Note d’orientation de la CEA Réaliser le développement durable en Afrique par le biais d’une croissance verte et inclusive: tirer parti du potentiel commercial Le commerce a un rôle important dans l’économie mondiale, et peut stimuler la croissance économique sur le continent africain. Il traduit les préférences des entreprises et des consommateurs sur le marché mondial, ce qui en rend les résultats environnementaux et sociaux cruciaux pour l’économie verte. Il peut favoriser la croissance verte et inclusive en Afrique, à mesure que les pays arrivent à élargir la gamme des biens et des services qu’ils produisent, à créer des possibilités d’emplois décents et à développer leurs relations économiques avec le reste du monde. Les produits d’industries extractives, en particulier les combustibles fossiles, les minerais bruts et les métaux, dominent les exportations africaines vers le reste du monde. Les pays d’Afrique peuvent parvenir à la croissance verte et inclusive sur un marché hautement mondialisé et compétitif en tirant parti de leurs abondantes ressources naturelles, qui ont aussi des retombées bénéfiques très diverses dans les différents secteurs de la société. Les produits agricoles et non agricoles susceptibles de répondre aux exigences de consommateurs soucieux de l’environnement vont des produits domestiques écologiques aux formes d’énergie propres et renouvelables. I. Favoriser la croissance verte et inclusive par le commerce: possibilités et tendances Note d’orientation n° xx La présente note d’orientation est la dernière d’une série de six qui ont pour source la cinquième édition du Rapport sur le développement durable en Afrique, publication conjointe de la Commission économique pour l’Afrique CEA), de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur le thème « Réaliser le développement durable en Afrique par le biais d’une croissance verte et inclusive ». La note est consacrée au rôle joué par le commerce pour favoriser la croissance verte et inclusive en Afrique. Pour que l’Afrique parvienne à la croissance verte et inclusive dans un marché mondial hautement mondialisé et compétitif, il lui faudra acquérir un puissant avantage comparatif dans la production de produits qui soient verts et aient diverses retombées bénéfiques dans les différents secteurs de la société. Des réformes sectorielles peuvent déboucher sur de nouvelles possibilités de commerce de produits et de services issus de modes de production durables. Les réformes peuvent permettre d’éliminer des distorsions causant des gaspillages et de réaffecter des ressources, avec pour résultats des schémas de production ménageant les ressources et un développement des échanges. Le développement des flux commerciaux peut renforcer encore la réaffectation des ressources, surtout quand les recettes des échanges sont accessibles aux pauvres, rendant la croissance économique inclusive et de large portée. Des réformes sectorielles peuvent aussi stimuler la croissance dans l’ensemble de l’économie, grâce à l’élimination des coûts entraînés par le gaspillage des ressources. C’est là un facteur de compétitivité important dans un environnement commercial mondial hautement mondialisé. Comme exemples précis de bonnes pratiques, on peut citer: l’utilisation du potentiel commercial dans le sous-secteur des énergies renouvelables au Maroc (voir encadré ci-après);la promotion de l’écotourisme pour le développement du commerce en Afrique de l’Est; les échanges de droits d’émission de carbone en Afrique du Sud et au Kenya; et la promotion par le commerce de la croissance verte et inclusive dans l’agriculture au Rwanda. L’exploitation du potentiel commercial dans le sous-secteur des énergies renouvelables au Maroc Dans le cadre du Plan national pour l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique, le Maroc a lancé en 2009 son Plan solaire, l’un des projets énergétiques solaires les plus vastes du monde. Il vise la production viable d’énergie par la technique de la concentration de l’énergie solaire et par les systèmes photovoltaïques, avec une puissance installée de 2 000 MW en 2020. Les ouvrages solaires, au Maroc, ainsi qu’un ensemble de fermes éoliennes prévues sur la côte atlantique, devraient permettre en 2020 de porter à 42 % du bouquet électrique total l’apport des énergies renouvelables. Le projet solaire devrait ainsi réduire la dépendance du Maroc à l’égard des importations d’énergie et donc réduire la facture d’environ 750 millions de dollars par an (pour l’énergie éolienne) et de 500 millions de dollars par an (pour l’énergie solaire). De plus, ces projets devraient former la base d’une infrastructure industrielle pour les technologies solaires, de sorte qu’à terme, les sociétés marocaines puissent participer à la construction et à l’exportation de technologies d’énergie solaire. C’est pourquoi les projets comprendront des activités de formation et de recherche appliquée orientée vers l’industrie; ils contribueront à protéger l’environnement en limitant les émissions de gaz à effet de serre et concourront à la lutte contre le changement climatique. On estime que le Plan solaire réduira les émissions de gaz à effet de serre de 9,1 millions de tonnes par an1.. L’objectif est d’arriver à ce que les sources d’énergie renouvelable constituent 42 % de la puissance électrique installée du pays, dont 2 GW d’énergie solaire provenant de cinq grandes installations, 2 GW d’énergie éolienne et 2 GW d’énergie hydroélectrique. Le Gouvernement marocain a engagé 9 milliards de dollars pour le secteur des énergies renouvelables, qui est fortement financé par des prêts d’investissement d’institutions multilatérales comme la Banque mondiale, l’Union européenne et la Banque africaine de développement. En plus de la modification attendue du bouquet énergétique du pays, de la création d’entreprises de distribution d’électricité et de la réduction des coûts énergétiques, les investissements dans le secteur de l’énergie renouvelable devraient créer de 13 000 à 35 000 nouveaux emplois, en fonction des technologies utilisées, et faire du Maroc un exportateur net d’énergie2. Voir Commission économique pour l’Afrique, La croissance verte inclusive au Maroc: Une série d’études de cas (Addis-Abeba, 2015). 2 Voir German Development Institute, « Achieving Inclusive Competitiveness in the Emerging Solar Energy Sector in Morocco » (Bonn, 2013). À consulter [en anglais uniquement] à l’adresse www.diegdi.de/en/studies/article/achieving-inclusive-competitiveness-in-the-emerging-solar-energy-sector-in-morocco/. 1 2 II. Difficultés et opportunités Le commerce peut être un moteur de la croissance verte et inclusive, mais certaines de ses dynamiques risquent aussi de compromettre les principes de l’économie verte. C’est notamment le cas pour le caractère ouvert des échanges et la compétitivité des rémunérations, qui entraînent souvent une surexploitation de la base de ressources naturelles, le commerce de biens et de services écologiquement sensibles, et une mauvaise utilisation du travail. L’Afrique connaît par ailleurs, en proportion du PIB, le niveau le plus bas de valeur ajoutée dans les industries manufacturières, et ne participe que peu aux chaînes de valeur mondiales dans les minéraux et les métaux. Ce sont des facteurs qui peuvent entrer en interaction avec d’autres problèmes limitant la compétitivité du commerce africain tels que: les déficiences des équipements; l’alimentation électrique irrégulière; le contenu local bas, qui limite les effets d’entraînement en aval et en amont; les faiblesses de la mise en œuvre, du contrôle et de la promotion de la législation environnementale nationale et des cadres de viabilité; la vulnérabilité aux effets du changement climatique de la productivité agricole et de la chaîne de valeur des industries agro-alimentaires; les faiblesses du développement et du transfert de technologies; les insuffisances de capacités et de compétences dans les industries manufacturières; et le faible développement de la chaîne de valeur. La croissance verte et inclusive, de même que la transition vers une économie verte, devraient offrir aux pays africains la possibilité de prendre le contrôle de leur développement économique durable et d’accroître leurs échanges avec le reste du monde. L’Afrique devrait en particulier bénéficier plus du commerce de ressources naturelles gérées de manière viable, et de la correction des effets nuisibles du commerce sur l’environnement. Les chaînes de valeur mondiales ouvrent des possibilités d’autres avantages, et la valeur ajoutée bénéficie actuellement d’interventions favorables, encouragée par des politiques de soutien et des groupes de parties prenantes appartenant à de nombreux secteurs, dont l’agriculture. Mais il faut un appui politique ferme à l’intégration régionale, qui ouvrira des possibilités d’économies d’échelle dans la production et la distribution d’électricité, et d’autres investissements allant au commerce. Face à la diversité des défis que les différents pays africains ont à relever, il n’y a pas d’ensemble unique de réformes, de politiques ou de stratégies de promotion des échanges qui soit applicable à toutes les régions. Les forces à l’origine du passage à l’économie verte en Afrique sont les mêmes que celles qui renforceraient l’avantage comparatif de l’Afrique dans le commerce des produits verts. Il faudrait faire bon usage du rôle que peut jouer l’investissement étranger direct pour influer sur les échanges, afin d’ouvrir de nouvelles opportunités. La région bénéficie d’un appui solide des institutions financières multilatérales pour les projets verts, mais il faut s’efforcer d’obtenir des possibilités plus larges sur les marchés financiers. Les industries africaines se sont généralement faites plus compétitives, mais la lenteur de la croissance et la faible valeur ajoutée des produits manufacturés échangés amènent à réévaluer l’efficacité des politiques industrielles. Il faudrait notamment que les politiques commerciales et industrielles conjuguées stimulent l’innovation, le transfert de technologies, les capacités d’adaptation et les marchés régionaux, intégrant de plus en plus les cadres de viabilité nationaux et internationaux, déjà en place ou en cours d’introduction. 3 III. Aller de l’avant Plusieurs interventions publiques importantes peuvent encourager la croissance verte et inclusive en Afrique; lors de la conception des stratégies nationales en ce sens, il y a des interactions importantes à prendre en considération, selon le degré d’ouverture d’un pays aux échanges et aux marchés mondiaux. La transition vers une économie verte inclusive exigera un vaste train de réformes et d’innovations institutionnelles susceptibles catalyser et de favoriser des innovations sectorielles s’inscrivant dans la poursuite de ce but. La réalisation plus ou moins poussée de ces réformes déterminera dans une large mesure si elles pourront ou non encourager le commerce et l’ouverture aux marchés mondiaux sans pour autant avoir des effets nuisibles sur l’environnement et les écosystèmes africains. Globalement, le progrès vers une voie de croissance socioéconomique plus verte et plus inclusive en Afrique peut être stimulé par le commerce, s’il est appuyé par une combinaison bien pensée de réformes des politiques. On voit donc que les gouvernements africains auront à: Aider à développer les avantages comparatifs des producteurs africains dans la production et l’exportation de biens issus de modes de production viables. On pourra ainsi être sûr que le commerce concourt réellement à stimuler la croissance verte et inclusive et la transition vers une économie verte en Afrique. Veiller à une bonne gouvernance des ressources naturelles pour empêcher l’extraction non viable de ressources qui compromet les efforts de croissance verte et inclusive. Les pays riches en ressources devraient envisager de créer des fonds de stabilisation des recettes minières pour améliorer la gestion des revenus tirés de ressources. Les pays à fort potentiel agricole devraient viser à préserver la base de ressources naturelles dont dépend la production. Tirer parti de l’engagement politique renouvelé pour accélérer l’intégration régionale et la transformation économique. Les pays devraient chercher non seulement à attirer des fonds d’investissement plus importants, mais aussi à orienter délibérément ces investissements de manière à stimuler la croissance verte et inclusive et à favoriser le passage à l’économie verte. Il faudra explorer plus avant les opportunités offertes par le marché des émissions de carbone en tirant parti de l’énorme potentiel du marché des énergies renouvelables. Éliminer les distorsions de prix pour promouvoir la réalisation de réformes fiscales s’inscrivant dans une stratégie de croissance verte et inclusive. Il y a lieu aussi de réduire les obstacles tarifaires et non tarifaires afin d’encourager plus le commerce intra-africain. Reconnaître l’important concours du secteur privé à la croissance économique et en tirer le meilleur parti. On y parviendra par l’innovation, le transfert et la diffusion de technologies et le renforcement des effets d’entraînement du commerce dans les chaînes de valeur mondiales, pour stimuler la croissance verte et inclusive. Les notes d’orientation de la CEA se fondent sur divers travaux analytiques ainsi que sur des travaux de recherche sur le développement social et économique de l’Afrique, effectués à la Commission elle-même ou réalisés en collaboration avec elle. La CEA a pour mandat de promouvoir le développement économique et social et la bonne gouvernance dans les États membres et de favoriser l’intégration régionale en Afrique. Pour plus d’informations, veuillez vous mettre en rapport avec la Section de l’économie verte et des ressources naturelles de la Division des initiatives spéciales de la CEA, Addis-Abeba (Éthiopie) en téléphonant au+251-11-544-3089. 4