Kliniken - premier

publicité
Kliniken
Du mercredi 12 au vendredi 14 novembre 2008
Au Grand T - Nantes
Dossier
Secteur jeune public
1
Sommaire
Présentation
p.3
p.3
Le propos
p.4
p.4
Les intentions de mise en scène :
entretien avec JeanJean -Louis Martinelli, metteur en scène
p.5
p.5
Lars Norén , auteur
p.8
p.8
A propos de Kliniken : entretien avec Lars Norén
p. 9
JeanJean -Louis Martinelli,
Martinelli, metteur en scène
p.11
p.11
Faire connaissance avec les personnages :
quelques répliques de la pièce
p.13
p.13
La scénographie :
entretien avec Gilles Taschet, scénographe
p.17
p.17
La Suède en quelques chiffres
p.19
p.19
L’école du spectateur
spectateur :
Aller au théâtre avec les élèves / Ressources bibliographiques
p.20
2
Kliniken
De Lars Norén
Texte français Arnau RoigRoig- M ora, JeanJean- Louis Martinelli, Camilla Bouchet
Mise en scène JeanJean -Louis Martinelli
Amélie Wendling
Assistante à la mise en scène Amélie
Scénographie Gilles Taschet
Costumes Patrick Dutertre
Lumières Marie Nicolas
Jean- Damien Ratel
Son JeanPiano et chant Séverine Chavrier
Maquillage, coiffure Françoise Chaumayrac
Vidéo Stéphane Lavoix
Avec
Charles Bénichou Mohammed
Brigitte
Brigi tte Boucher La mère de Roger
Séverine Chavrier Birgit
Emmanuel Faventines Markus
Zakariya Gouram Roger
Marie Matheron Anne Marie
Sylvie Milhaud Maud
Vincent Macaigne Tomas
Sabrina Kouroughli
Kouroughli Sofia
Sophie Rodrigues Erika
Eric Caruso Anders
Abbès Zahmani Martin
Patrick Bonnereau Harry
Joachim Fosset Un brancardier
Production
Théâtre Nanterre Amandiers
Du mercredi 12 au vendredi 14 novembre 2008
Au Grand T - Nantes
Les mercredi
mercredi et vendredi à 20h30 et le jeudi à 20h00
Durée du spectacle : 3h avec entracte
Tarif : 8€ par élève (pour un groupe d’au moins 10 élèves) ou un pass-culture
Public : à partir de la première
3
« Le public et les acteurs doivent respirer ensemble, écouter ensemble.
Dire les choses en même temps. Je préfère un théâtre où le public se penche en
avant pour écouter à celui qui se penche en arrière parce que c’est trop fort. »
Lars Norén
septembre 2002
« Comme souvent dans les manuscrits du dramaturge
suédois le plus estimé depuis August Strindberg, certaines
répliques restent dans nos pensées pendant des jours,
peut-être des années après les avoir entendues pour la
première fois »
Gunnar Rehlin
« Dans la pièce Kliniken, les patients et l’environnement
de l’hôpital psychiatrique donnent une image effrayante
de notre temps. Lars Norén montre aussi un nouveau
pathos sociopolitique. Il nous dévoile les gens du fond de
notre société et comment nous sommes tous dans une
"maison" qui commence à s'écrouler. C'est une effrayante,
terrible et brillante pièce d'aujourd'hui. »
Jury du Nordic Drama Award
Le propos
Espace commun d'une clinique psychiatrique, lieu de rassemblement pour les hommes qui ont
été exclus par l'économie sociale et apparemment ne sont pas pressés d'y retourner. Parmi eux,
Martin qui a réussi dans la pub avant d'apprendre qu'il était séropositif. Sa femme et ses
enfants l'ont quitté et il s'est effondré. Maud, une secrétaire de 52 ans souffre de dépression
nerveuse chronique, cela empire tous les 2 ans. Markus, schizophrène est là depuis toujours.
Mohammed attend la réponse à sa demande d'asile, sa famille a été massacrée par ses voisins
serbes. Roger, skinhead, a tendance à insulter sauvagement et à agresser les autres. Sofia,
anorexique, 18 ans, se sent déjà très vieille. Un animateur affirme être leur infirmier, mais
finalement qu'importe, la différence est le fruit du hasard. Les 13 personnages de Kliniken
vivent dans leur bulle et tournent autour de leur propre nombril.
Dans cette pièce documentaire, Lars Norén fait le constat de la maladie de la société et atteste
de la santé flamboyante de ceux que l'Etat a déclarés fous. Eux, en effet, poursuivent "à
l'intérieur" ce qui est valable à l'extérieur: la théorie néodarwiniste et néolibérale de la loi du
plus fort.
Là, dans cet espace psychiatrique, la communauté suit ses intérêts égoïstes et les lois
hiérarchiques. Là, frustrations et agressions se déchargent sur les plus faibles et l'on meurt de
manière terrible et angoissante.
4
Les intentions de mise en scène:
scène: entretien avec
JeanJean-Louis Martinelli,
Martinelli, metteur en scène
« C’est la maladie du corps social qui est sur scène. »
Jean-Louis Martinelli
En 2000, vous créez au Théâtre National de Strasbourg Catégorie 3.1 de Lars Norén.
Depuis cet auteur a croisé votre chemin plusieurs fois, de différentes manières : accueil de
sa mise en scène de La Mouette
Mouette en 2002 aux Amandiers, création de Guerre mise en scène
par Norén en français en 2003, etc. PouvezPouvez-vous nous parler de votre rencontre avec lui et
avec son écriture ?
En 1998, j’ai présenté à Stockholm une pièce d’Heiner Müller Germania 3. À ce moment-là, le
conseiller artistique du théâtre Dramaten m’a dit que je devrais rencontrer Lars Norén et lire sa
dernière pièce Catégorie 1.3 J’ai donc rencontré Norén une première fois, la discussion était
sympathique mais un peu tendue, nous rapprochions nos univers littéraires et théâtraux, à
bâtons rompus, comme cela. J’ai ensuite fait traduire une quinzaine de pages de Catégorie 3.1
et j’ai décidé de le monter, sans avoir lu la totalité de la pièce.
Il y a une vingtaine d’années […] j’avais lu tout le cycle des premières pièces de Norén, ce cycle
où il parle de la famille bourgeoise suédoise, de la névrose familiale, des mères absentes, qui
communiquent avec leurs enfants par téléphone, du rapport à l’inceste, etc. Quelque chose me
frappait déjà dans cette écriture : le sentiment que cela procède par accumulation. Je
trouve que Norén écrit des pièces qui nous transportent entre le point de départ et la fin de
la pièce avec des moyens relativement
relativemen t simples. L’air de rien. Et que cela procède par
accumulations successives,
successives par couches, et il nous donne la résolution, en fait pas
forcément la résolution, puisqu’il n’y a jamais de résolution, mais plutôt l’épaisseur du
conflit interne et interpersonnel.
interpersonnel. Ceci par petites touches successives. […]
Ensuite, en travaillant sur Catégorie 3.1, j’ai retrouvé toute cette richesse-là avec, en plus, une
dimension que je qualifierais de post-bergmanienne. En effet, le premier cycle de pièces pourrait
être classé dans une catégorie « Bergman » ou « Strindberg » – on peut faire un amalgame
assez rapide. Et là, tout à coup, c’est comme s’il y avait l’irruption du XXe siècle, en même
temps que l’éclatement de la famille bourgeoise suédoise et même de la société suédoise, peutêtre les deux à la fois. C’est sans doute lui qui sort de l’appartement suédois, qui sort de la
famille, qui sort de l’obsession d’une certaine façon. Qui semble sortir de l’obsession. On a donc
Catégorie 3.1, Kliniken, 7.3, un cycle de trois pièces auquel on peut ajouter Froid, et même ses
dernières pièces, même si elles sont un peu ailleurs. Toutefois, je dis qu’on n’est pas sorti
totalement de sa première période d’écriture parce que même s’il pousse encore plus loin la
notion d’éclatement, s’il y a encore moins d’histoire, on est toujours dans le conversationnel
mais fragmenté et fragmentaire. Et en même temps, tout ce qu’on a vu se développer comme
thèmes majeurs dans les pièces de la famille se retrouve à nouveau par bouts, par bribes, à
l’intérieur des personnages. Les femmes parlent de leurs fils, les pères montrent les photos des
enfants dont ils n’ont plus la garde, les enfants jouent au foot, etc. On retrouve aussi le rapport
seulement
nt Kliniken,
à la maladie mentale, qui traverse toujours tout, et pas seuleme
Kliniken, mais toutes les
pièces. C’est comme si les murs de ces maisons dont il a parlé pendant vingt ans s’étaient
brisés ou volatilisés et qu’il remettait ces personnagespersonnages- là dans des espaces publics, dans
des espaces collectifs, la place, la prison, l’hôpital. Mais ce sont les mêmes êtres.
êtres
C’est une collection de ces personnages avec tout ce qu’ils traînaient et qui se résolvait
seulement au moment du repas de famille, dans le huis clos de l’appartement bourgeois suédois
qui se retrouvent dans des espaces publics.
5
[…] Dans Kliniken, on a, comme Norén le dit lui-même, des bouts mis bout à bout et à la fin,
cela devient une pièce. On est dans le discontinu, dans le fragment avec ces pièces-là. Du coup,
ça pose toujours un défi au théâtre, quelle histoire va-t-on raconter ? Si on me demande de
résumer Catégorie 3.1, je n’y arrive pas. En tout cas pas de façon linéaire et narrative. Il n’y a
pas de fable à strictement parler. C’est comme si Norén prenait une photo d’une douzaine de
personnes, et à la fin du spectacle, on a l’impression qu’on connaît chacune d’entre elles. Et ça
c’est formidable ! On les connaît non pas par les grands récits qui auraient traversé toute la
pièce – même s’il y en a quelques-uns – mais par le biais des conversations dont on a été les
témoins, avec l’un ou avec l’autre.
[Norén]
Norén] a une vraie dimension d’humour et de provocation.
provocation J’ai donc beaucoup ri aux douze
premières pages, et je crois que c’est aussi une façon de se défaire et de se déprendre de
parvenir à mettre en jeu cette ironie de l’histoire, même si elle s’appuie sur des êtres blessés,
entravés, malmenés. Si on arrive à cela, je pense qu’on se préserve ainsi d’un effet misérabiliste,
compassionnel. J’ai vraiment très envie de cela. Certes, on ne peut pas le monter si on n’est pas
vraiment dans un geste de compassion, mais en même temps on est là pour montrer des
processus.
L’autre danger à éviter sur des pièces comme Catégorie 3.1 ou Kliniken, c’est comment ne pas
faire spectacle de la misère du monde. Il y a deux travers possibles : celui-là, c’est-à-dire
comment les grands couturiers par exemple s’emparent de costumes de clochards, font des
défilés de mode et vendent cela très cher, ça c’est de l’indécence et de la pornographie pure,
mais le théâtre peut faire pareil, et se nourrir des poubelles du monde. Ça c’est le premier
travers et le deuxième étant de pleurer sur cet état du monde. Comment être simplement les
témoins de ces processus d’exclusion et de mise à la marge ? Et comment l’acteur se tient à sa
juste place, pas dans un effet de vérisme et de recomposition. Il s’agit de retrouver la langue, les
rapports, d’en parler et probablement d’alléger un peu le réel, sans aller vers le numéro de
clown, vers la parodie, mais de lui donner un peu d’oxygène quand même.
Vous évoquez beaucoup Catégorie 3.1…
3.1…
Bien sûr, il y a un lien entre les deux pièces. On est dans deux espaces de huis clos ouverts, qui
sont la place publique et la salle commune. Deux espaces d’enfermement, même la place
publique car ils ne savent pas aller ailleurs. Ils sont condamnés à errer sur place. Et de même à
l’hôpital, les personnages pourraient en sortir mais ne le font pas. Pour moi, ces deux pièces
sont très proches dans la construction. Dans Catégorie 3.1, on n’est pas dans un hôpital
psychiatrique, mais ils sont tous atteints des mêmes maux, qui de la drogue, qui du SIDA, etc.
C’est vraiment un diptyque.
Monter Kliniken vous permet donc de poursuivre ce travail commencé avec Catégorie 3.1 ?
Ce travail avec Norén je l’ai continué après Catégorie 3.1, puisque quand j’étais à Strasbourg j’ai
passé commande de la traduction de sa pièce Embrasser les ombres à Louis-Charles Sirjacq,
dont on a fait une lecture pour France Culture avec Sylvie Milhaud, Thomas Blanchard, Alain
Fromager et André Wilms, pièce qui a été ensuite montée à la Comédie-Française, mise en
scène par Joël Jouanneau.
En même temps, on ne se pose pas vraiment la question de continuer, on refait autre chose, je
ne sais pas ce qu’on va fabriquer avec Kliniken mais en tout cas, cette pièce appartient à la
même famille, celle qui m’intéresse le plus chez Norén.
Et comment placeriezplaceriez-vous l’écriture de Norén dans le paysage théâtral ?
Le danger quand on monte un auteur ou qu’on écrit une biographie, c’est de dire c’est le plus
grand auteur du siècle ! Je ne lis pas assez de théâtre, j’en lis beaucoup mais je n’ai pas la
prétention de connaître suffisamment le répertoire du théâtre européen. Ce que je peux dire
c’est que parmi ce que je connais et les auteurs que j’ai montés, c’est pour moi une rencontre
6
aussi forte que celle que j’ai eue avec Müller, Céline, Pasolini. Je le mets à cet endroit là. C’est
quelqu’un qui donne de grands coups de pied au cul dans la marche du monde, avec une
économie de moyens qui génère une poétique très surprenante. Je crois que ce n’est pas par
hasard s’il a appelé une de ses pièces Détails. Pièce dans laquelle il s’intéresse aux premiers
signes de séduction, de rapports amoureux et aux premiers signes de dérapages et de fin des
histoires. Je pense qu’il y a beaucoup de choses chez lui qui jouent sur les détails, même dans
ses grandes fresques. Ça ne se situe pas dans la généralité. D’abord parce que chaque
personnage est singulier, mais aussi parce qu’il s’attache à des petites choses, quand je parlais
d’impressionnisme tout à l’heure… Oui, cela avance comme cela.
AvezAvez- vous déjà travaillé sur la folie, la maladie mentale ?
Un des premiers textes que j’ai monté en 1978 était Lenz, la nouvelle de Büchner, qui est un
magnifique essai sur la schizophrénie. Il était question que je travaille avec des malades dans un
hôpital de Lyon et je n’ai pas voulu y aller, parce que je ne me sentais pas équipé, parce que je
ne suis pas thérapeute. Même si je dirais qu’à des moments on peut, face au travail lui-même,
face aux acteurs, face à l’autre simplement, se retrouver dans la position du thérapeute qui
porte un diagnostic, mis à part que moi je n’ai pas à m’intéresser au traitement ! Je vais
simplement m’intéresser à ce que l’acteur produit. C’est là qu’on pourrait dire qu’il y a quelque
chose de proche. La semaine dernière, j’ai travaillé avec des gens du CASH1 de Nanterre. Après,
on peut s’interroger et savoir s’il n’y a pas de vertu justement thérapeutique induite par le fait
de ne pas se poser comme thérapeute. J’ai travaillé avec eux comme avec des acteurs. En
mettant une pression forte sur ce qu’il fallait produire et faire. On a vu des choses sortir qu’on
n’avait jamais vues. Avec des gens qui soi-disant ne parlent pas et qui, en quatre jours, sortent
un texte d’une demi-page. Et le disent debout, face aux autres. Bien sûr, dans la durée, je pense
que le processus ne tiendrait pas.
1
Le Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers (CASH) de Nanterre regroupe 4 unités distinctes:
- Le CHAPSA, Centre d'Hébergement et d'Accueil pour les personnes Sans Abri, est créé en 1955 après l'hiver 1954 et les appels de
l'Abbé Pierre. Il accueille actuellement un peu moins de 8 000 passages annuels d'une population qui n'est soumise à aucun critère de
sélection.
- Le centre d'accueil, transformé en CHRS d'une capacité de 225 lits.
- La maison de retraite.
- L'hôpital Max Fourestier. Ce dernier dispose d'un ensemble médical et chirurgical indispensable à tout Hôpital Général, et de deux
secteurs de psychiatrie.
Chacune de ces unités a une mission spécifique : la mission de service public hospitalier, la mission d'accueil et de réadaptation sociale, la mission
d'hébergement et de soins aux personnes âgées et handicapées, et une mission d'accueil d'urgence.
7
Lars Norén
Noré n – auteur
Poète
Comme beaucoup d’écrivains scandinaves, Lars Norén, né en 1944, a commencé par écrire des
poèmes. Son premier recueil (1963) porte un titre romantique Lilas, neige. Le deuxième,
Résidus verbaux d’une splendeur passagère, écrit l’année suivante, fait entendre un autre son.
Il est composé de poèmes éclatés, presque convulsivement maintenus ensemble à tel point que
l’on a de la peine à les distinguer les uns des autres. Les images les plus inattendues
s’affrontent, reviennent et se confondent dans le dégoût et le désespoir, mais sont aussi
présentes la révolte et une farouche volonté de vivre.
A vingt ans, c’est
c’est l’hôpital psychiatrique. Diagnostic
Diagnostic : schizophrénie, traitement :
hibernation et chocs électriques. Il ne cesse pas pour autant d’écrire.
Après Salomé, les Sphinxes (1968), composé de réflexions, de poèmes et de textes en prose où
se retrouvent certains accents de ses premiers recueils, vient Revolver (1969) où surgissent les
thèmes politiques. Dans Poèmes solitaires (1972), il s’agit de la vie quotidienne, solitaire et
paradoxalement commune, absurde, détestable et merveilleuse. La forme se fait plus simple,
plus fermement organisée, la parole est aussi plus abondante mais en même temps plus
laconique, les images plus brèves acquièrent une nouvelle autorité. Les recueils de poèmes de
Norén se suivent pratiquement tous les ans, le tout aboutissant à un émouvant poème d’amour,
Le Cœur dans le cœur (1980).
Romancier
Entre temps, Lars Norén s’est également essayé au roman, en publiant en 1970 Les Apiculteurs.
C’est l’image fiévreuse, amère et allègre, d’une jeunesse qui vit de petits vols, de filles, de drogue
et de surveillance policière et sociale.
Ce devait être le premier volet d’une trilogie. Le deuxième Au ciel souterrain (1972) n’en est pas
la suite mais un autre versant : au centre du livre, la relation homosexuelle entre deux garçons
dont le plus dominateur vit également avec une fille qui se prostitue pour lui. Si l’écriture reste
alerte et réaliste, comme dans le premier roman, la vision est obsessionnelle.
Le troisième volet de la trilogie n’a jamais vu le jour.
Auteur dramatique
En 1973, Lars Norén débuta comme auteur dramatique, avec Le Lécheur de souverain,
commande du théâtre Dramaten de Stockholm. Ce fut un échec, certainement douloureux pour
l’auteur déjà très apprécié par toute une génération qui se retrouvait en lui. Peut-être avait-il
tort de situer l’action au XVe-XVIe siècle, dans une Europe mi-italienne, mi-allemande et
d’essayer d’en endosser les oripeaux. Peut-être ses visions et ses provocations, souvent assez
crues, n’arrivaient-elles pas à passer la rampe. Pourtant lors de sa reprise à la fin des années
80, elle devint un succès à scandale.
Quoiqu’il en fût, Lars Norén revint quelques années plus tard au théâtre avec des pièces
contemporaines, ancrées dans son autobiographie et soumises à l’éclairage particulier qu’il
pouvait y apporter.
La première pièce de cette veine, La Force
Force de tuer, est signée en 1978 ainsi que Acte sans
pitié. Elles furent publiées en 1980 avec une troisième pièce Oreste,
Oreste, jusqu’à présent son
dernier retour à un monde mythique et historique.
8
Délaissant,
Délaissant, du moins en apparence, poésies et romans, Lars Norén n’écrit plus que pour le
théâtre, la radio ou la télévision, et sa production est abondante.
Les pièces se suivent, procédant par légers décalages et présentant souvent, en apparence,
des conflits identiques
iden tiques sous des éclairages un peu différents. Tout est à la fois
indispensable et inéluctable et l’on atteint une sorte de « temps réel » mais d’un niveau
supérieur, d’une intensité jamais relâchée, où chaque mot compte, apportant sa nuance et
sa blessure. Ou alors, on pourrait dire que pour Lars Norén le temps n’existe pas.
Nouveau tournant dans l’œuvre de Norén (certains journalistes écrivirent même que ce fut un
tournant pour le théâtre suédois) : Kliniken (1994) et Catégorie 3.1 (1997), épopée théâtrale
traitant du côté sombre de notre société. Ce fut l’une des productions théâtrales les plus
discutées dans la Suède des années 90, et fut également tournée pour la télévision suédoise.
Norén sort des étroits cercles familiaux pour aller dans les rues de Stockholm où l’on trouve les
plus démunis, ces voix qui ne sont jamais entendues dans la Suède moderne.
Le théâtre de Norén devient « sociologique » : est abordée
a bordée la tragédie des sociétés
contemporaines, des basbas- fonds et de la grande misère des métropoles occidentales.
Ce dialogue familier et agressif, tour à tour insinuant et brutal, ce dialogue de tous les jours,
Norén en avait déjà capté dans ses romans, les tonalités « réalistes » - vocabulaire et rythme.
Ici dans ses pièces, les premiers pas psychologiques aboutissent rapidement à un état
visionnaire. Par ses allusions, ses pièges et ses attaques soudaines, ce langage est fait pour se
retrouver en nous, dans notre parler quotidien, exprimé ou subconscient, et nous impliquer
dans ce monde envoûtant que nous ne connaissons que trop bien : l’enfer.
Directeur de Théâtre
Lars Norén est directeur artistique du Riks Drama au Riksteatern (Théâtre itinérant suédois)
depuis 1999.
A propos de Kliniken :
Norén (extraits)
entretien
avec
Lars
Dans Kliniken,
Kliniken, où
où sommes nous exactement ?
C’est un hôpital psychiatrique. Vous y allez et vous pouvez rester deux-trois semaines. Et après,
ils vous disent de partir. Il y a des parties fermées, où les patients ne peuvent pas sortir, comme
le 7e étage dans Kliniken. Les personnages ont d’abord été à cet étage-là, puis ils en sont
redescendus. La partie où ils se trouvent est fermée le soir. Nous avons quatre très grands
hôpitaux à Stockholm qui ont un département psychiatrie : Sankt Göran, Huddinge,
Södersjukhuset et Danderyd. L’hôpital Beckomberga est fermé maintenant. C’était comme une
petite ville, avec beaucoup de maisons.
Cette pièce, écrite au début des années 90, estest- elle une réaction à la crise qui a touché la
Suède dans ces annéesannées - là et aux réformes qu’elle a engendrées
engendrées ?
Non, ce n’est pas lié du tout. Pas cette fois. On pouvait déjà voir les dommages dans les années
80, dus à la fermeture des grands hôpitaux. Mais ça a pris du temps. Pour des raisons
politiques. Les gens au pouvoir ne l’ont pas accepté, ils n’ont pas voulu voir le problème. Mais à
9
la fin des années 80, à cause de tous ces meurtres et accidents… Il y a ainsi eu un homme qui a
pris sa voiture et qui est allé dans la vieille ville… il était malade mentalement… et il a écrasé
beaucoup de personnes. De nombreuses choses terribles sont arrivées au début des années 90.
Bien sûr, j’ai été influencé par tout cela. Mais beaucoup de gens sont aussi des souvenirs de ma
propre expérience.
Un des personnages Martin, qui est publicitaire et qui a le SIDA, se retrouve dans cet
hôpital. Il n'y a pas si longtemps, la prostitution et l'homosexualité étaient des motifs
suffisants pour justifier un internement, mais ils ne devenaient effectifs que lorsque la
continue
tinueréputation de la famille était en jeu. La psychiatrie con
tinue- t- elle à jouer un rôle
normatif ? Le risque d'instrumentalisation n'estn'est - il pas d'autant plus élevé que la société
devient de plus en plus sécuritaire ?
C’est une grande question. Difficile question. Je ne pense pas, plus maintenant. Grâce aux
docteurs. La psychiatrie en Suède attire actuellement des médecins progressistes. Aujourd’hui,
je ne pense pas qu’ils veulent rendre les gens normaux. Ils veulent qu’ils fonctionnent. La
nouvelle génération de psychiatres est très compétente. Je parle des personnes que je connais,
qui travaillent en psychiatrie.
En France, il y a de moins en moins d’étudiants qui choisissent la psychiatrie, et
l’enseignement est de plus en plus centré sur la neurobiologie…
En Suède, c’est différent. Il y a des débats parmi les médecins, entre ceux qui veulent soigner
avec des médicaments et ceux qui préfèrent les thérapies. Dans les années 70, il y a eu un grand
conflit, certains ne voulaient utiliser que les médicaments. Mais aujourd’hui c’est fini, il y a un
équilibre entre les deux. Le problème est économique, où peuvent aller les malades et comment
structurer les thérapies ? C’est la grande question. Nous sommes pourtant un pays riche, donc
c’est étrange.
On se sent proche de certains personnages. PensezPensez- vous qu’ils sont malades ?
Non. La tristesse, la solitude les rendent malades mais la maladie… Bien sûr il y a des raisons
chimiques… Je veux dire si vous avez trop de sucre dans le sang, on vous aide avec de
l’insuline. Et si vous êtes trop triste… Bien sûr, ça peut aider. Cependant, cela ne fait pas
disparaître les problèmes. Mais cela rend les gens capables de les affronter et de les résoudre.
C’est comme ça en Suède. On leur donne de l’aide pour résoudre d’autres problèmes.
Dans Kliniken,
Kliniken, il n’y a aucun docteur, on
on parle d’eux mais on ne les voit pas…
J’avais une autre idée mais je ne la réaliserai pas : c’était de faire une autre pièce, avec
seulement les docteurs. Aucun patient. Mais je n’ai pas le temps. Il y a une pièce formidable de
Pinter, Hot-House. Cela parle de l’expérience médicale anglaise dans les années 50. Elle n’a pas
été beaucoup jouée mais c’est une très bonne pièce.
Qu’estQu’est- ce que la folie/ la normalité ?
C’est difficile… J’ai laissé ces questions derrière moi. Je ne peux pas répondre mais je peux
donner une image. Si votre passé est vraiment mauvais, négatif, que vous n’avez aucun futur et
que la situation d’aujourd’hui est impossible, alors vous devenez fou, vous ne pouvez pas
survivre. Un de ces trois éléments doit être bon, de beaux souvenirs d’enfance, de la lumière
derrière vous, ou bien de l’espoir pour le futur. Vous voulez aller quelque part, alors c’est ok. Ou
encore aujourd’hui est acceptable, alors c’est ok. Un de ces trois moments doit être stable.
10
JeanJean -Louis Martinelli,
Martinelli, m etteur en scène
En 1977, il fonde sa compagnie à Lyon,
Lyon, le Théâtre du
Réfectoire et crée entre autres
1980 Le Cuisinier de Warburton d'Annie Zadek
(Théâtre des Célestins, TNP Villeurbanne, Théâtre de la Bastille)
1981 Barbares amours d'après Electre de Sophocle et des textes
de Pier Paolo Pasolini (TNP Villeurbanne)
1982 Pier Paolo Pasolini d'après l'œuvre de Pier Paolo Pasolini
(Maison de la Culture du Havre, Théâtre du Point du Jour, Biennale de Venise)
1983 L'Opéra de quat'sous de Bertolt Brecht et Kurt Weil
(Maison de la Culture du Havre, TNS, Maison de la Culture de Bourges …)
En 1987, il est nommé directeur du Théâtre de Lyon et met en scène entre autres
1990 La Maman et la putain de Jean Eustache
(Toulouse, Théâtre de Lyon, Chambéry, MC93 Bobigny, Caen, Cherbourg, Lausanne…)
1992 L'Eglise de Louis-Ferdinand Céline
(Théâtre de Lyon, Théâtre Nanterre Amandiers, CDN Lyon, Théâtre du Huitième, Chambéry)
Impressions-Pasolini d'après Pier Paolo Pasolini (Variations Calder)
(Festival d’Avignon, Théâtre de Lyon, Limoges, Marseille, Paris Cité internationale, TNS…)
1993 Les Marchands de Gloire de Marcel Pagnol (Festival d’Avignon, MC93 Bobigny, Théâtre de
Lyon, Marseille, Toulouse, Genève, Brest, TNS…)
En 1993, il est nommé directeur du Théâtre National
National de Strasbourg (TNS) et met en scène
entre autres
1995 Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès
(TNS, Comédie de Genève, Théâtre Nanterre-Amandiers)
Voyage à l'intérieur de la tristesse de Rainer Werner Fassbinder
(Festival d’Avignon, TNS)
L'Année des treize lunes de Rainer Werner Fassbinder
(Festival d’Avignon, TNS, Halle de la Villette)
1997 Andromaque de Jean Racine
(TNS, Villeneuve d’Ascq)
Germania 3 de Heiner Müller
(TNS, Théâtre de la Colline Paris, Théâtre du Nord Lille, Dramaten Stockholm…)
1998 Œdipe le Tyran de Sophocle, version de Friedrich Hölderlin, traduction Philippe
Lacoue-Labarthe (Festival d’Avignon, TNS, Scène nationale de Sceaux)
2000 Phèdre de Yannis Ritsos (TNS)
Catégorie 3.1. de Lars Norén (TNS, Théâtre Nanterre-Amandiers)
11
2001 Le Deuil sied à Electre d’Eugène O’Neill, présenté au Grand T en décembre 2001.
En 2002, il prend la direction du Théâtre NanterreNanterre- Amandiers et crée
2002 Platonov de Tchékhov (Théâtre Nanterre-Amandiers)
Jenufa de Janacek (Opéra de Nancy)
Voyage en Afrique, « Mitterrand et Sankara » de Jacques Jouet
2003 Andromaque de Jean Racine
2004 Médée de Max Rouquette
Les Sacrifiées de Laurent Gaudé
Une Virée d’Aziz Chouaki
2005 Schweyk de Bertolt Brecht
En Tripp i Alger d'Aziz Chouaki, Stockholm et tournée en Suède
2006 La République de Mek-Ouyes de Jacques Jouet
Bérénice de Jean Racine
12
Faire connaissance
connaissance avec les
quelques répliques de la pièce
personnages
et
« Dans les hôpitaux, la pharmacologie a déjà transformé les salles d’agités en
grands aquariums tièdes. […] La folie, halo lyrique, ne cesse de s’éteindre. Et loin
du pathologique, une expérience est en train de naître où il y va de notre pensée ;
son expérience, déjà visible mais vide absolument, ne peut encore être nommée. »
Michel Foucault,
Histoire de la folie à l’âge classique
Des êtres humains sur la fêlure
Gilles Deleuze évoque une nouvelle de Fitzgerald, intitulée La Fêlure, dans laquelle le romancier
rappelle qu’une vie va toujours a plusieurs rythmes, plusieurs vitesses.
« Il y a d’abord [pour Fitzgerald] de grands segments : riche-pauvre, jeune-vieux, succès-perte
de succès, santé-maladie, amour-tarissement, créativité-stérilité en rapport avec des
événements sociaux […]. Fitzgerald appelle cela des coupures, chaque segment marque ou peut
marquer une coupure. C’est un type de ligne, la ligne segmentarisée qui nous concerne tous à
telle date, en tel lieu. Qu’elle aille vers la dégradation ou la promotion, ne change pas grand
chose […]. En même temps : il y a des lignes de fêlure, qui ne coïncident pas avec les grandes
coupures segmentaires. Cette fois, on dirait qu’une assiette se fêle. Mais c’est plutôt quand tout
va bien, ou tout va mieux sur l’autre ligne que la fêlure se fait sur cette nouvelle ligne, secrète,
imperceptible, marquant un seuil de diminution de résistance, ou la montée d’un seuil
d’exigence : on ne supporte plus ce qu’on supportait auparavant, hier encore ; la répartition des
désirs a changé en nous, nos rapports de vitesse et de lenteur se sont modifiés, un nouveau type
d’angoisse nous vient, mais aussi une nouvelle sérénité. […]. – Et puis Fitzgerald parle encore
d’une troisième ligne, qu’il appelle de rupture. On dirait que rien n’a changé, et pourtant tout a
changé. […] On dirait plutôt qu’un seuil "absolu" a été atteint. »
Gilles Deleuze / Claire Parnet,
Dialogues
TOMAS
« Je ne sais pas, je ne suis pas médecin, je ne suis qu’un homme de ménage. »
Infirmier de 25-30 ans, il surveille les patients, vérifie qu’ils prennent bien leurs médicaments
(les leur fait prendre de force), fait des rapports sur eux. Il connaît la maladie de chacun. Il
fume.
ANDERS
« Je viens ici très souvent. »
Cet homme originaire de la campagne (un petit village près de Skövde), est venu plusieurs fois
dans cette clinique. Il est là depuis trois mois, de lui-même ? Pas marié, il a eu une amie
alcoolique. Il travaillait dans un abattoir. Il a eu plein de chiens. Il est zoophile. Il se balance un
peu, d’avant en arrière.
13
SOFIA
« Je suis née morte. »
Jeune fille de18 ans, aux cheveux très courts, assez grande, avec une belle bouche. Elle veut
toujours se laver et a l’impression de pourrir/d’être pourrie à l’intérieur. Elle est anorexique.
Elle veut mourir, « être gazée », se brûler les veines. Son père Johan est acteur. Elle est là
depuis à peu près un mois, à son arrivée elle était dans un très mauvais état (fauteuil roulant,
très maigre). Elle ne prend pas ses médicaments, on la force. Elle parle d’elle à la 3e personne. A
fait deux fois le test du sida. N’a pas eu ses règles depuis un an et demi A peur de toucher au
métal. Est végétarienne. Fume, comme les autres.
MARTIN
« Je reste seulement assis à planifier les détails de mes funérailles [...] j’ai toujours réagi dans
les crises en commençant par structurer, tamiser l’essentiel – ce qui doit être fait, et ce qu’on ne
peut pas faire par aucun moyen, et ensuite affronter les sentiments une fois sur place, je veux
dire, on créé une place, un espace, où on a la possibilité de ne pas être si désespéré,où on a une
perspective plus grande… Et même si c’est quelque chose de très difficile qui va arriver et de
très pénible, je veille à me donner une sorte de récompense… ensuite je peux faire une crise
nerveuse si j’en ai envie… »
Ancien publicitaire chez Volvo, cet homme aux cheveux gris a beaucoup voyagé (NYC,
Dubrovnik). Il est aujourd’hui « directeur associé d’une agence publicitaire ». Il est séropositif,
il le sait depuis deux mois. Il est marié depuis 15 ans mais sa femme ne veut plus lui parler et
lui interdit de voir ses enfants depuis qu’elle sait qu’il est malade. Il a un fils, Max, né le
23/09/87 et une fille, Nina, 9 ans. Sa femme est « enquêtrice, chercheuse à - elle est directrice
financière à Polytechnique » et ses parents étaient administrateurs d’hôpitaux psychiatriques
alors il a toujours vécu dans ces lieux.
Les médicaments le rendent malade, il ne veut pas se sentir malade. Il est là depuis deux
semaines.
Il pleure face à des images d’enfants en Bosnie.
Il a un ordinateur Macintosh sur lequel il prépare ses funérailles, il veut se suicider.
« L’infection par le VIH est responsable du déclenchement de troubles psychiatriques,
directement ou indirectement en rapport avec le virus VIH. En effet, il faut se rappeler
que ce virus est un virus neurotrope qui peut être responsable directement de lésions
cérébrales. […] Les manifestations psychiques réactionnelles sont les premières en
cause, lorsque le malade apprend sa séropositivité. Souvent chez le même malade on
observe non seulement des troubles psychotiques et confusionnels provoqués
directement par la maladie, mais aussi des syndromes dépressifs avec crises anxieuses
paroxystiques, et bien entendu des troubles du comportement. Il y a donc urgence à
surveiller ces malades qui peuvent faire des tentatives de suicide. »
Dr Jean Thuillier,
La Folie. Histoire et dictionnaire.
MARKUS
« Je suis Matthieu. Je suis l’évangile selon Matthieu, verset 3 :1. Je suis ouvert. »
Jeune homme de 19-23 ans, schizophrène. « Très maigre, pâle, presque jaune, il a une barbe de
deux jours foncée, un jean large, des chaussures de sport qui sont pas attachées ». Il est là
depuis toujours. Il compte.
« LE SCHIZOPHRÈNE. Qui entre, là ? Non c’était personne… Des fois c’est comme
quand ça sonne, mais quand on répond il n’y a personne. Des fois il n’y a que des
chiffres. Des fois il n’y a que zéro zéro zéro zéro, mais à part ça c’est 753 81 00, et il
14
faut attendre et attendre et essayer de se rappeler ce qu’on doit dire, amis il faut
recommencer et on n’est pas aussi en forme et on sait ce qu’on doit dire comme avant,
mais il n’y a que des chiffres, et puis il y a le chiffre sur la figure, oui, mais alors ils
bougent, ils s’approchent puis ils s’éloignent et deviennent de plus en plus petits, et il
n’y a que le chiffre sept qu’on retient, alors on le tient dans ses mains et c’est incrusté
d’une telle manière que bien qu’on se lave peut-être ou qu’on essaye de se les frapper
comme ça ça reste – jusqu’à ce qu’ils oublient si tu veux. Oui c’est trop nul. »
Lars Norén,
Catégorie 3.1
MAUD
« Bien sûr que je suis déprimée. J’ai cinquante-deux ans, je n’ai pas de travail, pas d’avenir, pas
de passé non plus, pas de formation, un jour ou l’autre, j’aurai la ménopause, je pèse 15 kg de
trop et je m’en préoccupe encore, et puis j’ai élevé Peter toute seule[...] Et je n’ai jamais été
heureuse… »
Elle dit travailler à l’ambassade d’Israël. Elle a un fils de 20 ans, Peter (cuisinier, il fait un stage
en Italie). Elle fume énormément. Elle se sait « un peu maniaque tous les deux ans et ça dure
quelques mois ». Elle s’est brisé le bassin lors d’une tentative de suicide (elle a sauté du
cinquième étage de son immeuble).
ANNE MARIE
« [...] j’angoisse pour tout, j’ai peur de tout sauf quand je bois bien sûr, alors là j’essaie de tout
détruire, j’aurais pu devenir alcoolique très facilement, ou religieuse… »
Petite, maigre, pâle, un peu osseuse, avec des lunettes rondes, les cheveux très courts. Elle a fait
plusieurs séjours à la clinique. Dans les années 80, elle a été à l’hôpital Maria. Elle est en arrêt
maladie. Elle parle beaucoup de son amie Inger (qu’elle a connue il y a 2 ans) et chez qui elle
habite. Ses parents l’ont violée, elle a vécu chez eux jusqu’à 29 ans, elle y retourne
régulièrement, eux ne disent rien, ne veulent pas parler. Elle veut écrire cela, pour que tout le
monde le sache. Son père a un cancer de la prostate. Elle fume.
ROGER
« Je suis agressif anal […] Qu’est-ce que je vais foutre dans cette putain de société ? Je suis bien
ici – comme ça vous êtes débarrassés de moi. »
Skinhead de 23-24 ans, fort, tête rasée, jogging et T-Shirt EAT KILL FUCK. Il a passé un an à
l’hôpital psychiatrique de Beckomberga, avant sa fermeture, il regrette cet établissement. Il a
des visites régulières de sa mère, qu’il insulte, attitude qu’il a d’ailleurs avec tout le monde. Il
«veut vivre et mourir en Suède». Son père biologique est alcoolique et violent, il va mourir du
cancer. Il veut passer son permis (ceci depuis 3 ans selon Maud). Il parle toujours de sexe, est
agressif, raciste. Il fume. Il veut partir en Australie. Il est en « arrêt longue maladie. »
MOHAMMED
« Je suis en Suède, mais le corps est à Bijeljina. »
Pas rasé, très pâle, cerné, bouge très lentement. Il vit en Suède depuis 2 ans et 2 mois. Il est de
Bijeljina où il était professeur, sa femme était réceptionniste dans une maison de repos. Sa
femme, ses enfants, sa belle-mère, sa belle-sœur ont été tués, brûlés par leurs voisins serbes. Il
ne peut rien effacer, n’arrive pas à dormir. Il a essayé de se suicider. Il attend d’avoir un permis
de résidence. Il subit le racisme direct ou indirect des autres. Il fume.
ERIKA
« C’est la seule chose qu’on peut faire ici… s’occuper de son apparence. […] J’oublie tout. »
Née dans les années soixante, elle est grande et mince, brune, belle, sensible, aux cheveux
courts (qu’elle regrette d’avoir fait couper). Elle ne peut sortir définitivement sans accord du Dr
15
Asiz, « peut-être je ne pourrai jamais sortir d’ici ». Elle parle anglais, français, prête des livres à
tous, mélange les références culturelles. Elle se douche et se change souvent, se maquille. Elle a
étudié l’histoire du cinéma un semestre (elle a vu plusieurs fois Jeanne d’Arc de Dryer) puis
l’histoire de l’économie, elle joue du piano. Selon Maud, elle avait des hallucinations quand elle
était « en Turquie », au 7e étage. Fait semblant de fumer. A un vieil ours en peluche.
HARRY
Autre infirmier, homme âgé, il fait les nuits depuis 10 ans, apporte chaque soir son sandwich. Il
vit avec sa mère. A une collection de trains miniatures.
MÈRE DE ROGER
Très pratiquante, elle vient voir son fils souvent, veut l’aider.
BIRGIT
Maud parlant de Birgit : « Elle est toujours aussi impeccable… pas un seul pli sur sa robe et les
cheveux, tout immobiles… »
Elle essaie d’arrêter de fumer. Une séance d’hypnose a révélé le trauma d’enfance : elle a été
violée par son père. Elle est mariée.
16
La scénographie:
scénographie : Entretien avec Gilles Taschet,
Taschet ,
Scénographe
PouvezPouvez- nous expliquer la genèse de la scénographie de Kliniken ?
Kliniken s’inscrit dans la lignée du travail accompli sur Catégorie 3.1, créée au Théâtre National
de Strasbourg en 2000. Mais à l’inverse de Catégorie 3.1 où les scènes se déroulaient dans des
lieux très différents (une place, le guichet d’une administration, etc.) ici, tout va se jouer dans un
espace clos. Dès lors, soit on reconstituait un vrai lieu qui aurait pu être un hôpital – j’avais
même pensé à un hôtel thermal désaffecté – soit on travaillait plutôt sur un espace fragile, sans
caractéristiques architecturales précises, c’est-à-dire sur un espace proposant plus de
possibilités qu’un lieu réaliste.
À partir de là, l’idée a été de travailler sur l’espace de la salle transformable et d’utiliser
cette salle pour ce qu’elle est, c’estc’est-à -dire un espace technique, une sorte de studio de
cinéma. On va jouer avec l’idée de studio de cinéma comme espace éminemment fragile, en
train de se construire, un peu à l’image d’une pensée qui se cherche. Il a semblé assez
juste de partir de cet espace qui d’emblée propose la fiction.
Ensuite, quand je travaille sur une maquette, je pars du sol, de sa nature car c’est aussi à partir
de là que l’architecture se construit. Pour Kliniken, j’ai décidé de garder un sol en béton brut
avec des zones peintes ou repeintes évoquant les traces d’anciens décors. Le traitement du sol
est du type de celui que l’on trouve dans les institutions publiques ou les administrations. Des
sols avec des peintures suffisamment tendues pour qu’on puisse presque glisser dessus en
marchant. Les murs seront traités dans un aspect de béton lisse et gris associé au chêne blond
des portes.
Quel sera le traitement des cloisons et des espaces derrière les portes ?
Pour les chambres qui sont derrière ces portes, l’idée n’est pas de les traiter comme de vraies
chambres. Il faut au contraire que l’espace donné à voir à l’arrière soit vraiment un espace de
coulisse, un espace incertain. On pourra ainsi ouvrir une porte et avoir tout à coup une grande
lumière abstraite ou alors quelque chose d’hyper réaliste. On pourra aussi créer des circulations
à l’arrière qui ne tiennent pas compte des cloisons. Tout est construit de façon relativement
légère, et toutes les cloisons à l’arrière de ces murs peuvent changer de place. Il y a de grandes
chances pour qu’au moment des répétitions tous ces espaces à l’arrière se modifient. C’est
pourquoi ils sont traités de façon relativement précaire avec des châssis. On voit bien d’ailleurs
que ce sont des décors. Les murs sont à 3 mètres de haut, ce qui est très bas, surtout dans cette
salle qui offre aux spectateurs une vue plongeante. C’est volontaire, cela permet de ménager des
découvertes sur ces lieux, sans pour autant chaque fois illustrer quelque chose. Il s’agit de
pouvoir donner des signes, de jouer avec ce hors champ.
Quels sont les éléments qui vous ont frappés dans Kliniken ?
À la lecture de la pièce, j’ai été frappé par deux éléments, qui sont à mon sens centraux sur
le plan de la scénographie : la salle à fumer et l’image que les personnages se font de la
nature, du dehors.
Il n’était pas question de refaire une salle à fumer dans l’espace pour des problèmes de jeu, de
technique, de fluidité. J’ai donc eu l’idée de la réduire à une sorte de cendrier géant, composé de
caillebotis qu’on pourra ouvrir – à un moment donné le personnage de Maud doit utiliser les
mégots de cigarettes. Cela prendra la forme d’un plateau surélevé que l’on pourra déplacer. Un
canapé en cuir gris verdâtre y sera installé. J’ai voulu dans cette atmosphère relativement
douce, que le cendrier soit, lui, un peu sinistre, un lieu de punition. Deuxième élément : la
17
nature. Pour donner à voir l’image de la nature, j’ai créé une grande boîte dont la face est vitrée
et qui contient une grande image. C’est un objet que j’aime beaucoup car dans l’idée de cet
espace de studio, j’avais besoin d’un objet un peu magnétique, qui capte les attentions pour
qu’une hiérarchie s’opère entre les éléments. Et comme il y avait cette notion d’extérieur (les
vaches, les prés, etc.), il était inenvisageable pour moi que ça puisse être une découverte, une
fenêtre qui donne sur un paysage réel. Je crois en effet qu’au niveau de l’écriture, l’idée qu’on se
fait de la nature relève plus d’une nature fantasmée ou même torturée d’une certaine façon. Les
personnages se font un peu de mal avec cette idée de nature et ça me plaisait bien de jouer avec
un objet qui montrerait une nature artificielle, mise à disposition, comme l’étaient ces grands
posters que l’on trouvait dans les hôtels ou les administrations dans les années 70 (les Caraïbes,
les Alpes, la campagne, les sous-bois, etc.). Comme si à travers une image très grande et
panoramique inscrite dans un lieu public, on pouvait donner à voir une sorte de lieu commun :
l’idée qu’on a une nature idéale, qui serait la même pour tout le monde, réconfortante,
calmante. Cela colle bien avec l’idée de thérapie.
J’avais aussi envie de jouer avec quelque chose qui soit de la dimension de l’objet et non de
l’architecture, qui renforce le sentiment de fragilité. Comme ces boules en verre, cadeaux
d’entreprise, posées sur les bureaux à l’intérieur desquelles tombe la neige. Mais à l’intérieur de
cette boîte, c’est la pluie qui va tomber contre la vitre. C’est-à-dire qu’on n’aura jamais une
vision parfaitement claire de l’image de cette nature idéale.
[…]
Comment travailleztravaillez- vous avec les
les indications du texte ?
À la lecture des didascalies, des images brutes arrivent forcément. Après, tout le travail consiste
à oublier ces images-là pour rentrer dans la dramaturgie et dans l’interprétation. Ce qui est bien
c’est de le faire à deux, avec Jean-Louis, parce que chacun rebondit. C’est un moment d’une
richesse formidable. Au bout du compte, on arrive à une image qui s’est construite
pratiquement toute seule. Une image qu’on pourrait signer tous les deux, et en même temps
c’est une image qui nous a un peu échappé à chacun. On avance dans un territoire qu’on
découvre simultanément.
Personnellement, j’essaie d’arriver avec le moins d’à priori possible parce que Jean-Louis, en
règle générale, a déjà une idée globale de l’espace. Moi, je travaille avec cette idée pour que ça
pousse et que ça devienne un objet concret. Tout ce chemin vers le concret se fait avec lui, ce
sont des échanges. Mais il faut savoir une chose, c’est que la scénographie n’est terminée que le
jour de la première. Parce que tout cela, ça ne veut rien dire, c’est simplement du carton, des
portes. Ça n’a aucun sens si on ne joue pas avec, si la lumière ne joue pas dessus, si l’espace
n’est pas contraint, perverti, grandi, rapetissé, modelé par le jeu, par le sens, par les vibrations
des acteurs, du public. C’est un ensemble. C’est ma principale inquiétude quand je travaille,
parce que je sais que ce ne sera vraiment fini que quand tous ces éléments seront assemblés. Tu
attends une surprise. Il y a à la fois l’inquiétude et le plaisir.
[…]
Propos recueillis par Nathalie Mercier et Amélie Wendling,
novembre 2006.
18
La Suède en quelques chiffres
Superficie : 450 000 km2
Population : 9 millions d’habitants
Composition de la population : Suédois(91%), Finnois et Sames (Lapons) (3%), autres (6%)
Population urbaine : 84% (Stockholm : 1,6 millions d’hab.)
Institutions : monarchie constitutionnelle (roi Carl Gustav XVI), régime parlementaire monocaméral
Religions : Luthériens (94%), catholiques (2%), pentecôtistes (1%), autres (3%)
Croissance : 2,7% (2005)
PIB par habitant : 31 800 euros (2005)
Excédent commercial : 15,15 milliards d’euros (2005)
SUEDE
FRANCE
Taux de chômage
6% en 2005 selon les 8,9% (12% chez les 15-24 ans)
statistiques nationales (mais
8,5% selon Eurostat, avec
22,6% de chômeurs chez les
15-24 ans)
Solde budgétaire
+2,9% du PIB en 2005
-2,9% du PIB en 2005
Dette publique
50,3% du PIB
66,8% du PIB
Syndicalisation
79% des salariés syndiqués Ils sont 8% à l’être en 2005
en 2005
Au pouvoir
Le parti social-démocrate a Depuis 1932, la gauche a dirigé le
été
au
pouvoir
sans gouvernement, seule, pendant 18
discontinuer de 1932 à ans sur 74.
1976. Sur les 30 dernières
années, il n’a passé que 9
ans
dans
l’opposition.
Septembre 2006 : la droite
remporte
les
élections
législatives. Son candidat,
Fredrik Reinfeldt devient le
nouveau Premier ministre.
Extrait de Libération 16-17 septembre 2006
19
L’école du spectateur
Par Catherine Le Moullec, formatrice à l’IUFM de Nantes
Aller au théâtre : lire,
lire, voir,
voir, dire,
dire , écrire et faire…
faire … avec les élèves
Commencer un parcours théâtre
Rappel : il n’est pas toujours nécessaire de préparer la représentation. On peut parfois laisser
les élèves se confronter directement à l’œuvre, surtout s’ils sont engagés depuis longtemps dans
un parcours de spectateur. Tout cela est à peser au regard des difficultés possibles de la
réception. Mais il est souvent motivant et productif d’aiguiser l’appétit et de créer un horizon
d’attente !
Premier principe : choisir des activités « apéritives », donner envie au spectateur, susciter
l’attente, refuser l’exhaustivité, éveiller la curiosité, garder le « suspense », ne pas vouloir tout
expliquer. Dans
Deuxième principe : donner priorité au jeu théâtral dans chaque activité, s’efforcer de mettre en
place des situations de prise de parole, d’oralisation, de jeu dramatique ou d’improvisation (par
exemple, toutes les activités d’écriture seront suivies de mises en place de protocoles permettant
l’oralisation collective).
Travailler
Travailler autour du théâtre
Les pratiques de spectateur :
* Questionnaire autour du théâtre et des représentations qu’en ont les élèves. A faire dépouiller
et commenter par la classe. Faire l’état des lieux des représentations du théâtre dans la classe.
Se renseigner pour savoir qui dans la classe est déjà allé au théâtre. Faire ressortir les mots
qu’ils connaissent.
* « La sortie au théâtre » (en souvenir du sketch de Karl Valentin !) : groupement de textes
autour des spectateurs de théâtre, lire, dire ou écrire un souvenir de théâtre bon ou mauvais.
Raconter un souvenir est une incitation à la prise de parole pour les élèves. Possibilité d’utiliser
le livre Moi, j’ai rien d’intéressant à dire de Jean-Pierre Moulères, publié aux Editions de
l’Atalante. Penser à l’exercice du filet : avant de prendre la parole, je dois rencontrer le regard
de quelqu’un.
* Le comportement du spectateur : la charte du spectateur.
spectateur A partir des lettres de l’abécédaire,
possibilité de faire inventer des définitions aux élèves. Possibilité de réaliser des lectures
plurielles de cette charte. Improviser sur le « mauvais spectateur de théâtre ». Exercice des
gardiens du théâtre : faire jouer les situations (reprise, avec des consignes vocales ou
d’interprétation, de l’un des articles à adresser au public…) à la manière de Pennac.
* Observer des photos de publics (en salle, en plein air, devant un concert de rock…), les décrire
et analyser ce qu’elles suggèrent du public et de celui qui a pris la photographie bien sûr !
20
Découvrir le théâtre, un art et un métier…
* Recherches sur le théâtre à travers les époques ou dans le monde : utiliser abondamment
l’iconographie : faire commenter des images d’acteurs de tragédie en Grèce ancienne, de
kathakali, de théâtre nô, puis de commedia dell’arte et de théâtre d’aujourd’hui. Retrouver leur
origine géographique, les faire classer chronologiquement. S’intéresser aux diverses traditions
du maquillage, du masque…
* Collecter dans les journaux des critiques de spectacle. Les lire, les commenter et les mettre en
parallèle avec des critiques d’auteurs littéraires reconnus.
* Réunir des photos de spectacles, les observer et les commenter. Montrer que le décor et les
costumes ont des qualités plastiques et des significations.
* Le vocabulaire du théâtre : s’amuser avec le vocabulaire spécifique (imaginer des jeux de
vocabulaire à partir du Dictionnaire de la langue du théâtre d’Agnès Pierron, Collection Les
Usuels, Editions Robert), avec les expressions « consacrées ». Par exemple : écrire une scène
autour de l’expression « brûler les planches ».
Possibilité d’utiliser le vocabulaire lié aux métiers et à la terminologie propre au théâtre. C’est le
moment de faire comprendre que tout est important dans le spectacle (lumières, décors,
costumes…). Jouer dans l’espace, les expressions comme « cour » et « jardin », « avant-scène »,
« fond de scène », etc. Constituer une image représentant un groupe de comédiens de boulevard
ou de tragédiens, des régisseurs ou des metteurs en scène.
Préparer des mots sur des petits papiers et faire tirer ces mots par les élèves. Ceux-ci doivent
donner une explication du mot qu’ils ont tiré. Réaliser un « brainstorming » dans la classe pour
trouver la définition la plus précise possible. S’appuyer sur les textes d’Amiour, d’Alain Gautré
pour déclencher l’écriture.
* Visiter un (ou des) théâtre(s) et découvrir la réalité du lieu (étudier son plan, espace de jeu,
espace public, localisation dans la ville…). Jouer dans ce lieu si possible (même simplement une
prise de parole sur la scène).
* Découvrir les métiers du théâtre et sa réalité économique (étudier des plaquettes ou des
programmes de différents lieux de programmation, les repérer sur une carte, consulter leur site
internet, découvrir l’organigramme d’un lieu de diffusion et de création).
* S’intéresser à la réalité économique et politique du théâtre à travers les époques en posant la
question du prix de la place : la chorégie dans l’antiquité, la protection royale, le mécénat, le
subventionnement institutionnel.
* Accueillir un(e) scénographe, un régisseur(e) dans sa classe, préparer cette rencontre et
l’interview.
* A partir de tout cela établir une grille de lecture du spectacle théâtral avec les élèves qui mette
en valeur tous les aspects de cet art : le jeu des comédiens, la mise en scène, le traitement de
l’espace, le décor, les costumes, les lumières, la musique (il est important que cela ne vienne
qu’en fin de parcours !).
21
Travailler autour du texte
* Le titre : à partir du titre, caractériser de manière positive ou négative (dire ce que le spectacle
va être et ce qu’il ne va pas être), mettre ce titre en relation avec d’autres (textes du même
auteur, de la même époque, du même genre théâtral… en tirer des conclusions) ; écrire les
premières répliques d’un spectacle qui aurait ce titre ; écrire un texte de présentation du
spectacle à partir du titre.
* La liste de personnages : mettre en scène l’entrée des différents personnages pour constituer
un tableau collectif. Leur inventer une réplique, ou au contraire découvrir des répliques et en
regard de la liste des personnages, leur restituer leur réplique. Rêver à partir des noms de
personnages et leur imaginer un futur. Faire un exercice de mémorisation (parfois bien utile
pour certaines pièces à riche distribution). Tenter de faire créer des personnages par les élèves,
avec des costumes, ou un accessoire par exemple (imaginer comment il se comporte, sa
démarche, sa façon de parler…). Avec la liste des personnages de la pièce, on peut essayer
d’imaginer quels sont les rapports qui les unissent, inventer leur histoire, les incarner.
* Travailler un corpus de répliques qui permet d’entrer dans la fable et la thématique, de
connaître les personnages, leurs rapports et conflits tout en travaillant corps et voix, adresse et
espace. Les lectures plurielles et jeux d’adresse permettent de mémoriser et faire siennes ces
répliques. On peut donner une réplique à chaque élève et lui demander de la retrouver pendant
le spectacle. On peut aussi se mettre en jeu et travailler l’intonation de certaines répliques. A
partir d’une sélection de répliques (ce qu’un personnage dit et ce qu’on dit de lui, ou ce qu’on lui
dit…), essayer de comprendre le personnage. Pour travailler l’adresse, faire échanger des
répliques entre élèves (à qui je m’adresse ? à tout le monde, à une personne en particulier, au
public ?).
Les répliques peuvent aussi attirer l’attention sur l’espace dans toutes ses dimensions (espace
mimétique où est censée se passer l’action, espaces hors scène, métaphores spatiales, espace
symbolique). Tous ces exemples montrent que l’animateur doit choisir en fonction de ce sur quoi
il veut attirer l’attention : le texte, les choix du metteur en scène…
On peut ensuite composer des images et des tableaux, mettre en scène des entrées sur des
musiques différentes, créer des « machines rythmiques » de personnages…
On peut également faire écrire des suites de répliques en particulier pour les duos. Les élèves ne
découvriront la « vraie » suite que lors du spectacle.
La première et la dernière réplique : imaginer ce qui se passe « entre », raconter la fable.
* On peut inventer une bandebande- annonce du spectacle tel qu’on l’imagine, en trois tableaux par
exemple. C’est un travail qui peut être effectué avant ou après la représentation et qui fait
intervenir l’image, le son et le bruitage. Les élèves peuvent se mettre en scène par groupe. Ce
travail peut être réalisé à partir de mots que les élèves auront choisis pour qualifier le spectacle
(adjectifs qualificatifs, objets, couleurs, sons).
* Proposer une scénographie (dessin ou maquette) ou des costumes. On peut travailler alors avec
des propositions de couleurs, de matières, des petits échantillons de tissu, des esquisses tout
comme le font les professionnels.
* S’il s’agit d’un texte classique, il peut être intéressant de demander aux élèves de constituer un
dossier documentaire sur les différentes mises en scène qui ont émaillé la vie de ce texte
(photographies, citations diverses…). Ce répertoire de mises en scène sera très utile également
pour l’analyse de la représentation. Dans le même ordre d’idée, on peut observer et analyser
des photographies ou des extraits vidéo proposant diverses interprétations d’un texte ou d’une
même scène.
22
Travailler autour de la représentation
* Lire l’affiche : de quoi ça parle, qu’est-ce que ça raconte, qu’est-ce que ça dit ? Mettre en
commun de toutes ces réponses et à partir de cela constituer un tableau représentant l’idée que
l’on a du spectacle. Créer une autre affiche (dessin, collages…)
Si l’affiche montre des comédiens en jeu, reprendre ce jeu en image fixe, imaginer les répliques
à proférer, l’image ou la réplique précédentes, l’image ou la réplique suivantes ; le monologue
intérieur du personnage représenté avant son entrée en scène. Proposer la réplique d’un
deuxième personnage hors champ suggéré par le regard.
Distinguer les parties textes et les images. L’affiche peut être également exploitable pour faire
connaître les métiers du théâtre. A partir de quelques éléments de la pièce on peut faire créer
une affiche du spectacle aux élèves. Cet exercice peut être réalisé après le spectacle comme
forme d’expression. Les affiches créées par les élèves peuvent être montrées aux comédiens lors
de leur venue, pour amorcer l’échange par exemple.
Il faut être attentif à tout et se questionner par exemple sur les éléments qui peuvent apporter
des précisions sur l’époque de la pièce... On peut aussi comparer les informations de la
brochure (souvent plus détaillées ) et celles de l’affiche.
On peut tenter de reproduire corporellement l'affiche : un élève choisit un personnage de
l'affiche et reproduit son attitude devant la classe. Puis, un deuxième élève vient s’ajouter et
ainsi de suite jusqu'à ce que la photo soit reproduite.
On peut aussi faire parler les personnages de l’affiche.
* Travail sur les documents annexes : dossier dramaturgique, articles de presse, plaquette du
spectacle, notes d’intentions de mise en scène… Tout cela permet d’appréhender la réalité des
différents intervenants de la création : le scénographe, le dramaturge, le créateur lumière, le
compositeur… Etudier la nature et le contenu des différents renseignements donnés sur
l’argument du spectacle et les choix artistiques du metteur en scène.
Et encore !
On peut ressentir le besoin de donner quelques renseignements sur l’auteur, le genre, la période
ou les événements historiques évoqués. Distribuer une feuille de vocabulaire spécifique au texte
mis en scène. Il faut éviter de rendre cela trop « encombrant » : imaginer des protocoles et des
situations de jeu, se saisir des potentialités de l’iconographie (peintures, photographies, extraits
de films…) et des autres arts (musique, arts plastiques, danse…) pour ouvrir à un monde, un
pays, une époque, un mouvement artistique…
Vivre
Vivre le spectacle avec les élèves
Surtout profiter du moment du spectacle et prendre son plaisir de spectateur !
Pour favoriser l’attention et susciter la curiosité des futurs spectateurs, leur confier
individuellement ou par petits groupes une mission personnalisée à remplir pendant la
représentation : l’un devra s’intéresser au décor, un autre aux éclairages, un autre aux costumes
ou au jeu des acteurs. On peut aussi retrouver la réplique sur laquelle on a travaillé. Ces
missions seront ensuite bienvenues lors de l’analyse du spectacle, mais attention cela ne doit
pas gâcher le plaisir de la représentation ! Possibilité de rendre compte de ce travail en classe
ensuite par un cours exposé. Possibilité de faire rédiger un article de presse, une critique.
23
Prolonger après le spectacle
Partager
* Utiliser des déclencheurs de parole : je me souviens, j’ai aimé, je n’ai pas aimé, j’ai compris, je
n’ai pas compris, j’aurais préféré… Quel est le mot qui vient à l’esprit au souvenir du spectacle ?
* La mémoire immédiate : quelles résonances intimes le spectacle a-t-il chez les élèves ? Portrait
chinois : « si ce spectacle était une couleur ? », « une musique ? », « une matière ? », « un
objet ? », « une époque ? », « un personnage célèbre ? », « un adjectif ? ».
* Les cinq sens : le spectacle m’a fait penser à une couleur, une odeur ou un parfum, un goût…
* A partir de la grille de lecture et des missions. Insister sur la mise en commun (description) et
la phase d’analyse (le pourquoi des choix de la mise en scène), faire une mise en commun par
groupes de ces analyses pour rédiger ensuite une critique commune.
Rédiger
* Un mot ou une phrase : « s’il n’y avait qu’une seule chose à dire, ce serait… »
* Une liste poétique à la façon de Pérec (« je me souviens… ») ou un inventaire à la façon de
Prévert.
* Une critique du spectacle en trois phrases, ou seulement le titre de sa critique !
* Une lettre (ou une carte postale) à l’un des personnages, l’un des acteurs du spectacle ou au
metteur en scène. Favoriser une correspondance avec la troupe si possible (se renseigner sur la
tournée ou prendre contact par l’intermédiaire du diffuseur).
* Un poème (un haïku).
* Un titre : « si je devais proposer un autre titre, ce serait… ». Justifier son choix !
* La parodie d’une scène, un pastiche du genre, une perturbation (exemple on fait intervenir un
personnage connu d’une autre pièce de théâtre ou un héros filmique à un moment de l’intrigue),
une bifurcation (et si au lieu de partir, ce personnage était resté ?)
Imaginer
* Proposer une autre affiche, un autre décor, de nouveaux costumes. Réaliser une nouvelle
maquette !
* Constituer l’album-photos du spectacle, d’un personnage. Associer très librement collages,
dessins et images.
* Constituer le musée imaginaire d’un des personnages ou une collection d’objets qui nous le
fasse (re)connaître. L’intérêt lors de ce type d’activités est à la fois dans le développement de
l’esprit créatif et dans l’apprentissage de l’argumentation et de la justification des choix lors de
la présentation à la classe.
Il est important alors de proposer au sein de l’établissement, si possible en les affichant ou en
les exposant, le résultat de ces travaux individuels et collectifs !
24
Jouer, improviser
* Le théâtrethéâtre-image.
image Possibilité de faire créer des images à partir de répliques du texte. Rappeler
les notions d’espace, de regard et de rythme. Possibilité d’utiliser une photo. Le théâtre-image
peut être utilisé en amont de la représentation, en guise de préparation, ou en aval, afin de faire
s’exprimer les élèves d’une autre manière que la parole.
* Retrouver une image fixe du spectacle, improviser la suite.
* Retrouver par des improvisations vocales ou une machine rythmique le paysage sonore de la
pièce.
* Rejouer la scène préférée et proposer d’autres indications de jeu et de mise en scène. L’intérêt
vient alors de la diversité des propositions qui se confrontent.
* Faire raconter la fable du point de vue de chaque personnage.
* Jouer le monologue intérieur d’un personnage qui nous révèle ce qu’il pense à la fin du
spectacle.
* Improviser en duo le pour et le contre sur le spectacle (les critiques dans Télérama)
* Jouer l’émission de télévision où le journaliste interviewe metteur en scène, comédiens,
régisseurs…
* Créer une « petite forme » s’inspirant du spectacle : de sa forme, de son genre, de son
esthétique ; faire vivre les mêmes personnages dix ans avant ou après ; travailler des extraits du
même auteur.
Ressources bibliographiques
Ouvrages :
La Langue du théâtre
théâtre
de Agnès Pierron
Editions Le Robert
A la découverte de cent et une pièces de théâtre, répertoire critique du théâtre
contemporain pour la jeunesse
de Marie Bernanoce
Editions Théâtrales
Jeux pour acteurs et non acteurs
de Augusto Boal
Editions La Découverte
25
Coups de théâtre en classe entière au collège et au lycée
de Chantal Dulibine et Bernard Grosjean
Editions Argos-Démarches
Lire le théâtre au lycée
de M. Carbonelle et N. Norday
CRDP Champagne – Ardenne
Pratiquer le théâtre au collège
c ollège / De l’expression à la création théâtrale
Sophie Balazard et Elisabeth Gentet-Ravasco
Editions Bordas
Eduquer par le jeu dramatique
Christiane Page
ESF éditeur, Collection Pratiques et enjeux pédagogiques, 1997
Lire le théâtre contemporain
De Jean-Pierre Ryngaert
Editions Dunod
Les Pratiques théâtrales à l’école
De Jean-Claude Lallias et Jean-Louis Cabet
CRDP de Seine St Denis / Rectorat de Créteil, 1985.
3 ouvrages de la Collection « Ateliers de théâtre » / Edition Actes SudSud- Papiers
11 Rendez-vous en compagnie de Robin Renucci, de Katell Tison-Deimat (n°1 de la collection)
10 Rendez-vous en compagnie de Yannis Kokkos, de Dany Proché (n°2 de la collection)
10 Rendez-vous en compagnie de Pierre Vial,, de Danièle Girard (n°3 de la collection)
Les ouvrages de la Collection « Théâtre Aujourd’hui », Editions théâtre du SCEREN
L'Ere de la mise en scène
Théâtres et enfance. L'émergence d'un répertoire.
Michel Vinaver
Le Cirque contemporain, la piste et la scène
Hamlet et la Nuit des rois. Shakespeare, la scène et ses miroirs
Koltès, combats avec la scène. Approches scéniques du théâtre de Koltès
Dom Juan de Molière
L'Univers scénique de Samuel Beckett
Dire et représenter la tragédie classique
La Tragédie grecque
Chaque titre propose des documents iconographiques et sonores, des textes critiques, des
commentaires de spécialistes qui permettent de travailler en classe sur les sujets abordés.
26
DVD :
5 DVD de la Collection « Entrer en théâtre » du SCEREN/CNDP
Les Deux Voyages de Jacques Lecoq
Texte et représentation
Lire le Théâtre à haute voix
Du Jeu au théâtre
Jeu d’enfance, jeu de cirque
Sites internet :
http://crdp.ac-paris.fr/piece-demontee (les dossiers pédagogiques « Théâtre » du CRDP de Paris)
http://www.copat.fr (éditeur de vidéos de spectacles)
http://www2.educnet.education.fr/theatre (site de références d’ouvrages, DVD, sites internet…)
http://www.pedagogie.ac-nantes.fr puis cliquer sur « action culturelle » puis « domaine », puis
« théâtre » ou « danse » (site de ressources pédagogiques)
http://www.theatredurondpoint.fr/publications/dvd.cfm (vidéos de spectacles)
27
Contacts
ontacts Jeun
eune
eune Public
Publi
Le Grand T
Marion Echevin / 02 28 24 28 18
[email protected]
Pascale Degrieck / 02 28 24 28 08
[email protected]
Florence Danveau / 02 28 24 28 16
[email protected]
Annie Ploteau / 02 28 24 28 17
[email protected]
Le Grand T
BP 30111
44001 Nantes cedex 01
Tel 02 28 24 28 24
Fax 02 28 24 28 38
Dossier réalisé à partir des documents fournis
par le Théâtre des Amandiers / Nanterre
28
Téléchargement