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ANALYSER SES PHRASES
à l’occasion d’une relecture/révision de son texte
«Moi, je crois que la grammaire, c'est une voie d'accès à la beauté. Quand on parle, quand
on lit ou quand on écrit, on sent bien si on a fait une belle phrase ou si on est en train d'en lire
une […] Faire de la grammaire, c'est la décortiquer, regarder comment elle est faite, la voir
toute nue, en quelque sorte(M. Barbery, L’élégance du hérisson)
2. LA PHRASE COMPLEXE
Une phrase graphique longue est souvent complexe et donc plus difficile à analyser
que celles que nous avons examinées jusqu’ici. Ceci en particulier pour une des deux
raisons suivantes : soit sa forme globale ne correspond pas au premier abord au
schéma du modèle P de la phrase (Sujet - Prédicat c. de P), soit elle englobe
plusieurs P.
ANALYSE DE PHRASES COMPLEXES1
Prenons une phrase graphique relativement complexe parce qu’on peut y repérer
plusieurs P2. C’est le cas, par exemple, quand elle inclut une P relative.
Les oiseaux qui migrent en automne reviennent au printemps.
Léa aime les chats qui ronronnent.
Il est probable qu’il est plus difficile pour un élève de reconnaître la structure d’une
phrase qui comporte une P relative située du côté du sujet3 c'est-à-dire faisant partie
d’un GN à gauche du verbe (Les oiseaux qui migrent en automne) que de saisir la
structure d’une phrase comportant une relative située du côté du prédicat (les chats qui
ronronnent). En effet, la première introduit la subordonnée «à l’intérieur» de l’autre
phrase, la seconde l’ajoute à la fin.
1 C’est-à-dire qui incluent des P enchâssée (= subordonnées).
2 Voir Analyse-1
3 Comme il est plus difficile de la produire; cf. Paret, M.-C., La syntaxe écrite des élèves du secondaire,
1991, p. 70 (www.mcparet.com).
2
Examinons l’un et l’autre cas.
Avec relative incluse dans un GV
qui a la fonction de prédicat
De temps à autre, Wolfgang disait des choses que je ne comprenais pas.4
Dans la phrase graphique, on repère deux verbes conjugués à un mode personnel
(disait, comprenais), on peut donc faire l’hypothèse qu’on a affaire à deux GV dont ces
verbes sont les têtes (ou noyaux). Chacun de ces deux GV constitue le prédicat d’une
phrase P.
Quelles seraient ces phrases P?
On repère la phrase enchâssée introduite par le pronom relatif que : que je ne
comprenais pas.
Pourquoi est-ce une P? Qu’est-ce qui permet de dire que est un pronom relatif?
Vérifions la nature du que
Rappelons d’abord quelques données. On sait que :
- une P relative remplit la fonction de complément d’un nom, elle fait donc partie
d’un GN;
- un pronom relatif occupe une fonction grammaticale dans la subordonnée (qui
celle de sujet et que celle de complément direct).
- Une conjonction n’occupe aucune fonction grammaticale dans une phrase P,
mais joue un rôle de connexion seulement, celui de relier une P à une autre (ou
toute unité à une semblable).
Si on place les constituants de la P subordonnée que je ne comprenais pas dans l’ordre
du modèle de P, en remplaçant que par son antécédent les choses, la P devient je ne
comprenais pas les [= ces] choses, ce qui correspond bien au sens attendu.
que est bien un constituant de ce GN, il est bien ici un pronom relatif et non pas une
conjonction de subordination.
Il y a donc ici une P ayant comme sujet je et comme prédicat ne comprenais pas que [=
les choses].
4 Michel Tremblay, Wolfgang à son retour, Contes pour buveurs attardés.
3
Pourquoi cette suite : des choses que je ne comprenais pas constitue-t-elle une seule
unité syntaxique et que c’est un GN?
- une seule unité, car on ne peut pas dissocier les éléments qui la composent et les
déplacer :
* que je ne comprenais pas des choses
* que des choses je ne comprenais pas
etc.
- c’est un GN car le noyau est un nom (choses)
le nom est précédé d’un déterminant (les) et complété par une relative (que je ne
comprenais pas)5.
On voit que cette P relative est incluse, enchâssée dans le GN des choses que je ne
comprenais pas avec la fonction de complément du nom.
Ce GN fait lui-même partie du GV disait des choses que je ne comprenais pas et il
occupe la fonction de complément direct du verbe.
Dans la P enchâssante (qui l’englobe), la position Sujet est occupée par le GN
Wolfgang.
Le Prédicat correspond au GV: disait des choses que je ne comprenais pas.
Ce Prédicat est lui-même constitué d’un un verbe (disait) et d’un GN (des choses que je
ne comprenais pas).
Enfin de temps à autre est un groupe adverbial (GAdv) occupant la fonction de complément
de phrase.
La phrase graphique totale correspond donc ici à deux phrases P, la seconde - la
relative - étant enchâssée dans la première.
1er niveau (P) : GN : Wolfgang
GV : disait des choses que je ne comprenais pas
GAdv : de temps à autre
2e niveau :
Npr (Wolfgang) V (disait) Adv (de temps à autre)
GN (des choses que pas)
* * * *
5 Qu’on pourrait supprimer puisque c’est le complément d’un nom.
4
EXEMPLES D’AUTRES PHRASES COMPLEXES
1. Homme très érudit, il était le meilleur professeur qu’on puisse imaginer.6
Dans cette phrase graphique, on repère deux verbes conjugués (était, puisse), on peut
donc faire l’hypothèse qu’on a affaire à deux GV dont ces verbes sont les têtes (ou
noyaux). Chacun de ces deux GV constitue le prédicat d’une phrase P. Donc deux
phrases P, l’une enchâssée dans l’autre.
Dans la phrase observée, que est un relatif qui a comme antécédent le meilleur
professeur.
2. Maigret s’engagea dans l’escalier où l’obscurité était totale.7
- Dans cette phrase : deux verbes conjugués (s’engagea, était); on a affaire à deux GV
dont ces verbes sont les noyaux. Chacun de ces deux GV constitue le prédicat d’une
phrase P.
- est un pronom relatif, il a comme antécédent l’escalier. La phrase P subordonnée
correspond donc au sens: L’obscurité était totale dans l’escalier. Cette P relative est
complément du nom escalier dans le groupe (GN) l’escalier où l’obscurité était totale.
Voilà donc une première P.
Pour la phrase qui l’enchâsse, en position de sujet se trouve le GN Maigret. En position
de prédicat est le GV s’engagea dans l’escalier l’obscurité était totale, suite qui ne
peut ni être effacée ni déplacée. Elle constitue un seul groupe syntaxique puisqu’il est
en effet impossible de le dissocier 8:
**Maigret dans l’escalier où l’obscurité était totale s’engagea.
** Maigret où l’obscurité était totale s’engagea dans l’escalier.
**Maigret s’engagea où l’obscurité était totale dans l’escalier.
Le GV est constitué de deux éléments : un verbe (s’engagea) et un groupe
prépositionnel (dans l’escalier l’obscurité était totale). Ce GPrep constitue bien un
6 Contes pour buveurs attardés, Michel Tremblay.
7 Le Pendu de Saint-Pholien, Georges Simenon.
8 Il est question ici de la langue courante et non de la langue poétique qui se permet souvent des
constructions hors du commun.
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seul groupe, on peut ôter la relative puisque c’est un complément du nom9 mais pas
la déplacer.
On a bien ici deux phrases P, la seconde étant enchâssée dans la première; elles sont
donc à deux niveaux différents.
3. On entendait comme le sifflement d’un ouragan éloigné qui se rapprochait de
seconde en seconde.10
Dans cette phrase : deux verbes conjugués (entendait, rapprochait)
Hypothèse : deux GV dont ces verbes sont les noyaux. Chacun de ces deux GV
constitue le prédicat d’une phrase P.
1re phrase P :
- sujet : on
- GV : entendait comme11 le sifflement dun ouragan éloigné qui se rapprochait de
seconde en seconde
2e phrase P (enchâssée):
- sujet : qui
- GV : qui se rapprochait de seconde en seconde
* * * *
Avec relative incluse dans un GN dont la fonction est sujet
Vingt minutes plus tard, une oreille qui passait par entendit à travers la
porte close la frappe régulière d’une machine à écrire.12
Dans la phrase graphique on repère deux verbes conjugués (passait, entendit), ce qui
permet de faire l’hypothèse qu’on a affaire à deux GV dont ces verbes sont les têtes (ou
noyaux).
Ces deux GV constituent chacun le prédicat d’une phrase P.
9 C’est le cas pour les relatives qui ne sont pas déterminatives.
10 Contes pour buveurs attardés, Michel Tremblay.
11 Comme peut être considéré ici, sur le plan du sens, comme un adverbe qui modifie (= nuance)
l’expression qui suit (Riegel, 1994, p. 378) ou, sur le plan syntaxique, comme une préposition.
12 La fée carabine, Daniel Pennac.
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