DOSSIERS ECONOMIQUES – N°148 24 NOVEMBRE 2014
TERRITOIRES & INFRASTRUCTURES
La question des multiplicateurs liés à des investissements publics renvoie à deux logiques :
- Le multiplicateur keynesien, consistant aux effets d’un surplus de revenu des acteurs
économiques. Cet effet reste cependant fortement réduit dans une économie ouverte.
- Le multiplicateur induit par les finalités d’un investissement public : les externalités positives, les
opportunités et activités stimulées par l’investissement en question.
A titre d’exemple, une politique publique qui suivrait totalement la première logique de façon extrême
consisterait à lancer de grands projets destinés à creuser puis reboucher des trous par des millions de
salariés. Efficace à court terme en matière d’emploi, cette solution serait largement sous-optimale du
point de vue de la création de richesses pour l’ensemble de la société.
Le point fort des infrastructures par rapport à d’autres types de dépenses se situe dans les
externalités positives qu’elles génèrent et leur utilité sociale. Ainsi, au-delà de la création de nombreux
emplois non-délocalisables, l’effet vertueux d’un investissement dans les infrastructures répond
principalement à cette logique. Les réseaux constituent les supports d’une économie nationale, et leur
développement assure les fondations d’une croissance future.
A l’échelle macroéconomique, les estimations varient d’un auteur à l’autre mais restent toutes
positives. L’un des consensus est que l’investissement dans les infrastructures est « neutre » sur le
plan budgétaire à terme en raison notamment de sa capacité à soutenir la croissance économique sur
longue période.
L’une des estimations les plus récentes est celle de l’Economic Policy Institute
. Dans l’établissement
de plusieurs scénarios partant d’un choc d’investissement de 80 Md$ à 250 Md$ dans les
infrastructures américaines, les auteurs utilisent à un multiplicateur de 1,6 à court terme.
Une autre étude de Sylvain Leduc et Daniel Wilson
sur l’investissement dans les autoroutes aux
Etats-Unis établit des multiplicateurs situés entre 1 et 3 à court terme et de 3 à 7 après six ans. L’un
des autres points importants de cette étude est de confirmer, aux côtés des travaux de Hafed
Bouakez (HEC Montréal), Michel Guillard (Université d’Evry Val d’Essonne) et Jordan Roulleau-
Pasdeloup (Paris School of Economics)
, que l’investissement dans les infrastructures entraîne des
effets positifs maximaux en période de « zero lower bound » (taux d’intérêts minimaux) et de difficultés
économiques pour un pays.
La banque Natixis arrive également à la conclusion d’un multiplicateur positif de l’investissement
dans les infrastructures. Sa récente étude
centrée sur l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie
conclue qu’un euro investi dans les infrastructures génère à long terme 14€ de PIB. Ce multiplicateur
peut sembler imposant mais reste vraisemblable en raison des effets « supports » d’une infrastructure
pour le reste de l’économie. En effet, investir dans les réseaux constitue généralement la condition
sine qua non pour le développement de nombreuses activités économiques à haute valeur ajoutée.
Le cas des infrastructures numérique est particulièrement parlant. Selon l’étude « Economie des
Telecoms, édition 2013 » d’Arthur D. Little : un euro investi dans les réseaux a jusqu’à présent
rapporté trois euros de recettes à l’Etat et six euros de PIB. De plus, ce calcul se fonde sur des
données sur six ans (2006 à 2012) ; l’appréciation des effets d’entraînement de ce type
d’investissements reste limité par le manque de données historiques. Une approche plus long-
termiste ferait sûrement apparaître des multiplicateurs plus élevés.
Josh Bivens, 2014.
The Short- and Long-Term Impacts of Infrastructure Investments on U.S. Employment and Economic Activity
Sylvain Leduc, Daniel Wilson, Juin 2012. « Road to prosperity or Bridge to nowhere? Theory and evidence on the Impact of Public
Infrastructure Investment ». Working Paper 2012-04 de la Federal Reserve Bank of San Francisco.
Hafed Bouakez, Michel Guillard et Jordan Roulleau -Pasdeloup (2014). « Public Investment, Time to Build, and the Zero Lower
Bound ». Cahier de recherché 14-02 du Centre Interuniversitaire sur le Risque, les Politiques Economiques et l’Emploi (CIRPEE).
Sylvain Broyer, Johannes Gareis. « Quelle est l’ampleur du multiplicateur d’infrastructure en zone euro ? », Flash Economie n°227
(mars 2013)
Arnaud Lavalade
lavaladea@fntp.fr - 01.44.13.32.22