U-Boot im Focus, Edition 4 / 2008

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U-BOOT IM FOCUS – N° 4/2008
Remarque préliminaire: les numéros de page mentionnés dans ce document renvoient aux pages du numéro original (avec texte
en allemand et en anglais), pas à celles de la présente traduction.
D e u x i è m e d e c o u v e r t u r e – Les Mouilleurs de Mines
Photo 1 (deuxième de couverture) - Marchant à pleine vitesse, l’U-218 du Kptlt. Becker navigue de conserve avec le sous-marin
ravitailleur U-461 du Kptlt. Stiebler. On distingue les silos à mines caractéristiques de ce Type VII D. Le seul insigne visible est le
fameux espadon vert clair de la 9. U-Flottille de Brest.
Le ravitailleur U-461 avait appareillé à Saint-Nazaire le 20 avril 1943, cap vers l’Atlantique Nord. Il traversa le Golfe de Gascogne
immergé de jour et en surface la nuit. Dans la nuit du 23 au 24 avril, un bombardier du No. 172 Sqn de la RAF le repéra et
l’attaqua. Bizarrement, l’équipage allemand n’avait pas été averti par le Metox (détecteur passif d’ondes radar émises par les
navires et avions alliés). L’Anglais lâcha trois bombes qui explosèrent à faible distance le long du flanc du sous-marin. Le souffle
des explosions provoqua une fuite dans un réservoir de gasoil et, bientôt, l’U-Boot laissa un sillage visqueux peu discret. Mais le
ravitailleur maintint le cap vers la zone d’opérations qui lui avait été assignée au nord des Açores. Ce n’est que le 28 avril que
l’équipage acheva de pomper le gasoil du réservoir crevé. Grâce à cette opération, le sillage gras si révélateur de la présence du
sous-marin, s’estompa enfin. Parvenu dans le carré BD 36 (au-delà du rayon d’action des avions alliés), l’U-461 y fut rejoint par
l’U-487 de l’Oblt.z.S. Metz qui lui fournit à un nouveau détecteur Metox. L’équipement remplacé, l’U-461 ravitailla un certain
nombre de U-Boote en dépit de conditions météorologiques exécrables et d’une forte houle compliquant les opérations de transbordement. La photo publiée ici illustre le rendez-vous avec l’U-218 entre le 9 et le 14 mai 1943. A droite, le LI (Leintender Ingenieur ou Ingénieur Mécanicien) Steinert. Le mouilleur de mines en était alors à sa quatrième croisière opérationnelle. Il regagna
Brest le 2 juin. Quant à l’U-461, celui-ci était rentré à Saint-Nazaire deux jours plus tôt (le 30 mai), après avoir ravitaillé pas moins
de 26 sous-marins.
U-Boot Museum Cuxhaven
Sauf mention contraire, toutes les photos sont issues de la collection de la Rédaction.
Page 1
Editeur et Rédacteur en Chef:
Axel Urbanke
Heckenkamp 24
D-26160 Bad Zwischenahn
Allemagne
Télécopie: +49 4403/63396
Courriel (e-mail): [email protected]
Premier Assistant de Rédaction:
Olaf Krabbenhöft, Hambourg
Deuxième Assistant de Rédaction:
Markus Richter, Cloppenburg
Collaborateurs:
Manfred Dörr, Grassellenbach
Malcolm Gray, Londres
Rainer Busch, Rimpar
Thomas Huss, Kiel
Wolfgang Ockert
Walter Storbeck, Hambourg
Lars Wilhelmj, Erfurt
Deutsches U-Boot-Museum, Cuxhaven
Traduction anglaise: David Johnston, New Brunswick (Canada)
Traduction française: Jean-Noël Dusoulier, Bruxelles (Belgique)
Impression: Druck- und Verlagshaus Fromm GmbH, Osnabrück
Droits de reproduction: Copyright © Luftfahrtverlag-Start, Bad Zwischenahn - Inh. Axel Urbanke - 2008
ISBN 978-3-9811042-9-5
Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée dans un système permettant sa
récupération ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par n’importe quel moyen, qu’il soit électrique, électronique,
chimique, mécanique, optique, par photocopie, enregistrement ou autre sans la permission écrite préalable de l’éditeur. Ces
restrictions sont également valables pour la production de décalcomanies. Toute demande doit être adressée à l’éditeur.
Sommaire
page
Les Mouilleurs de Mines
U-218, 1943
deuxième de couverture
Editorial
2
Forum des Lecteurs
2à5
Ravitailleur de sous-marins Weichsel, 1938
3
Kptlt. Frauenheim et Ringelmann (U-75), 1941
4
Les Type II
Unité non identifiée, 1939
5
U-56, U-59 et d’autres unités (non identifiées),
1941-1942
6 et 7
Les Type VII B
U-30, 1940
8 et 9
Les Type VII C
U-71, 1941
10 et 11
U-201, 1941-1942
12 et 13
U-333, 1942
14 et 15
U-628, 1942-1943
16 à 19
2
page
Kiosque
U-214: livrée inhabituelle pour un
mouilleur de mines
Un sous-marin sous la loupe
U-307: un U-Boot de la Mer du Nord en
tenue polaire
Photos couleur
U-595: essais de réception
Emblèmes inconnus
U-575: les armes de sa marraine
Document
U-592: le certificat du Cercle Arctique
Photos inattendues
Des sous-mariniers chasseurs d’ours!
Derrière les images, une histoire
La deuxième patrouille de l’U-34: entre guerre
et humanité
20 à 23
24 à 27
28 et 29
30
31
32 à 35
36 à 40
U-Boot im Focus – 4/2008
page
Portrait
Fregattenkapitän Fritz Frauenheim,
capitaine des U-21 et U-101
Vues intérieures
L’intérieur? C’était comme ça!
Fanion
U-107: le tableau de chasse
41 à 43
44 et 45
46 et 47
page
Paysage
Le Grand et le Petit (U-443 et U-119)
48 et 49
Destins
Quand le sort frappe la vigie (U-46)
50 et troisième de couverture
Les Ravitailleurs
U-462
quatrième de couverture
P a g e 2 – Editorial
Chers lecteurs,
Vous continuez à nous faire part de votre surprise face aux nouvelles informations découvertes dans chacun de nos numéros.
Selon nous, cette situation n’a cependant rien de surprenant. En effet, en tant que privilégiée de la Wehrmacht (au même titre
que d’autres armes), la U-Bootwaffe attira les objectifs de nombreux photographes au moins jusqu’à la fin 1943. Les correspondants de guerre de la Kriegsmarine fournirent un nombre considérable de photos au Ministère de la Propagande à Berlin. La
plupart de ces vues sont aujourd’hui détenues aux Archives Fédérales de Coblence. En outre, de nombreuses photographies
furent prises par les sous-mariniers eux-mêmes. Du fait des liens étroits noués entre les équipages, ces vues furent souvent
échangées entres marins. Enfin, une quantité impressionnante de clichés fut prise par des amateurs de submersibles alors que
ces derniers quittaient ou regagnaient leurs bases. Un bon nombre de ces photographies-là sont aujourd’hui détenues au U-Boot
Museum de Cuxhaven.
Si l’on compare le nombre de photos prises à l’époque au nombre de celles publiées depuis, il est évident que le public n’a découvert qu’une fraction de l’iconographie disponible. On notera donc avec étonnement que ce sont souvent les mêmes vues qui
illustrent les livres consacrés aux U-Boote. Comment expliquer ce fait si ce n’est en évoquant le manque de temps de ces auteurs qui préfèrent réutiliser des photos certes connues mais aisément disponibles, plutôt que de chercher des vues inédites.
Si l’on considère l’impact visuel des clichés pris par les équipages des U-Boote et ceux gravés sur la pellicule par les correspondants de guerre, on relève peu de différences. Contrairement aux règles de la photographie posée qui étaient souvent de mise à
terre, le Kriegsberichter embarqué à bord d’un sous-marin jouissait d’une situation idéale pour photographier la vie quotidienne
de l’équipage sans attirer son attention. En principe, la photographie était autorisée pendant le seul service normal. Les conditions de prise de vues étaient déterminées par les circonstances météorologiques et opérationnelles. A cet égard, il est clair que
les photos prises par les correspondants de guerre à bord des sous-marins ne peuvent être comparées à celles prises par leurs
homologues de la Luftwaffe ou de la Heer. C’est en effet au sein de ces deux dernières armes que l’on retrouve le plus grand
nombre de vues destinées à servir la propagande.
A l’avenir, nous continuerons à sélectionner pour vous des photographies inédites ou peu connues. Elles seront toujours accompagnées d’articles et de légendes détaillées. J’ai espoir que ce quatrième numéro d’U-BOOT IM FOCUS (avec lequel nous entamons une nouvelle période d’abonnement) vous offrira une iconographie et une information inédites.
Axel Urbanke - Editeur
Photo de couverture – Le 31 août 1943, l’U-333 du Kptlt. Peter-Erich Cremer regagne La Pallice, après quelque 13 semaines
en mer. A terre, Cremer est accueilli avec des fleurs et des félicitations pour son retour réussi. Pour le “Pacha“, cette croisière fut
la première après sa convalescence nécessitée par les graves blessures subies le 6 octobre 1942, au cours de la quatrième
patrouille de l’U-333 (v. U-BOOT IM FOCUS n° 3, p. 25). Pendant son absence, c’est l’Oblt.z.S. Werner Schwaff qui avait emmené le sous-marin pour deux autres croisières opérationnelles. Celle qui s’acheva le 31 août 1943 était donc la septième de l’U333. La casquette de Cremer est ornée de trois petits poissons métalliques, l’emblème de l’U-333 (v. aussi en pp. 14 et 15 du
présent numéro). A gauche, un officier de croiseur auxiliaire portant la Croix d’Espagne.
U-Boot Museum Cuxhaven
P a g e 2 - Forum des Lecteurs
Complément d’information et Correctif – U-BOOT IM FOCUS n° 2
Photo 5 – Andreas Hoffman de Hambourg nous écrit: “Compte tenu de la configuration visible des purges d’air des ballasts, le
Type II D amarré le long de l’U-34 est l’U-148, l’U-151 ou l’U-152. Avec l’U-34, ces trois sous-marins étaient rattachés à la
24. U-Flottille à Memel. Cette photo a sans doute été prise entre mars et mai 1941.“
Photos 32 et 33 – A propos de la Photo 32, le même Andreas Hoffman écrit: “le bâtiment non identifié est probablement le cargo
ravitailleur de sous-marins Eupen.“ Concernant la Photo 33, M. Hoffman corrige: “L’escorteur de sous-marins camouflé n’est pas
l’Erwin Wassner mais le cargo ravitailleur de sous-marins Weichsel de la 22. U-Flottille.“
Puisque l’affirmation de M. Hoffman concernant l’Erwin Wassner ne confirmait pas l’information accompagnant la diapo originale,
nous avons revérifié l’identité du navire. Le résultat de nos investigations est sans ambiguïté: il s’agit bien du Weichsel et non de
l’Erwin Wassner. Notre photo L1 (p. 3) confirme ce résultat. Elle illustre le Weichsel à Königsberg en 1938. Précédemment baptisé Syra, ce navire fut acheté par la Kriegsmarine en août 1936 et transformé en cargo ravitailleur de sous-marins. Le Weichsel
fut coulé par des bombes alliées lors d’un raid mené sur Wilhelmshaven le 30 mars 1945.
Photo 52 – Dans le Forum des Lecteurs de notre Numéro 3, nous avions apporté de nouvelles informations concernant un Type
VII C camouflé vu à Salamis. Depuis lors, nous avons reçu deux autres lettres concernant le même submersible. Manfred Dörr
nous a adressé une photo (L2, p. 3) prise à Lorient en 1940. Elle confirme que des bâches étaient déjà utilisées (même de manière limitée) pour camoufler le bâtiment à cette époque.
En outre, Andreas Hoffman répond à la question relative à l’équipage visible sur la Photo 52: “L’arrière du kiosque sous le Wintergarten prouve clairement qu’il s’agit d’un Type VII B. C’est donc l’U-75 (Kptlt. Ringelmann) qui entra à Salamis le
2 novembre 1941.“ Notre Photo L3 (p. 4) montre un Kptlt. Ringelmann visiblement épuisé, peu de temps après l’amarrage à
Salamis le 2 novembre 1941. Il trinque en compagnie du Kptlt. Frauenheim, “patron“ de la 23. U-Flottille. Moins de deux mois
après que cette vue ait été prise, le 28 décembre exactement, Ringelmann et son sous-marin disparaîtront au large des côtes
africaines. C’est à Malcom Gray que nous devons la photographie L3.
U-Boot im Focus – 4/2008
3
Complément d’information et Correctif – U-BOOT IM FOCUS n° 3
Photo 2 – La légende originale de cette photographie constitue une tromperie sciemment organisée par la propagande nazie.
Plusieurs lecteurs ont ainsi relevé que le submersible illustré n’est pas un Type I mais un Type VII A. Il semble donc que la
Kriegsmarine ait voulu leurrer l’intelligence ennemie en peignant de faux chiffres sur les kiosques de ses U-Boote restés au pays.
Le but poursuivi était d’empêcher la localisation par les services de renseignements alliés des sous-marins allemands en opérations à l’étranger. La présence de l’aigle et du canon de 88 mm SK C/35 sur le nouvel affut LC/35 permet de dater la photographie vers 1938-39. L’utilisation du submersible lors de la Guerre Civile espagnole pourrait expliquer sa numérotation volontairement erronée (comme dit plus haut, on imagine aisément que la Kriegsmarine souhaitait dissimuler l’absence de ses sousmarins). L’arrangement Typhon à l’avant du kiosque permet d’identifier le bâtiment comme un exemplaire issu de la série des U27 à U-32 construite par Deschimag. Nos remerciements à MM. Martin Winzer, Andreas Hoffmann et Dougie Martindale pour
leurs lettres.
P a g e 5 – Les Type II D
Photos 2 à 5 (p. 5) – Exercice de plongée d’urgence pour ce Type II D non identifié. A ce jour, personne n’a pu associer
l’emblème visible sur le kiosque à un quelconque submersible de ce type. L’insigne consiste en un dauphin plongeant entre deux
crêtes de vague blanches. Selon l’ouvrage Emblem, Wappen, Malings de Georg Högel, les emblèmes portés respectivement par
les U-138, -140 et -144 (tous des Type II D) demeurent inconnus. Outre la possibilité que notre dauphin soit l’insigne de l’un de
ces trois U-Boote, on peut aussi imaginer qu’il a été l’emblème de remplacement adopté par un sous-marin précédemment orné
d’un autre motif. A cet égard, on se souviendra qu’un changement de capitaine entraînait habituellement un changement
d’emblème.
Photos 6 et 7 (pp. 6 et 7) – Photo 6 (grande photo): pendant l’hiver 1941-1942, la Baltique prise par les glaces offre un décor
inhabituel à ce Type II D appartenant à une flottille d’entraînement. Au cours de la 2ème GM, les 16 Type VII D construits (U-137 à
U-152) furent versés, de manière permanente ou temporaire, aux 21., 22. et 24. U-Flottillen dans la Baltique où ils servirent à
l’entraînement. Douze d’entre eux furent mis en œuvre par la 22. U-Flottille à Gotenhafen (nom allemand de Gdynia, port polonais sur la Baie de Gdańsk). Cette flottille fut créée en janvier 1941 sous le commandement du Korv.Kpt. Wilhelm Ambrosius. A
l’ouverture de front de l’Est, de juin à août 1941, plusieurs de ses U-Boote furent utilisés en opérations dans la Baltique. A cette
époque toutefois, la majorité de ses sous-marins continua à être utilisée pour l’entraînement. Au départ, les U-140, -151 et -152
servirent avec la 21. U-Flottille de Pillau (Prusse Orientale). Plus tard, ils furent rattachés à la 24. U-Flottille et principalement
basés à Memel (Lituanie). Enfin, l’U-141 se retrouva brièvement à l’inventaire de la 21. U-Flottille.
La livrée appliquée sur les oeuvres mortes est particulièrement fatiguée. L’emblème du sous-marin est visible sur le kiosque: un
disque noir ceinturant une croix. Cet insigne n’avait jamais pu être attribué à l’un des 16 Type II D utilisés pour l’entraînement.
La Photo 7 (bas de la p. 7) illustre d’autres bâtiments pris par les glaces. Ces U-Boote à couple le long du cargo ravitailleur de
sous-marins Weichsel, ont été photographiés en février 1941 à Gotenhafen, base de la 22. U-Flottille. Cette vue a été prise précisément un an avant les photos couleur publiées en pp. 28 à 32 dans U-BOOT IM FOCUS n° 2. Contrairement aux clichés pris
en 1942, celui-ci montre le Weichsel démuni de tout camouflage. A gauche, deux Type II D non identifiés. Le bâtiment flanquant
le Weichsel porte un emblème inconnu constitué d’un globe. Par contre, la troisième unité en partant de la gauche arbore un
insigne qui l’identifie comme étant l’U-56, un Type II C. Le sous-marin à sa gauche est aussi un II C. D’après son emblème, il
pourrait s’agir de l’U-59. Au centre, le sous-marin le plus proche est un autre Type II D non identifié, également revêtu d’un insigne de sous-marin d’entraînement. Ce submersible porte le pare-glace caractéristique sur la proue.
Photo 7 Collection Richter
P a g e 8 – Les Type VII A
Photos 8 et 9 (pp. 8 et 9) – 7 juillet 1940: des nuages de fumée s’échappent encore d’un complexe pétrolier en feu, vestiges des
combats pour la prise de Lorient. L’U-30 du Kptlt. Lemp est arrivé à destination. Il fut le premier U-Boot à entrer dans un port
français suite à la capitulation de la France et au cessez-le-feu intervenu le 25 juin. Craignant la présence de mines, le submersible fut escorté par des dragueurs alors qu’il était encore à bonne distance des côtes. C’est depuis le pont de l’un de ces dragueurs que le correspondant de guerre Mannewitz a pris ce cliché impressionnant. Avant d’entrer dans la rade, le “Pacha“ de l’U30 avait ordonné à tous les hommes non requis pour la manœuvre de se rassembler sur le pont. Peu de temps après, l’U-30
entrait sans dommage dans le port. A quai, le capitaine et son équipage furent salués par le General der Flieger Kesselring et
Lothar von Arnauld de la Perière, le sous-marinier allemand (U-35) le plus talentueux de la Grande Guerre. Si von Arnauld de la
Perière provenait d’une longue lignée d’officiers français, son arrière-grand-père avait servi la Prusse sous le règne de Frédéric le
Grand (Frédéric II).
Lorsqu’il s’amarre à Lorient, l’U-30 achève sa septième croisière, une mission longue d’un peu plus de quatre semaines au cours
de laquelle il a coulé cinq navires de commerce. L’un d’entre eux appartenait au convoi HX-49 et un autre au convoi SL-36. La
dernière victime avait été le cargo égyptien Angele Mabro expédié par le fond un jour à peine avant que son bourreau n’arrive à
Lorient. Vieux de plus de 40 ans, l’Angele Mabro, un vapeur de 3.154 GRT, avait appareillé de Bilbao pour Cardiff trois jours plus
tôt, chargé d’une cargaison de minerais de fer. Sans escorte, le navire africain rencontra sa destinée dans la matinée du 6 juillet
1940: à 08h31, dans le carré BF 4651 (sud-ouest de Brest), une seule torpille de l’U-30 déchira sa coque. Il n’y eu aucun survivant.
On note un détail intéressant sur le pont de l’U-30: la bouée de sauvetage logée entre l’équipage rassemblé et le kiosque. En cas
de naufrage du sous-marin, la bouée pouvait être libérée depuis l’intérieur du bâtiment. Rattachée par une chaîne au submersible, la bouée était censée remonter à la surface pour baliser l’endroit du naufrage. Sur le kiosque, on aperçoit l’emblème de l’U30, un motif dessiné par le Funkmaat (opérateur radio) Georg Högel et peint pour la première fois le 10 aout 1939. L’insigne
illustre le fox-terrier Schnurzl du Kptlt. Julius Lemp. Quand, en novembre 1940, Lemp mit en service l’U-110 (un Type
IX B flambant neuf), il fit peindre l’emblème au “Schnurzl“ sur son nouveau bâtiment. En échange, l’U-30 fut orné d’un nouvel
insigne: la “Main Rouge“.
Photo 8 Collection Huss
Photo 9 Bundesarchiv 101II-MW-0235-05A
4
U-Boot im Focus – 4/2008
P a g e 1 0 – Les Type VII C
Photos 10 et 11 (pp. 10 et 11) – Sur cette double page, voici l’U-71 que nous avions mentionné dans l’article consacré à l’U-70
dans U-BOOT IM FOCUS n° 3 (v. la rubrique Kiosque, p. 18). A l’époque, nous avions affirmé que les raidisseurs ou supports
visibles sur le manteau du kiosque étaient également présents sur l’U-71, son sistership. Les deux unités furent construites simultanément aux chantiers Krupp Germania de Kiel. L’U-71 fut lancé le 31 octobre 1940 et mis en service le 14 décembre, peu de
temps après l’U-70. Comme sur ce dernier, des éléments métalliques (raidisseurs ou supports) furent installés au sommet du
kiosque alors que l’U-71 était encore aux chantiers navals. Toutefois, ces derniers n‘équipèrent pas l’U-71 d’un saute-vent,
contrairement à l’U-70. Ces éléments sont peut-être autant d’indices d’essais menés fin 1940. Il s’agissait de déterminer alors le
type de manteau de kiosque le plus efficace contre le vent et les embruns. A ce jour, nous n’avons découvert aucun document
écrit relatif à ces curieux éléments métalliques additionnels. Par contre, nous avons pu déterminer que deux autres sous-marins
issus de la même série n’en ont pas été équipés (les U-69 et U-72).
La vue publiée ici illustre l’U-71 entrant à Saint-Nazaire pour la première fois. Le port nazairien était la base atlantique de la
7. U-Flottille. A l’issue de la formation technique de l’équipage et des essais de réception, le sous-marin fut transféré en France à
l’été 1941. Sous le commandement du Kptlt. Walter Flachsenberg, l’U-71 appareilla le 14 juin depuis Kiel et arriva à SaintNazaire 19 jours plus tard, soit le 2 juillet. A ce moment, sa livrée n’avait guère souffert des éléments. A la même époque, le
kiosque du sous-marin n’arborait pas encore l’emblème au “Serpent de Mer“. Pourtant, sur la Photo 11 (p. 10), cet insigne orne
les calots de deux des membres d’équipage visibles. L’officier chaussant des lunettes de soleil est le capitaine du submersible, le
Kptlt. Flachsenberg. A bord, la plupart des capitaines préféraient porter la classique casquette blanche mais quelques-uns optaient soit pour le calot, soit pour la casquette sombre.
L’U-71 ne connut guère le succès. Il effectua 10 croisières sous deux commandements différents pour ne couler “que“ cinq navires (au large des côtes américaines en mars-avril 1942). Le tonnage de ses uniques victimes totalisa 38.894 GRT. En juin 1943,
l’U-71 fut utilisé pour l’entraînement en Mer Baltique. Le 5 mai 1945, son équipage le saborda dans l’écluse Raeder à Wilhelmshaven, peu de temps avant l’arrivée des troupes canadiennes.
Bibliothek für Zeitgeschichte Stuttgart
Photos 12 et 13 (pp. 12 et 13) – L’U-201 fut l’un des sous-marins qui remporta le plus de succès au sein de la 1. U-Flottille de
Brest entre 1941 et 1942. Ce Type VII C était alors commandé par le célèbre Adalbert Schnee, encore Oberleutnant zur See à
cette époque. Avant guerre, Schnee avait servi comme WO à bord de l’U-23 commandé par une autre (future) étoile de la
U-Bootwaffe, Otto Kretschmer (alors Obtlt.z.S. lui aussi). Lorsque que la 2ème GM éclata, Schnee s’embarqua pour quatre patrouilles en tant que WO à bord de l’U-6 (Oblt.z.S. Mathes) et de l’U-60 (Oblt.z.S. Scheve). Schnee jouissait donc d’une bonne
expérience lorsqu’il mit en service l’U-201 aux chantiers Krupp Germania à Kiel le 25 janvier 1941.
Le nouveau submersible largua les amarres à Kiel le 22 avril 1941, à l’entame de sa première sortie dans l’Atlantique Nord.
Schnee fit rapport de son premier succès le 2 mai, après avoir coulé au canon l’épave flottante du tanker britannique Capulet
(8.190 GRT). Plus tard, au cours de la même patrouille, il envoya par le fond un second bâtiment et endommagea un steamer.
L’U-201 rentra à Lorient le 18 mai.
La Photo 12 (p. 12) montre le submersible arrivant à Brest le 19 juillet 1941, à l’issue de sa deuxième patrouille. Cette croisièrelà fut décevante puisqu’aucun succès ne fut remporté en 42 jours de mer. D’où l’absence de tout fanion, hormis celui du capitaine
(partiellement visible au sommet de la photo). On note une bande de camouflage sombre sur le kiosque et les armes de la ville
de Remscheid, marraine du bâtiment. L’emblème consiste en un lion rouge sur fond argenté et une faucille argentée sur un fond
bleu. A cette époque, le célèbre “Bonhomme de Neige*“ n’avait pas encore été peint sur le kiosque.
La Photo 13 (p. 13) illustre l’U-201 devant les côtes françaises le 8 août 1942, peu avant d’entrer en rade de Brest. Ce jour-là,
er
l’unité achevait sa septième patrouille, la dernière sous le commandement de Schnee nommé Kapitänleutnant le 1 mars. Notre
homme fut ensuite muté à l’E-M du BdU. En sept croisières opérationnelles, Schnee avait coulé 21 navires et endommagé deux
autres. Le déflecteur de filet porte ici une bouée de sauvetage de la dernière victime de Schnee, le chalutier de lutte ASM HMS
Laertes (T 137) qui chavira au large de Freetown le 25 juillet. Avec un déplacement de 545 GRT, le petit escorteur avait été frappé d’une seule torpille lancée par l’U-201 à 23h05. Aucun des 19 membres de son équipage ne survécut au naufrage. Au total,
lors de cette dernière patrouille, Schnee avait revendiqué six succès, tous remportés au centre de l’Atlantique et au large de
Freetown. On note la présence de bonshommes de neige et de la Croix de Chevalier avec Feuilles de Chêne peints sur le kiosque. La prestigieuse décoration avait été attribuée à Adalbert Schnee le 15 juillet au cours de son ultime patrouille. Visible à
l’avant du kiosque (bien que partiellement masquées par la bouée de sauvetage), les armes de la ville de Remscheid.
Photo 13 Bibliothek für Zeitgeschichte Stuttgart
* Bonhomne de Neige est traduit par Schneeman dans la langue de Goethe. Il est donc vraisemblable que le nom du capitaine
explique le choix de l’insigne.
Photos 14 et 15 (pp. 14 et 15) – Sur cette double page, nous retrouvons l’U-333 (cf. photo de couverture) et une vue peu connue
montrant le submersible entrant à La Pallice le 26 mai 1942. En pénétrant dans la base de la 3. U-Flottille, le sous-marin achève
ce jour-là sa deuxième patrouille de guerre. Bien que son unité fût sérieusement endommagée alors qu’elle gagnait sa zone
d’opérations (côte est des USA), le Kptlt. Peter Erich Cremer accomplit une croisière opérationnelle longue de 58 jours. Les dégâts au kiosque, visibles sur la Photo 14 (p. 14), ne constituent qu’une partie des problèmes rencontrés pendant la mission.
Le 2 avril 1942 (soit trois jours après avoir quitté son port d’attache), en fin d’après-midi, par une bonne visibilité et alors que son
capitaine est sur le pont, l’U-333 est soudain attaqué par un avion allié dissimulé jusque-là par la couverture nuageuse. Cremer
ordonne une plongée d’urgence mais, à 30 mètres de profondeur, deux puissantes explosions secouent vigoureusement son
sous-marin. Les charges de profondeur détruisent le gyrocompas dans le central, mettent hors service les barres de plongée et le
gouvernail de direction, sans parler de diverses vannes qui commencent à fuir. L’équipage parvient à reprendre le contrôle du
sous-marin à 80 mètres de profondeur, pour découvrir d’autres avaries: le gasoil fuit sur les provisions alimentaires et le système
d’eau potable est hors d’usage. Enfin, allongeant encore la liste des dégâts, le panneau du kiosque ne ferme plus correctement.
Mais il en faut plus pour effrayer Cremer qui fait effectuer des réparations provisoires, permettant ainsi de poursuivre la patrouille.
Même la perte (temporaire, il est vrai) des communications radio et de l’échosondeur ne le fait pas reculer. La malchance poursuit néanmoins l’U-333 qui, quelque temps plus tard, perd son Diesel bâbord. Mais le LI et les mécaniciens font des miracles et le
moteur repart au bout de trois jours d’intense labeur. Enfin, le 22 avril, au nord des Açores, l’U-333 atteint la zone de rendez-vous
avec l’U-459 ravitailleur.
Le bateau de Cremer est le premier client de la “Milchkuh“ (littéralement “Vache à Lait“). Les opérations de ravitaillement se déroulent pour le mieux jusqu’au moment où les marins débranchent la nourrice: une barre d’acier tombe à la mer et bloque l’hélice
U-Boot im Focus – 4/2008
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de l’U-333. Le temps pour le LI (Oblt.z.S. Hoffmann) de revêtir l’équipement de plongée d’urgence et voilà l’officier au travail sous
la surface. Enfin, l’hélice est libérée de son entrave.
Dans l’après-midi du 30 avril, les guetteurs repèrent un tanker britannique à l’est des Bermudes. C’est le British Prestige. En
soirée, Cremer fait venir son sous-marin en position d’attaque. Deux torpilles quittent successivement la proue de l’U-333 mais
toutes les deux manquent le tanker. Alors que Cremer fait manoeuvrer son bâtiment pour une troisième attaque, il perd le visuel
avec l’objectif. Mais la lune se montre enfin et Cremer fouille l’horizon à la recherche de l’Anglais. Soudain, ce qu’il voit par le
périscope l’horrifie: le tanker est là, gigantesque, remplissant tout le viseur de sa masse écrasante. Cremer n’a pas le temps
d’hurler l’ordre de plonger: son sous-marin roule sous un choc formidable, alors que le British Prestige l’éperonne. C’est un miracle si l’U-Boot ne se désintègre pas. Mais les nouveaux dégâts sont considérables: le kiosque a été en partie défoncé, le déflecteur de filet a disparu, le gaillard d’avant est déchiré et béant, le périscope est plié, le radiocompas et l’UZO sont détruits. En
outre, les portes des tubes 2 et 4 sont bloquées en position fermée. Même si la liste des avaries reste impressionnante, le sort de
l’U-333 aurait pu être bien pire: en effet, le tanker transportant de l’essence d’aviation, la moindre étincelle lors de la collision
aurait expédié les deux bâtiments au fond de l’océan. L’équipage allemand fait à nouveau des merveilles et les dommages sont
réparés, à l’exception d’une voie d’eau persistante mais heureusement mineure. Tout couturé, l’U-333 reprend sa participation à
l’opération Paukenschlag (Battement de Tambour) et parvient en vue des côtes de la Floride qui ne semble pas soumise au
couvre-feu, tant elle est éclairée comme si l’Amérique n’était pas en guerre. Opérant dans le secteur, le submersible y coule trois
navires. Mais dans la nuit du 6 au 7 mai, il manque de peu de disparaître pour de bon, quand des unités de l’US Navy le grenadent dans des eaux où la profondeur n’excède pas 30 mètres.
Le 10 mai, alors qu’il est sur le chemin du retour, l’U-333 croise la route du cargo britannique Clan Skene. Seul, sans escorte, le
sort de l’Anglais est rapidement scellé. Enfin, le 26 mai, à 08h15, Cremer et ses hommes peuvent s’estimer heureux d’être en vie
lorsque que leur bâtiment s’amarre à La Pallice.
Sur la Photo 14 (p. 14), on note la livrée extrêmement sombre des œuvres mortes. D’autres sous-marins allemands reçurent la
même teinte de camouflage début 1942. Il pourrait s’agir d’une nuance de bleu ou de gris anthracite. On distingue l’insigne de
l’U-333 sur le kiosque (trois petits poissons blancs). Le Kptlt. Cremer est en partie caché par le périscope d’attaque plié. La Photo 15 (p. 15) montre le “Pacha“ coiffé d’une casquette (autrefois) blanche, sur la passerelle de son bâtiment.
Photo 14 Bibliothek für Zeitgeschichte Stuttgart
Photo 15 Collection Huss
Photos 16 à 20 (pp. 16 à 19) – Les bonnes photos de l’U-628 sont relativement rares. Ce Type VII C fut coulé par un Consolidated Liberator du No. 224 Squadron de la RAF au large du Cap Ortegal (nord-ouest de l’Espagne) le 3 juillet 1943. Le sous-marin
fit naufrage alors qu’il franchissait le Golfe de Gascogne au cours de sa quatrième patrouille de guerre. Tout se déroula dans le
er
silence radio total qu’avait maintenu le submersible depuis son départ de Brest le 1 juillet. Il n’y eut aucun survivant.
Les photos que nous publions ici proviennent de la succession du Lt. (Ing.) Karl Weck, LI à bord de l’U-628. La Photo 16 (p. 16)
a sans doute été prise lors de la première patrouille du sous-marin. Elle illustre bien la livrée pâle du submersible et le radar
FuMG 38 G Seetakt bâché au-dessus du déflecteur de vagues, à l’avant du kiosque. Ce radar était capable de détecter des
navires de surface dans un rayon de 10 km, avec une précision de 50 m. En outre, le Seetakt avait une capacité de détection
aérienne permettant de repérer des avions évoluant dans un rayon de plus de 10 km. Une faiblesse du dispositif: celle de ne
pouvoir couvrir les 360° autour du bâtiment. On aperçoit les anneaux olympiques sur le kiosque. Curieusement, cet emblème
n’avait jamais été associé à l’U-628. De plus, il est absent sur les photos plus tardives de cette unité. Les anneaux constituaient
l’insigne du Crew 36 dont le commandant du sous-marin, l’Oblt.z.S. Heinrich Hasenschar, avait fait partie. Comme certaines
photos l’attestent, ces anneaux étaient portés de concert avec l’emblème de l’U-628, le “Eisernen Faust“ (littéralement “Poing de
Fer“, en fait un gantelet).
L’Oblt.z.S. Heinrich Hasenschar prend le commandement du sous-marin aux chantiers navals Blohm & Voss à Hambourg le
25 juin 1942. Hasenschar avait auparavant présidé aux destinées de l’U-29 utilisé pour l’entraînement avec la 24. U-Flottille de la
Baltique. Les essais de réception sont accomplis avec la 5. U-Flottille à Kiel entre juin et novembre 1942. Le 28 novembre,
l’U-628 appareille depuis Kiel pour sa première patrouille de combat. Rattaché à la 1. U-Flottille de Brest, le nouveau submersible
met le cap vers l’Atlantique Nord où il montre bientôt de quoi il est capable. Ainsi, les 10 et 11 décembre, il est le seul des nombreux U-Boote présents dans les parages à maintenir le contact avec le convoi HX-217 malgré la solide escorte aérienne de
celui-ci. Mais la nuit suivante, le contact est perdu. Il faut attendre les dernières heures de la soirée du 28 décembre pour que
l’U-628 et 11 autres submersibles soient guidés par l’U-260 vers le convoi ONS-154 repéré deux jours plus tôt. A 01h03 le
29 décembre, Hasenschar donne le coup de grâce au steamer britannique Lynton Grange de 5.029 GRT. L’Anglais avait été
touché par une torpille de l’U-406 (Kptlt. Dieterichs) moins de deux heures plus tôt et s’était retrouvé à la traîne du convoi.
er
L’U-628 regagne Brest le 8 janvier 1943. Trois semaines plus tard, le 1 février précisément, le bateau quitte sa base pour une
deuxième croisière opérationnelle. A nouveau, il gagne le nord des Açores, sa zone d’opérations. Le 22 février, il établit le
contact avec le convoi ON-166 dont la position a été déchiffrée par les services de décryptage allemands quatre jours plus tôt.
D’autres “loups gris“ rejoignent la zone mais la meute est tenue à l’écart par l’escorte des 49 navires qui constituent le convoi.
Dans la matinée du 23 février, Hasenschar rétablit le contact. Avec le Kptlt. Hesemann de l’U-186, il passe à l’attaque. Deux
torpilles filent vers le convoi. La première touche de tanker Winkler (6.907 GRT) battant pavillon panaméen et la seconde le cargo norvégien Glittre de 6.409 GRT. Les deux navires ne coulent cependant pas et doivent être achevés par l’U-223 et l’U-603, à
09h51 et 08h42 respectivement. Alors que la nuit tombe, le convoi altère brutalement sa course et les sous-marins perdent le
contact avec lui. Le matin suivant, cependant, l’U-600 du Kptlt. Zurmühlen fait savoir qu’il a un visuel sur les bâtiments alliés. A
07h54, il décoche une torpille qui endommage le cargo norvégien Ingria. Dix-neuf minutes plus tard, Hasenschar, qui a amené
son U-Boot à portée de tir, décoche une salve de quatre torpilles en éventail et une autre par le tube arrière. Bientôt, l’opérateur
de l’hydrophone signale cinq explosions au sein du convoi. Hasenschar revendique deux navires coulés et un autre endommagé.
En réalité, il a seulement achevé l’Ingria cité plus haut. La journée qui suit voit la meute tenue à distance par des avions alliés
opérant depuis Newfoundland. Dans la matinée du 25 février, l’U-628 parvient à se remettre en position de tir sans être inquiété.
A 08h17, son capitaine repart à l’attaque: un total de cinq torpilles sont lancées de la même manière que lors de sa précédente
attaque. Hasenschar coule ainsi le Manchester Merchant de 7.264 GRT, qui disparaît en 90 secondes à peine. Des 67 membres
d’équipage, 35 perdront la vie. Cinq fanions de victoire décorent le périscope de l’U-628 quand celui-ci entre en rade de Brest
(Photo 18, p. 18). Pour arriver à ce palmarès, l’équipage a sans doute comptabilisé le navire endommagé le 23 février et ceux
présumés coulés le lendemain. Les Photos 18, 19 et 20 ont été prises lors du retour du sous-marin le 29 mars 1943. La Photo
19 (p. 19) montre Hasenschar fumant le cigarillo et portant une tenue bien peu réglementaire: chemise civile et nœud-papillon!
Ses galons paraissent en piteux état mais celui-ci s’explique: le “Pacha“ a été promu Kapitänleutnant au cours de la croisière et
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ses galons ont été modifiés avec les moyens du bord pour refléter sa toute nouvelle promotion. La Photo 20 (p. 19) illustre
l’emblème du sous-marin peint sur un morceau de tôle rivetée.
Photo 17 (p. 17) – 17 avril 1943, 11h30: l’U-628 canonne le cargo britannique Fort Rampart au cours de sa troisième patrouille.
Torpillé par le sous-marin, le cargo s’était détaché du convoi HX-233. En dépit de ce qui aurait dû être le coup de grâce et la
canonnade, l’Anglais refusa de sombrer. Ce n’est que le lendemain que l’U-226 parvint à l’envoyer par le fond.
P a g e 2 0 – Kiosques
U-214: livrée inhabituelle pour un mouilleur de mines
par Axel Urbanke
Pour cause de secret militaire, les six Type VII D mouilleurs de mines (U-213 à U-218) et les gros Type X B assurant le même
rôle, furent rarement photographiés. Voilà pourquoi chercheurs et historiens ont tant de difficultés à découvrir de bonnes photos
de ces Type VII D. Pour compliquer les choses, deux d’entre eux (les U-215 et U-216) furent coulés dès leur première patrouille,
pendant que deux autres (les U-213 et U-217), s’ils parvinrent à accomplir trois croisières opérationnelles chacun, disparurent
néanmoins après respectivement six et onze mois de service à la mer. Cela ne laissa donc que peu de temps aux photographes
pour graver ces quatre engins sur la pellicule. Seuls, les deux derniers (U-214 et U-218) connurent une carrière plus longue.
Ainsi, l’U-218 fut le seul représentant de son type à survivre jusqu’à la capitulation du 3ème Reich: il fut capturé par les Britanniques en mai 1945. Quant à l’U-214, il parvint à accomplir 11 missions. Le 26 juillet 1944 cependant, au cours d’une action menée
contre les opérations de débarquement alliées en Normandie, la frégate britannique HMS Cooke le repéra à l’ASDIC au sud-est
de Start Point (Manche), le grenada et le coula. L’U-214 est le sujet de cet article.
Si l’on excepte l’U-218 (photographié par les Alliés à la fin de la guerre), on sait peu de choses au sujet du camouflage des Type
VII D. Quel schéma ont-ils porté? Ont-ils seulement été camouflés? Les six unités de ce type sont toutes entrées en service entre
janvier et août 1942. Sur les Type VII C, les peintures de camouflage étaient de rigueur. Sachant que les VII D étaient directement dérivés des VII C, on peut se demander si la version mouilleur de mines a suivi les mêmes règles de camouflage. Pour
tenter de répondre à cette question, il nous a fallu effectuer de longues recherches. Et la réponse tant attendue a pris les traits de
l’U-214.
er
Construit par Krup Germania Werft à Kiel, cet U-Boot est mis en service par l’Oblt.Z.S. Günther Reeder le 1 novembre 1941.
C’est le même capitaine qui l’emmène pour sa première sortie opérationnelle le 21 mai 1942, lorsqu’il quitte le port norvégien de
Kristiansand pour rallier Lorient. Il y parvient après 13 jours de navigation. A cette époque, l’U-214 porte déjà un emblème: le
célèbre Berliner Bär (ours berlinois) encadré par un fer à cheval surplombant l’inscription “Uns kann keener!“ (“Nous ne craignons
personne!“). L’ensemble est agrémenté d’un authentique fer à cheval riveté sur l’avant du kiosque. L’origine du capitaine explique
le motif et l’inscription: Günther Reeder est, en effet, berlinois. En réalité, l’expression “Uns kann keener!“ signifierait plutôt “Nous
ne craignons personne et si vous en doutez, vous pouvez toujours nous baiser le c!“. Elle est censée faire référence au flegme et
à la tranquillité des Berlinois.
Lors de son affectation à la 9. U-Flottille de Brest, il est vraisemblable que l’U-214 ait aussi porté l’emblème de la flottille
(l’espadon vert bien connu) introduit par le nouveau Flottillenchef, le Korv.Kpt. Lehmann-Willenbrock. Cet emblème aurait été
peint sur le kiosque. Les photos, publiées ici pour la première fois, ont été prises ultérieurement. Elles montrent deux “vagues“
sur le kiosque (ce dernier était probablement gris foncé), qui se prolongent sans doute jusque sous la plateforme Wintergarten et,
peut-être, jusque sur le carénage de la bouche de ventilation derrière le kiosque. La Photo 22 (p. 22) révèle aussi le schéma de
camouflage de la coque du submersible: des taches plus sombres ont été peintes sur la partie supérieure de la muraille.
Est-il possible de déterminer à partir des trois photos reproduites ici la période à laquelle ce schéma de camouflage a été porté?
La réponse à cette question est plus aisée qu’on ne l’imagine. Puisque les vues en question confirment que le bâtiment était
encore commandé par Reeder à cette époque, les seules options possibles sont la troisième patrouille (du 9 août au 9 octobre
1942, soit 62 jours de mer) ou la quatrième (du 30 novembre 1942 au 24 février 1943, soit 87 jours de mer). Il ne fait donc aucun
doute que le camouflage en question a été porté quelque part entre août 1942 et février 1943. En outre, la lumière, la peinture
s’écaillant sur le kiosque et l’état de la mer indiquent que les trois photos présentées ici ont très probablement été prises au
même moment. Par contre, nous ignorons combien de temps l’U-214 porta ce singulier camouflage.
Le 6 mai 1943, deux jours après avoir largué les amarres à l’entame de sa cinquième patrouille, le sous-marin traverse le Golfe
de Gascogne lorsqu’un bimoteur Armstrong Whitworth Whitley du No. 10 OTU l’attaque à la bombe et à la mitrailleuse. Dans le
kiosque, surpris par l’attaque, le Kapitänleutnant Günther Reeder, s’effondre, sérieusement blessé. Décision est prise
d’abandonner la mission, pendant que le commandement du submersible est confié au 1.WO, l’Oblt.z.S. Rupprecht Stock.
L’U-214 rentre prématurément à Brest le 10 mai.
Reeder ne reprend pas les rênes du bâtiment et c’est son 1.WO qui en assure définitivement le commandement. Stock est maintenu avec succès à ce poste jusqu’au 2 juillet 1944, quand il remet son commandement à l’Oblt.z.S. Gerhard Conrad. Mais ce
changement de “Pacha“ ne porte pas chance au sous-marin: il disparaît aux larges des côtes de la Manche quatre jours après le
début de sa première patrouille sous le commandement de son nouveau capitaine. Soixante-deux ans plus tard, au cours de l’été
2006, des plongeurs retrouveront l’épave de l’U-Boot gisant par 75 mètres de fond. Ils découvrent la cause vraisemblable de la
catastrophe: l’explosion de grenades sous-marines a éventré la coque du submersible des deux côtés du kiosque. De tels dégâts
ont manifestement dû provoquer le naufrage immédiat de l’U-214.
Photo 21 (p. 20) – Le Kptlt. Günther Reeder dans le kiosque de l’U-214. Outre le camouflage particulier de ce dernier, on aperçoit l’emblème de la flottille et celle du sous-marin, ainsi que le fer à cheval déjà évoqué.
U-Boot Museum Cuxhaven
Photo 22 (p. 22) – Les vétérans de l’U-214 sur le pont avant du submersible: de gauche à droite, l‘Obersteuermann Will Meincke
(Croix Allemande en Or le 26 décembre 1944), l’Oblt.z.S. Rupprecht Fischler Graf von Treuberg (1.WO), les OMasch. Reulen et
Rössler. Meincke, Reulen et Rössler ne faisaient plus partie de l’équipage de l’U-214 lorsque celui-ci fut perdu. L’Oblt.z.S. Fischler von Treuberg fut tué le 24 août 1944, alors qu’il commandait l’U-445 qui disparut dans le Golfe de Gascogne. Dans le coin
inférieur gauche de la photo, on distingue le camouflage du haut de la muraille.
U-Boot Museum Cuxhaven
U-Boot im Focus – 4/2008
7
Photo 23 (p. 23) – Un membre non identifié de l’équipage l’U-214 a dédicacé cette photographie à un camarade. La vue illustre
clairement le schéma de camouflage si particulier du submersible. Les conditions d’éclairage expliquent pourquoi l’ondulation
supérieure du camouflage semble plus sombre.
P a g e 2 4 – Un sous-marin sous la loupe
U-307: un U-Boot de la Mer du Nord en tenue polaire
par Axel Urbanke
Mis en service par le Lt.z.S. Friedrich Georg Heerle le 18 novembre 1942, ce Type VII C a effectué l’ensemble de ses 19 croisières opérationnelles en Mer du Nord. Avec seulement deux navires coulés à son palmarès, l’U-307 est l’une de ces unités qui ne
connurent pas un grand succès. Quoi qu’il en soit, ainsi que cet article le relate, l’U-307 joua un rôle non négligeable dans les
er
opérations menées par la 11. U-Flottille de Bergen (entre le 1 mai et le 31 octobre 1943) et la 13. U-Flottille de Trondheim (entre
er
le 1 novembre 1943 et le 29 avril 1945).
En août 1944, le sous-marin prend part à l’opération secrète Schneehuhn. Il s’agit de déposer des agents sur l’île du Spitzberg
alors tenue par les Norvégiens et les Britanniques. La mission des agents consiste à déterminer l’ampleur des travaux consentis
par les Alliés au Spitzberg afin de soutenir leurs convois navals vers Mourmansk. Leur mission accomplie, les agents sont récupérés par le même U-307 qui les ramène sains et saufs à Hammerfest.
Entre le 9 septembre et le 4 octobre 1944, le sous-marin participe à une autre opération secrète. L’OKM a rassemblé une équipe
de 11 spécialistes qui doivent effectuer des relevés météorologiques en Norvège. Cette mission revêt une importance stratégique
pour la Kriegsmarine qui charge l’U-307 de déposer l’équipe sur le Spitzberg. Une première tentative d’infiltration a lieu à la fin du
mois d’août, avec le bateau de pêche Carl J. Busch marchant plein nord et précédé de l’U-354 du Kptlt. Sthamer. Mais, le
22 août, Sthamer tombe sur l’escorte du convoi JW-59 et attaque le porte-avions d’escorte HMS Nabob, lui infligeant de sérieux
dégâts. Le succès est de courte durée pour le “Pacha“ de l’U-354 puisqu’il disparaît avec son sous-marin deux jours plus tard,
victime de l’escorte du convoi. Le Carl J. Busch, lui, parvient à s’esquiver et rentre à Narvik. Le 9 septembre, une deuxième tentative a lieu pour déposer sur le Spitzberg l’équipe météorologique à présent forte de 13 hommes. Cette fois, le Carl J. Busch part
de Tromsö, escorté par l’U-307. A hauteur de l’Ile aux Ours (à mi-chemin entre le Cap Nord et le Spitzberg), les deux bâtiments
évitent de justesse l’escorte d’un convoi allié. Le 13 septembre, les deux unités atteignent Nordaustlandet (île au nord-est de
celle du Spitzberg). L’équipe du Dr. Dege est prestement débarquée à terre avec 80 tonnes d’équipement (suffisant pour deux
hivernages) et 3.000 fournitures diverses réparties dans pas moins de 1.800 caisses. Pendant deux semaines, l’U-307 reste à la
disposition du Dr. Dege en jouant les éclaireurs. Le 27 septembre, le sous-marin et le Carl J. Busch prennent le cap de retour et
rentrent à Hammerfest le 4 octobre 1944.
Le schéma de camouflage inhabituel de l’U-307, visible sur nos photos et profil couleur, mérite quelques explications. Une partie
des œuvres mortes a été peinte en blanc “façon iceberg“ et l’étrave a reçu une vague peinte en trompe l’œil. Celle-ci est destinée
à donner l’illusion d’un bâtiment rapide. L’U-307 fut revêtu de ce camouflage particulier au moins pendant les essais de plongée
menés au large d’Hammerfest en octobre 1943. Le dispositif bâché à l’avant du kiosque est le radar Seetakt.
Le 29 avril 1945, soit neuf jours avant la fin de la guerre en Europe, l’U-307 s’empêtre dans un champ de mines mouillées à
grande profondeur par la Royal Navy au large de Mourmansk. Forcé de faire surface, le sous-marin est immédiatement canonné
par le HMS Loch Insh, une frégate du 19th Escort Group. L’équipage allemand doit saborder le submersible. Le HMS Loch Insh
parvient à sauver 14 des sous-mariniers, dont le capitaine (Oblt.z.S. Krüger) et le 2.WO (Lt.z.S. Hembd). Mais 37 marins allemands auront péri sous les obus anglais ou dans les eaux glacées de la Mer de Barents.
Photos 24 et 25 (pp. 24 à 26) – L’U-307 photographié lors des plongées d’essai au large d’Hammerfest en octobre 1943. On
distingue clairement le curieux schéma de camouflage, la fausse vague d’étrave en particulier.
Collection Storbeck
Photo 26 (p. 27) – L’Oblt.z.S. Heerle en compagnie de ses officiers en juillet 1943, à bord du navire dépôt Black Watch. La photo
a été prise à Hammerfest, avant la première mission de l’U-307. De gauche à droite: Lt.z.S. Eberhardt Freiherr von Ketelhodt,
Lt.z.S. Günter Unverzagt, Oblt.z.S. Heerle, Ob.Ass.Arzt Dr. Ludwig (médecin de la base navale) et le LI, Lt. (Ing.) Heger. Heerle
perdra la vie la veille de la fin de la guerre en Europe, lorsqu’il disparaîtra dans le Geltinger Bucht (baie au large des côtes germano-danoises orientales) avec son U-393, victime de chasseurs bombardiers américains. Unverzagt, lui, aura connu le même
destin funeste quelques jours plus tôt (le 30 mars 1945), alors qu’il commandait l’U-965.
Collection Storbeck
Sources:
•
•
Journal de bord de l’U-307
Ordres d’Opérations de l’U-307, FdU Norwegen
P a g e 2 8 – Photos couleur
Essais de réception de l’U-595
Même si les Photos 27 et 28 (pp. 28 et 29) ne sont pas d’une qualité extraordinaire, elles constituent néanmoins l’un des rares
témoignages en couleur de la U-Bootwaffe. Ces deux vues ont été prises en novembre 1941 pour la première et en janvierfévrier 1942 pour la seconde, à bord de l’U-595 en Mer Baltique.
Construit par Blohm & Voss à Hambourg, ce Type VII C est mis en service par l’Oblt.z.S. Jürgen Quat-Faslem le 6 novembre
1941. Quittant le port hanséatique, l’U-595 descend l’Elbe et le Canal de Kiel pour déboucher dans la Baltique. L’itinéraire fluvial
n’est pas sans danger et le bâtiment doit, à plusieurs reprises, faire monter à son bord des pilotes pour l’aider dans sa navigation.
Arrivé à Kiel, le sous-marin entame quelque deux semaines d’essais UAK au cours desquelles des plongées d’urgence et la
compensation du gyrocompas sont exécutées. Une autre étape abordée est l’établissement du profil sonore du bâtiment, une
opération effectuée par UAG-Schall à Sønderborg (Danemark). Pour ce faire, des microphones sous-marins captent le son émit
par le submersible naviguant à différentes vitesses. Le but de l’opération est de réduire la signature acoustique du sous-marin
afin de le rendre plus difficilement détectable. La Photo 27 (p. 28) date probablement des essais UAK. Prise depuis l’U-595, elle
montre un autre U-Boot revêtu de l’emblème UAK blanc sur son kiosque, entrant dans le fjord de Kiel. Ce motif n’était appliqué
(sur les deux côtés du kiosque) que pendant les essais de réception.
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U-Boot im Focus – 4/2008
Les essais achevés le 11 décembre 1941, l’U-595 est versé à l’Agru-Front* de Hela (nom allemand de Hel, port polonais). C’est
donc dans les eaux profondes de la Baie de Dantzig (aujourd’hui Golfe de Gdańsk) que se poursuit l’entraînement de l’équipage
du 12 au 22 décembre. Le 23, le bâtiment est rattaché à la 8. U-Flottille de Königsberg (la flottille sera transférée à Dantzig en
février 1942). C’est avec cette flottille que l’U-595 entreprend des essais de plongée à grande profondeur, de navigation à vitesse
maximale, des exercices en diverses conditions (grenadage et réparations de fortune sur avaries simulées, tir nocturne de torpilles, tir au canon de DCA et tir au canon de pont contre des navires de surface). L’entraînement, qui inclut un certain nombre
d’exercices tactiques, se prolonge jusqu’au 31 juillet 1942. Il s’achève par une session de monitoring de la signature sonore au
large de Rønne (île danoise de Bornholm, dans la Baltique).
La Photo 28 (bas de la p. 29) a été prise en janvier-février 1942 dans l’une des bases d’entraînement bordant la Baie de Dantzig.
Elle montre l’Obersteuermann Georg Schwarz posant devant le kiosque de l’U-595. On distingue la grosse grenouille, l’emblème
du submersible conçu et peint par le 1.WO, le Lt.z.S. Friedrich Kaiser, alors que le sous-marin était affecté à l’Agru-Front*.
Le 14 novembre 1942, l’U-595 est bombardé au large d’Oran (Algérie). Son capitaine décide de l’échouer, puis de le saborder au
moyen de charges explosives. Deux membres de son équipage auront été tués par les bombes alliées. Quant aux autres, ils
seront faits prisonniers.
Photos 27 et 28 U-Boot Museum Cuxhaven
* pour Ausbildungsgruppe-Front ou Groupe d’Entraînement aux Opérations de Première Ligne
P a g e 3 0 – Emblèmes inconnus
U-575: les armes de sa marraine
Ce célèbre sous-marin est réputé pour avoir porté plusieurs emblèmes et motifs différents. C’est le Kptlt. Günther Heydemann
(futur récipiendaire des Feuilles de Chêne) qui en assura le commandement au cours des huit premières patrouilles. L’U-575
aurait porté le nom et l’emblème du Liliput (une taverne sur la Reeperbahn, dans le quartier chaud de Hambourg): un ramoneur
portant une échelle sur un disque noir. Plus tard, le bâtiment sera orné du fameux “Taureau de Scapa Flow“ (insigne de la
7. U-Flottille) de part et d’autre de son kiosque. Dans l’ouvrage de Georg Högel intitulé Emblem, Wappen, Malings, un membre
de l’U-575 déclare que, lors de sa mise en service, le sous-marin portait sur son kiosque les armes de la ville autrichienne de
Dornbirn. De même, tous les membres de son équipage arboraient un foulard rouge également décoré des armes de la ville.
L’ancien sous-marinier à qui l’on doit cette information, a bonne mémoire: notre photo, prise alors que l’U-575 quitte Trondheim
pour sa croisière inaugurale le 8 septembre 1941, confirme les dires du vétéran. En réalité, à l’époque, le sous-marin portait les
armes de Dornbirn sur l’avant du kiosque. L’insigne consiste en un poirier portant un fruit jaune, le tout inscrit sur un écu rougeblanc-rouge. La même photo confirme aussi que le célèbre pavillon pirate, dont on connaissait la présence sur le flanc bâbord du
kiosque, ornait aussi son côté tribord. Par contre, nous ignorons si l’U-575 a porté cet emblème et les armes de Dornbirn au-delà
de sa première patrouille.
Le 13 mars 1944, alors qu’il effectuait sa dixième croisière de combat, l’U-575 (alors commandé par l’Oblt.z.S. Boehmer) disparaîtra au nord des Açores, coulé par l’US Task Group 21.11. C’était la première patrouille du submersible depuis l’installation de
son snorkel. Trente-sept marins allemands survivront au naufrage.
P a g e 3 1 – Documents
U-592: le certificat du Cercle Arctique
Si les sous-mariniers opérant dans l’Atlantique se voyaient décerner un certificat lorsqu’ils franchissaient l’équateur, leurs camarades au combat en Mer du Nord recevaient un document similaire lorsqu’ils franchissaient le cercle polaire arctique en plongée.
Le certificat reproduit ici reprend la soi-disant déclaration du dieu de la Mer: “Je soussigné Neptune, maître de toutes les mers,
lacs, mares, sources, bassins, flaques, ruisseaux, rus, rivières, caniveaux et puisards déclare par la présente que, le 5 avril 1942,
le Matr.Gefr. W. Wodarzack a plongé sous le cercle polaire arctique. Se faisant, il s’est lavé de la poussière et de la saleté des
mers du sud dans l’Océan Glacial Arctique. Par délégation, signé Born, Kapitänleutnant, commandant.“ Ce certificat fut décerné
à l’occasion de la deuxième patrouille de l’U-592 (alors commandé par le Kptlt. Carl Born), lorsque le sous-marin franchit le cercle
polaire arctique pour la toute première fois, lors d’une opération vers Mourmansk. Le document porte l’emblème de
l’U-592.
P a g e 3 2 – Photos inattendues
Des sous-mariniers chasseurs d’ours!
Si de nombreux incidents et anecdotes viennent à l’esprit lorsqu’on évoque les opérations sous-marines allemandes de la 2ème
GM, la chasse aux ours polaires n’en fait probablement pas partie. C’est cette raison qui nous a incités à publier les photos étonnantes qui illustrent cet article.
La vie quotidienne des sous-mariniers allemands opérant en Mer du Nord fut sensiblement plus monotone que celles de leurs
frères d’armes dans l’Atlantique. Hormis les convois, le repérage de navires ennemis était exceptionnel, un navire de surface
esseulé une rareté. L’occasion de tirer une torpille se présentait parfois le long des côtes. En outre, la température de l’air et de
l’eau rendait le service pénible. Les guetteurs connaissaient l’enfer si, par malheur, ils prenaient le quart lors d’une tempête de
glace. Il n’est donc pas étonnant que, sous ces latitudes, les hommes sur la passerelle ressemblaient plus à des trappeurs qu’à
des sous-mariniers! C’est pourquoi les équipages ne voyaient pas les opérations spéciales dans ces eaux froides d’un bon œil,
d’autant que lesdites opérations étaient aussi susceptibles d’emmener les hommes dans des eaux lointaines peu fréquentées.
Un certain nombre de ces missions particulières consistait à collecter des données météorologiques. De telles missions menaient
les équipages jusqu’au Spitzberg. En 1942 et 1943, deux de ces opérations eurent lieu dans la Mer de Kara, à l’est de la Nouvelle-Zemble*. Au cours de l’été 1942, une flottille composée du croiseur lourd Admiral Scheer et de trois destroyers constitua le
vecteur de surface de l’opération Wunderland (littéralement “Pays des Merveilles“). De leur côté, les U-251 et U-601 agissaient
en soutien de l’opération, repérant les glaces pour leurs homologues de surface. Une seconde opération de même nature, logiquement dénommée Wunderland II, se déroula pendant l’été 1943. L’objectif de cette nouvelle opération consistait à reconnaître
le secteur comprenant la Mer de Kara et la Mer de Sibérie Occidentale, à la recherche de convois marchant cap à l’ouest. Certains des sept U-Boote engagés dans l’opération (U-255, -302, -354, -601, -703, -711 et -960) franchirent d’énormes champs de
U-Boot im Focus – 4/2008
9
glace dans des régions totalement inhabitées. C’est là que des sous-mariniers rencontrèrent des ours polaires dont certains
individus n’hésitèrent pas à approcher les U-Boote.
Le spectacle qui s’offrait alors pouvait être qualifié de rare. En effet, la plupart des marins allemands n’avaient vu ces énormes
créatures qu’en livre. On ne s’étonnera pas que ceux d’entre eux qui pratiquaient aussi la chasse, voulurent s’offrir la fourrure de
l’un de ces mammifères. Et plusieurs submersibles organisèrent alors des chasses à l’ours. Notre série de clichés montre l’un de
ces colosses polaires abattu, hissé à bord de l’un des U-Boote et dépiauté. Malheureusement, nous ne pouvons confirmer
l’identité du bâtiment à bord duquel ces vues légèrement floues ont été prises. Il pourrait s’agir de l’U-255. On sait que les marins
de l’U-302 parvinrent à abattre deux ours. Nous ignorons aussi si le cuistot fit quelque chose de cette chair fraîche. Quoi qu’il en
fût, il faut espérer que le chef usa de la plus grande prudence car la chair des ours polaires est réputée pour contenir parfois des
trichines (petits vers de moins d’1 mm de long provoquant chez l’homme la trichinose, une maladie gastro-entérologique grave).
* la Mer de Kara s’étend au nord de la Russie, entre la Mer de Barents, l’Océan Arctique et la Mer de Laptev.
Photo 31 (p. 32) – Une vue impressionnante: en septembre 1943, lors de l’opération Wunderland II, deux U-Boote ont rendezvous dans la Mer de Kara, loin de toute civilisation. Pourtant, la faible probabilité d’une présence ennemie ne semble avoir aucune influence sur le degré d’attention des guetteurs. Cette photo a vraisemblablement été prise depuis l’U-255 (Oblt.z.S. Harms)
à bord duquel se trouvait un Kriegsberichter (correspondant de guerre) embarqué pour la durée de l’opération.
Bundesarchiv 101I-506-B0099-07
Photo 32 (haut de la p. 33) – Ferré! Ou plutôt gaffé puisqu’un marin utilise ce type de perche pour tenter d’attraper le cadavre
d’un ours à la dérive. Le mammifère a probablement été tué par l’équipage de l’U-255.
Bundesarchiv 101I-506-B0097-34A
Photos 33 et 34 (p. 34) – Au prix d’un effort combiné, le géant polaire est hissé sur le pont du sous-marin. L’entreprise n’est
guère aisée, l’animal pesant entre 500 et 700 kg. Sur l’autre vue, les chasseurs posent avec leur trophée. Apparemment, les
hommes ont également utilisé, outre des carabines, un pistolet-mitrailleur (cf. l’homme à gauche sur la Photo 34).
Bundesarchiv 101I-506-B0098-21A
Photo 35 (grande photo p. 35) – Cette photo prouve que les marins n’ont pas tué que pour le sport: les hommes dépiautent soigneusement l’ours attaché à la plateforme Wintergarten. La fourrure a probablement été acheminée vers l’une des bases de
sous-marins en Norvège.
Bundesarchiv 101I-506-B0098-21A
Photo 36 (petite photo p. 35) – L’équipage de l’U-302 (Kptlt. Sickel) s’est également livré à l’une ou l’autre partie de chasse au
cours de l’opération Wunderland. Sur cette vue, deux ours polaires ont été abattus et hissés à bord du submersible.
Collection Wilhelmj
P a g e 3 6 – Derrière les images, une histoire
La deuxième patrouille de l’U-34: entre guerre et humanité
Octobre 1939: l’U-34 sauve ses propres victimes
par Axel Urbanke
Le soleil brille en ce 17 octobre 1939, alors que le célèbre U-47 accoste à Wilhelmshaven. Son capitaine, le Kptlt. Prien, vient
d’entrer dans l’histoire: quatre jours plutôt, il a coulé le HMS Royal Oak de 29.150 GRT dans la grande base navale de Scapa
Flow. Un formidable exploit remporté au nez et à la barbe de la Royal Navy. Les préparatifs de la réception organisée par la
Kriegsmarine pour la circonstance, occulte le départ d’un autre U-Boot le même jour. Vers 13h00, l’U-34 du Kptlt. Wilhelm Rollmann quitte le port à l’entame de sa deuxième patrouille. Le sous-marin franchit rapidement le canal Jadefahrwasser et gagne la
Mer du Nord.
Rollmann peut compter sur un équipage expérimenté. En effet, l’U-34 a pris part aux opérations dans les eaux territoriales espagnoles pendant la Guerre Civile. En ce mois d’octobre 1939, la zone assignée au même submersible s’étend autour de la
Grande-Bretagne. A cette époque, les sous-mariniers allemands sont tenus de respecter des règles d’engagement particulières:
ils sont autorisés à attaquer les seuls navires marchands appartenant à des nations en guerre avec l’Allemagne et ceux transportant des marchandises à partir de et vers la Grande-Bretagne. En outre, les commandants de sous-marin ont reçu l’ordre formel
de veiller à la sécurité des équipages servant les bâtiments attaqués. Mais, en pratique, chaque capitaine reste libre d’interpréter
le terme “sécurité“ à sa manière. Et celle-ci varia beaucoup. Rappelons aussi que cet ordre ne s’appliquait pas aux navires de
commerce escortés par des bâtiments de guerre.
Dans l’après-midi du jour qui suit son départ de Wilhelmshaven, l’U-34 intercepte le steamer estonien Lake Lucerne. Il
l’arraisonne, l’inspecte à la recherche de marchandises prohibées et, à 17h30, l’autorise à poursuivre sa route. Le même jour,
peu après 23h00, l’U-34 repère le steamer danois Viola. Les opérations d’arraisonnement reprennent mais avec le même résultat
et, peu avant minuit, le cargo danois est autorisé à reprendre sa route. A l’aube du jour suivant, le 20 octobre, quelque 50 nautiques au nord-est des Shetland, les guetteurs de l’U-34 signalent un nouveau bâtiment. Il s’agit d’un autre steamer, suédois celuilà, le Gustaf Adolf qui jauge 926 GRT. Les Allemands le forcent à mettre en panne. Hélas pour l’équipage suédois, les arraisonneurs ont tôt fait de découvrir que la cargaison transportée (du papier et de la pulpe de bois) est destinée aux Anglais. Le sort du
Gustaf Adolf est dès lors scellé. Les marins allemands font monter leurs homologues scandinaves dans leurs embarcations de
sauvetage et, à 07h32, le steamer disparaît sous la surface, victime du tir combiné du canon de pont et des tubes lance-torpilles
de l’U-34.
Bien que les naufragés jouissent de la sécurité -relative- de leurs deux canots de sauvetage, le Kptlt. Rollmann estime qu’ils sont
en danger. Il donne donc l’ordre de s’approcher des canots et de les prendre en remorque. Le capitaine allemand a l’intention
d’amener les naufragés le plus près possible des Shetland, de sorte que les infortunés puissent rejoindre eux-mêmes la côte.
Mais, trois heures plus tard, ses plans sont déjoués par un autre navire que ses guetteurs viennent de repérer. C’est le Biscaya,
un steamer norvégien. Rollmann s’en rapproche et fait tirer deux coups de semonce devant son étrave. Le Norvégien stoppe.
Rollmann fait rompre la ligne des canots de sauvetage du Gustaf Adolf et, bientôt, les occupants des canots peuvent monter à
bord du Biscaya (qui gagnera le port norvégien de Moss quelques jours plus tard). Mais les événements se précipitent: les embarcations de sauvetage sont à peine libérées que, déjà, un autre navire est repéré. A 10h58, Rollmann tente de le stopper en
tirant trois coups de semonce devant sa proue. En retour, le bâtiment inconnu fait feu et tente de s’échapper. Mais sa visée est
10
U-Boot im Focus – 4/2008
imprécise. Rollmann réplique de la même manière, ne cessant les tirs que lorsque les marins du cargo abandonnent ce dernier
pour les embarcations de sauvetage. Désormais, l’identité du steamer est connue: il s’agit du Sea Venture anglais déplaçant
2.327 GRT. Rollmann le coule lui et sa cargaison (du charbon) à 13h40.
Les services secrets allemands apprennent que les Britanniques manquent de bois de mine. En conséquence, le SKL* décide le
23 octobre d’accroître ses efforts pour empêcher la fourniture de bois provenant d’Europe du Nord et des Etats Baltes. A la
même époque, on retrouve l’U-34 cabotant autour de l’Irlande. Le 26 octobre, il laisse passer un steamer italien. Mais le jour
suivant, il fait la désagréable expérience du parapluie aérien ennemi: les avions anglais ratissent constamment sa zone
d’opérations. L’U-34 attend donc la fin du jour pour faire surface. A 18h40, au sud-ouest des côtes irlandaises, la passerelle repère les fumées d’un convoi naval. Il s’agit de l’OB-25. L’U-34 commence à manœuvrer afin de se positionner devant le convoi. A
19h30, l’Allemand passe à l’attaque et lance deux torpilles. La seconde manque son objectif mais la première frappe: un bâtiment
du convoi est touché. Rollmann attend 21h01 pour lancer sa deuxième attaque. A nouveau, les sous-mariniers enregistrent ce
qu’ils croient être un coup au but. Mais c’est une erreur, seule la première torpille tirée lors de l’attaque précédente, a porté. Et
c’est le cargo britannique Bronte (5.317 GRT) qui en a fait les frais: il est si gravement endommagé qu’il est coulé le 30 octobre
par les deux destroyers d’escorte qui avaient tenté de le prendre en remorque. Les escorteurs ennemis ont également grenadé
l’U-34 mais sans succès.
Peu avant minuit le 28 octobre, le sous-marin allemand localise deux steamers flanqués d’un destroyer. Rollmann manœuvre en
vue de l’attaque. A 01h50, il décoche deux torpilles vers les trois navires de surface. A l’issue de l’engagement, le capitaine allemand revendique deux bâtiments coulés, sans toutefois en obtenir une confirmation visuelle. En réalité, il n’a envoyé par le fond
que le steamer britannique Malbar de 7.976 GRT. La victime et ses deux escorteurs faisaient partie du convoi HX-5 marchant
cap à l’est. Mais l’ennemi est devenu plus méfiant et cherche à présent l’U-34 à l’ASDIC. Rollmann juge plus prudent de se poser
sur le fond pendant l’après-midi. Le même jour, Dönitz lance à ses capitaines de U-Boot un ordre visant à réduire le risque de
pertes sous-marines: les commandants de sous-marins doivent faire preuve de la plus grande prudence lorsqu’ils engagent les
steamers au canon et même éviter d’utiliser leur arme de pont si possible.
Le 30 octobre, de sérieux ennuis mécaniques forcent l’U-34 à abandonner temporairement sa patrouille. Le lendemain, au petit
jour, l’U-34 tire sur un navire esseulé. Mais l’attaque est un échec: des quatre “aiguilles“ tirées, deux sont remontées à la surface
et les deux autres ont percuté le fond. Rollmann a maintenant épuisé son stock de torpilles. Aussi, lorsqu’il croise le lendemain la
route d’un autre steamer sans pavillon, le laisse-t-il poursuivre sa route sans l’inquiéter. Alors qu’il a mis le cap retour et qu’il
contourne les îles Shetland le 7 novembre, l’U-34 repère un croiseur de la Royal Navy à 06h30. Mais sans torpille, il ne peut rien.
Deux jours passent et dans la nuit du 9 novembre, le sous-marin repère le cargo Snar non loin des côtes norvégiennes. Toutefois, l’état de la mer ne permet pas d’envoyer une équipe d’inspection à son bord. Rollmann, cependant, décide de patienter: il
ordonne au Norvégien de mettre en panne jusqu’à ce que la météo s’améliore. Deux jours plus tard, l’U-34 arraisonne deux autres bâtiments, le steamer norvégien N.J. Ohlson à 09h00 et le suédois Gimle à midi. En règle, les deux navires peuvent poursuivre leur route. Le Snar, par contre, stoppé la veille par l’U-34, a moins de chance: comme il naviguait vers la France, il est finalement arraisonné par le même sous-marin. Celui-ci envoie une escouade aux ordres du 1.WO Prellberg pour prendre le contrôle
du cargo. Le Norvégien est promptement capturé et dirigé vers le port allemand de Friedrichsort (dans le fiord de Kiel).
Le 12 novembre, à 10h00, après 27 jours de mer, l’U-34 rentre à Wilhelmshaven. A son palmarès, quatre navires coulés et un
autre capturé. En tant que commandant, le Kptlt. Rollmann avait montré que l’humanité et le sens moral ne devaient pas céder
face aux exigences militaires.
* abréviation de Seekriegsleitung (Direction de la Guerre Navale)
Photo 37 (p. 36) – Faute de photographie illustrant le retour de l’U-34 à l’issue de sa deuxième patrouille, en voici une prise le
18 juillet 1940 qui le montre rentrant à Lorient après sa sixième patrouille. Le tableau de victoires s’enrichit alors de sept navires
marchands et du destroyer HMS Whirlwind, pour un tonnage total de 22.434 GRT. A cette époque, ce Type VII A porte
l’emblème à “L’Eléphant marchant sur le pied de Churchill“.
Bibliothek für Zeitgeschichte
Photo 38 (p. 37) – 20 octobre 1939, quelque 50 nautiques au nord-est de l’archipel des Shetland. Après avoir coulé le steamer
suédois Gustaf Adolf à 07h32, l’U-34 accroche les canots de sauvetage du cargo à sa poupe afin de les remorquer vers les Shetland.
Photos 39 et 40 (p. 38) – Pris en remorque par l’U-34, les naufragés du Gustaf Adolf sont acheminés vers les îles Shetland. Mais
le steamer norvégien Biscaya sera repéré peu après et les survivants du Gustaf Adolf seront transférés à son bord. La Photo 40
montre le Kptlt. Rollmann sur le pont de son U-34 au cours de la patrouille relatée dans l’article. Rollmann se souciait beaucoup
du sort des naufragés des navires marchands coulés.
Photos 41 et 42 (p. 39) – A court de torpilles, l’U-34 arraisonne le cargo norvégien Snar dans la soirée du 9 novembre 1939 au
large de la Norvège. Les Allemands durent attendre le lendemain que la mer se soit calmée pour faire monter leurs inspecteurs à
bord du cargo. Comme le même bâtiment faisait route vers la France, il sera capturé (prise de guerre) et dirigé vers un port allemand. Nos photos montrent le Snar dans la matinée du 10 novembre, alors que l’équipe de l’U-34 va monter à son bord.
Photos 43 et 44 (p. 40) – Lorsqu’il entama sa deuxième patrouille, l’U-34 portait toujours sur son kiosque l‘effigie de Hans Huckebein, le Corbeau Malchanceux*. La Photo 44 a été prise après la deuxième patrouille du sous-marin. Suite à la canonnade
efficace du 20 octobre 1939 contre le steamer suédois Gustaf Adolf et le navire britannique Sea Venture, l’emblème original du
kiosque a été masqué. Ainsi, le corbeau a-t-il laissé la place à l’aigle national allemand ainsi qu’à un écu circulaire orné du 88
mm de pont et de la date de l’engagement. Nous ignorons combien de temps l’U-34 arbora ce nouvel insigne.
* Le titre allemand original est Hans Huckebein, der Unglücksrabe. C’est au poète et dessinateur de Basse-Saxe Wilhelm Busch
(1832-1908) que l’on doit les aventures de ce petit corbeau. Busch fut l’un des précurseurs de la bande dessinée moderne.
U-Boot im Focus – 4/2008
11
P a g e 4 1 – Portraits
Fregattenkapitän Fritz Frauenheim, capitaine des U-21 et U-101
par Axel Urbanke et Malcom Gray
Fritz Frauenheim compta parmi les commandants de U-Boot les plus âgés. Mais l’âge de ces capitaines n’empêcha pas certains
ème
GM.
d’entre eux de remporter quelques jolis succès au début de la 2
Frauenheim est né à Berlin le 9 mars 1912. Sa scolarité achevée, il s’engage comme aspirant dans la Reichswehr dont les effecer
tifs ont été limités à 100.000 hommes par le traité de Versailles. Le 1 avril 1930, il est muté à la I. Schiffsstammdivision sur la
Baltique où il suit une formation dans l’infanterie. Plus tard, au cours de la même année, il entame une formation pratique de
marin à bord du navire-école Niobe (un quatre-mâts barque) et du croiseur léger Emden. Le 10 octobre 1930, Frauenheim est
nommé cadet de marine. En 1931 et 1932, il suit une série de cours à Kiel, Flensburg et Wilhelmshaven, cours qui incluent autant le mouillage de mines que le tir au canon et celui de torpilles.
La prise du pouvoir par les Nazis et la nomination d’un certain Adolf Hitler comme Chancelier du Reich le 10 janvier 1933, entraînent un profond remaniement de la Reichswehr. Le 2 août 1934, Frauenheim et le reste des forces armées allemandes prêtent
serment d’allégeance au “Chef“ (Führer en allemand) plutôt qu’à la constitution. Le 23 septembre, Frauenheim embarque à bord
er
du liner Schleswig Holstein pour y poursuivre sa formation et le 1 octobre 1934, il y est promu Leutnant zur See (Enseigne de
Vaisseau de 1ère Classe). A l’été 1934, il est transféré sur le croiseur léger Karlsruhe en tant que Divisionsleutnant, avant de
rejoindre la Torpedoschule (Ecole des Torpilles) de Flensburg-Mürwik au cours de l’automne 1935.
En janvier 1936, le destin oriente Fritz Frauenheim vers l’arme sous-marine. Peu de temps après, il est incorporé comme 1.WO à
l’équipage du Kptlt. Grodt. Avec l’U-25, le jeune officier sert dans les eaux espagnoles au cours de la Guerre Civile. C’est là qu’il
acquiert sa première expérience opérationnelle. Un an plus tard, il prend le commandement de l’U-21, un Type II B qui vient
er
ème
d’être achevé à Kiel. Promu Kapitänleutnant le 1 avril 1939, notre homme et l’U-21 naviguent en Mer du Nord lorsque la 2
er
GM éclate le 1 septembre 1939. Entre le 25 août et le 24 décembre de la même année, il accomplit cinq patrouilles, toutes en
Mer du Nord, coulant cinq navires. Deux d’entre eux sont victimes des mines mouillées par l’U-21 au cours de sa deuxième patrouille dans le Firth of Forth (Ecosse). Il s’agit du navire auxiliaire HMS Bayonet (coulé le 21 décembre 1939) et du Royal Archer.
Ce dernier, qui fait partie du convoi FN-100, saute sur l’une des mines de Frauenheim le 24 février 1940. Les “œufs“ posés par
notre officier vont faire une autre victime: le croiseur léger HMS Belfast qui sera sérieusement endommagé le
21 novembre 1939.
Le 11 mars 1940, Frauenheim met en service l’U-101, un Type VII B achevé au Krupp Germania Werft. Le 29 avril 1940, à l’issue
d’une période de familiarisation technique et de missions d’entraînement, notre officier emmène le nouveau bâtiment pour sa
première croisière opérationnelle. Au cours des six mois qui suivent, l’U-101 accomplit quatre patrouilles en Mer du Nord, dans le
Golfe de Gascogne et l’Atlantique Nord.
Lorsqu’il remet le commandement de son sous-marin le 24 octobre 1940, Frauenheim a coulé 15 navires. Les événements les
plus marquants auront été le naufrage du cargo Antonis Georgandis le 14 juin 1940 (il fallut pas moins de 91 obus du canon de
pont pour envoyer le navire grec par le fond) et le sauvetage d’un jeune marin de 17 ans. Celui-ci faisait partie de l’équipage du
cargo canadien Saint-Malo coulé par l’U-101 le 12 octobre 1940. Frauenheim repêcha l’adolescent, l’interrogea et le fit monter
dans l’une des embarcations de sauvetage du Saint-Malo. Le gamin et les autres survivants furent ensuite recueillis par le HMS
Salvonia. Frauenheim reçoit la Croix de Chevalier le 29 août 1940, après trois patrouilles avec l’U-101. Son nom est également
mentionné dans un communiqué de la Wehrmacht le 19 octobre 1940.
Son temps de service en première ligne s’achève et notre officier, alors âgé de 28 ans, devient instructeur au sein de la
ème
Division des Sous-Marins d’Entraînement). Au cours du printemps 1941, il est nommé officier
2. Unterseebootlehrdivision (2
de liaison pour le Fliegerführer Atlantik (Commandement Aérien de l’Atlantique). En septembre, il prend le commandement de la
23. U-Flottille en Méditerranée (v. Photo L3 p. 4 du présent numéro), unité qui sera rebaptisée 29. U-Flottille en mai 1942. Sa
promotion n’affecte en rien son caractère qui demeure invariable depuis son premier commandement: Frauheim est apprécié des
sous-mariniers en Méditerranée pour son absence de formalisme et ses manières directes qui permettent de résoudre bien des
problèmes en évitant la voie hiérarchique. Notre homme se montre très efficace à son nouveau poste. Au printemps 1944, le
coeur gros, il est placé sous le commandement du chef des Kleinkampfverbände (formations d’attaque spéciales) lancées contre
les troupes américaines qui ont débarqué à Nettuno (province de Rome).
En avril, il quitte l’Italie pour remonter vers la Baltique où il devient le chef d’état-major du Vizeadmiral Heye qui commande ces
mêmes Kleinkampfverbände (aussi connues sous l’abréviation de K-Verbände). Tous les états-majors des unités spéciales, les
divisions de K-Verbände aux Pays-Bas et le détachement d’entraînement sont placés sous la responsabilité du vice-amiral. En
pratique, ce dernier commande tous les engins sous-marins et de surface des K-Verbände. Heye dépend directement de l’OKM.
Ses états-majors et lui-même sont stationnés à Timmendorfer Strand (Schleswig-Holstein), au nord de Lübeck. En tant que chef
d’état-major, Fritz Frauenheim visite souvent ses unités et se tient régulièrement informé de toutes leurs activités. Là aussi, il fait
preuve de talent en sa qualité de courroie de transmission harmonieuse entre le commandement et les marins de première ligne.
Mais les armes destinées aux K-Verbände sont encore en gestation et la capitulation partielle des forces allemandes dans le
nord-ouest de l’Allemagne le 5 mai 1945 met fin aux espoirs que la Wehrmacht avait placés dans ces armes nouvelles. Frauenheim est alors capturé par les Britanniques qui le relâchent au bout de huit mois. Fritz Frauenheim meurt à Hambourg le 28 septembre 1969, à l’âge de 57 ans.
Décorations
06 juin 1939
02 octobre 1939
07 novembre 1939
29 août 1940
01 novembre 1941
18 juin 1943
23 novembre 1944
Croix d’Espagne en Bronze avec Epées
Croix de Fer de Seconde Classe
Croix de Fer de Première Classe
Croix de Chevalier de la Croix de Fer
Croix de Guerre Italienne avec Epées
Croix de Chevalier de l’Ordre de l’Aigle Romain avec Epées
Croix Allemande en Or
Promotions
10 octobre 1930
01 janvier 1932
Cadet de Marine
Fähnrich zur See
12
U-Boot im Focus – 4/2008
01 octobre 1934
01 juin 1936
01 avril 1939
01 mars 1943
01 décembre 1944
Leutnant zur See
Oberleutnant zur See
Kapitänleutnant
Korvettenkapitän
Fregattenkapitän
Photos 45 et 46 (p. 41) – Photo 45: photo-portrait du Korvettenkapitän Fritz Frauenheim en 1943. Même lors de cette séance en
studio, Frauenheim, fumeur impénitent, n’a pu s’empêcher de saisir une cigarette. La Photo 46 montre l’U-101 entrant à Lorient
le 16 septembre 1940, à l’issue de sa troisième patrouille. Tous les fanions des victoires remportées ont été hissés à l’occasion
de l’attribution de la Croix de Chevalier au capitaine. On note la proue endommagée.
Collection Gray
Photo 47 (p. 42) – Toujours proche de ses hommes: Fritz Frauenheim discute avec des ouvriers au cours d’une visite à des
chantiers navals. C’est de cette manière que, souvent, l’officier obtenait des informations qui échappaient aux chefs et aux étatsmajors.
Collection Gray
Photo 48 (p. 43) – Le Großadmiral Dönitz visite une K-Verband à l’été 1944. Le commandant des U-Boote s’entretient avec un
plongeur de combat au cours d’une démonstration. A gauche du plongeur, Fritz Frauenheim; à l’extrême droite, le Vizeadmiral
Heye.
Collection Gray
P a g e 4 4 – Vues Intérieures
L’intérieur? C’était comme ça!
Si l’on compare un sous-marin à un organisme vivant avec ses artères, ses nerfs et ses divers organes, le système de propulsion
peut être considéré comme le “cœur“ du submersible. En effet, une panne de machines scelle généralement le sort d’un bâtiment. On mesure donc la responsabilité énorme des mécaniciens, en particulier ceux servant à bord de U-Boote opérant en
première ligne. Ces hommes devaient développer une connaissance quasi intime du système de propulsion afin de pouvoir faire
face à toute éventualité. Ils devaient œuvrer dans des lieux particulièrement exigus. Seuls, ceux servant à bord des gros Type IX
ou X pouvaient s’estimer heureux de travailler dans des endroits à peine plus spacieux. Leurs homologues des Type VII et Type
II (surnommés “Pirogues“) ne pouvaient en dire autant.
La Photo 49 (p. 44) offre une vue sur la salle, relativement spacieux, des machines électriques de l’U-108. A l’arrière-plan, la
cloison étanche arrière au-delà de laquelle on atteignait la section la plus extrême de la poupe: le compartiment des torpilles.
Visible à gauche de l’E-maschinist (électromécanicien), la partie arrière de l’un des deux panneaux principaux (et identiques) des
commutateurs Siemens. De gauche à droite, on distingue les interrupteurs du système de refroidissement des moteurs électriques et les nombreux cadrans. Sous ces derniers et les interrupteurs, les commutateurs d’inversion couplés 1 et 2. Près d’eux, la
commande du démarreur des propulseurs électriques. Les deux volants montés l’un au-dessus de l’autre font partie des dispositifs de contrôle de vitesse 1 et 2. Ils permettaient de sélectionner des paliers de vitesse.
Les Photos 50 et 51 (p. 45) ont été prises dans la salle des machines électriques du célèbre U-552 du non moins célèbre Erich
Topp. Ces vues illustrent la concentration des mécaniciens tout occupés à leurs tâches. En outre, lorsqu’on compare ces photos
à celles similaires de l’U-108 (Photo 49), elles montrent l’étroitesse des Type VII. A bord de ces derniers, la situation était aggravée par l’absence de cloison entre la salle des machines électriques et la chambre des torpilles arrière. De plus, la torpille de
réserve était entreposée sous le plancher métallique, entre les propulseurs électriques. A l’arrière-plan sur la Photo 50, on distingue la cloison antibruit au travers de laquelle on accédait à la salle des Diesel.
P a g e 4 6 – Fanions
U-107: le tableau de chasse
La sixième patrouille de l’U-107, un Type IX B, le conduisit au large de la côte est des Etats-Unis et des Caraïbes. Cette fructueuse croisière de 82 jours débute à Lorient le 21 avril et s’y achève le 11 juillet 1942. Pour l’équipage, c’est la troisième patrouille sous le commandement du Kptlt. Harald Gelhaus. Les trois précédentes ont été accomplies sous les ordres du premier
“Pacha“ de l’U-107, le Korv.Kpt. Günther Hessler. Hessler avait remis son commandement à Gelhaus suite à sa mutation auprès
de l’E-M du BdU (on se souviendra que Hessler était marié à Ursula, fille de Dönitz, depuis 1937). Au cours de sa sixième patrouille, l’U-107 coulera sept bâtiments jaugeant un total de 27.018 GRT. Il semble que l’équipage allemand ait cherché à obtenir
un souvenir de chacune de ses victimes, que ce soit un morceau de débris ou une bouée de sauvetage portant leur nom. La
Photo 53 (p. 47) montre l’avant du submersible alors qu’il entre en rade de Lorient le 11 juillet 1942. Outre les quatre bouées
dont les noms de navire sont illisibles, on distingue des débris du bordé des Jagersfontein et Suwied.
Le Suwied, un steamer américain de 3.249 GRT, a été coulé dans les Caraïbes par une seule torpille à 01h19, dans la nuit du
8 au 9 juin 1942. Naviguant seul, le navire sombra en trois minutes. Six membres de son équipage y laissèrent la vie mais les
27 autres furent secourus 19 heures plus tard par les gardes-côtes américains. Le Suwied et le Jagerfontein furent respectivement les quatrième et septième victimes de l’U-107, le second bâtiment étant aussi le dernier coulé par le sous-marin au cours
de sa sixième patrouille. Le 26 juin, à 09h13, quelque 500 nautiques à l’ouest des Bermudes, l’U-107 expédie deux torpilles dans
les entrailles du vaisseau néerlandais de 10.083 GRT. Le Jagerfontein, qui navigue seul, était sur le chemin du retour au moment
de l’attaque. Mais il ne sombre pas tout de suite: il faudra attendre 15h00 et un coup de grâce pour l’envoyer rejoindre Neptune et
son royaume. Par miracle, aucun des 220 passagers et membres d’équipage n’y perdit la vie. Grâce à un émetteur équipant l’une
des embarcations de sauvetage, les naufragés purent guider vers eux le steamer suisse Saint-Cergue qui les recueillit à son bord
le 27 juin 1942. La Photo 52 (p. 46) montre l’U-107 et son emblème aux “Quatre As“, rentrant à Lorient à l’issue d’une patrouille.
Il pourrait s’agir de la neuvième qui s’acheva le 25 mars 1943 et au cours de laquelle l’U-107 coula cinq bâtiments.
Photo 52 Bundesarchiv Koblenz 101II-MW-4386-01
U-Boot im Focus – 4/2008
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P a g e 4 8 – Paysages
Le Grand et le Petit
Les amateurs de sous-marins allemands n’ignorent pas que les mouilleurs de mines du Type X B sont sensiblement plus volumineux que les classiques Type VII C. Mais rares sont les photos qui permettent d’illustrer aussi bien que la nôtre la différence de
taille entre les deux Types. La vue publiée en double page provient de la collection de notre collaborateur Walter Storbeck. Elle
montre l’U-119 (un Type X B) à côté de l’U-443 (un Type VII C). Les deux bâtiments ont été photographiés au cours de l’été
1942, pendant une période d’entraînement. Avec ses 67,1 m de long et ses 6,2 m de large, l’U-443 paraît bien petit à côté des
89,8 m de long et des 9,2 m de large de l’U-119. Ce dernier affiche 3 mètres de plus en largeur et près de 23 mètres de plus en
longueur par rapport au Type VII C. Par contre, les tirants d’eau respectifs sont similaires avec 4,7 m pour le VII C et 4,8 m pour
le X B. Enfin, le gros mouilleur de mines embarquait une quantité de gasoil sensiblement supérieure: alors que
l’U-443 pouvait en emmener 113 tonnes, les soutes de l’U-119 en accueillaient 368.
Vu le manque chronique de “Vaches à Lait“, les Types X B furent souvent mis en service comme ravitailleurs. Le rôle pour lequel
ils avaient été conçus, celui de mouilleurs de mines, était devenu secondaire. En effet, aux yeux du BdU, les campagnes de
mouillage de mines dévolu aux Type X B avaient été un échec ou du moins, elles n’avaient pas atteint le résultat escompté. Cet
échec explique le changement de rôle attribué à ces gros sous-marins. Ces bâtiments pouvaient jouer un rôle plus efficace de
“ravitailleurs de substitution“ pour Dönitz. La capacité impressionnante de leurs réservoirs de gasoil leur permettait un rayon
d’action phénoménal, de l’ordre de plus de 14.000 nautiques à la vitesse moyenne de 12 nœuds. En dépit de sa masse, un
Type X B filait à une vitesse maximale de 16,4 nœuds, soit à peine 0,6 nœud de moins que les premiers Type VII. Par contre, les
Type VII/42 affichaient une vitesse supérieure de 2 nœuds. Lorsqu’il était utilisé dans son rôle de mouilleur de mines, un
Type X B pouvait transporter 66 engins de type SMA.
L’U-443 photographié ici (commandé par l’Oblt.z.S. Puttkammer) fut coulé par trois destroyers britanniques au large d’Alger le
23 février 1943. Ce fut sa troisième et dernière patrouille. Aucun des sous-mariniers n’y survécut.
L’U-119, lui, n’accomplit que deux missions, à la fois en tant que mouilleur de mines et comme ravitailleur. Sa première croisière
a été décrite (en partie) dans U-BOOT IM FOCUS n° 3 (pp. 30 à 33). Au cours de la seconde mission, les Britanniques purent
nd
déchiffrer les communications codées et diriger le 2 Escort Group vers le submersible allemand alors dans le Golfe de Gascogne en compagnie d’autres sous-marins. Le sloop HMS Starling localisa l’U-119 à l’ASDIC, le grenada par gerbe de 10 charges
sous-marines jusqu’à ce que l’Allemand fût contraint à faire surface. Alors que l’U-Boot était canonné par les autres navires du
groupe d’escorte, le HMS Starling l’éperonna. De la fumée s’échappa du kiosque du sous-marin blessé mais personne n’en sortit.
L’U-Boot s’enfonça à nouveau et le sloop lui expédia une nouvelle gerbe de grenades sous-marines, bientôt imité par un autre
sloop, le HMS Woodpecker. L’U-119 ne refit jamais surface.
Collection Storbeck
P a g e 5 0 – Destins
Quand le sort frappe la vigie
A bord d’un sous-marin, nombre d’incidents et d’accidents sont considérés comme acceptables car liés au risque inhérent à la
navigation et aux opérations sous-marines en général. Mais certains de ces événements sont tout bonnement incroyables. L’un
d’entre eux se produisit à bord de l’U-46 pendant sa huitième patrouille.
Le submersible quitte la rade de Lorient le 23 septembre 1940. Il est commandé par un héro de la U-Bootwaffe, l’Oblt.z.S. Engelbert Endraß décoré de la Croix de Chevalier 18 jours plus tôt. Des dragueurs de mines le guident dans le champ de mines et des
chasseurs de sous-marins l’escortent jusqu’à la limite des 100 mètres de profondeur. Au-delà, l’U-46 continue seul. Mais dès le
début, cette huitième patrouille semble frappée par la malchance. Dans la nuit du 26 au 27 septembre, le cargo britannique Coast
Wings est torpillé et explose. Des débris de l’infortuné retombent à la mer, si près de l’U-46 qu’Endraß peut s’estimer heureux
que son bâtiment ne soit pas touché. Le même soir, son U-46 torpille un navire esseulé, le Siljan. Alors que l’équipage de ce
dernier abandonne le bâtiment en perdition, Endraß s’en rapproche afin de lire le nom du vaisseau suédois.
Soudain, le capitaine allemand réalise que son unité ne s’est pas arrêtée: elle continue à glisser vers le steamer à la vitesse de 6
à 8 nœuds. L’abordage est imminent mais, de justesse, Endraß ordonne un changement de cap. Cependant, l’U-46 demeure
près, trop près, le long de sa victime qui sombre. Les minutes passent pendant lesquelles les marins allemands tentent de libérer
leur submersible de l’emprise du Siljan. Ils y parviennent enfin, laissant le navire suédois s’enfoncer seul. Une inspection de
l’U-Boot révèle des dégâts à l’avant: une barre de plongée est faussée. Endraß, la mort dans l’âme, se voit contraint à rentrer à la
base.
Ainsi, la matinée du 27 septembre voit l’U-46 naviguer en surface. Direction: la côte française. A 06h45, un événement inattendu
se produit: sans prévenir, le sous-marin s’enfonce sous la surface. Réagissant avec un sang-froid extraordinaire, la vigie, toujours
sur la passerelle, a juste le temps de fermer le panneau du kiosque. Ce faisant, les guetteurs ont probablement sauvé le sousmarin. Mais leur vie est en danger: le sillage du submersible qui plonge les aspire vers le fond. A bord, Endraß hurle de stopper
les machines immédiatement. Si le panneau du kiosque a pu être refermé à temps, il n’en va pas de même pour le puit de ventilation des Diesel, leur conduit d’échappement et ses volets. A bord, l’équipage ferme tout ce qu’il peut et chasse aux ballasts III
et V mais, à l’extérieur, deux guetteurs se cramponnent toujours au canon de 20 mm sur la plateforme Wintergarten.
L’un d’eux est le Maschinenmaat Harry Eichenrod, incorporé à l’équipage trois mois plus tôt. L’autre guetteur et lui-même sont
aspirés à 12 mètres de profondeur, avant que le sous-marin ne commence à se redresser. Les secondes passent qui ont dû être
terrifiantes pour les deux infortunés. A la limite de l’asphyxie, ils émergent enfin, alors que le kiosque crève la surface. Mais pour
Eichenrod, ce n’est pas la fin des tourments: il est sérieusement blessé au dos. Pourtant, son sort est plus enviable que celui des
deux guetteurs qui ont pu se libérer de l’effet de succion généré par l’U-46 alors que ce dernier s’enfonçait. A bord du sous-marin
remonté en surface, on aperçoit les deux malheureux flottant pendant une minute ou deux dans le sillage du bâtiment. Mais le
temps que l’U-46 exécute un demi-tour pour revenir à l’endroit de l’accident et l’OBts.Mt. Heinrich Schenk ainsi que le
Mtr.ObGefr. Willi Reh ont disparu. Endraß écrira plus tard dans le journal de bord que les deux malchanceux avaient été aspirés
trop longtemps sous la surface et qu’après s’être libérés, ils étaient probablement trop épuisés pour gonfler leur gilet de sauvetage ou garder la tête hors de l’eau. L’U-46 cercla autour du site de l’accident pendant quatre heures. En vain: ni Reh, ni Schenk
ne furent retrouvés.
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Le Maschinenmaat Heinrich Eichenrod fut hospitalisé mais il ne réintégra jamais l’effectif de l’U-46: à l’issue de sa convalescence, il fut versé à un détachement de l’arsenal de Wilhelmshaven servant à Lorient.
Photo 55 Bibliothek für Zeitgeschichte Stuttgart
Photos 56 et 57 Collection Gray
Photos 55 (p. 50), 56 et 57 (troisième de couverture) – 6 septembre 1940: l’U-46 rentre à Lorient après sa septième patrouille
(Photo 55). Tous les fanions de victoire flottent au sommet du kiosque pour célébrer l’attribution de la Croix de Chevalier au
capitaine, l’Oblt.z.S. Endraß. On dénombre ainsi 16 fanions. Pourtant, à cette époque, seuls 12 navires avaient été confirmés
coulés par le même Endraß. Sur la plateforme Wintergarten, on aperçoit le canon anti-aérien de 20 mm auquel le Maschinenmaat Harry Eichenrod (Photo 56) s’agrippera lorsque le bâtiment s’enfoncera brutalement sous la surface le
27 septembre. A droite (Photo 57), le certificat d’attribution de l’Insigne des Blessés en Noir remis à Eichenrod pour les blessures
qu’il encourut lors de l’accident. On notera que l’insigne fut décerné pour des blessures accidentelles et non causées par les
combats.
Q u a t r i è m e d e c o u v e r t u r e – Les Ravitailleurs
Photos 58 et 59 (quatrième de couverture) – La Photo 58 illustre une “Vache à Lait“ non identifiée ravitaillant un autre sousmarin dans une région au climat plus chaud. La vue donne une impression de relative quiétude. Il est donc possible qu’elle ait été
prise au cours de la première moitié de l’année 1942, à une époque où la menace aérienne ennemie était encore supportable.
On distingue clairement les purges d’air des ballasts et la goulotte destinée à accueillir la nourrice de gasoil.
Les insignes portés par les “Milchkuh“ semblent avoir été rarement photographiés. La Photo 59 est donc l’occasion de découvrir
“La Seiche“ de l’U-462. Le commandant du sous-marin, l’Oblt.z.S. Vowe, avait choisi cet animal aux tentacules multiples par
allusion aux tuyaux de transfert de sa “Vache à Lait“. L’U-462 porte également les armes de Fürstenwalde, ville natale de Vowe
et marraine de son sous-marin.
Photo 59 Collection Richter
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