Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Effets des activités de l’homme sur l'environnement à l’échelle de la planète Paul Leadley Université Paris Sud Orsay Le "Millennium Ecosystem Assessment" (L'Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire) a évalué l'état des écosystèmes du monde à la fin du XXe siècle et a mis en évidence une empreinte très forte de l'homme sur les écosystèmes à l'échelle planétaire. Ses prévisions pour le futur basées sur des modèles suggèrent que l'impact de l'homme augmentera considérablement au cours du XXIe siècle avec une forte diminution de la biodiversité et une dégradation importante des services rendus par les écosystèmes. Je résumerai dans mon intervention les grandes lignes de cette étude avant de me focaliser sur les outils quantitatifs dont nous disposons actuellement pour évaluer l'impact de l'homme sur les écosystèmes à l'échelle planétaire. Je montrerai les limites de ces outils en utilisant l'exemple de l'impact des changements climatiques sur la biodiversité. Je terminerai avec un aperçu des stratégies scientifiques visant à améliorer notre capacité d'évaluation et de prévision, en m'appuyant sur les recherches en cours en France et sur les plans scientifiques des programmes de l'ESSP (Earth System Science Partnership), notamment ceux de DIVERSITAS et de l'IGBP. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Etat des connaissances sur les changements dans les océans Grégory Beaugrand Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences Station Marine de Wimereux Notre planète est peuplée de 6 milliards et 200 millions d’humains. La pression exercée par l’homme est telle qu’elle a une influence prononcée et grandissante sur la biosphère et la géosphère depuis la révolution industrielle. Sur terre, la transformation, la fragmentation et la destruction des habitats est responsable d’une érosion de la biodiversité mille fois supérieure au taux naturel d’extinction. Richard leaky a qualifié cette érosion de sixième extinction, la cinquième extinction étant celles qui a conduit à la disparition des dinosaures il y a environ 65 millions d’années. Le scientifique hollandais Paul Crutzen, prix nobel de chimie atmosphérique, argue que la planète est rentrée dans une nouvelle ère géologique depuis la fin du 18ème siècle qu’il a proposé d’appeler Ere Anthropocène. Le changement est global, influençant tous les compartiments ou éléments fonctionnels de la Terre. L’océan ne fait pas figure d’exception. Ce compartiment, représentant un peu plus de 70% de la surface de la Terre, subit les effets de la pollution et la surexploitation de ces ressources. La biodiversité marine que l’on croyait moins fragile montre des signes d’érosion de plus en plus perceptibles. L’atmosphère n’est elle-aussi pas épargnée. Les activités humaines modifient sa composition chimique. Il est très probable, au sens communément admis par le groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat que l’élévation globale des températures observée depuis la fin des années 1970 soit le résultat de l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. En sus des problèmes directs reliés aux pollutions, la surexploitation et l’invasion d’espèces exotiques, l’augmentation de la concentration du dioxyde de carbone et de la température risque d’occasionner des modifications majeures de la biodiversité, la structure et le fonctionnement de la biosphère océanique. Cette conférence montrera l’impact des changements globaux sur la biosphère océanique et abordera les conséquences potentielles pour son fonctionnement et l’humanité. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Changements globaux dans les écosystèmes aquatiques continentaux Daniel Gerdeaux, INRA Thonon A l’échelle de la planète, le Millenium Ecosystem Assessment a identifié 5 causes de changements importants dans les écosystèmes aquatiques continentaux : changement des habitats, changement climatique, espèces envahissantes, surexploitation des espèces, pollution (dont eutrophisation) (http://www.maweb.org/documents/document.358.aspx.pdf). Ces causes interviennent à différentes échelles d’espace et de temps. Elles ne sont pas indépendantes. Le changement climatique cause des changements dans les habitats déjà perturbés par les activités humaines (hydroélectricité, chenalisation, irrigation). Le caractère invasif d’une espèce est modifié par le réchauffement climatique et la mondialisation des échanges commerciaux). La pollution, bien qu’ayant ses principaux effets à court terme localement, peut avoir des effets à longue distance notamment par transfert atmosphérique des éléments polluants. La prise de conscience dans les pays développés des effets de la pollution, de la surexploitation des ressources, des modifications des habitats, se traduit par des mesures ambitieuses en Amérique du Nord et en Europe (DCE EAU). Toutefois, à l’échelle de la planète la surexploitation des ressources et la pollution restent préoccupantes. Dans un récent rapport (http://www.climatescience.gov/Library/sap/sap4-4/finalreport/default.htm) sur les options d’adaptation de la société aux changements dans les écosystèmes et leurs ressources, les scientifiques américains concluent que les bonnes pratiques qui devraient déjà être mises en place pour la conservation des écosystèmes aquatiques rassemblent déjà tous les outils nécessaires à la prise en compte des changements globaux à venir. Il faut les mettre en œuvre à bon escient. A l’échelle planétaire, les écosystèmes aquatiques continentaux des régions arctiques et subarctiques seront parmi les milieux les plus gravement perturbés. Dans ces milieux, le changement portera sur la quantité et la durée d’enneigement, l’évaporation, la fonte du permafrost, la quantité des UV incidents, et l’arrivée par voie atmosphérique de micropolluants. Il est difficile de prévoir toutes les conséquences de ces changements sur ces milieux jusqu’à présent les moins perturbés. Les grands lacs (≥500 km²) qui représentent 68 % de l’eau douce liquide à la surface de la planète ont subi et vont subir des altérations importantes. L’eutrophisation a été jugulée dans les grands lacs du Saint-Laurent, mais les risques liés aux invasions d’espèces et à la pollution demeurent. La pollution par des produits persistants comme les PCB est et sera un problème global. Les aires de répartition de beaucoup d’espèces vont changer. La résilience des écosystèmes déjà réduite par tous ces changements et la vitesse du changement feront que beaucoup d’espèces pourront être considérées comme invasives au moins sur le court-terme. Cette question, comme les précédentes, justifierait une plus longue présentation. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart L’état des connaissances sur l’évolution du climat en France et quelques impacts hydrologiques Serge Planton Météo-France, Centre National de Recherches Météorologiques,Toulouse Au cours du XXe siècle, la température moyenne de la France a augmenté de 0,1°C par décennie. En fin de XXe siècle, le réchauffement moyen s’est accéléré. Le réchauffement est aussi très sensible Outre-Mer depuis la fin des années 70. Sur 1951-2000, il est net qu’en France les étés sont de plus en plus chauds et qu’il y a de moins en moins de jour de gel en hiver. Il y a de plus en plus de vagues de chaleur en été sur la plupart des régions et moins de vagues de froid en hiver. L’évolution des précipitations est plus contrastée mais montre une augmentation sur les deux tiers nord du territoire avec des contrastes saisonniers marqués, en hausse en hiver et en baisse en été tandis que les sécheresses estivales sont en augmentation. On ne détecte pas de changement notable en France sur certains aspects du climat : les tempêtes, les précipitations intenses. Les projections du changement climatique à l’échelle d’une région de la planète comme l’Europe de l’Ouest, et a fortiori la France, sont incertaines. Pour l’Europe, la plupart des modèles indiquent cependant des résultats similaires avec un réchauffement plus marqué en été et au Sud, une augmentation des précipitations plus forte en hiver au Nord et une diminution des pluies plus importante en été au Sud. Mais la localisation précise des changements climatiques peut être différente d’une simulation à une autre. Les changements climatiques devraient s’accompagner d’une modification de la fréquence des événements extrêmes en France. L’augmentation des épisodes de forte chaleur est très probable. L’augmentation des pluies intenses est probable mais pourrait être limitée, tandis que les sécheresses seront probablement plus longues. D’après une étude récente, on peut s’attendre à une augmentation de la fréquence de vents forts sur le Nord de la France et à une variation non décelable sur le Sud. Des études sont en cours sur l’influence du changement climatique sur les évènements de pluies diluviennes sur le Sud-Est de la France. Les études d’impact du changement climatique montrent une tendance à un affaiblissement des débits d’étiage estivaux au cours de ce siècle. En revanche, les résultats obtenus sur la période hivernale ne sont pas très significatifs. Le changement climatique s’accompagnera d’une diminution de la durée de l’enneigement, en particulier en moyenne montagne, tandis que cette diminution sera moins marquée en haute montagne. Le risque d’avalanches de neige poudreuse devrait diminuer, par contre le risque d’avalanche de neige humide devrait augmenter. D’après les études conduites dans la communauté de recherche nationale, les glaciers d’altitudes inférieures à 2900m vont continuer à fondre et il suffit d’un réchauffement supérieur à 3° pour que la plupart des glaciers français soient réduits à néant. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Les constats et les prévisions d’évolution de l’hydrologie et de la température des cours d’eau Frédéric Hendrickx (EDF R&D), Eric Sauquet (CEMAGREF) La surveillance et l’étude des régimes hydrologiques sont des activités de longues dates, ce qui nous permet de disposer d’observations continues sur de longue période (parfois supérieure à 100 ans) en France. Ces données ont permis d’examiner la stationnarité des régimes hydrologiques en plus de 100 points du territoire (Renard et al., 2006 ; Lang et Renard, 2007). Peu de changements apparaissent, à trois exceptions près : en région alpine, les étiages d’hiver sont moins sévères du fait d’une fusion nivale plus précoce. Les écoulements d’origine glaciaire sont en hausse dans les Alpes du Nord. Ces évolutions sont principalement liées à l’augmentation des températures sur le secteur ; pour les cours d’eau pyrénéens à dominante pluviale, les débits d’étiage, les volumes annuels écoulés (dans une moindre mesure) et les pics de crue ont tendance à diminuer ; dans le Nord-Est de la France, apparaît une tendance à une légère aggravation des crues. Ces données ont permis également de caler des modélisations pluie-débit pour prédire le futur des cours d’eau du bassin Rhône Méditerranée (Leblois et al., 2004 ; Sauquet et al., 2008) et de la Loire (Manoha et al., 2007). Force est de constater que les modifications des débits diffèrent fortement d’un scénario climatique à un autre : les prédictions s’accordent toutes sur une diminution des basses eaux mais dans des ordres de grandeur bien différents sur le secteur analysé. La reconstitution des stocks et le soutien d’étiage estival dépendent de l’évolution des précipitations en hiver et de celle des températures en été. Les prédictions sont cohérentes lorsque les variables sont contrôlées de manière univoque par la température. C’est le cas de la composante nivale des régimes hydrologiques qui est à la baisse sur les bassins alpins en cohérence avec les récentes observations. Pour les crues, il est difficile d’établir des conclusions solides. Les prédictions en quantité de pluie ne sont pas toutes concordantes, celles concernant les extrêmes encore moins à l’échelle de la planète. Cette incertitude se transfère sur les débits bien évidemment. A l’instar de la variable débit, la température de l’eau a fait l’objet d’attention moindre de la part du monde scientifique. Les séries de long terme sont rares, les pas de temps de l’observation souvent mensuels ce qui peut constituer un facteur limitant dans l’analyse de potentielles tendances. L’observation de la température de l’eau afférente à la surveillance environnementale et à l’exploitation des CNPE d’EDF offre toutefois la possibilité de caractériser l’évolution des régimes thermiques durant ces trente dernières années. Il est ainsi possible de mettre en évidence un réchauffement de +1 à +2 °C en moyenne annuelle du Rhône (Poirel et Desaint, 2008) et presque 2°C de la Loire (Moatar, 2006). A l’aide de modèle décrivant les différents flux thermiques constitutifs de la température de l’eau, il est possible d’essayer de simuler le devenir des régimes thermiques dans un nouveau contexte climatique (Manoha et al., 2007). Ces exercices, qui n’ont pris en compte que l’évolution de la température de l’air ainsi que l’évolution des régimes hydrologiques, indiquent une élévation de la température de l’eau de 2 à 3 °C sur les mois d’été à la fois pour le Rhône et la Loire, soit environ 50 % de l’élévation attendue de la température de l’air. La non prise en compte d’hypothèse dans ces travaux d’évolution des conditions d’humidité, de vent ou encore de nébulosité s’avère une source potentiellement forte d’incertitude sur les projections que l’on construit. Des travaux en cours (Hendrickx, 2008) ont essayé de proposer une démarche de prise en compte d’hypothèse sur ces variables dans le cadre de l’estimation du devenir des valeurs extrêmes de la température de l’eau. Ces travaux illustrent comment en fonction de l’humidité de l’air, le flux d’évaporation pourrait contribuer à contrôler les températures maximale de l’eau. Bibliographie Dupeyrat A., Bertier C., 2006. Impact du changement climatique sur les régimes hydrologiques et thermiques de la Loire, note interne EDF R&D, H-P76-2006-01987, 90 pages. Hendrickx F., 2008. Estimation d'une température extrême de l'eau à partir d'une valeur extrême de la température de l'air : Application aux sites de Belleville, Dampierre, Saint Laurent, Chinon et Chooz, note interne EDF R&D, H-P73-2008-01473-FR, 38 pages. Lang M., Renard. B., 2007. Analyse régionale sur les extrêmes hydrométriques en France : détection de changements cohérents et recherche de causalité hydrologique. La houille blanche, 6, 83-89. Leblois E. et al., 2004. Projet GICC-Rhône. Rapport final, octobre 2004, 184 pages. Manoha, B., Hendrickx, F., Dupeyrat, A., Bertier, C., Parey, S., 2008. Climate change impact on the activities of Electricité de France. La houille blanche, 2, 55-60 Moatar F., 2006. Mémoire d’Habilitation à Diriger des Recherches, Université François Rabelais, Laboratoire de Géologie des Environnements Aquatiques Continentaux, Tours, part I 149 pages + part II 170 pages. Poirel A., Desaint, B., 2008. 1977-2006 : Trente années de mesures des températures de l'eau dans le Bassin du Rhône, soumis à la revue Hydroécologie Appliquée. Renard B., Lang M., Bois P., Dupeyrat A., Mestre O., Niel H., Gailhard J., Laurent C., Neppel, L., Sauquet. E., 2006. Evolution des extrêmes hydrométriques en France à partir de données observées. La houille blanche, 6, 48-54. Sauquet E., Leblois E., Haond M., Jouve D., 2008. Examen de la vulnérabilité de la ressource en eau vis à vis des fluctuations climatiques - Application aux étiages du bassin du Rhône. Actes du 86ème congrès ASTEE, "Conséquences des changements climatiques sur les services publics d'eau potable, d'assainissement, de déchets et sur les ressources en eau et les milieux aquatiques", Barcelone, Espagne, juin 2007, Techniques sciences méthodes, 3, p. 35-47. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Les changements dans les écosystèmes fluviaux Bernard Dumont, CEMAGREF Les constats actuels du changement climatique dans les grands cours d'eau métropolitains montrent que l’échauffement des températures moyennes de l’air, s'est fait souvent par le biais d’une précocité de l’échauffement printanier et/ou d’un moindre refroidissement en hiver. D'une manière générale, on peut imaginer que la transmission air-eau de l'échauffement, à tout ou partie d’un cours d’eau, peut être diverse (cf. Hendrickx & Sauquet) : amplifiée, directe, atténuée, voire nulle, elle va varier selon le type hydrologique sur lequel elle s’applique (pluvial méditerranéen…glaciaire), selon la tendance évolutive dans le type (perte de rythmicité saisonnière des écoulements, assecs aléatoires, accentuation des étiages, précocité des fontes nivales, allongement des fontes glaciaires, accroissement des fréquences de crues…), et enfin, selon le type hydromorphologique du tronçon (grand système/petit système, gorges, forêt galerie, interactions karstique ou hyporhéique...). La transmission de l’échauffement au « biologique » suit aussi des règles déterminées par les fenêtres biologiques et physiologiques et les capacités de tolérance, de fuite ou de colonisation des espèces. Le rôle fondamental de la température sur les organismes et sur l’organisation des communautés aquatiques n’est plus à démontrer. Ce facteur apparaît central et multi - causal, car il intervient à la fois dans la physique du milieu aquatique (solubilité, densité, saturation en O2 dissous…) et dans les cinétiques biochimiques des êtres vivants (développement embryonnaire, croissance, maturité sexuelle, durée des biocycles, survie...). On connaît les multiples aspects régulateurs de la température sur les fonctions biologiques élémentaires, mais peu sur les interactions que son accroissement génère à l’échelle des communautés aquatiques (quid des espèces invasives?). Des réponses biologiques à l'échauffement climatique ont été mises en évidence sur de grands cours d’eau (Rhône, Saône) grâce aux suivis à long terme sur des invertébrés et des poissons. En Suisse les déclarations obligatoires de pêche ont mis en évidence le recul de l'aire de la truite. On connaît nombre de changements intervenus dans des populations benthiques (diatomées, insectes aquatiques, mollusques, crustacés), parfois à des intervalles de plusieurs décennies. Les constats démonstratifs restent toutefois peu nombreux, souvent en raison de l’absence de chroniques biologiques, parfois par défaut d’identification des espèces présentes, et très souvent par une carence remarquable de suivis thermiques à l'échelle du réseau hydrographique français. Des exemples régionaux nous montrent que le phénomène n'est pas récent, que les interactions avec les pratiques actuelles de gestion des milieux sont nombreuses et complexes (rejets d'eaux épurées ; xénobiotiques), et que l'échauffement des eaux n'est pas toujours celui auquel on pensait. Afin de mieux cadrer le constat actuel, et une prospective des effets écologiques, il est bon de résumer le cadre dans lequel certaines hypothèses peuvent être faites : le statut bioécologique d’un système d’eau courante est l’expression complexe d’un héritage millénaire (biogéographique) et d’histoires récentes où se mêlent une multitude de paramètres (naturels et anthropiques). Décrire, qualifier le fonctionnement et une tendance d’évolution d’un tel système est d’abord un exercice conceptuel (que met-on derrière le terme fonctionnement ?), et un choix de descripteurs, physiques et biologiques, présentant une signification fonctionnelle et des liens supposés être de causalité. Il faut évidemment disposer de chroniques long terme pour l’exercice. Pour schématiser la machinerie écologique mise en œuvre, on a coutume de hiérarchiser des facteurs principaux selon des échelles emboîtées de représentation, allant du bassin versant à celles plus locales des lieux de vie des organismes. Le moteur de l’identité « eau courante » est d'abord la dynamique hydrologique qui sous-tend les fondamentaux (spatio-temporels) pour la vie aquatique : l’hydrodynamique, les formes fluviales, les substrats alluvionnaires, les ensembles rivulaires, etc. De cette dynamique naît l’offre « énergétique », thermique et trophique, à la base des ajustements permanents du vivant au sein d’un réseau trophique. L’identité bio-fonctionnelle du système eau courante peut être révélée/évaluée par la diversité des organismes et celle des traits de vie présents (modes de vie et cycles de développements biologiques). Cependant, des bactéries aux poissons, le concept d’intégration écologique ne concerne évidemment pas les mêmes dimensions temporelles (quelques heures à quelques années), ni les mêmes causalités (flux et nature énergétiques, disponibilités des habitats, connectivité et déplacements aquatiques…). Pour la prospective, des modèles statistiques de répartition spatiale de certaines espèces de poissons peuvent être mis en œuvre en aval des sorties des modèles climatiques, et l’échelle des communautés est désormais abordée dans les modèles au moyen des traits de vie. Pour statuer de façon plus globale, il est possible pour l'instant de s’appuyer sur des démarches expertes visant à qualifier la sensibilité biologique d’une eau courante à l'échauffement. Pour cela il y a lieu de se fonder sur les processus élémentaires mis en jeu dans les eaux courantes : un système qui par définition est dissipatif par ses capacités de transport et d'exportation. Les interactions thermie-stockage/exportation/dégradation de la matière organique sont au coeur de l'élaboration de la connaissance des fonctionnalités présentes. A cette fin, l'exercice doit nécessairement s'appuyer sur la connaissance des contextes physiques sur lesquels s’appliquent les modalités du réchauffement. En cela l'échelle locale des tronçons est une clé de lecture nécessaire ; elle est aussi l'échelle la plus tangible pour les gestionnaires riverains. L'objectif du bon état écologique est évidemment omniprésent derrière ces facettes fonctionnelles, mais n'est-il pas qu' une première étape politique dans l'évolution des concepts et des consciences? Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Changement climatique en milieu littoral et conséquences sur les peuplements marins Philippe Goulletquer IFREMER (Direction Prospective & Stratégie scientifique - Biodiversité) L’effet des changements climatiques sur les écosystèmes marins et les services écosystémiques identifiés dans le cadre du programme mondial d’évaluation des écosystèmes pour le millénaire (MEA, 2001), représente une question scientifique majeure. Dans un premier temps, il apparaît nécessaire d’identifier les signes caractéristiques de ces changements tant d’un point de vue physique, que d’un point de vue biodiversité spécifique (e.g., aires de répartition des espèces, espèce exotiques et invasives), populationnel ou encore du fonctionnement des écosystèmes marins (e.g. chaîne trophique). Cependant, une des difficultés de l’évaluation des impacts résulte de la superposition et des interactions entre la variabilité naturelle et les différents effets anthropiques dont les activités économiques (e.g., pêcheries). Des incertitudes demeurent notamment en ce qui concernent les effets rétroactifs des écosystèmes vis à vis du changement climatique. Les interactions entre l’ensemble de ces facteurs justifient l’approche écosystémique actuellement portée au niveau scientifique comme au niveau des politiques européennes. Le développement d’une programmation scientifique en réponse à ces incertitudes est particulièrement nécessaire afin de disposer d’indicateurs et d’outils de simulation facilitant l’élaboration de stratégies de conservation, de remédiation et d’adaptation, qui doivent par ailleurs intégrer la probabilité d’apparition d’événements climatiques extrêmes (e.g., aires marines protégées, quotas de pêche, structures d’élevage). Ces stratégies devront intégrer pleinement la dimension économique du changement climatique, (action vs inaction), dont la valeur économique même de la biodiversité. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Mise en perspective du secteur électrique vis à vis des émissions de gaz à effet de serre Jean-Yves Caneill EDF, Direction du Développement Durable Après une introduction sur le mécanisme de l’effet de serre, on donnera un éclairage sur les grands échanges de carbone entre les milieux naturels et les perturbations anthropiques induites sur ces échanges, en expliquant la contribution des différents secteurs : "transport-industrie-domestique", puis on focalisera sur le secteur industriel de la production d'énergie et d’électricité. On apportera un éclairage sur les perspectives à long terme des possibilités de réduction des émissions de carbone dans ce secteur. On s’attachera enfin aux problèmes posés par la régulation mondiale des émissions de gaz à effet de serre et les mécanismes de régulation économiques associés. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Impact du changement climatique sur les installations de production électrique thermique et nucléaire Cécile Delattre et Franck David EDF Recherche et Développement - Chatou Les centrales de production électriques thermiques ou nucléaires nécessitent un système de refroidissement pour condenser la vapeur à l’aval de la turbine. Ce circuit est appelé Source Froide. Suivant la technologie employée en France, « circuit ouvert » en mer ou rivière ou « circuit fermé » avec échange sur l’air extérieur, le besoin en eau ou sa consommation par évaporation peut varier sensiblement. Dans les deux cas, les centrales rejettent à l’aval de l’eau plus chaude que la température prise en amont, ceci dans le respect des contraintes réglementaires issues de la Directive Européenne de 1978 relative à la qualité des eaux douces. Durant les épisodes de canicule ou les étiages forts, le respect des contraintes sur le rejet thermique peut limiter la production, comme ce fut le cas en 2003. En raison des évolutions climatiques envisagées dans les années à venir, la fréquence de ce type de situation critique devrait augmenter en même temps que les tensions sur l’accès à la ressource. La mise en place d’un nouveau contexte réglementaire au niveau européen (à savoir la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) adoptée en 2000) et la canicule de 2003 ont ainsi remis sur le devant de la scène la question des autorisations de rejets thermiques qui faisaient l’actualité des années 1970. Une demande de recherche a été exprimée dans le rapport du Comité national de suivi de la canicule 2003 mis en place par la Ministère chargé de l’Ecologie « Engager un programme scientifique de recherche destiné à améliorer la connaissance des écosystèmes aquatiques, avec une participation des producteurs d’électricité ». Pour aller dans ce sens, un groupe de travail « Hydrobiologie et Thermie », créé à l’initiative d’EDF et du Cemagref, a permis d’initier plusieurs études depuis 2004. En 2007, EDF R&D et le Cemagref ont construit un programme de recherche commun visant à mieux connaître le rôle de la température dans le fonctionnement des biocénoses. Cette stratégie de recherche et le programme d’actions (2008-2012), approuvés en mars 2008 par le Ministère chargé de l’Ecologie, seront présentés au cours de l’exposé. L’exposé abordera également les diverses technologies alternatives pour les sources froides, disponibles ou en développement, permettant de faire face aux situations de canicule et d’étiage fort (systèmes sec ou hybrides ; récupération d’eau,…). Un programme de R&D d’EDF a pour objectifs de juger de la maturité et des performances réelles de ces technologies, de promouvoir leur développement ou leur amélioration, avec comme contrainte de ne pas dégrader les performances de production. Colloque Hydroécologie 2008 – Clamart IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LA GESTION DE L’EAU ET LA PRODUCTION HYDRAULIQUE Perception des acteurs du bassin aménagé de la Durance Patrick Sambarino et Dominique Roux EDF Production Méditerranée L’eau est essentielle à la production d’électricité. Elle est à la fois la matière première des centrales hydroélectriques et la source froide indispensable des centrales thermiques à flamme ou nucléaires. Elle est aussi essentielle aux besoins humains fondamentaux et une condition nécessaire du développement de l’agriculture et, plus largement, de l’économie, dans nos régions marquées par le climat méditerranéen. La ressource en eau est ainsi un élément structurant majeur de l’aménagement du territoire, et son accès un enjeu stratégique pour l’ensemble des acteurs. Le partage de la ressource en eau devient plus complexe. La société veut tout à la fois un environnement préservé, une eau abondante et de qualité, accéder aux cours d’eau en restant à l’abri des inondations et faire appel à des énergies renouvelables. Le contexte réglementaire et législatif, en pleine évolution sous l’impulsion des directives européennes, tente de prendre en compte ces attentes parfois paradoxales en veillant aux grands équilibres économiques, sociaux, et environnementaux. Parallèlement, des crises hydro-climatiques sévères (crues, canicules, sécheresses, …) marquent déjà d’une empreinte significative la disponibilité de la ressource et laissent craindre, à moyen - long terme, des contraintes encore plus fortes liées au Changement Climatique. On assiste ainsi à une prise de conscience collective croissante. On passe progressivement du sentiment de l’abondance à celui de la rareté de la ressource et les plus sensibilisés ressentent d’ores et déjà la nécessité d’apporter des réponses et de faire évoluer les comportements. On se propose d’illustrer cette perception nouvelle à travers le cas du bassin aménagé de la Durance soumis aux conditions climatiques de l’Arc Méditerranéen. La Région Provence Alpes Cote d’Azur dont le bassin de la Durance couvre les 2/3 du territoire, marquée ces dernières années par des sécheresses récurrentes, mais également par quelques épisodes de crue significatifs donnant le sentiment d’une hydrologie de plus en plus contrastée traduisant les prémices d’un changement climatique, considère nécessaire de définir avec l’ensemble des acteurs, un Schéma Régional de la Ressource en Eau, pour un développement maîtrisé et durable en adéquation avec la ressource mobilisable à l’horizon 2020/2030. Au cœur de cette réflexion en tant que gestionnaire de l’aménagement à buts multiples de la Durance et du Verdon, EDF se doit de considérer ces interrogations et d’évaluer les conséquences de cette situation pour son activité de producteur et la place de l’hydroélectricité dans ce contexte évolutif. Notre propos sera illustré plus particulièrement à partir du vécu des années récentes 2007 et 2008. L’expérience acquise ces dernières années a mis en évidence l’intérêt de développer et structurer une large concertation des acteurs autour de la gestion de la ressource en eau dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales, afin qu’ils soient en capacité de partager davantage leurs enjeux et de construire ensemble leur avenir. Il est nécessaire, dans un bassin aussi complexe que celui de la Durance et du Verdon de faire œuvre de pédagogie pour que les principes de gestion et les objectifs soient mieux compris et partagés, et de donner de la visibilité sur la satisfaction des usages au regard de l’évolution de la ressource. C’est une condition nécessaire à la prévention des conflits qui pourraient se développer dans un contexte de tension croissante. Il faut d’ores et déjà préparer l’avenir en se donnant les moyens de construire une vision prospective partagée afin que les acteurs soient éclairés sur les choix qu’ils ont à faire pour maîtriser leur développement. Le Producteur, qui subit de plein fouet la régression des débits observée sur ce bassin, doit veiller, dans ce contexte, à une réelle prise en compte de l’enjeu énergétique porté par la production hydroélectrique qui est déjà, et se trouvera davantage encore, en concurrence directe avec les autres usages de l’eau. Il doit se préparer à une possible évolution des règles de gestion et continuer de garantir dans la durée la performance et la sûreté de ses aménagements. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Prospective «besoin en énergie» et «capacité de production» aux horizons du changement climatique Bernard Rogeaux EDF Recherche et Développement Comment évoluera la demande énergétique mondiale au cours des prochaines décennies ? Dans les pays développés (OCDE notamment), le plus souvent déficitaires en ressources énergétiques, cette demande pourrait décroître. Ces pays ont en effet une démographie en faible croissance, et sont capables de financer les technologies efficaces et souvent coûteuses qui leur permettront de limiter leur consommation d’énergie. Certains usages arrivent d’ailleurs parfois à saturation (chauffage des locaux par exemple), et ne seront plus en croissance tendancielle. Par contre, dans les pays émergents en forte croissance économique et démographique, la demande sera inévitablement en hausse, sauf catastrophes économiques et humanitaires. Cette hausse de la demande accélèrera les raretés mondiales des énergies carbonées, avec un pic fossiles qui pourrait intervenir dès 2030 – 2040. Inévitablement, le mix énergétique mondial sera progressivement amené à s’orienter vers des énergies moins carbonées, « donc » (hors hydraulique) moins flexibles et moins facilement stockables : nucléaire, éolien, solaire photovoltaïque… A très long terme (2070 ?), on pourra imaginer un système énergétique capable de satisfaire la demande avec une offre de moins en moins flexible et souvent aléatoire : il faudra alors prévoir des moyens de stockage susceptibles d’être développés massivement, avec des technologies encore à trouver. Mais à moyen terme (2030 ?), l’eau sera amenée à jouer un rôle capital pour la transition énergétique : à la fois comme source froide pour la production électrique, mais aussi pour assurer une flexibilité qui sera de plus en plus compliquée à mettre en œuvre, en raison de l’insertion de plus en plus massive d’énergies peu modulables. L’eau sera également utilisée pour le stockage de courte durée (STEP) ou inter-saisonnier (lacs). Le potentiel actuel des sites est certes limité, mais on peut imaginer des formules alternatives, par exemple des Step collinaires, et de toute façon il n’y a pas d’autres solutions que l’on puisse mettre en œuvre rapidement, à des coûts raisonnables. Depuis les origines, c’est le carbone qui permet de stocker l’énergie : dans le bois ou le charbon pour les usages saisonniers, dans les carburants pétroliers pour le réservoir des véhicules. Lorsqu’il y aura moins de carbone, et que son utilisation sera limitée pour éviter les émissions de CO2, il faudra trouver des solutions alternatives pour stocker l’énergie. L’eau sera sans doute durablement l’une des solutions privilégiée pour les usages fixes. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Prise en compte du changement climatique dans la politique eau-environnement en Europe : évolution réglementaire Philippe Gosse EDF Recherche et Développement Sur les six directives européennes relatives à l’environnement aquatique sorties depuis 2000, la directive sur l’évaluation et la gestion des risques d’inondation publiée en 2007 se distingue par la prise en compte explicite dans un article de l’impact du changement climatique ; tandis que la Communication de juillet 2007 de la Commission européenne « Faire face aux problèmes de rareté de la ressource en eau » dégage l’impact du changement climatique comme un facteur clef justifiant un plan commun pour concevoir des stratégies efficaces de gestion du risque sécheresse. En décembre 2005, les Directeurs de l’Eau de l’UE ont admis le point de vue que le changement climatique devait être considéré dans la mise en œuvre de la Directive cadre sur l’eau 2000/60/CE (DCE) ; et après avoir accepté en juin 2007 le mandat d’activité d’un nouveau Groupe de travail sur DCE et changement climatique, ils ont approuvé en juin 2008 un policy paper qui cadre la prise en compte du changement climatique dans la mis en œuvre de la DCE et recommande notamment de l’aborder dans les plans de gestion DCE de bassins couvrant la période 2009-2015. Jusqu’où aller dans la démarche de prise en compte du changement climatique dans la mise en œuvre DCE, sachant qu’il est actuellement perçu comme un enjeu secondaire à l’horizon 20092015 par de nombreux experts écologues européens très pris par des chantiers difficiles comme la définition, la mesure et la variabilité d’indicateurs biologiques ? On aborde cette question en prenant l’exemple de la définition des conditions thermiques du bon état écologique des rivières. Colloque Hydroécologie 2008 - Clamart Une crise de rareté de l’eau au XXIème siècle ? Ghislain de Marsily Université Paris VI, Académie des Sciences Cette Conférence se base en partie sur le Rapport « Les Eaux Continentales », publié par l’Académie des Sciences en 2006 et sur les travaux actuellement en cours à l’Académie sur le thème « Démographie, changements climatiques et alimentation mondiale ». On propose tout d’abord une vue synthétique des besoins en eaux à l’échelle mondiale, à l’horizon du milieu du 21ème siècle. Sachant que l’agriculture est le principal consommateur d’eau, on étudie combien d’eau et de terres il faudra pour produire la nourriture requise, à l’échelle mondiale, étant donné l’évolution démographique prévue, les modifications des modes d’alimentation et la concurrence entre productions alimentaire et bioénergétique. Cette production agricole se fera-t-elle par agriculture pluviale sur terrains nouvellement défrichés, ou par agriculture irriguée, grâce à la construction de nouveaux équipements hydrauliques tels que barrages et transferts à grande distance ? Le dessalement de l’eau de mer y a-t-il un rôle ? Quelles sont les incidences probables des changements climatiques sur la répartition mondiale de cette production agricole ? Devant ces évolutions prévisibles des consommations en eau, quelles sont leurs conséquences probables sur la conservation des écosystèmes et sur la biodiversité ? Enfin le problème des conflits potentiels liés à l’eau sera abordé ainsi que celui des épisodes de sécheresse exceptionnelle. Références : Académie des Sciences (2006) Les Eaux Continentales, Rapport sur la Science et la Technologie n°25, EDP Sciences, Paris, 328 pages, http://www.academie-sciences.fr, voir « publications » puis « rapports »