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Le but de toute nation est d’accéder au développement et de permettre pour
reprendre les mots du Pr. Amartya Sen Prix Nobel de Sciences Economiques
1998- à chacun de ses citoyens de vivre la vie qui a de la valeur à ses yeux.
Le développement économique ne se confond pas avec la croissance
économique. Il est une notion beaucoup plus large. La croissance économique
est généralement définie (cf François Perroux) « comme l’augmentation
soutenue pendant une ou plusieurs périodes plus ou moins longues d’un
indicateur de dimension, le Produit global net en termes réels ».
Le développement économique est quant à lui la combinaison des changements
économiques culturels, techniques, mentaux… d’une population qui la rendent
apte à faire croitre de manière cumulative et durable son Produit global net en
termes réels.
Sur cette base, les nations du Monde peuvent être séparées en 2 grands
groupes : le groupe des pays développés et celui des pays en développement.
Un sous- groupe les PMA- est identifié au sein du deuxième groupe, indiquant
les pays les plus pauvres parmi les pauvres (en termes de revenu par tête).
La notion de pays émergent est quant à elle beaucoup plus récente. Le petit
Robert définit l’émergence « comme un phénomène qui s’impose à l’attention
par sa valeur ». A l’origine, le concept d’émergence servait à caractériser les
marchés financiers en transition qui augmentaient progressivement en taille. Il
a été par la suite étendu aux économies qui présentent des caractéristiques
intéressantes surtout en termes de croissance, d’innovations techniques, de
déréglementation des marchés.
La question importante qu’il faut se poser à ce niveau est la suivante : A partir
de quel moment de son processus historique, une économie se trouve-t-elle sur
le chemin de l’émergence ?
Plusieurs tentatives de réponses ont été apportées à cette question. Je me
contenterai juste de citer l’approche de l’économiste sénégalais Moubarack LO
qui a construit un Indice Synthétique d’Emergence Economique (ISEME) à
partir du PIB réel, de l’investissement et des exportations.
Il a appliqué cet indice à des pays africains. Les résultats trouvés ont montré
que 8 pays avaient déjà franchi le stade de l’émergence économique : Tunisie,
Maroc, Ile Maurice, Cap Vert, Botswana, Libye à l’époque, Afrique du Sud,
Egypte ; d’autres sont bien positionnés (Côte d’Ivoire, Ghana) pour devenir
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émergents d’ici 2025, alors que la majorité des pays africains présente encore
beaucoup de handicaps qui les éloignent de l’émergence.
Indépendant depuis plus de cinq décennies, le Sénégal a enregistré sur toute
cette période des taux de croissance économique proches du croît
démographique. Ainsi, sur une longue période, le revenu par tête n’a augmenté
que de 1%.
Seule la décennie 1995-2005 a permis à l’économie sénégalaise d’être sur une
bonne trajectoire de croissance. Cependant dès 2006 un infléchissement a
commencé à être observé sous l’effet de l’essoufflement de certains secteurs tels
que les BTP et les télécommunications, le faible dynamisme du secteur privé, la
persistance du déficit de la balance des paiements courants. Dès 2010, il est
apparu clairement que le pays ne pourrait pas en 2015- échéance fixée au
départ - atteindre les OMD, notamment celui relatif à la réduction de la
pauvreté, même si le 1er OMD se rapportant à la réduction de moitié de
l’extrême pauvreté et de la faim avait été atteint.
Cette faible performance en matière de croissance de l’économie sénégalaise
peut être expliquée par plusieurs facteurs :
- la vulnérabilité de l’agriculture face aux aléas climatiques ;
- la faible structuration des chaines de valeurs agro pastorales ;
- les problèmes d’accès au foncier ;
- le retard dans la mise en œuvre des réformes dans des secteurs clé
comme l’énergie, l’environnement des affaires ;
- la faible efficacité de la dépense publique.
Pour pallier ces difficultés et surmonter ces lourds handicaps, les autorités
sénégalaises ont décidé d’adopter un nouveau modèle de développement pour
accélérer la marche du pays vers le développement.
Cette stratégie dénommée PSE constitue désormais le référentiel de la politique
économique et sociale du pays dans le MLT. Son ambition est d’accélérer la
transformation structurelle de l’économie sénégalaise et assurer l’émergence du
pays en 2035 avec une société solidaire dans un Etat de Droit.
L’objectif recherché dans cette communication est de tenter d’apporter une
réponse à la question fondamentale suivante : Le Sénégal peut-il être émergent
à l’horizon 2035 ?
De manière plus spécifique, la réflexion sera centrée autour des questions
suivantes :
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- quelles ont été les performances économiques et sociales du Sénégal
comparées à celles des pays dits émergents ?
- quelle est l’articulation générale du PSE ?
- à quelles conditions le PSE permettra-t-il d’atteindre les objectifs visés ?
I) Un rapide bilan comparatif des performances économiques et sociales
du Sénégal
Le Sénégal a accumulé une longue expérience en matière de planification du
développement depuis la période des premières années post indépendance avec le
premier plan quadriennal 1961-1964 jusqu’à l’adoption en Février 2014du PSE. Les
épisodes de planification ont été toutefois contraints à partir de 1979 par un pilotage
de l’économie basé à la fois sur la planification classique et sur la mise en œuvre de
programmes économiques et financiers avec le soutien du FMI et de la Banque
Mondiale (cf Tableau 1 suivant).
Tableau 1 : Plans, programme et stratégies de développement du Sénégal (1961-
2014)
Période
Plans, programmes et stratégies
1961-1964
Plan de développement économique et social I (1961-1964)
1965-1969
Plan de développement économique et social II (1965-1969)
1970-1973
Plan de développement économique et social III (1970-1973)
1974-1977
Plan de développement économique et social IV (1974-1977)
1978-1981
Plan de développement économique et social V (1978-1981),
Programme de stabilisation (1979-1980)
1982-1985
Plan de développement et social VI (1982-1985), Programme de
redressement économique et financier (1980-1984)
1986-1989
Plan de développement économique et social VII (1986-1989),
Programme d’ajustement à moyen et long terme (1985-1992)
1990-1995
Plan de développement économique et social VIII, Plan d’orientation
économique et sociale I (1990-1995), Groupe consultatif 1987
1996-2001
Plan de développement économique et social IX, Plan d’orientation
économique et sociale II (1996-2001), Programme de redressement
économique et financier
2002-2007
Plan de développement économique et social X, Plan d’orientation
économique et sociale III, document de stratégie de réduction de la
pauvreté I (2003-2005), document de stratégie de réduction de la
pauvreté II (2006-2010)
2008-2014
Document de politique économique et sociale 2011-2015, stratégie
nationale de développement économique et social 2013-2017, Plan de
développement économique et social XI (2013-2018), Plan Sénégal
émergent 2014-2018
Source : Direction de la planification (plandev.sn, 2015).
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Les objectifs fixés pour les plans, programmes et stratégies n’ont pas été globalement
atteints. Ainsi par rapport à la croissance économique, l’écart moyen entre les cibles
et les réalisations a été évalué à 3,1 points de pourcentage de croissance sur la période
1961-2013 (DP, BCEAO, BM, CEA) cf figure 1 ci-après.
Figure 1 : Taux de réalisation des objectifs de croissance des plans et
programmes de développement du Sénégal
Source : Direction de la prévision et des études économiques, Cadrage macroéconomique,
2015a ; Direction de la planification du Sénégal (Plandev.sn, 2015).
La non réalisation des objectifs initialement fixés a été combinée à la faiblesse
structurelle de la croissance économique qui est restée globalement en dessous
de 5% à l’exception de la période 1996-2001.
La trajectoire de croissance de l’économie sénégalaise est en ligne avec la
dynamique sous régionale entre 2000 et 2011 (en moyenne 3,9%).
En revanche, elle a été en deçà de la performance de l’Afrique Sub-saharienne
qui a connu une croissance moyenne de 6,3% sur la même période.
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On peut grosso modo distinguer quatre grandes phases dévolution depuis
1960 :
- la période 1960-1983 marquée par une croissance irrégulière ;
- la période 1983-1994 correspondante au recours exclusif à l’ajustement
interne, caractérisée par un déficit d’investissement et une perte de
croissance ;
- la décennie post-dévaluation (1995-2005) marquée par la poursuite des
formes et l’accélération de la croissance ;
- la période postérieure à 2005 caractérisée par un infléchissement de la
croissance.
Les tableaux 2 et 3 suivants donnent pour quelques années les indicateurs
économiques et sociaux de pays qualifiés d’émergents ou qui ont été
hautement performants et du Sénégal.
Ils montrent les écarts importants qui existent entre ces pays et le Sénégal et
donnent une idée de l’ampleur des efforts que ce pays devra fournir pour
atteindre l’émergence.
Tableau 2 : Les indicateurs économiques de pays émergents
Principaux indicateurs macroéconomiques (%PIB)
Agriculture
Industrie
Manufac
ture
Service
Imports
Formation
Brute de
Capital
fixe
IDE,
Entrées
nettes
Epargne
Intérieure
Brute
APD
Nette
Reçu
e
(%du
RNB)
Revenu,
hors
subvent
ions
2010
2010
2009
2010
2010
2009
2011
2010
2010
2009
Moyenne
1
6,39
38,53
16,17
55,08
40,85
24,53
3,03
25,65
0,57
24,00
diane
6,22
34,68
17,11
59,72
36,24
22,70
3,01
21,06
0,28
23,66
Sénégal
17,40
22,35
12,99
60,25
43,02
27,90
2,00
10,77
7,2
9
16,84
(2011)
1
Algérie, Angola, Botswana, Brésil, Bulgarie, Chili, Chine, Colombie, Costa Rica, République Dominicaine, Gabon,
Jordanie, Malaisie, Maurice, Mexique, Afrique du Sud, Thaïlande, Tunisie et Turquie.
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