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* Plus tard, Charles VII (1422-1461) réussira à détacher les Bourguignons de l’Angleterre en
accordant à Philippe le Bon d’importantes concessions au traité d’Arras (21 septembre 1435) : cession
des comtés d’Auxerre et de Mâcon, ainsi que des villes de la Somme.5
* Louis XI sera un des grands artisans de la politique monarchique de rassemblement territorial,
d’unification et de centralisation qui caractérise le Temps des Princes. Cette oeuvre monumentale se
heurtera à la vive résistance des princes6, au premier rang desquels on trouve Charles le Hardi (appelé
depuis le XIXe siècle le Téméraire) avant même qu’il ne devienne duc de Bourgogne. Dès 1465, il
prend la direction de la Ligue du Bien public, une révolte princière et seigneuriale contre Louis XI, qui
groupe les ducs de Bretagne, de Bourbon, de Calabre et de Nemours ; Charles de Berry, le propre frère
du roi ; les comtes d’Armagnac et de Dammartin, ainsi que Dunois. A la suite de la bataille indécise de
Monthléry (16 juillet 1465), Louis XI est réduit à traiter (paix de Conflans, 5 octobre 1465, et de Saint-
Maur, 29 octobre 1465) ; il doit rendre à Philippe le Bon les villes de la Somme qu’il a achetées deux
ans plus tôt, et céder la Normandie à son frère Charles. Bien décidé à déchirer ces traités à la première
occasion, Louis XI réoccupe la Normandie dès janvier 1466 et la fait déclarer par les Etats généraux
partie inaliénable du domaine royal. Une nouvelle ligue se forme alors contre lui, avec pour chefs
Charles le Téméraire, devenu (1467) duc de Bourgogne, et François II, duc de Bretagne, ainsi que, de
nouveau, son propre frère Charles. Louis XI bat d’abord le duc de Bretagne, lui imposant la paix
d’Ancenis (1468), et soutient secrètement contre le duc de Bourgogne les révoltes de Gand et de Liège.
Mais il commet la grave imprudence de se rendre à Péronne pour une entrevue avec Charles le
Téméraire (9 au 14 octobre 1468), en feignant de vouloir régler à l’amiable leur différend. Le duc ayant
appris, au cours des entretiens, la politique subversive menée par son interlocuteur dans ses Etats,
retient Louis XI prisonnier au château de Péronne et lui impose des conditions humiliantes :
abandonner des apanages à son frère Charles et assister à l’écrasement des Liégeois, qui avaient eu le
malheur de lui faire confiance. Dès 1470 cependant, il fera annuler le traité de Péronne par une
assemblée des notables à Tours. Débarrassé de son frère (mort en 1472), il va s’employer à isoler le
Téméraire. Celui-ci est devenu d’autant plus dangereux que, veuf d’Isabelle de Bourbon
(† 1465), il s’est remarié (Damme, 3 juillet 1468) avec Marguerite d’York († 1503), soeur du roi
d’Angleterre Edouard IV (1461-1483), ce qui risque de relancer la guerre de Cent Ans. Tandis
qu’Edouard IV, débarrassé de ses ennemis intérieurs, s’est porté au secours de son beau-frère contre la
France et a débarqué à Calais, Louis XI parvient à acheter son départ et à faire la paix avec lui (traité de
Picquigny, 1475) : il a offert 300 chariots de vin à l’armée anglaise et donné à son roi une somme de 75
000 écus, plus une pension de 50 000 écus pour les neuf années à venir ! D’autre part, Louis XI écrase
successivement les plus remuantes des maisons féodales secondaires (Armagnacs 1473, Alençon 1474,
Saint-Pol 1475, Nemours 1477).
Les fautes commises par Charles le Téméraire et la politique souterraine de Louis XI qui dresse contre
lui les Suisses7 permettent au roi de France de se débarrasser définitivement de son principal adversaire,
5 En réalité, les villes de la Somme sont vendues par le roi au duc. Il s’agit de Saint-Quentin, Corbie, Amiens, Abbeville ;
tout le comté de Ponthieu de part et d’autre de la rivière Somme ; Doullens, Saint-Riquier, Crèvecoeur, Arleux et Mortagne.
6 Il est piquant de constater que lefutur Louis XI, impatient d’occuper le trône, avait à plusieurs reprises fomenté des
troubles contre son propre père Charles VII (dès 1440, et à nouveau en 1455), qui avait fini ses jours dans la crainte d’être
empoisonné par lui ! En 1455, le dauphin avait pris la fuite à l’approche des armées de son père pour aller se réfugier
auprès de Philippe le Bon. Cet épisode explique la présence, dans la basilique Notre-Dame de Hal, du tombeau de son fils
Joachim († 1460). C’est également à Hal qu’était décédé Philippe le Hardi († 27 avril 1404), grand-père de Philippe le Bon.
7 L’intervention de la Suisse dans les guerres de Bourgogne s’explique par son voisinage avec la Franche-Comté, mais
aussi par la menace que faisait peser sur elle la possession de l’Alsace par le Téméraire, et enfin par les manoeuvres de
Louis XI, qui laissera travailler les Suisses à son propre profit. Le duc Sigismond d’Autriche, en proie à des problèmes
financiers, a cédé en engagère au duc de Bourgogne ses possessions en Forêt Noire, en Brisgau et en Alsace. Les villes de
Mulhouse (alors suisse, tout en étant ville impériale) et de Bâle formèrent une ligue anti-bourguignonne avec plusieurs cités
d’Alsace et appelèrent à l’aide les Confédérés, qui déclarèrent la guerre à Charles le Téméraire (octobre 1474). Dès 1475 les
Bernois s’emparèrent du pays de Vaud, qui appartenait à la Maison de Savoie, alliée du Téméraire. En 1476, les Suisses
infligeront deux défaites au duc : le 2 mars à Grandson (canton de Nuchâtel), dont le Téméraire avait précédemment
massacré la garnison, et le 21 juin à Morat (Murten). On notera en passant que par la suite, c’est avec l’aide de Louis XI que
E. de CRAYENCOUR, Le Pays de Loire. Historique.