2012, c’était 23 centrales nucléaires qui étaient en opération en Corée. À ce moment, cinq autres étaient en construction. Impacts de Fukushima Suite aux événements de Fukushima en 2011, plusieurs personnes se sont évidemment rassemblées afin de montrer leurs désaccords face à l’énergie nucléaire. Le gouvernement a alors mis sur pied plusieurs mesures afin de rassurer la population coréenne quant à l’utilisation de ce type d’énergie. Malgré les insécurités, la population n’a eu d’autre choix que de se rendre à l’évidence qu’il était difficile de se départir de cette source d’énergie afin de combler la demande ainsi que de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Il est évident que les enjeux de la sécurité et des déchets radioactifs sont maintenant très importants lorsqu’il est question d’énergie nucléaire en Corée. Une organisation, Korea Radioactive Waste Management (KRMC), a d’ailleurs été mise sur pied en 2009 afin de résoudre les problèmes reliés à ces déchets. La construction d’un site permettant d’accueillir ces résidus a également débuté en 2007 afin de s’assurer qu’ils soient dans un endroit sécuritaire. Cependant, ce site ne pourra accueillir que les déchets radioactifs de niveau faibles ainsi que moyens, le problème persistera donc pour les déchets de type élevés. Au KIER, centre de recherche en énergie, les énergies renouvelables sont mises de l’avant. © MC Énergies renouvelables La présence de l’énergie renouvelable en Corée est présentement très faible. Cependant, de nombreux projets de recherche sont effectués à l’Institut coréenne de l’énergie (Korea institute of energy re- 133 ttt search, abrégé KIER) afin d’augmenter la proportion de ce type d’énergie dans le pays. Même si plusieurs idées sont élaborées dans ce centre de recherche, il n’est pas simple de les mettre en pratique dans le pays par la suite. Afin de les instaurer, le gouvernement a obligé de grandes entreprises à installer des panneaux solaires pour produire une partie de l’énergie qu’ils consomment (KIER, 2015). Il n’est évidemment pas simple de produire l’énergie nécessaire pour subvenir aux besoins de la Corée. Il est cependant intéressant d’observer les technologies qui sont mises sur pied afin de simplifier l’approvisionnement et diminuer la dépendance du pays. De la production à la consommation L’électricité de la Corée est principalement générée grâce au charbon (45,2 %), au nucléaire (29,1 %) et au gaz naturel (21,2 %). Ces formes de production d’énergie amènent des contraintes de positionnement pour les centrales qui sont bien moins exigeantes que pour une production éolienne ou hydro-électrique. Cela permet donc de diminuer les distances à parcourir entre la production d’électricité et sa consommation. Par contre, ces formes de production sont dépendantes des ressources naturelles importées, et il est donc avantageux d’installer ces centrales près des côtes pour diminuer les coûts de transport. Type de ligne de transmission Corée du Sud Québec 735 kV / 765 kV 835 km 11 683 km 345 kV / 315 kV 8653 km 5438 km 69 kV à 230 kV 21 530 km 12 293 km 231 km 1218 km Courant continu Longueur du réseau électrique en Corée du Sud et au Québec. sources : IEA, 2012 et Hydro-Québec, 2014 ttt 134 Au Québec, puisque la production provient à 99 % de l’hydroélectricité, nous sommes complètement dépendants de l’hydrographie pour l’installation de nos centrales. Elles doivent trouver un cours d’eau offrant un débit, une puissance ainsi qu’un bassin de rétention assez importants pour offrir capacité et stabilité au réseau électrique. Pour cette raison, les centrales sont éloignées des grandes villes, ce qui engendre d’importants défis relativement au transport d’énergie dans la province (Hydro-Québec, 2015). En premier lieu, il est intéressant de remarquer que le Québec possède près de 14 fois plus de lignes à 735 kV que la Corée du Sud. Une seule ligne existe en Corée, et elle traverse l’île de l’Est à l’Ouest, partant de la centrale nucléaire près d’Uljin et passant près de Séoul avant de rejoindre la centrale au charbon de 4 GW de Dangjin. L’objectif de ces lignes à très hautetension est de réduire les pertes de charge dans les fils ainsi que l’empreinte terrestre laissée par les pylônes. Le courant étant l’élément limitant lors du transfert d’énergie, il est possible de palier cela en augmentant la tension. C’est d’ailleurs au Québec que s’est développée la technologie pour monter la tension à 735 kV, dans les années 1970. Dans le cas du Québec, les lignes descendent des grands bassins hydrographiques du Nord et du Nord-Est jusqu’au Sud, dans la région métropolitaine de Montréal et jusqu’aux États-Unis (Hydro-Québec, 2015). La Corée ayant une population beaucoup plus élevée que le Québec, il est normal qu’elle possède plus de lignes pour distribuer son électricité. Par contre, le ratio n’est pas proportionnel à la population. Ceci est dû à la forte concentration de la population coréenne dans des complexes d’habitations très denses, limitant du même coup l’étendue du réseau (KEPCO, 2015b). De plus, grâce à toute l’expertise acquise, KEPCO exporte maintenant ses services à titre de consultant en maints endroits dans le monde. Hydro-Québec, quant à elle, a offert cette expertise pendant une courte période avant de mettre fin à ce programme dans les années 2000 (Boulanger, 2015). C’est intéressant de relever cette différence majeure entre KEP- Le réseau de lignes électriques en Corée du Sud. © MT CO et Hydro-Québec : respectivement, l’un envoie des équipes de consultants à l’étranger et l’autre se contente de vendre ses technologies à des entreprises à travers le globe. La ligne en courant continu en Corée relie le continent à l’île de Jeju. La présence d’une ligne à courant continu est particulièrement utile lorsque la ligne est longue de plus de 1000 km. Ceci permet de réduire les pertes et de synchroniser deux réseaux en courant alternatif différent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Hydro-Québec possède une ligne à hautetension en courant continu de 1218 km, du complexe La Grande jusqu’aux ÉtatsUnis. Puisqu’Hydro-Québec est sur un réseau indépendant de celui du Nord-Est américain, cette ligne permet d’isoler son réseau face aux problèmes pouvant survenir chez nos voisins du sud. La Corée a utilisé le même système, mais sur une beaucoup plus petite dis- tance. C’est un avantage de ce type de ligne lorsque le trajet se fait sous l’eau. En effet, la résistance capacitive d’un câble sous-marin est beaucoup plus forte avec un courant alternatif qu’un courant continu. L’île de Jeju est le pilier du programme d’énergies renouvelables coréen puisqu’elle possède 60 % du potentiel national en énergie éolienne. Il est donc essentiel que celle-ci soit reliée au réseau continental. L’énergie éolienne est très instable. Elle offre une puissance aléatoire et ne peut donc pas suivre les cycles de la demande énergétique. Pour permettre l’offre d’un service de qualité aux habitants de l’île, il aurait été possible de compenser cela avec des centrales locales à base d’énergie fossile. Il fût jugé plus pertinent de relier Jeju au réseau national et, donc, de pouvoir profiter des surplus d’énergie fournis par les éoliennes lorsque la demande n’est pas au rendez-vous localement. Une autre solution pour réguler le réseau réside dans l’utilisation de la technologie du réseau électrique intelligent. 135 ttt L’arrivée du réseau intelligent Le réseau électrique intelligent (communément appelé Smart Grid), consiste en l’utilisation des TI afin de réguler la distribution d’énergie électrique dans un système. Cette solution permet d’optimiser la production et la consommation de manière à augmenter l’efficacité énergétique du système et d’incorporer plus facilement la production d’énergies renouvelables. C’est en 2009 que la Corée lance sa phase de recherche et développement du réseau intelligent sur l’île de Jeju. Le financement provient à 30 % du gouvernement, 10 % de KEPCO et 60 % de compagnies privées telles que LG, HYUNDAI ou SK. L’objectif est de développer la technologie innovatrice du réseau intelligent pour ensuite l’implanter dans tout le pays, réduisant ainsi la production de gaz à effet de serre. Ne s’arrêtant pas là, les Coréens désirent exporter le concept à l’international (KEPCO, 2015a). Les problèmes énergétiques se trouvent plus souvent au niveau de la capacité du réseau lors des moments de forte demande plutôt que de la quantité moyenne demandée. Pour régler ces problèmes, le réseau intelligent permet de lis- ser la demande, en régulant les appareils plus énergivores, de manière à repousser ou devancer leur utilisation face aux pics de demande énergétique. Par exemple, pour éviter qu’un chauffeeau ne se mette en fonction en période de pointe, il est possible de le programmer afin de retarder son démarrage. Au Québec, le réseau intelligent en est encore à ses balbutiements, avec l’installation des compteurs intelligents bientôt complétée. Les nouvelles bornes de recharge pour les véhicules électriques suivent le même modèle, en déphasant leur utilisation en fonction des périodes de pointe, grâce une communication importante entre les opérateurs des bornes et Hydro-Québec. Cent pour cent en 2030, voici l’objectif visé par le gouvernement coréen pour l’île de Jeju ; le réseau intelligent implanté entièrement, 100 % de véhicules électriques et 100 % d’électricité provenant de sources renouvelables. Ces objectifs très imposants font de l’île le fer de lance des politiques de croissance verte du pays. Comme on a pu le constater, les politiques énergétiques de la Corée sont intimement liées à son isolement géogra- La Mission 2015 en visite au KAIST, lieu de développement des technologies de transport les plus avancées. © MC ttt 136 La topographie de la Corée pose de réels défis au développement des lignes à haute tension. © MC phique ainsi qu’au cruel manque de ressources naturelles. Pour pallier ces problèmes, le pays a su faire preuve d’ingéniosité en diversifiant ses sources d’approvisionnement et en construisant un réseau de distribution bien adapté à ses besoins. En profitant de ses avancées dans les technologies de l’information pour se développer une expertise dans le réseau intelligent, le pays a su planifier son avenir intelligemment. Synthèse Avec une grande population sur un si petit territoire accidenté et faiblement dotés en ressources naturelles, les Coréens ont su s’organiser efficacement pour développer la mobilité à l’intérieur des villes et entre ses grands centres urbains. Son réseau de transport en commun dans la ville de Séoul attire régulièrement des dirigeants d’à travers le monde qui viennent s’en inspirer. Avec une économie manufacturière très productive, le pays a construit des ports d’une ampleur sans pareil. Et malgré une dépendance complète pour l’importation de ressources énergétiques, elle a su développer des partenariats à l’international pour s’assurer un apport constant, une sécurité. Étant dotée d’une vision à long terme élaborée, déjà des plans sont sur la table pour une voie ferrée la reliant avec le monde en cas d’entente avec la Corée du Nord, reste à voir si les impératifs économiques auront raison des conflits. 137 ttt La cérémonie de la garde au palais de Gyeongbokgung, Séoul. © MC « À la fin du labeur vient le bonheur. » - proverbe coréen Conclusion et références classées par chapitre 139 ttt Visite chez Samsung C&T. © MC Un voyage rempli de surprises La Corée du Sud, aujourd’hui 15e puissance mondiale, possède une des plus fortes croissances de productivité parmi les pays de l’OCDE. Chose peu surprenante lorsque l’on s’aperçoit que la moyenne d’heure travaillée par an dépasse les 2300 heures et que 49 % des Coréens ont un diplôme universitaire (Choi, 2015). Grâce aux efforts gouvernementaux et à une population déterminée à faire de son pays quelque chose de toujours d’or afin d’aider le pays à sortir d’une des pires crises économiques de son histoire (BBC News, 1998). Cet endroit du monde qui est une péninsule sur carte géographique, devient une île lorsqu’on l’inspecte avec une lentille géopolitique, étant donnée sa situation particulière avec la Corée du Nord. Malgré cela, cette localisation demeure idéale en plein cœur de l’Asie du NordEst, région comptant pour un cinquième de la population et 30% du PIB mondial. Elle inonde notre quotidien avec sa hallyu, que certains découvrent par la musique tandis que d’autres tombent pieds pardessus tête pour ses télé-séries aux thématiques universelles telles que l’amour et la famille. Et si ce n’est pas de sa culture que vous avez eu vent, alors sûrement avez-vous déjà été en présence d’une des multiples avancées technologiques provenant de la Corée du Sud qui parsèment nos vies. Ce qui ressort de notre visite en Corée La Mission à la frontière entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. © MC ttt 140 meilleur, elle est aussi passée du statut de pays bénéficiaire de l’aide publique au développement à celui de donateur important. Depuis 2010, elle fait même partie du Comité d’Aide au Développement (CAD). Bien difficile d’ignorer l’effort de la population coréenne en entier lorsque celle-ci fait la queue pour donner bijoux et autre pièce Les ressources rares de capitaux et de ressources humaines sont allouées en priorité aux chaebols. L’État coréen a aussi réalisé un important effort en termes d’éducation, ce qui a permis de fournir aux entreprises une main-d’œuvre très qualifiée. Cependant, ces étudiants de tous âges passent un nombre d’heures quasi inhumain pour essayer de percer le marché du travail et obtenir un poste dans l’une de ces prodigieuses compagnies. Le gouvernement semble vouloir contrer cette tendance à l’aide de programme favorisant les PME et l’entrepreneuriat, mais l’importance liée au statut qu’apportent ces titans reste extrêmement difficile à combattre. La Corée demeure un meneur au niveau technologique, cela est indéniable. Autant au Québec qu’au Canada, il y a beaucoup à apprendre concernant tout ce qui est question de transport en commun, surtout lorsque l’on prend pour exemple une ville comme Séoul, qui arrive à desservir un peu plus de 25 millions d’habitants. Pour un tel débit, la propreté et l’efficacité des services étaient étonnantes. un peu moins de 60 ans suite à la guerre de 1950 à 1953 lors de laquelle les deux super-pouvoirs, en l’occurrence l’Union Soviétique et les États-Unis, utilisent la Corée comme terrain de jeu pour leur guerre par procuration. La Corée a souffert d’une destruction incontestable lors de ces 3 années et malgré cela a réussi à renaître de ses cendres pour devenir une force à ne pas négliger. Une autre partie importante de la culture coréenne est la forte consommation de jeux vidéo, qu’elle soit récréative ou compétitive. Les Sud-Coréens sont si avides de ces jeux en ligne que l’État a jugé bon d’instaurer une « loi Cendrillon », loi interdisant aux enfants de moins de 16 ans à se connecter à Internet entre minuit et 6 heure du matin. Dotée d’une riche histoire, d’une langue bien unique ainsi que d’un alphabet qui lui est propre (hangeul), la Corée dans son état actuel demeure un jeune pays indépendant. En effet, l’avenir semble bien prometteur pour ce pays au matin calme. Le développement d’applications mobiles et la conception de jeux vidéo sont des domaines en pleine explosion à Montréal, Toronto, Vancouver ainsi qu’à d’autres centres urbains du Canada. On peut même voir un intérêt grandissant pour les « sports électroniques » (esport) au Canada, avec des compagnies comme Cineplex qui investissent des millions de dollars pour permettre le visionnement et la tenue d’évènements de ce type partout au Canada (Henderson, 2015). Intérêt certainement influencé par des pays comme la Corée du Sud qui supporte des joueurs de jeux vidéo professionnels (pro-gamer) depuis le début des années 2000 (KeSPA, 2015). Rappelons que tout cela s’est fait en Le festival des lanternes se tenait en mai lors de notre visite. © MC 141 ttt ttt 142 Géopolitique Affaires étrangères Gouvernement du Canada. (2015, 10 avril). Accord de libre-échange Canada - Corée. Canada International. Repéré 18 mai 2015, à www.international.gc.ca/trade-agreements-accordscommerciaux/agr-acc/korea-coree/index.aspx?lang=fra Armstrong, C. K. (2014, 29 janvier). Korean History and Political Geography. Asia Society. 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