serez comme eux ? Le rêve est une occasion d’exprimer des sentiments de différence, d’écart,
de solitude, de souffrance. L’interprétation, la sur interprétation peut amener à penser que
l’expérience de la différence est commune à beaucoup, car même si elle ne se traduit pas par
une expression consciente des sentiments (par la parole ou dans les gestes), elle s’exprime
dans le contenu, le récit des rêves où surgissent l’inconscient et les souffrances internes. Ce
qui nous intéresse c’est plus une approche du rêve comme expérience vécue : j’ai rêvé que je
ne bougeais plus, j’ai rêvé que j’étais muette (sensation de ne pouvoir sortir aucun son, j’ai
rêvé que j’étais sourde : à regarder sans entendre, à entendre sans voir, à vouloir m’enfuir sans
pouvoir, à tomber sans vouloir.)
À propos de l’Afrique et du Burkina Faso, je me dois également de justifier l’intérêt
que je leur porte dans le présent mémoire. Encore une fois c’est en raison de mon parcours
que j’ai choisi de me pencher sur ce continent. J’y ai vécu durant quinze années, j’y ai grandi
et j’y ai été « éduquée ». De plus j’ai réalisé un stage de six mois en 2007 au Burkina Faso,
dans le cadre de deux projets de l’organisation Handicap International dans ce pays.
La construction de l’objet : dépasser le sens commun
A propos des mots de la « langue usuelle » et en particulier du suicide, E.Durkheim
introduisait son étude en écrivant « non seulement la compréhension en est si peu circonscrite
qu’elle varie d’un cas à l’autre selon les besoins du discours, mais encore, comme la
classification dont ils sont le produit ne procède pas d’une analyse méthodique mais ne fait
que traduire les impressions confuses de la foule2 », et d’ajouter plus loin que l’explication
d’une « chose » telle que le suicide ne peut être investiguée scientifiquement qu’en
comparant, en classant les suicides d’après leurs « propriétés essentielles ». Il est remarquable
que l’introduction de l’ouvrage évoque le sens commun comme point de départ d’une étude
qui finalement n’analyse que peu ses dimensions. La dimension subjective, le mobile et la fin
poursuivie par l’acte de mise à mort volontaire ne sont pas considérés par l’auteur comme une
« propriété essentielle » car elle ne permet pas de distinguer, de classer les suicides selon des
catégories pertinentes3. L’approche sociologique du suicide que propose l’auteur cherche à
dépasser les conceptions « vulgaires » mais aussi le fondement subjectif de l’acte lui-même
dans la mesure où le propos de l’acteur concerné par le suicide ne peut pas être recueilli.
Durkheim peut expliquer son objet d’étude à partir d’une analyse fine de tous les cas de
suicide existant (qu’il recense dans les écrits de chercheurs en science, et en particulier de
2 DURKHEIM E. 1995 (1930), Le suicide, Quadrige, coll PUF, Paris.
3 DURKHEIM, opp cit, pp 32-33.