Contes philosophiques et prévention de la violence

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Sciences-Croisées
Numéro 7-8 : Soin de l’âme
Contes philosophiques et prévention de la violence
Jocelyne Decompoix
Professeur de philosophie,
Docteur en sciences de l’éducation,
Formatrice en philosophie pour enfants
(DIAPHILO)
[email protected]
CONTES PHILOSOPHIQUES ET PREVENTION DE LA VIOLENCE
Résumé
Dans quelles mesure Les contes philosophiques d’Audrey-Anne de MarieFrance Daniel (2002), inspirés de la méthode Lipman (1995) œuvrent-ils à une
prévention de la violence et à une éducation au mieux vivre ensemble ? Nous
souhaitons étudier ici la place et l’interaction de l’émotionnel et du réflexif dans
cette approche. Nous présenterons donc les présupposés théoriques à la
pratique effective en classe pour nous interroger sur l’apport spécifique de ces
contes à la pratique philosophique.
1. Approche historique
La philosophie avec les enfants est une pratique initiée par le philosophe et
professeur américain Matthew Lipman, dès la fin des années 1960. Dans cette
optique, pour permettre à cette activité de se concrétiser et de se développer, en
collaboration avec Ann-Margaret Sharp, il a progressivement fabriqué un
matériel pédagogique, constitué de romans philosophiques adaptés à chaque
niveau scolaire, depuis la grande section de maternelles, jusqu’au lycée, ainsi
que de manuels d’accompagnement présentant pour chaque chapitre des
suggestions de débat et d’exercices.
Cette pratique a été diffusée progressivement à travers le monde, et pour les
pays francophones, par l’intermédiaire des Universités canadiennes de Laval et
de Montréal. Un travail de traduction en Français de l’ensemble de ces
documents a été fait par ces universités québécoises, ce qui nous rend ce
matériel accessible et utilisable. D’autres contes et romans ont été crées selon la
1
même méthode, et en prolongement, par les québécois eux-mêmes, dans un
cycle spécifique nommé « prévention de la violence ».
2. Objectifs de la pratique de la philosophie avec les enfants
Elle se fixe 5 objectifs développés graduellement au niveau des écoles
maternelles et primaires :
1) apprendre à penser par soi même et avec les autres, lors de débats
organisés visant à permettre le questionnement, l’étonnement, la recherche
d’arguments et la discussion de leur bien fondé. Son objectif est le
développement de l’esprit critique, vu comme composante essentielle de
l’autonomie de la pensée et ce, facilitant la constitution de l’enfant comme Sujet.
2) Eduquer à la citoyenneté : apprendre le « bien vivre ensemble » : par
l’apprentissage de l’écoute du point de vue des autres, du respect et de
l’empathie.
3) Apprendre la maîtrise de la langue en donnant à l’oral toute son
importance : élargissement du champ lexical et expérimentation d’appropriation
par la parole de niveaux de langues variés et riches, dans un contexte d’échange
et de communication.
4) Aider au développement de l’enfant par l’expérience de ces échanges :
oser prendre la parole, être respecté ; ce qui conduit au développement de la
confiance et de l’estime de soi. Se sentir respecté permet d’expérimenter et de
comprendre ce qu’est le respect ; ce qui facilité le respect des autres.
5) En ce qui concerne le cycle nommé « prévention de la violence » ; les
hypothèses qui sous tendent cette orientation spécifique de la pratique sont que
les comportements perturbés sont dus :
a)- à une distorsion de la juste communication et de la relation due à une
confusion à la fois affective et intellectuelle conduisant à un manque de sens
clair des limites, à une difficulté à interpréter objectivement les situations et les
comportements
b)-à un manque de vocabulaire précis et nuancé, et particulièrement à une
difficulté à mettre des mots sur des sentiments et des situations relationnelles
c) -à un manque d’estime de soi
d)-au fait de ne pas avoir suffisamment expérimenté d’autres formes de
communication et donc à un manque de paradigme comportemental et
intellectuel différent
Ces objectifs sont interactifs et croisés, puisque cette pratique philosophique
forme un tout cohérent et vise à la création de communautés de recherche, c’està-dire à la recherche en commun dans un esprit de partage et de coopération,
dépourvu de compétition. L’affectif et le cognitif sont supposés reliés et interagissants ; c’est pourquoi une approche philosophique d’un travail sur les
émotions est possible.
2
3. Clarifications conceptuelles préalables
1) l’objectif « préventif » : que signifie-t-il ?
a) Tout d’abord, cela signifie que cette pratique philosophique s’adresse au
« tout venant », c’est-à-dire à des classes d’élèves
sans problème
particulièrement aigu. Mais, comme nous sommes à une époque où beaucoup
d’incivilités se font jour, et dans laquelle les enfants sont confrontés
quotidiennement, au moins au niveau des médias et des jeux vidéo, à
d’authentiques spectacles de violence, la demande des enseignants est très forte.
L’expérimentation philosophique est très positivement perçue à travers ce biais.
b) Cela présuppose de donner une priorité à l’expression des émotions et
des sentiments et d’orienter le questionnement et la réflexion sur ceux-ci.
2) En quel sens faut-il entendre « violence », dans le contexte de la
prévention ?
Il y a, bien sur des degrés : cela peut concerner des actes d’agression
physique (coups, bagarres), mais aussi de manière plus fine, tous les
comportements ressentis par ceux qui les subissent comme blessants, humiliants,
dévalorisants. On peut donc considérer comme violents ou tendant à la violence,
des comportements qui entraînent la soumission, le rejet, l’exclusion. Ils ne
sont pas nécessairement vécus comme tels par ceux qui les pratiquent, car ils
sont souvent faits par jeu ; mais par contre, ils peuvent être vécus
douloureusement par ceux qui les subissent et avoir sur eux un effet déstabilisant
et inhibant, les retranchant de la communication.
Ceci interroge donc sur les limites à trouver dans les comportements, et
permet de questionner le changement de perspective « ce qui est agréable pour
l’un l’est-il nécessairement pour l’autre ? »
3) Que signifie l’estime de soi ? L’approche philosophique donne-t-elle un
apport spécifique à cette notion ?
a) L’estime de soi, c’est la juste appréciation de sa propre personne et de
ses aptitudes : dès qu’on réussit quelque chose, qu’on surmonte des difficultés,
l’estime de soi augmente et avec elle la confiance, le sentiment de bien être, la
fierté.
b) Dans le cadre philosophique, cette auto-estime est développée et régulée
par le débat, par l’action de penser en commun, la mise en perspective des
interrogations et de l’argumentation. Cela permet à l’enfant de se sentir reconnu
d’une valeur humaine pouvant combler des carences : l’humanisation par la
parole et le dialogue.
c) Ce qui est spécifique dans l’estime de soi consécutive à un cheminement
philosophique, c’est le fait de se penser comme Sujet, c’est-à-dire comme une
personne ayant une identité d’être humain, un sujet pensant ; mais cette
construction est une co-construction par les échanges avec d’autres personnes
dans une situation relationnelle ayant pour objectif la naissance d’une pensée
critique.
4) L’empathie :
a) c’est la capacité de partager et de comprendre les états émotionnels et
affectifs des autres. Elle se distingue de la perméabilité affective : par exemple,
se sentir angoissé ou stressé en présence de quelqu’un qui vit un tel état. Elle
suppose que l’on ait conscience que notre état émotionnel est causé par celui de
l’autre, sans pour autant qu’on se sente noyé en celui-ci. Elle suppose donc un
partage, voire une communion émotionnelle, mais tout en conservant une
3
certaine lucidité ainsi que son propre sentiment d’identité : l’empathie n’est pas
fusion, ni perte de soi dans l’émotion de l’autre.
b) C’est sans doute par la présence de cette double caractéristique :
partage émotionnel et conscient que ce sentiment est placé au centre de la
communauté de recherche philosophique. Il permet de créer un lien d’amitié
entre Sujets, reliés entre eux, mais néanmoins conscients de leur identité propre.
4. Présentation d’une initiation à la
philosophique en grande section de maternelle
pratique
pédagogique
Objectif : Initiation à la philosophie dans une classe de Grande section de
maternelles d’une école publique de Haute Savoie, à Excenevex 74160, où les
enfants appartiennent en majorité à un milieu socio-économique assez aisé
(travailleurs frontaliers en Suisse).
Organisation pratique: Une séance par semaine de 35 minutes environ,
avec la classe entière de 26 enfants, animée par moi-même, en présence de
l’enseignante et en collaboration étroite avec elle.
- de Novembre à fin Décembre : nous avons commencé par plusieurs
séances d’initiation et de mise en train à partir de l’album : « Mon ami Jim » de
Kitty Crowther portant sur la différence, la méfiance qu’elle éveille, le
dépassement de ces appréhensions par les échanges et la coopération.
A partir de Janvier nous avons pris comme support de tra
vail :
3 contes extraits des Contes d’Audrey-Anne de Marie-France Daniel
(2002) ; destinés aux enfants de 4 à 7 ans
-le petit chien et la bande de grands ;
-l’amour de maman ;
-Vincent et la bande de grands
5. Déroulement des séances : écouter un récit, agir, éprouver, réfléchir :
les facettes plurielles et complémentaires de la recherche de Sens
1) une base préliminaire : le récit et la sémantique : le conte sert de support
par les situations qu’il présente, les problèmes qu’il soulève, les dialogues qu’il
contient.
L’enseignante et moi-même, lisons un passage aux enfants ; chaque conte
étant découpé en plusieurs séquences, portant sur plusieurs semaines. Ensuite,
on demande aux enfants de reformuler ce qu’ils ont compris de l’histoire, si
possible dans sa chronologie
2) le sens en action : On demande ensuite aux enfants de mimer la scène.
Pourquoi cette démarche ?
Le mime constitue une base essentielle du comportement humain et ce,
principalement dans l’enfance. Comme l’a dit Marcel Jousse : « l’homme est le
plus mimique des animaux. La tendance à imiter, à mimer constitue l’homme ».
L’objectif est pluriel pour l’initiation philosophique :
a)-le jeu corporel fait par des enfants volontaires leur permet une expression
corporelle, émotionnelle, relationnelle, dialogique et symbolique :
4
- car la mise en scène de la situation crée un vécu commun au groupe ; elle
donne à l’histoire une dimension vivante qui favorise la compréhension des
situations.
Les contes d’Audrey-Anne comportent de nombreuses connotations
gestuelles, dans l’objectif de rendre les enfants conscients des gestes et de leurs
intentions. Outre le mime des séquences, si le besoin s’en fait sentir, et par
rapport à un questionnement précis, on demande à des enfants de mimer certains
gestes comportant une distinction par exemple : « faire exprès et pas faire
exprès de heurter quelqu’un ».
Il semble bien difficile et il est peut être vain à cet âge (5-6 ans) d’engager
une réflexion sur le questionnement de « faire ou non exprès », avec à l’horizon
la réflexion sur la responsabilité, si les enfants, au niveau gestuel et
comportemental, ne savent pas distinguer la différence entre un geste
intentionnel et non intentionnel.
- Au moment du mime, les enfants spectateurs manifestent une grande
attention et une grande participation émotionnelle ;
- la dimension émotionnelle découle de ce vécu commun ; ce qui favorise le
développement de l’empathie
- une grande importance est accordée à la reformulation de l’essentiel des
questions et des dialogues contenus dans le texte. Ceci constitue une
introduction à l’expérimentation d’une attitude réflexive et habitue les enfants à
se parler dans une démarche philosophique
- le jeu de mime donne une dimension symbolique à la situation, dans la
mesure où elle est re-présentée c’est-à-dire donnée à voir dans une dimension de
théâtralisation ludique ; elle est ensuite intégrée dans un questionnement de
nature philosophique.
- Cette pratique sert de terreau de préparation vivant et riche à la démarche
réflexive qui se met en place à sa suite
3) La recherche réflexive de sens : questionner et se questionner : on
demande aux enfants de poser des questions. Apprendre l’art du questionnement
est très important car c’est à la base de tout processus de recherche ; mais c’est
un acte essentiel en philosophie car il ouvre sur une recherche active de sens. On
part des questions des enfants, pour déboucher par étapes sur des questions de
fond. D’autres fois on peut faire des exercices ayant des objectifs pédagogiques
précis.
4) Vers la création d’une communauté de recherche : le dialogue est à la fois
ouvert et structuré, il implique le respect de règles strictes servant de cadre :
demander la parole, écouter le point de vue des autres….
Un dialogue philosophique n’est pas une conversation ordinaire ; ce n’est
pas non plus un psychodrame ni un groupe de parole ; il intègre une dimension
affective et symbolique, au service d’une finalité réflexive.
C’est pourquoi, progressivement, la recherche en commun va aider au
développement de compétences et d’habiletés logiques comme :
-donner des exemples et des contre-exemples ; comparer ; généraliser,
classifier, définir, distinguer, faire des nuances, donner des raisons, des
justifications ; ce qui permet de mettre en évidence des différences de points de
vue et donc de se dégager de l’égocentrisme.
5
6. Analyse de quelques séances:
Il s’agit ici d’enfants de 5 à 6 ans, qui en sont donc aux prémisses de cette
activité : « de l’émotion vécue et partagée en commun à l’émotion interrogée en
communauté de recherche ».
Le petit chien et la bande de grands :
Résumé : une maman chien arrive près d’un lac avec son bébé chien ; elle
part à la nage et abandonne son petit. Des enfants, pour jouer, vont le plonger et
le maintenir de manière prolongée dans l’eau ; ils vont trouver cela drôle car il se
tortille ; avec cependant une différence d’attitude entre eux : Vincent, l’acteur,
s’amuse bien ;
Sophie rit : elle trouve que c’est drôle ; Audrey-Anne exprime une certaine
inquiétude : « il a peut-être peur de l’eau » ? Et Nicolas : « est-ce que l’eau est
froide ? » Néanmoins, ils s’amusent tous à voir le chiot se tortiller
Trois séances ont été faites sur ce conte ; voici l’extrait de la séance n°2 :
Questions des enfants : pourquoi le petit chien se tortille ; pourquoi il ne dit
rien du tout ; pourquoi les enfants ont –ils jeté le petit chien dans l’eau ?
Questions
Réponses
Pourquoi le petit
chien se tortille ?
- il a envie de se
réchauffer
- il a peur de l’eau et
de se noyer
- la maman chien l’a
laissé ; il a peur
maintenant
- il a peur que les
enfants l’embête
encore plus
- peut êt’e qu’il veut
sortir
- il veut sortir
- il a peur de nager
- y sait pas parler
- il est bien élevé
- pour savoir s’il
nageait ou pas
- ils veulent
seulement jouer
- oui, mais c’est pas
drôle
- j’étais chez une
copine, elle s’est
moquée de moi car
j’ai perdu au jeu
- une fois je jouais
Pourquoi il ne dit
rien du tout ?
Pourquoi les enfants
ont-ils jeté le petit
chien dans l’eau ?
Animatrice : « c’est
drôle mais pas pour
le petit chien : ce qui
est drôle pour les uns
l’est-il toujours pour
Sentiments
exprimés
Besoin de protection
- peur de se noyer et
de mourir
Habiletés
logiques
manifestées
Interprétation, visant à
donner des raisons
Arguments appropriés
- abandonisme
- soumission
Stratégie
- résistance
Suppositions
Faiblesse, fragilité
- soumission
- curiosité
Expérience
- plaisir
Prise de conscience du
point de vue de l’autre
- souffrance due à la
moquerie
Exemples personnels
6
les autres ?
Animatrice : des
exemples ont été
donnés, pourquoi, ds
tous ces cas, n’est-ce
pas drôle ?
Animatrice : Selon
vous qu’est-il arrivé
au bébé chien après
que les enfants soient
rentrés chez eux ?
Parmi toutes ces
idées, y-en-a-t-il une
qui vous paraisse
plus juste ?
avec mon frère, il
- révolte contre une
avait changé toutes
injustice
les règles ; c’était pas
drôle car c’est pas le
jeu
- une fois, une fille
m’a dit un truc
méchant et rigolait
- ça me plait pas
- déplaisir
Situations de victime
- comme il sait pas
nager, il va peut-être
se noyer
- il a peur des requins
- il va se noyer
- il se sera endormi
dans l’eau
- des poissons
voudront le sauver ;
ils passeront dessous
et le feront sortir
- il pourra essayer de
nager et réussir
- sa maman va
revenir, s’il y a une
piscine, elle lui
apprendra à nager
Hypothèses
-conséquences
- peur de la mort
Appréciation
subjective
- espérance d’aide
Hypothèsesconséquences
- combattivité
- protection
maternelle retrouvée
maîtrise
- peut-être qu’il va se - désespoir
noyer ?
- oui, car il peut pas
nager
- non les enfants vont
l’adopter ; Audrey- résilience
Anne viendra le
chercher avec sa
maman
- moi, je pense que
- optimisme
ça va bien se
terminer, qu’il va
savoir nager
Commentaire
- les enfants sont très attentifs et intéressés par l’histoire
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Hypothèses
conséquences
Dialogue ; discussion
de l’hypothèse
Argument
Objection
Sorte de synthèse
réconfortante finale
-les propos sont en phase directe avec la situation : questions, réponses ; les
enfants s’écoutent et respectent la demande de parole ; ils ne se répondent pas
directement, sauf à la fin ; mais néanmoins leurs points de vue révèlent l’écoute
qu’ils ont les uns des autres et contiennent une sorte de progression interne.
La dernière question a éveillé un vrai dialogue, une discussion des arguments
allant vers une résilience et une conclusion optimiste ; mais les enfants qui
pensaient que le petit chien allait se noyer ont conservé leur point de vue.
Les sentiments exprimés sont essentiellement la peur, l’insécurité, la
faiblesse ; mais aussi le besoin de protection et de porter secours. Ils portent sur
l’identification au petit chien plus que sur les enfants ; c’est sans doute pour cela
qu’ils comprennent tous que ce n’est pas drôle pour le chiot ; les exemples
personnels donnés par les enfants sont ceux où ils ont été victimes.
Le dernier argument : la maman chien apprendra à nager à son bébé traduit
une recherche d’autonomie et d’affirmation personnelle. Il y a donc bien une
progression au cours du débat, car ils sont allés d’un sentiment d’impuissance et
de fatalité à un souhait de résilience et d’autonomie par l’apprentissage de la
natation.
Les habiletés logiques sont assez variées : le questionnement ; donner de
raisons qui interprètent le sens des comportements est le plus fréquent ; ensuite
l’exemple personnel ; puis des suppositions, dégageant des conséquences, des
déductions et des objections.
L’amour de maman :
Résumé : Audrey-Anne va trouver sa maman alors qu’elle est très absorbée
par un travail minutieux, pour lui demander si elle l’aime ou si elle ne préfère
pas son petit frère. La mère rejette sa fille assez sèchement en qualifiant sa
question de ridicule et la en mettant dehors sans ménagement.
Trois séances ont été faites sur ce conte, voici un extrait de la séance n°2 :
Questions des enfants : Pourquoi Audrey-Anne tire-t-elle la blouse de sa
maman ? Pourquoi embête-t-elle sa maman alors qu’elle travaille ?
Questions
Réponses
Sentiments exprimés
Pourquoi AA tire
la blouse de sa
maman ?
- elle croyait peut
être que sa maman
avait chaud
- non, elle ne savait
pas si sa maman
l’aimait
- elle voulait que sa
maman lui parle
- soulager la mère
- si la maman a
besoin de travailler,
elle pourrait le dire
plus tard, la maman
peut se tromper
- elle voulait le dire
maintenant car c’est
plus important que le
- attitude
compréhensive vis-à
vis de la mère
- renoncement
Pourquoi AA embête
sa maman alors
qu’elle travaille ?
Habiletés logiques
manifestées
Interprétation erronée
d’un geste sans
rapport avec la
situation
- inquiétude
Doute
- revendication
Justification
- revendication
8
Si donc : déduction à
partir d’une
hypothèse
travail
- non, c’est pas plus
important, le plus
important c’est le
travail
- le travail est plus
important ; peut-être
qu’elle est maîtresse
et qu’elle a beaucoup
de travail pour les
enfants
- moi, ma maman
elle est maîtresse
Animatrice : pensez
vous qu’AA aime sa
maman ?
Pensez vous que la
maman est méchante
avec AA, qu’elle
n’aime pas sa fille ?
Pourquoi ?
La maman d’AA
peut elle aimer sa
fille, même si elle lui
Objection
Hiérarchisation
- attitude
compréhensive
- attitude
compréhensive
Objection
Hiérarchisation
Hypothèse
interprétative
Exemple personnel
- les mamans font
des cadeaux
- Quand on dit qq
chose de gentil avec
le sourire : AA dit
gentiment « maman
est-ce que tu
m’aimes ? » la
maman est méchante
avec elle alors
qu’elle demande
gentiment
- elle n’aime pas sa
fille
Si elle aime sa fille
- réconfort
- il n’y a pas de
maman qui n’aiment
pas leur petite fille
- non elle ne l’aime
pas car elle ne lui a
pas dit « s’il te plait »
- elle a fait de la
peine à sa petite fille.
AA a pensé dans sa
tête qu’elle aimait sa
maman, elle voulait
lui parler et elle
croyait que sa
maman allait lui
répondre gentiment ;
sa maman lui a parlé
méchamment.
- oui, parfois ma
maman me parle
comme ça et puis
- réconfort
- déception,
souffrance
Critère affectif
Critère : absence de
réciprocité
- opinion subjective
Règle universelle
Critère : politesse
- souffrance,
- déception
- incompréhension
Réflexivité
Manque de
réciprocité
- réconfort
9
Exemple personnel
répond d’un ton
bourru ?
après elle me parle
gentiment
- oui, car même si
elle lui répond
méchamment, dans
son cœur elle aime sa
fille
- les mamans aiment
tjs leur petite fille
- non, si elle parle
comme ça ça veut
dire qq chose
- parfois ; ça se passe
très mal
- les papas et les
mamans, c’est obligé
qu’ils aiment leurs
enfants
- s’ils n’aimaient pas
les enfants, ils
n’auraient jamais fait
d’enfants
- peut être qu’il y a
des parents qui
n’aiment pas leurs
enfants
- il peut savoir en
demandant à leurs
parents.
- amour, confiance
Argument affectif
- amour, confiance
Règle universelle
- défiance
Doute, remise en
question
- souffrance,
désillusion
Objection, argument
- confiance
Règle universelle
Hypothèse, déduction
- confiance
- incertitude
Doute, remise en
question
Recherche de
preuves
Dans ce conte, contrairement au précédent, c’est l’adulte, la mère en
l’occurrence, qui est source de souffrance pour l’enfant, par son absence de
réponse à sa question : question cruciale pour un enfant, de savoir si sa mère
l’aime ou si elle l’aime autant ou moins que son petit frère. Au lieu de cela
l’enfant est chassée brusquement. Le passage présenté ici est celui où la petite fille
demande à sa mère si elle l’aime.
Les enfants oscillent entre une attitude compréhensive et une réaction de
souffrance vis –à vis de la réaction de la mère ; mais jamais n’apparait
ouvertement d’accusation de celle-ci.
Par rapport à la séance relatée du conte N° 1, on voit une grande progression
dans l’utilisation d’habiletés logiques plus complexes : raisonnement hypothéticodéductif, énoncé de critère, réflexivité (elle a pensé dans sa tête) ; doute ;
recherche de vérification : (pour savoir si ta mère t’aime, demande le lui) ; la part
des exemples personnels est en diminution.
Vincent et la bande de grands :
Résumé : Vincent sort joyeux de l’école ; il s’amuse à donner des coups de pied
dans un caillou ; celui-ci roule malencontreusement vers des plus grands venant
en sens inverse qui lui barrent la route. Ils commencement en à se moquer de lui
10
en chantant « Vincent, l’éléphant ! » et à lui dire que son prénom est stupide.
Vincent réplique : « il n’est pas stupide ; c’est le prénom que ma mère m’a
donné » . Comme les enfants continuent de rire, il leur dit « vous êtes
méchants ! » ; les enfants étonnés s’arrêtent de rire et disent « mais non, on joue »
2 séances ont été faites sur ce conte, voici un extrait de la séance n°2 :
Questions des enfants : Pourquoi dit-il « Vincent, l’éléphant, pourquoi se
moquent-ils de Vincent ; pourquoi dit-il que c’est un nom stupide ; pourquoi
Vincent dit-il qu’ils sont méchants ?
Questions
Réponses
Pourquoi disent-ils
« Vincent,
l’éléphant ? »
- parce qu’ils se
moquent de lui ;
comme ils ne
l’aiment pas, qu’ils
sont plus grands, ils
se moquent car c’est
pas leur copain
- Vincent n’est pas
leur copain ; ils sont
plus grands
- ça finit par « en « :
Vincent et Eléphant
- ils trouvent que son
prénom est drôle
Pourquoi les enfants
se moquent-ils ?
Sentiments exprimés
- manque d’amour
Mêmes arguments
- impuissance
Sens pertinent du
langage
Le prénom est en
cause
Infériorité due à l’âge
Revanche :
conséquences
supposées d’une
action antérieure
- peut être qu’ils sont
plus grands ; il est
peut -être méchant
avec eux, d’autres
fois
Pourquoi les grands
pensent-ils que c’est
drôle et Vincent que
c’est méchant ?
Habiletés logiques
manifestées
2 arguments
Manque d’amitié
Infériorité due à l’âge
Relation de cause à
conséquence
- c’était un jeu pour
eux, mais pas pour
Vincent
- ça lui plaisait pas
Prise en compte de
l’opposition des
points de vue
Opinion subjective
- c’est pas que les
coups de poing qui
font mal des fois, des
mots, ça peut faire
mal au cœur
- c’est pas drôle de se
moquer
- y faut pas faire ce
qu’on veut pas nous
arriver
- Si je me moque des
autres, ils vont dire
que je suis méchante
Nuances et
élargissements de
points de vue
Opinion subjective
Règle universelle de
réciprocité
Si… donc :
déduction à partir
d’une hypothèse ;
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prise en compte des
conséquences
- j’étais tombée et
m’étais fait très mal,
je pleurais, un enfant
riait et c’était moqué
de moi ; ça me faisait
pas plaisir qu’il se
moque de moi
Et vous, est-ce que ça
vous est arrivé de
vous moquer de
qq’un ?
Tu as ri du chien ?
Est-ce que c’est
méchant de se
moquer d’un chien ?
- souffrance ;
impuissance
- oui, maman était
tombée ; j’avais
rigolé ; elle a dit ;
« c’est pas drôle,
j’aurai pu me faire
très mal »
- il y avait un chien
tombé dans une
fontaine ; j’ai rigolé
car c’était drôle
- oui
- oui
- c’était drôle, mais
pour le chien, pas
tellement
Exemple personnel
Exemple personnel+
règle générale
Exemple personnel
Compréhension de
l’absence de
réciprocité
- c’est moins grave si
on se moque d’un
chien car il peut pas
le dire à son maître,
il parle pas comme
nous
- s’il tombe, il peut
se faire très mal,
même si il ne le dit
pas
- il peut mordre
qq’un si on se moque
de lui
- le chien pourrait
mordre qd on
l’embête
Hiérarchisation
homme-animal
Argument :
Infériorité du chien.
Objection : la sensibilité du chien :point
de vue du chien
Objection : capacité
d’auto-défense de
l’animal
Commentaire :
Les enfants ont une attitude beaucoup plus distanciée que pour les 2 autres
contes ;
L’attitude dominante est une attitude réflexive de recherche d’arguments, de
recherche de compréhension de la situation ; il y a davantage d’échanges entre
enfants et de progression interne de la réflexion. Il a peu d’expression directe de
12
sentiments
Les raisonnements se sont complexifiés :
- aptitude à penser aux conséquences pour soi ou pour les autres ;
-exemples personnels tout à faits pertinents permettant à la réflexion de
progresser
-envisager l’opposition possible des points de vue face à une situation ;
-expression de lois générales impliquant la réciprocité : « ne pas faire à autrui
ce qu’on ne voudrait pas qu’on nous fasse »
-capacité de comparer et de hiérarchiser.
Suite à un très grave incident survenu dans l’école, nous avons organisé une
séance de débat sur la violence :
- un enfant de CE de l’école a été pris d’une crise de violence, plus grave que
d’habitude ; les enfants de grande section étaient tranquillement en classe, quand
ils ont entendu de grands cris. L’enfant que nous appellerons Simon avait attaqué
violemment un autre enfant ; son enseignante s’est interposée ; Simon lui a donné
des coups de pieds et a même cherché à la mordre ; les enfants de grande section
de maternelle n’ont pas assisté à la scène ; mais ont eu un compte rendu par leur
enseignante.
Nous ne sommes pas partis des questions des enfants, mais d’une demande de
reformulation de ce qui s’est passé :
Questions
Réponses
Sentiments manifestés
Qu’est-il arrivé ?
- on a entendu des
cris ds le couloir ; on
était en train de
chanter une chanson
- on était sur que
c’était Simon ; des
fois il crie comme
ça ; il a hurlé
- tranquillité
Quand vous avez
entendu cela, qu’estce que ça vous a
fait ?
- Il était très excité
on l’a emmené à
l’hôpital avec les
pompiers
- On n’arrivait pas à
le calmer
- Il a essayé de
mordre la maîtresse,
lui a donné un coup
de pied et l’a griffé
- ça nous dérange ; si
on avait été en train
de travailler, ça nous
aurait déconcentré et
nous faire faire
n’importe quoi sur
Habiletés logiques
manifestées
Reformulation
objective
- bien-être
Pertinence de
l’interprétation
Reformulation
objective
- gène par rapport à soi Conséquences
dégagées à partir
d’une hypothèse
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notre travail
- ça nous fait triste
dans le cœur
- il a fait mal à la
maîtresse ; c’est triste
pour la maîtresse.
-j’ai peur pour la
maîtresse, qu’elle se
blesse
- j’ai pas eu peur car
c’est un enfant ; j’ai
pas peur des cris
d’enfant
Pensez-vous que
Simon est un enfant
violent ?
- souffrance, peine
Arguments
compassionnels
- empathie
- empathie
- confiance ou besoin
de se rassurer
- j’ai eu peur car une
fois, il voulait me
taper au visage
- peur et menace par
rapport à soi
- j’ai pas peur car
quand on crie, j’ai
pas peur
- confiance ou
dénégation ?
- une fois à la
cantine, j’étais à côté
de lui, il m’avait
- menace par rapport à
donné des coups de
soi même
poing ; il rigolait
- ça fait de la peine à
la maîtresse et aux
- empathie
enfants
- oui car ceux qui
sont violents donnent
des coups de pied et
de poing
- j’ai un autre avis : il
est pas violent, il est
gentil, mais il sait pas
parler avec les autres
- non :il est violent
car 1 : il donne des
coups de pieds ; 2 :
des coups de poings ;
3 : il crie ; 4 : il
donne des coups de
tête.
- être violent, ça met
la vie dure
Raisonnement
inductif ; réaction
personnelle intégrée
dans une règle
générale
Argument :
souvenir d’une
agression passée
Argument :
réaction personnelle
intégrée dans une
règle générale
Argument :
référence à l’expérience personnelle
Enoncé de 2
critères
Objection : attitude
compréhensive
Objection de l’objection : énoncé de
4 critères (en lescomptant)
Enoncé d’une règle
générale
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Quand on crie, est-ce
qu’on est violent ?
Est-ce que les mots
peuvent être violents,
si, par exemple on
nous dit qu’on est
stupide ou moche ?
Pourquoi la maman
va la gronder ?
Peut-on éviter d’être
violent ?
- c’est très violent
- c’est pas violent, on
peut le dire pour rire
ou pour jouer
- c’est un peu violent
si on dit des choses
méchantes
- c’est violent, on va
être dénoncé à la
- peur de la sanction
police
- c’est violent, l’autre -souffrance, empathie
va avoir mal au cœur
- il le dira à sa
maman, si elle
connaît la maman de
l’autre, elle va lui
dire et la maman va
la gronder
Opinion subjective
Objection
Critère : le contenu
des cris
Examen des
conséquences
Argument
compassionnel
- peur de la sanction
Argument : peur de
la sanction ; prise
en compte des
conséquences
- elle n’a pas été sage
- l’autre va réagir et
peut donner des
coups, on peut
arriver à se battre
- être violent tous les
jours c’est trop : de
temps en temps, c’est
pas trop grave
Argument : prise en
compte des
conséquences
Hiérarchisation
- oui, on peut le dire
à la maîtresse
- on peut parler avec
les autres
- on peut le dire à un
adulte
- confiance en l’adulte
Recherche de
solutions:
- ouverture, recherche
de protection
Importance du
dialogue
- on s’échappe
- autonomie ou fuite
- mais si on
s’échappe on peut se
perdre, se faire
piquer par des bêtes,
il y aura personne
pour nous soigner
- peur de l’abandon,
insécurité
- on peut aller dans
notre maison
- on peut demander à - besoin de protection
notre grand frère ou à
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Objection-examen
des conséquences
de l’argument
précédent
notre parrain
- il y aura tjs qq’un
Est-ce qu’il vaut
mieux demander la
protection ou
chercher à se battre ?
- demander de la
protection sinon on
va en prison
- c’est mieux de
chercher la sécurité
- sentiment d’être
protégé
Règle universelle
Argument : examen
des conséquences
- besoin de protection
Sorte de conclusion
Les enfants ne vont
pas en prison car ils
doivent apprendre.
Simon ira dans une
école spéciale où il
sera soigné et éduqué
Conclusion :
Peut-on dire que les séances données ici en exemple vérifient l’hypothèse
d’une pédagogie-philosophique intégrant une dimension psychologique au sein
même de sa dynamique interne ? La dimension psychologique étant ici définie
comme une approche à forte connotation affective
1)-le rôle des exemples personnels : ils sont accueillis, mais l’objectif n’est pas
de se raconter soi même, ni de les interroger par rapport à un cursus personnel
d’existence. Ils jouent un quadruple rôle :
a) existentiel car ils permettent de faire un rapprochement avec sa propre
existence,
b) linguistique : mettre des mots sur cette situation,
c) sociologique : partager avec les autres
d) philosophique : l’exemple
est le point d’appui concret d’un
raisonnement : énumérer des exemples sans les interroger n’a pas de dimension
philosophique ; mais inversement un débat sans exemple risque de manquer
d’ancrage dans le vécu et conséquemment de passer à côté de son objectif d’une
socio-construction de sens.
Le récit servant de support, aide à trouver une juste distanciation avec ce qui
est personnel ; il favorise la mise en mouvement des réactions émotionnelles, des
souffrances et blocages de tous ordres.
2) La création d’un vécu de groupe :
a) elle est liée au récit lui-même et aux connotations affectives qu’il
comporte ;
b) aux séances de mime et aux sentiments verbalisés dans le groupe.
Il constitue le terreau sur lequel se construit la réflexion en commun et
contribue à donner du plaisir à être ensemble et du sens au partage
3) L’empathie : elle apparaît à certains moments ; elle est l’aspect affectif d’un
parallèle rationnel qui est la capacité à se mettre à la place de l’autre, sans
cependant perdre le sentiment de sa propre identité. Elle caractérise les moments
les plus riches affectivement et intellectuellement.
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L’ensemble de ces éléments vise bien à une co-construction de la pensée,
intégrant les dimensions psycho-affective, symbolique, émotionnelle et rationnelle
de la personnalité. L’objectif n’est pas de faire de ces enfants des intellectuels
mais des êtres sensibles ouverts à la communication et cependant autonomes
affectivement et intellectuellement.
Des philosophes comme Spinoza ont montré qu’on peut dégager plusieurs
genres de connaissance, et qu’à chaque genre, existe un parallélisme entre le
fonctionnement de l’affectivité et celui de la pensée.
Rapporté aux jeunes enfants, on peut admettre qu’un premier genre serait une
affectivité égocentique à laquelle correspondrait une pensée du même nom, c’està-dire pauvre en capacité de partage et d’abstraction. Une connaissance du second
genre serait une affectivité ouverte envers autrui et acceptant les différences
humaines : elle serait capable de traduire en mots appropriés le vécu. Lui
correspondrait une pensée à la fois précise et nuancée, intégrant l’objection vue
comme le corrélat rationnel de l’acceptation des différences.
C’est précisément cette démarche que vise l’approche pédagogique de la
philosophie inspirée de la méthode Lipman et enrichie des recherches des
québécois. Cette activité pour avoir des racines profondes et durable, suppose bien
sur une pratique sur le long terme.
Les enfants de cette classe ont révélé un très bon niveau ainsi qu’ une bonne
cohésion de groupe ; il aurait été valable de comparer avec des enfants d’un autre
milieu socio- culturel ; mais ceci n’a pas été possible au cours de cette année
scolaire 2009-2010.
Bibliographie indicative :
DANIEL M.-F. (2002). Les contes d’Audrey-Anne. Québec : Loup de Gouttière.
DANIEL M.-F. (1996). La philosophie avec les enfants. Bruxelles : de Boeck &
Belin.
La FORTUNE L. (2009). Pédagogie et psychologie des émotions. Québec : P.U.Q.
LIPMAN M. (1995). A l’école de la pensée. Bruxelles : De Boeck & Larcier.
POURTOIS, J.-P. & MOSCONI, N. (2002). Plaisir, souffrance, indifférence en
éducation. Paris : P.U.F.
SASSEVILLE, M. (2006). La pratique de la philosophie avec les enfants. Laval :
P.U.L.
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