Journal l'Humanité
RUBRIQUE CULTURES
Article paru dans l'édition du 6 septembre 2004.
HOMMAGE
Dansez sur Nougaro !
" Autour 2 minuits " : mercredi et jeudi, Toulouse fêtera l’oeuvre de Claude
Nougaro. Plusieurs artistes témoignent de son influence poétique et musicale.
Toulouse, correspondance particulière.
Claude Nougaro aurait eu soixante-quinze ans le 9 septembre. L’occasion pour
Toulouse, sa ville natale, de faire la fête autour des musiques et des textes du
chanteur, disparu le 4 mars dernier. La personnalité originale du père de
Cécile lui vaut d’occuper une place particulière dans le panthéon de la
chanson. Nougaro fut le premier à concilier le rythme de la langue française
avec le balancement du jazz.
Sur la seule ville de Toulouse, Nougaro a ouvert la voie et peut-être même la
voix à de nombreux artistes passionnés par le rythme et par le verbe : Art
Mengo, les Fabulous Trobadors, Jean-Pierre Mader, les Femmouzes T. Ces
chanteurs, musiciens et poètes, très divers, ne forment pas une " école de
Toulouse ", ni même un groupe aux contours bien définis, mais tous
entretiennent plus ou moins une filiation artistique avec Nougaro, qui
constituait l’élément fédérateur. Même les Zebda, plutôt éloignés
musicalement de l’auteur d’Une petite fille et de Locomotive d’or, lui vouaient
de l’admiration et partageaient avec lui un grand amour pour les mots, pour la
tchatche. Les Zebda avaient d’ailleurs un projet d’enregistrement avec
Nougaro : la maladie de celui-ci en a décidé autrement.
Le chanteur toulousain Yvan Cujious est l’une des chevilles ouvrières des
festivités nougariennes des 8 et 9 septembre. Lui-même, au cours du concert
place du Capitole, interprétera le célèbre À bout de souffle, oeuvre effrénée :
" Ces paroles de Nougaro sont tellement bien écrites, s’enthousiasme Yvan
Cujious, que la musique de Dave Brubeck semble avoir été composée pour
elles. On n’imagine pas d’autres paroles sur ces notes. "
Jeudi soir, Art Mengo, autre Toulousain, sera lui aussi de la fête. Dans son
dernier album, la Vie de château, sorti en octobre 2003, il a consacré une
chanson à Nougaro, Monsieur Claude. Dans une interview, Art Mengo
expliquait alors ce qu’il lui devait : " J’ai compris en l’écoutant que ce n’était
pas ringard de chanter en français. Il m’a fait découvrir Brubeck, Monk [.] .
C’est l’un des rares chanteurs à qui j’ai envie de dire : tu m’as donné envie de
faire cela. "
Sur la scène dressée place du Capitole, Jean-Pierre Mader, lui aussi enfant de
la Ville rose, chantera Bidonville et accompagnera à la basse Armstrong. Pour
Jean-Pierre Mader, sa dette envers Nougaro n’est pas seulement artistique : "
J’étais surtout intéressé par le personnage. Je le trouvais humainement aussi
fort que sa musique. Ensemble, nous ne parlions pas musique mais plutôt de
la vie de tous les jours. Il m’a donné son avis sur notre métier, mais surtout
sur l’existence, sur les femmes. Humainement, c’était un mec génial. " Ce
qu’a apporté Nougaro à la musique ? " Il a, le premier, fait swinguer le jazz.
Sans lui, il n’y aurait pas eu Jonasz. " Ce qu’il a appris aux musiciens issus du
vivier toulousain ? " Il nous a montré qu’on pouvait vivre à Toulouse et
travailler à Paris, être d’ici et être entendu dans toute la France. Claude a
toujours été le dénominateur commun des chanteurs toulousains. "