
76 MYRIAM JOËL, VINCENT RUBIO
études. Si la recherche de Simon et al. (2007) en mentionne 28 %, celle
de Träger-Maury et al. (2007) en identifie 34 %, celle de Morandini
(2010) 40 % et celle de Rodrigues (2010) 60 %. Ces dissemblances — que
l’on retrouve donc au niveau national comme à l’échelle internationale —
peuvent probablement s’expliquer par des différences dans la méthodo-
logie et la population enquêtée. Pour ce qui est de la France, si l’écart
s’avère conséquent entre les 28 % indiqués par Simon et les 60 % avancés
par Rodrigues, le constat d’une prégnance du recours à ce type de traite-
ments chez les patients atteints de cancer demeure néanmoins solide.
Outre la proportion de patients utilisateurs, la question des détermi-
nants sociodémographiques a été investiguée. L’essentiel des publications
biomédicales s’accorde sur la sur-représentation des femmes, jeunes et de
niveau d’éducation élevé (Richardson et al., 2000 ; Truant et al., 2013) et
met en évidence un stade avancé de la maladie (Gerson-Cwilich et al.,
2007 ; Molassiotis et al., 2005). Pour autant, des études récentes ont
montré que ces recours sont importants chez les hommes (Klafke et al,
2012; Micke et al, 2010). La question de l’influence du sexe des patients
ne semble donc pas encore tranchée. La littérature française fait écho à ces
incertitudes. Si Simon retrouve bien une corrélation entre sexe, âge et
recours à ces pratiques, Träger-Maury n’identifie pour sa part aucun profil
type. Une fois encore, des différences de méthode, de population, mais
également de définition de ces recours peuvent en partie expliquer ces
disparités.
À partir des résultats de l’étude CORSAC, le présent article souhaite
contribuer à l’amélioration des connaissances relatives à ce type de
recours par les personnes prises en charge par l’institution médicale dans
le cadre d’une pathologie cancéreuse. Comment peut-il être articulé aux
traitements biomédicaux ? Quel rôle y tiennent les patients et leurs
proches ? Dans quelle mesure l’oncologue référent en est-il informé et, le
cas échéant, les intègre-t-il à la prise en charge ? L’attention sera focalisée
ici sur le point de vue des patients. À cet égard, deux précisions s’impo-
sent. La première concerne la terminologie. Si le monde anglo-saxon a
retenu l’expression de Complementary and Alternative Medicine, nous lui
préférons celui de pratiques non conventionnelles (PNC). Les discours des
patients rencontrés s’y réfèrent effectivement en miroir des traitements
biomédicaux proposés par la cancérologie moderne (chirurgie, chimio-
thérapie, radiothérapie, hormonothérapie, etc.). Les CLCC proposent bien
une large palette de soins différents des médecines et des traitements
conventionnels (sophrologie, mésothérapie, etc.), mais, ce que montrent
les entretiens, c’est que les patients ignorent largement leur existence et
les considèrent de ce fait comme non intégrés à l’offre de soins des