Il y a en chacun un peu de ce que j’appelle dans cette thèse la métaphore
de la courge, l’image à laquelle maître Thierno, dans L’Aventure ambiguë, se
réfère pour évoquer la nature complexe de la plante, en référence à son
disciple Samba Diallo qui s’apprête à vivre des nouvelles expériences : « La
courge est une nature drôle, dit enfin le maître. Jeune, elle n'a de vocation que celle de
faire du poids. De désir que celui de se coller amoureusement à la terre. Elle trouve sa
parfaite réalisation dans le poids. Puis, un jour, tout change. La courge veut s'envoler.
Elle se résorbe et s'évide tant qu'elle peut. Son bonheur est en fonction de sa vacuité. De
la sonorité de sa réponse lorsqu'un souffle l'émeut. La courge a raison dans les deux
cas ».1
Qui de mes camarades ignorait justement, comme l’écrivait si poétiquement
Julien GRACQ dans son roman, Le Rivage des Syrtes, que « Le monde fleurit à
ceux qui cèdent à la tentation » ? Le monde s’ouvre à ceux qui sont tentés. Cette
citation, je l’avais si bien intériorisée, que je finis par en faire un principe de vie.
A la fac, tous avaient mûri le projet de partir. Puis, un jour, en fonction des
circonstances, chacun est quelque peu forcé à emprunter la voie qui lui convient, à
saisir l’opportunité qui lui est offerte. Qui de mes proches ignorait justement que
le monde ne s’ouvre qu’à ceux-là qui savent parfois prendre le risque ?
Cependant, quand les contingences de l’existence nous tiraillent entre projet
personnel et contraintes familiales, le choix peut sembler cornélien. Quand il faut
traverser les épreuves – maladies, la perte des proches qui vous ont été d’un
soutien précieux – et, en même temps s’investir dans un projet de haut niveau, une
telle décision peut ne pas être facile à prendre. Je devais donc tenir le coup. Ainsi,
l’adversité, et les déboires, et les soucis ruminés à longueur de journée se
transforment en des forces, des séquences d’une vie remplie qui, à elles seules
constitueraient la matière même de l’ouvrage à réaliser. On se paye alors le luxe
d’une joie indescriptible, même quand les moyens matériels ont souvent fait
défaut.
D’un point de vue financier, j’ai bénéficié d’une aide de l’État Gabonais à
qui je rends hommage.
1HAMIDOU KANE, Cheikh, L’Aventure ambiguë, Paris, U.G.E., 10/18, 1961, p.
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