Cas clinique Rétine Décollements de l’épithélium pigmentaire : les nouveaux procédés d’analyse Pigment epithelial detachment: new analysing and imaging ways F. Coscas (Centre ophtalmologique de l’Odéon, Créteil) M. R.T., âgé de 75 ans, est adressé pour l’apparition d’une discrète baisse d’acuité visuelle (AV) de l’œil droit avec une AV de 20/32 – score79 – associée à des métamorphopsies depuis 8 jours. L’œil gauche présente des drusen maculaires sans signe de complication. Examen L’angiographie en SLO, à la fluorescéine (figure 1a), montre l’apparition d’une hémorragie sous-rétinienne juxtafovéale associée à une néovascularisation de type occulte diffusant au cours de la séquence angiographique avec pin points et nombreux drusen. L’angiographie en SLO, au vert d’indocyanine, ne montre pas de signe de déchirure ni de vasculopathie polypoïdale mais un décollement de l’épithélium pigmentaire (DEP) avec une anastomose choriorétinienne supérieure (ACR) [1]. L’OCT au Spectralis (figure 1b) montre une importante réaction exsudative (logettes cystoïdes, décollement séreux rétinien, fluide intrarétinien), un épithélium pigmentaire (EP) décollé, mais la ligne de la limitante externe est encore conservée, bien qu’épaissie, et l’hémorragie sous-rétinienne apparaît sous l’aspect d’une hyperréflectivité dans les couches internes. L’interface segments internes/segments externes est densifiée, infiltrée en avant de l’EP décollé et associée à des points hyperréflectifs. Cet aspect sera à surveiller. Il n’existe pas non plus de déchirure de l’EP (2). Le graphe (figure 1c) donne une épaisseur maximale à 597 μm. Aucune correction manuelle n’a été nécessaire sur les coupes de ce patient pour enlever un éventuel artéfact. Une injection intravitréenne d’anti-VEGF (ranibizumab 0,05 ml) a été alors effectuée. • Au premier contrôle à un mois de la première IVT, l’AV de cet œil droit est de 20/25, associée à de moindres métamorphopsies. Il persiste encore un DEP en temporal, des néovaisseaux en rétrofovéal, des exsudats de résorption, du fluide, mais il y a une nette diminution de l’épaisseur (393 μm soit – 206 μm) et de l’ensemble de la réaction exsudative. Cette valeur est obtenue sur la même zone qu’à l’examen précédent grâce à l’eye tracker du Spectralis HRA-OCT. Il est décidé d’effectuer une seconde IVT de l’œil droit (figure 2). • Au deuxième contrôle à deux mois du premier examen, après 2 IVT, l’AV de cet œil droit de 20/25 – score 79 – est stable, avec disparition des métamorphopsies. L’examen du fond d’œil met en évidence des remaniements de l’EP de type réticulé avec migrations pigmentaires bien visibles sur le cliché en lumière rouge et des exsudats profonds en temporal supérieur. L’angiographie en SLO, à la fluorescéine, objective des zones d’altérations de l’EP avec un point un peu plus hyperfluorescent sur onze heures au niveau de la zone vasculaire centrale, qui augmente au cours de la séquence angiographique. Cela peut correspondre à une ACR résiduelle. L’angiographie en SLO, au vert d’indocyanine, ne montre pas de lacis vasculaire visible, mais on note en nasal inférieur une hyperfluorescence un peu plus accentuée aux temps tardifs. L’OCT au Spectralis montre une diminution d’épaisseur de 295 μm, soit – 303 μm par rapport au premier examen. Les lignes de la limitante externe, 112 Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 4 • octobre-novembre-décembre 2008 Légendes Figure 1. a. Angiographie en SLO. La flèche verte indique l’emplacement de la coupe et le sens de l’OCT. Le caliper sur cette flèche correspond à la flèche verte apparaissant sur l’OCT et sur le graphe. b. L’OCT montre un décollement de l’EP irrégulier fragmenté avec interruption partielle de la limitante externe et infiltration de l’interface des segments internes et externes. c. Épaisseur sur graphe de l’OCT fovéal. La ligne verte indique l’endroit le plus épais et correspond à 597 μm. Ce scan d’OCT est fixé comme scan de référence. Tous les scans des examens suivants, au cours de l’évolution passeront au même endroit par eye tracking. Figure 2. a. L’angiographie en SLO montre, 1 mois après la premières IVT de ranibizumab, la disparition complète de l’hémorragie sousrétinienne, de la diffusion de la fluorescéine et un effet fenêtre lié aux drusen et altérations de l’EP. b. L’OCT montre un décollement de l’EP moins marqué avec une infiltration des couches externes, plus localisée. Le fluide est en diminution en intrarétinien et a disparu en sous-rétinien. c. Épaisseur sur graphe de l’OCT fovéal. Une correction manuelle des lignes de mesure peut être réalisée si des artéfacts se présentent. La ligne verte indique l’endroit le plus épais et correspond à 393 μm et note, en vert et en chiffres (variation de – 206 μm), la diminution par rapport au premier examen avant traitement. Cette épaisseur étant supérieure à la moyenne du fait du DEP actif persistant, une 2e IVT est réalisée. Figure 3. a. L’angiographie en SLO est d’aspect stable et inchangé. b. L’OCT montre la disparition du DEP et la persistance de petits drusen (bosselures de l’EP) et plages d’atrophie de l’EP localisées (disparitions de la limitante externe et amincissement de l’EP). Le fluide est en diminution en intrarétinien et a disparu en sous-rétinien. c. Épaisseur sur graphe de l’OCT fovéal. Figure 4. a. L’angiographie en SLO est d’aspect stable et inchangé. b. L’OCT montre un aspect stable par rapport à l’examen précédent. c. Épaisseur sur graphe de l’OCT fovéal. La ligne verte indique l’endroit le plus épais, de 299 μm (– 300 μm). Cas clinique Rétine Follow-up Reference Follow-up thinner Follow-up thicker 1 000 800 597 600 400 200 0 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 Position (mm) 1c 2b 1 000 800 600 393 (– 206) 400 200 0 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 Position (mm) 2c 3b 1 000 800 600 295 (– 303) 400 200 0 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 Position (mm) 3c 4b 1 000 800 600 299 (– 300) 400 200 0 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 Position (mm) 4c Thickness (μm) 1b Thickness (μm) 1a 3a 4a Thickness (μm) Thickness (μm) 2a Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 4 • octobre-novembre-décembre 2008 113 Cas clinique Rétine de l’interface segments internes/segments externes et de l’EP sont légèrement irrégulières et épaissies localement. Bien qu’il soit proposé une série systématique de 3 injections, il est décidé de ne pas réaliser la troisième IVT et d’instaurer une surveillance à un mois (figure 3). • Au troisième contrôle, après 2 IVT, l’AV de cet œil droit de 20/25 – score 79 – est stable. L’angiographie en SLO, à la fluorescéine, confirme l’absence de récidive néovasculaire visible. L’OCT au Spectralis objective l’absence de DEP, de déchirure de l’EP, avec une épaisseur sur la zone trackée de 299 μm, soit – 300 μm par rapport à l’examen initial. Cet aspect est tout à fait satisfaisant. Aucune IVT n’est programmée et le patient sera revu à 1 mois. • Au quatrième contrôle, quatre mois après le premier examen, 2 mois après 2 IVT, l’AV de cet œil droit est remontée d’une ligne à 20/20 – score 84. L’angiographie en SLO, à la fluorescéine, objective des altérations de l’EP multiples, des plages d’atrophie et des drusen. Il n’existe pas, à ce jour, de réaction exsudative. L’OCT au Spectralis objective la stabilité d’une rétine à plat avec un EP irrégulier associant petites bosselures liées aux drusen, détachées de la Bruch, et la conservation sans zone d’interruption des couches externes (figure 4). Le traitement est fondé sur l’autosurveillance de chaque œil et des contrôles cliniques et paracliniques mensuels (3). Le patient est informé que, si de nouveaux signes fonctionnels (baisse d’AV ou métamorphopsies) apparaissaient, il serait amené à consulter en urgence. Cet aspect illustre l’effet bénéfique d’un traitement débuté précocement dès les premiers signes de décompensation. Il montre que le suivi précis de la zone atteinte permet d’ajuster la thérapeutique pour limiter le nombre d’injections dans ce cas. Les analyses, répétées grâce à l’eye tracker quantifient mieux la réaction exsudative, et ce d’une manière totalement objective (4, 5). La finesse de résolution de cette nouvelle génération d’appareil permet une analyse de qualité des couches externes (limitante externe, interface SI/SE, EP), véritables éléments pronostiques de ces pathologies (3, 6). La tomographie en cohérence optique en domaine spectral associée aux angiographies permet, par cette technologie, un suivi véritable et II aisément analysable sur une seule et même planche. Références bibliographiques 1. Freund KB, Ho IV, Barbazetto IA et al. Type 3 neovascularization: the expanded spectrum of retinal angiomatous proliferation. Retina 2008;28(2):201-11. 2. Coscas F et al. Optical coherence tomography identification of occult choroidal neovascularization in age-related macular degeneration. Am J Ophthalmol 2007;144(4):592-9. 3. Coscas F, Coscas G, Souied E, Soubrane G. Confocal (en face) optical coherence tomography in vascularized retinal pigment epithelium detachment. Retin Cases Brief Rep 2008;2:94-8. 4. Coscas G, Coscas F, Vismara S, Souied E, Soubrane G. Spectral Domain OCT in age-related macular degeneration: preliminary results with Spectralis HRA-OCT. J Fr Ophtalmol 2008;31(4):353-61. 5. Coscas G, Coscas F, Zourdani A. Atlas of Indocyanine green angiography, ICG angiography, and OCT correlation. Ed. Elsevier, 2004. Traduction anglaise 2005, italienne 2006. 6. Sakamoto A, Hangai M, Yoshimura N. Spectral-domain optical coherence tomography with multiple B-scan averaging forenhanced imaging of retinal diseases. Ophthalmology 2008;115(6):1071-8. Pour en savoir plus… • Coscas G, Coscas F, Vismara S, Zourdani A, Li Calzi C. OCT dans la DMLA. Rapport annuel des Sociétés de France. Ed. Lamy, 2008. 114 Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 4 • octobre-novembre-décembre 2008