Le Messager Céleste, décembre 2014 page 3
Persée, Pégase et
Méduse
suite en page 5
Comme je vous le disais le mois
dernier, Persée a eu une vie bien
remplie avant et après Andromède, la
belle Africaine. Vous avez pu
également constater que le destin de
Persée est intimement lié à ceux de
Pégase et de Méduse. Commençons par
Méduse.
Sthéno (La Puissante), Euryale (Le
Grand Domaine) et Méduse,
collectivement appelées les Gorgones,
étaient trois sœurs au physique
répugnant (regard pétrifiant ceux qui
osaient les regarder, peau de crocodile,
grandes dents, visage en grimace et
chevelure de serpents). On ne connait
pas bien leurs parents; les registres de
l’état civil étant peu fiables à cette
époque, les versions varient selon les
auteurs. M’enfin, on sait que seule
Méduse était mortelle (sûrement la mu-
tation ou la perte d’un gène divin,
conséquence inévitable de la
complexité de l’hérédité olympienne et
de leurs mœurs dissolues).
Comment Méduse, belle jeune fille
bien de son temps, avec une splendide
chevelure dont elle était trop fière, a-t-
elle pu devenir le monstre que nous
connaissons aujourd’hui? Deux
variantes circulent. Certains racontent
qu’Athéna, irritée par l’attitude
“regarder comme mes cheveux sont
beaux”, transforma ceux-ci en serpents.
D’autres disent que, Poséidon s’étant
uni à Méduse dans le temple d’Athéna,
celle-ci (vieille fille jalouse) châtia
Méduse d’avoir souillé son temple en
la métamorphosant en Gorgone (c’est
toujours les femmes qui paient!
Poséidon, lui, s’était tranquillement
retiré au fond de la mer).
Maintenant que vous progressez en
monstrologie (Cétus, Gorgones, etc.)
passons à notre héros, Persée.
L’histoire de Persée nous est parvenue
grâce à Nestor, vieil hibou plein de
sagesse, conseiller précieux et
compagnon d’aventure d’Ulysse; il
était surtout un conteur extraordinaire
(des mauvaises langues dirent qu’à la
fin de sa vie il était une des pires
commères).
Nestor, donc, nous raconte qu’il était
une fois un roi d’Argos (en Grèce)
nommé Acrisios qui avait une fille
prénommée Danaé. Acrisios,
curieux de savoir s’il aurait un fils,
alla consulter la pythie qui, à
Delphes, rendait les oracles d’Apollon.
Après en avoir fumé du bon, la pythie
lui révéla que Danaé n’aurait pas de fils,
mais que son petit-fils (notre futur
Persée) le tuerait. Pris de peur et décidé
à déjouer le destin, Acrisios enferma
sa fille dans une haute tour dont il
gardait constamment la clé sur lui.
Danaé grandit à l’abri du regard
des hommes et devint une belle
jeune femme. Un jour, alors
qu’elle prenait l’air au sommet
de la tour, l’aigle de Zeus aperçut
Danaé et, ébloui par sa beauté, rapporta
la présence de l’inconnue à son maître.
Zeus, fieffé coquin, toujours à l’affût de
nouvelles conquêtes, décida d’aller
valider par lui-même les dires de son
fidèle éclaireur. Il choisit, pour
l’occasion, d’approcher la jeune vierge
en se transformant en pluie d’or. Celle-
ci, émerveillée par tant de scintillement,
se laissa envelopper et s’abandonna
naïvement à Zeus; il abusa sans
vergogne de la situation.
Acrisios, lorsque se rendit compte de la
grossesse de sa fille, voulut conjurer le
mauvais sort prédit par la pythie; il fit
mettre la jeune femme dans un tonneau
qu’il jeta à la mer.
Grâce à un phénomène mal compris
aujourd’hui mais bien connu des Grecs
à cette époque, Danaé, dans son tonneau,
arriva saine et sauve sur la plage d’une
île (Sériphos) où régnait un roi nommé
Polydecte. Séduit par la fraîche candeur
de la jeune femme enceinte, le roi la prit
sous son aile. Danaé donna naissance à
un garçon qu’elle prénomma Persée.
Sur le coup, Polydecte ne se formalisa
pas de la venue de Persée et demanda
Danaé en mariage. La jeune mère
repoussa le concupiscant prétendant
pour se consacrer à l’éducation de son
fils. Ce n’est qu’après 16 longues
années, lorsqu’elle eut le sentiment
que Persée n’avait plus besoin d’elle,
qu’elle céda aux avances de Polydecte
(il avait quand même été persévérant
le mec).
Polydecte organisa alors un gros party
pour les noces. Tous furent invités,
même Persée, et tous offrirent de
somptueux cadeaux au couple, tous…
sauf Persée, complètement fauché. À
la fin de la soirée, après avoir abusé
quelque peu des fruits de Bacchus,
notre héros, un brin orgueilleux,
déclara imprudemment à Polydecte,
devant toute l’assemblée, qu’il
rapporterait à son beau-père le cadeau
de son choix.
Polydecte flaira la bonne affaire.
Pourquoi ne pas se débarrasser de cet
importun beau-fils? Il lui demanda
malicieusement de lui rapporter la tête
de Méduse. L’impulsif et fougueux
Persée accepta le défi sur-le-champ.
Le lendemain, un coup dégrisé, notre
homme réalisa l’ampleur de l’aventure