Extrait du livre PDF

publicité
LA DECENTRALISATION EN GUINEE
UNE EXPERIENCE REUSSIE
Collection Études Africaines
Dernières parutions
Pierre ERNY, Essais sur l'éducation en Afrique Noire ,2001.
Mathurin C. HOUNGNIKPO, L'Afrique au passé recomposé, 2001.
Léon MATANGILA MUSADILA, Pour une démocratie au Congo
Kinshasa,2001.
Raphaël NTAMBUE TSCHIMBULU, L'Internet, son Web et son E-mail
en Afrique, 2001.
Julien CONDE, Abdoulaye-Baïlo DIALLO, Une ambition pour la
Guinée, 2001.
Mahamoudou OUEDRAOGO et Joachim TANKOANO, Internet au
Burkina Faso: réalités et utopies, 2001.
Tidiane N'DIA YE, L'empire de Ckaka Zoulou, 2001.
Mwayila TSHIYEMBE, Etat multination et démocratie africaine, 2001.
Marc BELLITO, Une histoire du Sénégal et de ses entreprises publiques,
2001.
Yves Ekoué AMAIZO, L'Afrique est-elle incapable de s'unir, 2002.
Roger Bila KADORE, Histoire politique du Burkina Faso (1919-2000),
2002.
Franck HAGENBUCHER-SACRIPANTI, Le prophète et le militant
(Congo-Brazzaville), 2002.
Souga Jacob NIEMBA, Etat de droit, démocratique, fédéral au CongoKinshasa, 2002.
Pierre ERNY, L'école coloniale au Rwanda (1900 -1962),2002.
Rita Mensah AMENDAH, Mosaïques africaines, 2002.
Jean PING, Mondialisation, paix, démocratie et développement en
Afrique: l'expérience gabonaise, 2002.
Etienne BEBBE-NJOH, «Mentalité africaine» et problématique du
développement, 2002.
Bibiane TSHIBOLA KALENGA YI, Roman africain et christianisme,
2002.
Albert de SURGY, Syncrétisme chrétien et rigueur anti-pentecôtiste,
2002.
Simon Pierre SIGUÉ, Gérer pour la croissance au cameroun, 2002.
Junzo KAWADA, Genèse et dynamique de la royauté, 2002.
Laurent LUZOLELE LOLA NKAKALA, Scongo-Kinshasa: combattre
la pauvreté en situation de post-conflit, 2002.
Alban Monday KOUANGO, Cabinda, un Koweit africain, 2002.
Jacques HUBERT, Rites traditionnels d'Afrique, 2002.
Alhassane CONDE
LA DECENTRALISATION
EN GUINEE
UNE EXPERIENCE REUSSIE
L'Harmattan
5-7) rue de I)École-Polytechnique
75005 Paris
FRANCE
L'Harmattan Hongrie
HargÏta u. 3
1026 Budapest
HONGRIE
L'Harmattan Italla
Via Bav~ 37
10214 Torino
ITALIE
@L'Hannatlan,2003
ISBN: 2-7475-3787-0
PREFACE
La décentralisation devrait revêtir une importance particulière
en Afrique. D'abord parce que les traditions communautaires y
sont vivaces, qu'il s'agisse de la gestion des villages ou des
tontines. Ensuite parce que la population rurale reste prépondérante
dans ce continent. Donner à cette population des responsabilités
pour gérer le territoire, l'équiper, le développer, présente le triple
avantage de lui permettre de vivre mieux, d'instituer le maillage du
pays par un réseau de bourgs et de petites villes facilitant l'échange
et le développement endogène, de freiner l'exode vers des
mégalopoles impossibles à gérer.
Le mérite du livre de M. Alhassane Condé est de replacer
l'expérience guinéenne dans cette perspective d'ensemble.
On trouve au départ, c'est-à-dire à la disparition du régime de
Sékou Touré, un schéma particulièrement intéressant:
à la base, les districts ruraux, avec un rayon maximum de 10
kms, forment l'échelon de proximité, ce qui permet de
conserver les traditions de concertation africaines.
- mais ces districts sont trop pauvres pour entreprendre des actions
significatives de développement. Aussi peuvent-ils librement se
regrouper en communautés rurales de développement.
les gros bourgs et les villes sont érigés en communes de type
classique.
enfin un statut spécifique est attribué à Conakry, le port
capitale.
Le bilan, dressé honnêtement dix ans après la promulgation des
textes, est décevant. Comme l'a montré un vaste débat entre élus
locaux et organisme de tutelle organisé début 1995.
Certes, dix ans pour une expérience de ce type, c'est bien court.
Mais la Guinée aurait pu faire mieux. Parmi les causes de cet
échec, l'une est spécifique à ce pays: On ne sort pas facilement de
vingt cinq ans de dictature. Les autres sont, hélas, communes à la
plupart des pays atncains. Les nouveaux Etats ont du mal à
déléguer des responsabilités. Ils ont encore plus de mal à fournir
des ressources à leurs collectivités locales. L'exportation leur
procure l'essentiel de leurs ressources; aussi à défaut d'une
réforme fiscale toujours difficile à mettre en œuvre, il faudrait que
l'Etat en ristourne une partie aux collectivités locales. Nulle part,
en Afrique noire il ne s'y est résigné.
Il faut espérer que le travail de M. Condé fasse prendre
conscience aux Etats africains de l'importance de l'enjeu et que
l'expérience
guinéenne, après ces quelques années de
tâtonnements, donne enfin les résultats que son ambition
justifierait.
René Lenoir
6
INTRODUCTION
La Guinée est un pays relativement jeune, découvert au 15è
siècle par les explorateurs espagnols, hollandais, allemands, anglais
et français. La colonisation directe a duré soixante années, ce qui,
comparé à celle subie par le Sénégal, la Guinée Bissau (cinq cents
ans), semble très court.
La Guinée a joué un rôle d'avant-garde dans la lutte de libération. L'indépendance survenue dans des conditions historiques
sans précédent dans les annales de la décolonisation du continent
en est l' illustration.
Les soixante années de colonisation directe ont été marquées
par une répression morale et physique des Populations.
L'administration territoriale coloniale a maintenu le système napoléonien d'administration très centralisée et autoritaire. Les
structures traditionnelles ont été supprimées au profit de délimitations géographiques arbitraires ne tenant pas compte des réalités
sociologiques des peuples concernés.
Les limites géographiques actuelles du territoire de la Guinée
datent de 1889. Des peuples se retrouvent de part et d'autre de la
frontière entre le territoire actuel de la Guinée et les pays voisins,
notamment le Mali, la Sierra-Léone, la Côte-d'Ivoire, le Liberia et
la Guinée-Bissau.
L'étude de l'administration du territoire présente un intérêt
tout particulier. Elle est liée à l'évolution historique, politique et
administrative du pays. Le passé tumultueux de la Guinée, de
l'indépendance à nos jours, est plein de repères politiques pour les
anciennes colonies françaises en Afrique.
L'administration du territoire est la résultante de toutes les
administrations. Elle se définit comme "une administration
générale, chargée d'abord de la prestation d'un certain nombre de
services au profit des populations, investie ensuite d'un certain
nombre de missions intimement liées aux prérogatives classiques
de l'Etat, tels que le maintien de l'ordre public et la tutelle sur les
collectivités locales, mandatée enfin pour participer à la mise en
œuvre de missions, se rapportant au développement économique et
social" 1.
L'administration territoriale guinéenne sera abordée selon les
trois périodes de son évolution: la période coloniale, la Première
République, la Deuxième et la Troisième République, périodes
correspondant à l'évolution politique qu'a connue la Guinée
pendant un siècle (1898-1994).
L'objet de cet ouvrage est de mettre en relief la mission de
développement de l'administration territoriale, son implication
dans la gestion politique et sociale du pays.
Les populations guinéennes ont connu la cruauté du système
colonial à travers les structures de son administration territoriale.
Elles ont pu résister et évoluer grâce à la solidarité naturelle entre
les différentes composantes de la société dite indigène.
1. Voir Dris Basri : L'administration tenitoriale, l'expérience marocaine.
8
APERÇU HISTORIQUE
ET GÉOGRAPHIQUE
Le territoire de la République de Guinée a été négocié entre le
Royaume Uni et la France par les accords de 1882, 1889 et 1904
pour devenir la colonie de Guinée Française.
Les comptoirs commerciaux français s'installèrent sur la côte
et au Fouta Djallon. Dans le reste du pays, notamment dans la
région de la Haute Guinée, Samory TOURE, Empereur du
Wassoulou empêchait toute installation étrangère, par une
résistance armée qui durera dix sept ans. Déjà en 1859, la France
avait installé son administration sur la partie côtière dénommée
"les Rivières du Sud". Ce n'est qu'après la défaite de Samory
TOURE, le 29 septembre 1898, lors de la trahison de Dabakala,
que la conquête de la Guinée fut terminée et sanctionnée par le
décret du 17 octobre 1899 qui établit les frontières actuelles de la
Guinée.
La présence française en Guinée durera soixante années.
Jusqu'au 28 septembre 1958, date du célèbre et historique référendum du Général De Gaulle qui permit à la Guinée de devenir la
première et seule colonie française d'Afrique Noire à recouvrer son
indépendance en votant massivement "NON" au référendum et en
rejetant ainsi la domination étrangère au profit de la souveraineté
nationale et de la dignité.
La République de Guinée naquit le 2 octobre 1958 et devint le
82ème membre de l'ONU.
Le pays s'étend sur une superficie de 245.857 km2 et compte
environ 6,5 millions d'habitants (1993). Il est limité au Nord-Ouest
par la Guinée-Bissau, au Nord par le Sénégal, au Nord-Est par le
Mali, à l'Est par la Côte-d'Ivoire, au Sud par le Liberia et la SierraLéone. Il s'ouvre sur l'océan atlantique à l'Ouest par 300 km de
côte. Il est divisé en quatre régions naturelles qui sont
topographiquement très distinctes.
La Guinée Maritime
Appelée encore Basse Guinée, elle s'étend sur 300 km de long
et 90 km de large. La région est traversée d'innombrables rivières
et marigots qui, malheureusement ne sont pas utilisables pour la
navigation. La Guinée Maritime est la région la plus développée
économiquement. Elle abrite Conakry qui est en même temps la
capitale et le plus important port du pays. Déjà dans les années
trente, d'importants gisements de bauxite et de fer ont été
découverts dans les îles de Loos au large de Conakry.
L'exploitation de ces gisements commença seulement en 1953.
Pratiquement, toute l'industrialisation du pays s'est faite dans et
autour de la ville de Conakry.
Pendant toute la période coloniale, c'est dans cette région, à
Boké, Boffa, Dubréka et Forécariah que se trouvaient de florissantes plantations de banane, de coco et de palmiers pour l'exportation.
La saison des pluies en Guinée Maritime, s'étend de mai à
octobre avec une moyenne pluviométrique de 4.000 mm/an; le
record est de 5,10 m à Coyah; la température est en moyenne de 27
à 30°C. La région est peuplée en majorité par les ethnies Soussou,
Baga, Landouma et autres Mikhiforés.
10
La Moyenne
Guinée
Au Nord de la Guinée Maritime s'étend la Moyenne Guinée ou
Fouta Djallon qui est à 70% composée de hauts plateaux et de
montagnes (1.600m à Mali). La Guinée doit son nom de château
d'eau de l'Afrique à ce massif montagneux qui donne naissance à
la plupart des fleuves qui arrosent la partie occidentale du
continent. La région a pour chef lieu Labé. Elle est majoritairement
peuplée de Peulhs qui sont généralement des éleveurs à côté
desquels on rencontre des Diakankés, des Bassaris, des
Badiarankés etc.
La Haute Guinée
La plus vaste des régions naturelles du pays, la Haute Guinée
est la région de la savane arborée. Elle couvre 1/3 de la superficie
du pays selon le recensement national de 1993 et abrite près de
30% de la population totale du pays.
L'agriculture y est moins développée à cause de la pauvreté du
sol. Le manque d'eau favorise la progression de la sécheresse qui
gagne du terrain, et ne permet qu'une culture par an (riz, manioc,
mil, patate et igname).
Le sous-sol de la région recèle d'énormes richesses minières
(or, diamant, fer et bauxite).
La région a pour chef-lieu Kankan; elle est peuplée par les
Malinkés.
La Guinée Forestière
La Guinée Forestière est une région de montagnes, de granites,
de calcaire et de roches cristallines. Le Mont Nimba (1850 m) est
le point le plus élevé du pays. La plus importante réserve de fer du
Il
Pays s'y trouve. La région est à 70% couverte de forêt dense. Là,
les précipitations atteignent 3.000 mm/an.
Il Y pleut pratiquement toute l'année (10 à Il mois).
Actuellement, on observe une déforestation intense, aggravée par
l'arrivée de nombreux réfugiés libériens et sierra-léonais (1990).
La région est très riche en potentialités hydro-agricoles. Le soussol renferme de l'or, du fer et du diamant. Elle est peuplée de Kissi,
Toma, Guerzé, Mano, Kono et Mandenka...
12
EVOLUTION DE L'ECONOMIE
DE 1958 A 1984
Le choix politique de 1958 devait s'avérer extrêmement lourd
de conséquences pour l'économie du pays. Malgré l'appartenance
alors de la Guinée à la zone franc, la France mit tout en oeuvre
pour déstabiliser le jeune Etat et saboter l'économie du pays, en
procédant au retrait systématique des capitaux, à l'organisation de
la fuite des réserves monétaires, à la suppression des crédits, en un
mot au blocage économique du pays.
Le nouvel Etat créa le 1er mars 1960 sa propre monnaie et
quitta de facto la zone franc. Les restrictions s'amplifièrent et la
rupture politico-économique fut consommée. Les conséquences
des mesures prises par la France entraînèrent pour la Guinée une
perte substantielle de son potentiel productif et perturbèrent pour
longtemps la reprise économique du pays. L'Etat ne put alors
mettre en valeur son immense potentiel agricole et minier.
Cette situation de blocage et de sabotage économique systématique imposée par la France explique en partie le difficile
démarrage de l'Etat naissant. Malgré ces conditions de départ,
l'Etat créa sa propre administration publique et lança les bases de
sa propre économie. Le choix économique de la Guinée, c'est-àdire la préférence d'une économie fortement centralisée et planifiée
s'explique en partie par ce début difficile que lui a imposé la
France.
A l'indépendance en 1958, la majeure partie de la population
était employée dans l'agriculture et l'élevage traditionnels
(notamment la production du riz, de manioc, de maïs et de bovins).
A cette époque, la production nationale satisfaisait les besoins
essentiels de la population, l'importation céréalière n'atteignait que
23.000 tonnes/an, contre 260.000 tonnes en 1994-1995 et plus de
300.000 tonnes à l'an 2000.
Les recettes d'exportation provenaient essentiellement des
produits agricoles (bananes, ananas...) et miniers (bauxite, diamant
et fer). Les industries manufacturières étaient pratiquement
inexistantes, l'usine de fabrication d'alumine de Fria était en
construction.
La mise en place d'une économie de type socialiste permit à
l'Etat guinéen de créer 180 entreprises publiques (1979), pour
garantir la production nationale et contrôler les circuits
commerciaux. La majeure partie des investissements avait été
affectée au secteur public. Malgré tout, il avait été impossible de
mobiliser l'épargne intérieure et d'attirer des capitaux étrangers.
Ce qui eut pour conséquence l'inflation permanente, l'érosion de la
monnaie et l'accroissement rapide du déficit de la balance des
paiements.
En 1973 Ie volume des exportations (bauxite, minerai de fer,
diamant, banane, etc.) était inférieur à celui que le pays connaissait
avant l'indépendance, excepté celui de l'alumine. Malgré les aléas
politiques et les bouleversements incontrôlés, le gouvernement,
conscient de l'apport de l'usine de Fria ne remit pas en cause les
accords passés avec les partenaires occidentaux.
A cette époque la situation économique était très grave, avec
un taux de croissance de 2%, inférieur à celui de la population.
Cette situation se détériora dramatiquement en 1975 et amena
l'Etat à décréter ce qu'on avait appelé la "Lutte contre cheytane".
Malgré l'ouverture entre 1973-1977 de deux mines de bauxite
(CBG à Boké et OBK à Kindia) qui entraînèrent une augmentation
du PIB de 5,8% par an, la situation générale de l'économie restait
stagnante.
L'Etat poursuivra inlassablement son programme en déployant
de gros efforts d'investissement dans le secteur agricole par la
création des fameuses fermes agricoles d'arrondissements (FAPA)
14
qui avaient englouti beaucoup d'argent avec un résultat décevant
dans l'ensemble. Ce qui leur a valu l'appellation péjorative de
"faux pas" par certaines personnes.
Toutes ces stratégies mises en
concertation, de participation des
surtout de la gestion catastrophique
six années qu'a duré la Première
fortement centralisée et dirigiste.
oeuvre ont
populations
des projets.
République,
échoué, faute de
bénéficiaires et
Pendant les vingt
l'économie était
A la prise du pouvoir par les militaires en 1984, le nouveau
régime qui ne disposait pas des mêmes arguments politiques que
son prédécesseur a dû changer d'orientation politique et économique. Il s'est résolument tourné vers l'économie libérale. Des
reformes structurelles ont été élaborées pour tenter de mettre
l'économie et tous les secteurs vitaux sur les rails.
C'est ainsi que la Deuxième République ne tarda pas à
conclure avec les institutions de Bretton Woods, un programme
d'ajustement structurel sur trois ans, qui commença en 1986 et se
poursuit encore de nos jours, sous forme de stratégie de lutte contre
la pauvreté.
Nous ne traiterons pas de ce programme dans cet ouvrage.
Nous nous concentrerons sur la partie qui concerne l'administration territoriale, notamment la politique de décentralisation. Il faut
situer cette politique dans le contexte des reformes globales
entreprises par la Deuxième République.
L'essentiel de cet ouvrage sera ainsi consacré à la problématique de la décentralisation administrative. De nos jours, les
spécialistes en économie du développement parlent beaucoup de la
relation développement et démocratie. Dans cet ouvrage, il sera
question de la trilogie décentralisation
démocratie
développement.
15
PREMIERE
PARTIE
L ' ADMINISTRATION TERRITORIALE
EVOLUTION HISTORIQUE
DE 1904 A 1957
L'administration territoriale est considérée comme le substratum de toutes les administrations. A ce titre, elle est le vecteur
principal de toute l'action de l'Etat) 2.
Dans le cas de la Guinée, nous avons estimé que l'étude
historique de l'administration territoriale de la période coloniale à
nos jours, rendrait mieux compte de son rôle et de sa place. Les
différentes étapes de son évolution, véritable témoignage dans le
temps, nous éclaireront sur les réalités actuelles de l'administration
territoriale.
L'administration territoriale est un volet important de l'évolution de la Guinée. Elle est l'aspect le plus pernicieux de l'histoire
coloniale.
Le territoire de la Guinée française, qui représente à peu près
la moitié de celui de la France, faisait partie de l'Afrique
Occidentale française (AOF) composée alors de huit territoires:
Côte-d'Ivoire, Dahomey (Bénin actuel), Guinée, Haute-Volta
(actuel Burkina Faso), Mauritanie, Sénégal, Soudan (Mali actuel)
et Togo.
La Guinée fut érigée en colonie après les accords francobritanniques de 1882 et de 1904. L'appellation "Rivières du Sud"
était le nom de la colonie placée alors sous le contrôle du
gouverneur français du Sénégal. Son territoire, rendu autonome
vis-à-vis du Sénégal, fut constitué en 1890 avec la nomination d'un
gouverneur en la personne du Docteur Noël Balley. Le décret du
17 décembre 1891 émanait des étapes suivantes:
20 février 1859: Création à Gorée d'un office pour gérer les
"Rivières du sud" ;
2. Voir Dris Basri cité plus haut.
12 octobre 1882: Transformation des "Rivières du Sud" en colonie française dépendant du Sénégal;
1er août 1889: Administration directe de la colonie "Rivières
du sud"par elle-même avec les comptoirs français de la Côte
de l'Or et du Golfe du Bénin;
1890: Le Docteur Ballay est nommé gouverneur de la colonie
de la Guinée Française.
En Guinée, la pénétration ne fut pas facile pour les Français. Si
la consolidation du système de protectorat avec les chefs
traditionnels des régions côtières et du Fouta-Djallon fut relativement facile, la pénétration en pays mandingue, par contre, fut
âpre et éprouvante. La détermination de l'Almamy Samory
TOURE, empereur du Wassoulou, fut farouche et la lutte
impitoyable. Dans cette région, Samory TOURE, surnommé par
les Français eux-mêmes le "Bonaparte du Soudan", avait pris
possession d'un vaste empire entre le Tinkisso au Nord, le FoutaDjallon à l'Ouest, Sikasso au Nord-Est, la Côte-d'Ivoire à l'Est, la
Sierra-Leone et le Liberia au Sud. L'empire du Wassoulou
correspondait à peu près à la moitié Sud de l'empire du Mali fondé
par Soundiata KEITA au XIIIè siècle.
L'administration de cet empire se faisait à partir de
Bissandougou, la capitale. Le territoire était subdivisé en 10 régions comprenant 162 cantons admirablement bien organisés. A la
tête de chaque région administrative était un commandant militaire.
Généralement, ce sont les membres de la famille de l'empereur ou
des alliés sûrs qui dirigeaient ces régions. Ils étaient secondés par
des marabouts, des dignitaires religieux. La religion musulmane
était d'office la religion officielle, ce qui justifiait les guerres de
Samory contre les mécréants.
20
Téléchargement