Saison 16-17 Fiche Spectacle Tristesses écriture, conception et mise en scène Anne-Cécile Vandalem musique Pierre Kissling, Vincent Cahay scénographie Ruimtevaarders son Jean-Pierre Urbano lumières Enrico Bagnoli costumes Laurence Hermant vidéo Arié Van Edgmond, Federico d’Ambrosio avec Anne-Cécile Vandalem, ­Bernard Marbaix, Françoise Vanhecke, Jean-Benoit Ugeux, Anne-Pascale Clairembourg, Epona Guillaume, ­Selene Guillaume, Vincent Lecuyer, Catherine Mestoussis et Vincent Cahay, Pierre Kissling (musiciens) Niveau Lycée Mardi 8 novembre à 20h30 mercredi 9 novembre à 19h30 Durée 2h10 Grande Salle Contact Médiation Anne Marguerin [email protected] 02 35 19 10 13 © Phile Deprez Anne-Cécile Vandalem L’histoire 2016, l’Europe subit une montée puissante des partis d’extrême droite. Parmi eux, le Parti du Réveil Populaire, dirigé par Martha Heiger, est en train de prendre le contrôle d’une partie des pays du nord. Sur l’île de ­Tristesses, un suicide a eu lieu; le corps de la mère de Martha Heiger est retrouvé pendu au drapeau du Danemark. Cette île qui connut la prospèrité grâce aux abattoirs s’est peu à peu vidée après sa fermeture, ne comptant ­désormais plus que huit personnes. À l’occasion des funérailles, la venue de la dirigeante est annoncée. Elle vient ­officiellement rendre un dernier hommage mais Martha a d’autres idées en tête : régler les affaires ­familiales a­u sujet des ­abattoirs et faire de ce lieu un studio de cinéma de propagande. Deux adolescentes vont alors saisir cette ­occasion pour écarter celle qui menace leur avenir. Mais le jour des funérailles, la situation bascule… Tristesses est un spectacle de théâtre musical dont le sujet principal est la relation qu’entretient le pouvoir à la tristesse. Empruntant les codes du polar et de la comédie politique, Anne-Cécile Vandalem dissèque avec humour une des plus redoutables armes politiques contemporaines : l’attristement des peuples. Au moyen d’un dispositif à la frontière du cinéma, elle met en lumière le pouvoir des médias et le mode opératoire d’une censure qui agit au grand jour ou dans l’ombre, insidieusement. Anne-Cécile Vandalem rejoint ici la grande tradition du polar politique, de Dashiell Hammett à Jean-Patrick Manchette. Le Monde, Fabienne Darge ©DR ©DR Anne-Cécile Vandalem, auteure, metteuse en scène et interprète Anne-Cécile Vandalem est née le 9 février 1979 à Liège. Après des études d’interprétation au Conservatoire Royal de Liège, elle débute sa carrière auprès de metteurs en scène et collectifs théâtraux tels que Charlie Degotte, Dominique Roodthooft et la Cie Transquinquennal. Dès 2003, elle se lance dans l’écriture et la conception de spectacles théâtraux et crée, en collaboration avec l’acteur Jean-Benoit Ugeux, les spectacles Zaï Zaï Zaï Zaï et Hansel et Gretel. En 2008 elle créé Das Fräulein (Kompanie) au sein de laquelle elle concevra désormais l’ensemble de ses spectacles. Au cinéma, elle tourne avec Anne Leclercq (le besoin pressant d’une occupation amoureuse quelconque, Dissonance), Gaetan d’Agostino (O Négatif), Frédéric Forestier (les Parrains), Xavier Serron (Rien d’insoluble), Frédéric Fonteyne (Fattal Attraction, dans le cadre d’une exposition au Museum des sciences naturelles), Dominique Standaert (Formidable) et Karine Devillers (Les hommes de ma vie). NOTE D’INTENTION d’Anne-Cécile Vandalem En découdre avec ce qui nous désespère quotidiennement, dans ce monde-ci. Je veux parler de la tristesse. De la diminution de puissance1 exercée chaque jour sur nos corps. Cette diminution s’exerce par l’emprise d’autre(s) corps sur les nôtres. Ces corps peuvent être des personnes, des choses ou des situations. Je veux parler de la tyrannie de la positivité parce qu’aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales, nous n’existons qu’au regard de ce que nous faisons. Cette positivité s’accompagne d’une surexposition qui, à la manière d’un projecteur de théâtre, éclaire le spectacle de nos actions de sa lumière permanente, aveuglante et paralysante. Quelle place dans un tel paysage pour l’ombre, le scintillement (le mouvement d’aller et retour entre l’ombre et la lumière), la résistance, le désir ? Je veux parler de la relation de la tristesse et du pouvoir, car il est évident que la plus grande arme politique actuelle est l’attristement des peuples dont la culpabilité, la honte, la frustration, l’impuissance, la haine et la désespérance en sont des dérivés. Je veux parler des émotions comme motions et puissance de transformation, car lorsqu’elles se changent en pensées et en actions, les émotions peuvent être élan, moteur, énergie vive pour initier une prise de parole ou un acte. C’est ainsi qu’une plainte individuelle peut annoncer un « porter plainte » collectif. C’est donc aussi à travers des émotions que l’on peut, éventuellement, transformer notre monde2. Je veux montrer les larmes en tant que manifestation des signes extérieurs de la tristesse, car elles ont une puissance esthétique infinie. Je veux parler de l’adolescence comme force vive, puissance pour le futur ; du déploiement paradoxal de ces corps dans lesquels naissent les désirs tandis que s’abattent les espoirs ; pour exemple les adolescents partant combattre en Syrie dont l’espoir se situe loin de chez eux, dans le combat, quitte à y perdre la vie, plutôt que dans la résignation et l’absence totale de perspective que leur réserve leur quotidien. Et enfin, je veux parler de la Survivance des lucioles, « de ce qui tombe et déchoit, assurément, mais qui, dans sa chute, émet une lueur de météorite propre à renseigner sur leur passé les peuples qui viennent après et à orienter leur avenir ; toute image qui assure la transmission d’une expérience et, par là, la survivance des peuples exposés à disparaître » 3. 1 Terme qui, selon l’interprétation qu’en fait G. Deleuze, pourrait s’apparenter à l’affect ; l’affect étant la puissance de vie. Cette conception rejoint l’affirmation de Spinoza ­selon laquelle il y a, à l’origine de toute forme d’existence, une affirmation de la puissance d’être. 2 G. Didi-Huberman, Quelle émotion ! Quelle émotion ?, Petites ­conférences, Bayard Jeunesse,2013. 3 Voir G. Didi-Huberman, Survivance des lucioles, ed Minuit, 2009. © Phile Deprez Le spectacle d’Anne-Cécile Vandalem est une forme ­multiple où l’écriture, la scénographie, la vidéo et la musique se ­répondent. Les éléments sont travaillés ensemble lors des ­répétitions pour former un tout cohérent et ­dépendant les uns des autres. La présence des musiciens au plateau participe de cela. Anne-Cécile Vandalem fait une grande place à la ­vidéo et à l’écriture cinématographique. Les scènes en ­ intérieur (dans les maisons ou dans l’église) sont filmées en direct et retransmises sur un écran. La metteuse en scène est dans une recherche d’une autre esthétique théâtrale par la vidéo et l’utilisation des codes cinématographiques afin, notamment, de renforcer le mécanisme de manipulation et ­l’univers du ­polar et du surnaturel. Cette mise en scène est très ­technique et nécessite une grande précision de l’équipe. Anne-Cécile Vandalem pousse le réalisme à son ­extrême pour nous emmener dans un surréalisme, un univers dans lequel se côtoient vivants et morts, folie et démesure des hommes. En effet, sur cette île, les morts sont présents et chantent pour communier avec les vivants. La place de la ­comédie y est aussi centrale, comme arme contre le ­désespoir. Gilles Deleuze définit la tristesse comme la ­diminution de la puissance d’agir. La haine découle de tout ce qu’on met en place pour éliminer cet objet de la tristesse. ­Anne-Cécile met en jeu cette notion à la fois dans la sphère familiale que ­ politique, toujours avec cette idée de « l’attristement des peuples » comme arme politique contemporaine et ­manipulation des masses. Elle se réfère aussi au philosophe G. Didi Huberman et son essai Survivance des Lucioles, une autre façon de regarder le monde, avec un pas de côté. Poser la question d’un attentat politique perpétré par des ­adolescentes, notamment aujourd’hui où des jeunes partent en Syrie, était important pour Anne-Cécile Vandalem. Elle pose la question de l’endoctrinement, du mécanisme d’embrigadement. La metteuse en scène belge offre une pièce aux ­visages multiples, un théâtre musical où le rire se mêle au drame, ­proposant différents niveaux de lectures, une ­réflexion sur le monde d’aujourd’hui, optimiste malgré tout et militante, ­moderne par sa forme et son propos. © Phile Deprez La mise en scène Pistes à explorer Après le spectacle La venue au spectacle est une belle occasion de croiser les enseignements. Une œuvre est multiple par sa forme, son contenu, sa technique, ses ­origines, soit ­autant de possibilités d’illustrer et compléter différents cours autour d’un objet ­commun et d’en faire un vrai moment de partage. Nous vous proposons ici quelques pistes pour ­préparer les élèves. Nous restons à votre disposition pour de plus amples informations et conseils sur votre venue. Sur simple demande, un membre de ­ l’équipe des r­ elations avec les publics du Volcan peut intervenir avant et/ou après la représentation pour préparer et échanger avec les élèves. ● Histoire : comprendre la montée de l’extrême droite avant la seconde guerre, ses déclencheurs et le mécanisme d’endoctrinement des peuples comme écho à aujourd’hui ● Lettres : étude de la forme du polar, ses ressors. On pourra s’orienter sur le polar politique ● Cinéma / Arts : quelle place pour la vidéo au théâtre? Analyser dans la pièce les moyens techniques utilisés, la place du cadreur sur scène et son intégration dans l’histoire, rapport vidéo/émotion, les codes et l’écriture cinématographique utilisés ● Cinéma / Histoire : étudier l’histoire du cinéma de propagande ● Débat/Philo: se questionner sur la radicalisation d’adolescents partant en Syrie ● Débat/Philo: la montée de l’extrême droite en Europe, les causes et conséquences. ● Philo : analyser la pensée de Deleuze sur la tristesse comme arme politique. ● Philo : analyser la réflexion de Didi Huberman sur l’optimisation du pessimisme ● Mathématiques / Technologie : étudier la scénographie, les dimensions et de la construction. La construction du décor passe toujours par la réalisation de dessin papier ou informatique (type autocad) et de la réalisation d’une maquette à échelle réduite. Un bon exercice de calcul et de transposition des échelles. ● Débat/Philo : la place de l’art dans la société. A quoi cela sert-il? ● Avant le spectacle Discuter de la montée de l’extrême droite en Europe et dans les pays n ­ ordiques. On peut prendre l’exemple de la tuerie en Norvège perpetrée par A. Behring Breivik ● Les amener à effectuer des recherches avec le professeur ­documentaliste ● Présenter la théorie de G.Deleuze sur la tristesse et le livre de D.Huberman ● Lire la note d’intention en classe et discuter du propos d’Anne-Cécile ­Vandalem. On pourra compléter cette discussion avec les interviews en ligne sur internet ● Etudier les mécanismes du polar et roman noir ● Regarder l’extrait du spectacle. Discuter avec les élèves sur ce qu’ils ont vu et entendu ● Répertorier avec les élèves les codes du spectateur (sous forme d’abécédaire, d’inventaires, des droits du spectateur à la manière de Daniel Pennac ...) ● Préparer votre sortie avec le site de l’ANRAT ● Proposer aux élèves d’écrire une critique du spectacle : ­résumé de l’histoire, éléments descriptif (scénographie, costumes, musique, ...) puis une analyse du spectacle et de son propos. On pourra conclure par l’avis de l’élève, son ressenti. ● Ecrire un récit d’invention à la façon d’un roman noir, d’un polar après avoir étudié les rouages de cette écriture de genre ● Discuter de l’utilisation de la vidéo. Qu’est-ce que cela amène? Qu’est-ce que cela raconte? On pourra s’appuyer sur les codes cinématographiques. Est-ce qu’il y a un lien entre l’utilisation de la vidéo et la notion de tristesse? Est-ce qu’il y a un lien avec un plan qui dirige le regard du spectateur et la thématique du spectacle? ● Favoriser les échanges et débats autour de la formes du spectacle et du propos, de la présence des armes, de l’endoctrinement, de l’aliénation, de ­l’extrême droite et des peurs qu’elle cultive, du pouvoir d’action des a ­ dolescents aujourd’hui. S’interroger et débattre en philosophie sur la manipulation des peuples, le pouvoir des médias (la question du montage est importante), la propagande, sur les propos de Deleuze sur la tristesse ● Se questionner sur le rôle de l’art et du théâtre dans une ­société, quel impact peut avoir cette pièce sur le spectateur Pour en savoir plus Un extrait du spectacle https://www.theatre-video.net/video/Anne-Cecile-Vandalem-Tristresses-Extrait-70e-Festival-d-Avignon Interviews d’A.C Vandalem https://www.youtube.com/watch?v=9vPwOebkhA0 https://www.youtube.com/watch?v=A8I66Jwc7FU http://www.festival-avignon.com/fr/webtv/Anne-Cecile-Vandalem-pour-Tristesses-70e-Festival-d-Avignon Articles sur la montée de l’extrême droite en Europe http://www.radiovl.fr/comment-expliquer-montee-lextreme-droite-en-europe/ http://www.lemonde.fr/europeennes-2014/article/2014/05/25/les-premieresprojections-pays-par-pays_4425475_4350146.html http://www.scienceshumaines.com/front-national-les-raisons-d-une-ascension_ fr_31658.html http://blog.mondediplo.net/2012-03-10-L-extreme-droite-s-enracine-en-Europe http://www.medelu.org/Pourquoi-l-extreme-droite-monte-t Parler de la radicalisation aux jeunes http://eduscol.education.fr/cid100811/prevention-radicalisation.html#lien6 Deux films à voir sur l’endoctrinement : La Vague de Dennis Gansel, ­American History X de Tony Kaye