pas que la religion fût devenue l’un des thèmes favoris d’Habermas.
Toutefois, dans ces circonstances bien particulières, un mois après les
événements tragiques de Manhattan et Washington, le philosophe de
Francfort entreprit d’envisager l’horizon de la paix en invitant à réfléchir
sur l’instrumentalisation fondamentaliste du religieux et sur le rôle des
religions dans « une société postséculière qui postule la persistance des
communautés religieuses dans un environnement qui continue à se
séculariser »3.
La troisième rencontre que je voudrais évoquer est celle qui eut lieu à
l’Académie catholique de Bavière, à Munich, le 19 janvier 2004, entre Jürgen
Habermas et le cardinal Jospeh Ratzinger, devenu depuis le pape Benoît
XVI, mais qui était alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi4.
Cette re n c o n t re, qui eut un certain retentissement médiatique en
Allemagne, avait pour thème : « Les fondements moraux prépolitiques
d’un État libéral ». Elle permit aux deux conférenciers de faire chacun le
point sur la façon dont ils concevaient les fondements du lien social dans
des sociétés démocratiques fortement sécularisées. Dans la ligne de son
texte de Francfort, Habermas souligne l’importance d’une traduction
sécularisée des messages religieux, réception indispensable pour assurer
les motivations en faveur d’une solidarité citoyenne, à l’heure où « des
raisons extérieures de menace ne sont pas exclues »5. De son côté,
Ratzinger reconnaît l’importance du recours à la raison pour soigner les
pathologies des religions, et invite à prendre conscience de
la non-universalité de fait des deux grandes cultures de l’Occident :
celle de la foi chrétienne et celle de la rationalité séculière, si importante
soit leur double influence, chacune à sa manière, dans le monde entier et
dans toutes les cultures.6
Chemins de Dialogue
6
«Glauben und Wissen », dans Friedenspreis des Deutschen Buchhandels 2001.
Jürgen Habermas. Ansprachen aus Anlass der Verleihung, Börsenverein des
Deutschen Buchhandels e. V. Francfurt am Main im Verlag der Buchhändler-
Vereinigung GmbH, p. 37-56.
3. Jürgen HABERMAS, « Foi et savoir », L’avenir de la nature humaine. Vers un
eugénisme libéral?, op. cit., p. 151.
4. Cf. Jürgen HABERMAS, Joseph RATZINGER, « Les fondements prépolitiques
de l’État démocratique », Esprit 306 (juillet 2004), p. 5-28.
5. Ibid., p. 12.
6. Ibid., p. 26.
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