Voix plurielles 10.2 (2013) 412
Avec la formule « donner de + infinitif », on ne peut identifier qu’un seul acteur agissant
ou un acteur qui s’exprime dans l’énoncé qui la contient : c’est « nous » (qu’il s’agisse d’une
personne seule ou d’un collectif, peu importe). Ce « nous » a un référent contextuel, c’est le
sujet parlant, c’est ce qui importe. En inscrivant cette formule dans son énoncé, le locuteur
donne une consistance à une unité qui initialement n’en avait pas. En d’autres termes, il y
actualise l’infinitif. En conséquence de cela, le pronom « il » qui est, comme nous le
mentionnons au paragraphe précédent, un impersonnel sans référent, dès lors, le pronom « il »
peut avoir une réalité sémantique dans le discours, mais à travers la perception du locuteur. Il
peut ainsi le paraphraser ou l’exprimer au moyen de termes nominaux abstraits
comme, l’occasion ou l’opportunité.
Quant à la formule « faire +infinitif » dans un acte de communication comme « tu nous
as fait faire des progrès », elle met en présence deux actants : l’un représenté par le pronom
« nous » et l’autre par le pronom «tu ». Ils sont respectivement émetteurs et récepteurs et ils
s’inscrivent dans le schéma classique de communication. On peut considérer que les deux
actants agissent, mais différemment. Le locuteur à travers « nous » parle à « tu » de ce que « tu »
a fait. En effet, l’interlocuteur n’est pas inactif. Il anime la scène au même titre que le locuteur.
Le constat est encore plus clair ici : nous sommes dans un cas supérieur d’actualisation avec la
présence dans l’énoncé d’acteurs ou de référents participant à la réalisation des différents procès.
Cette situation aurait été différente si le locuteur avait intégré un pronom de la troisième
personne (il/ils), exemple : « il nous a fait faire des progrès ». Dans ce cas, ce serait le locuteur
seul qui aurait animé la scène, il aurait parlé de quelqu’un qui aurait été « un tiers présent » ou
« un tiers absent » du processus conversationnel, et dont le rôle serait assimilable à celui d’un
complice, d’un meneur ou d’un catalyseur (cela dépend de l’angle où on se place pour
appréhender l’individu qu’incarne le pronom il). Dans ce dernier cas, le locuteur ne se serait pas
adressé directement à l’individu que désigne «-il ». L’acte de celui dont il parle aurait déjà eu
lieu. On note là qu’il existe une dimension temporelle chronologique dans la réalisation des
procès, dont il faut tenir compte dans l’analyse des formes verbales en question.
En termes de rapport avec son discours, le locuteur peut tirer profit ou non de l’usage
qu’il fait de ces expressions. Dans l’emploi de la formule « faire + infinitif », la situation peut
être en faveur du locuteur ou de l’acteur-complément, si celui-ci s’en tire à bon compte,
exemples :
Tu nous as fait faire des progrès significatifs.
Il m’a fait faire une belle promenade.
Vous nous avez fait faire des exercices de français avant l’épreuve.
C’est lui qui nous a fait sortir du trou