CONFÉRENCES
(1994-2013)
Ahmet Soysal
Istanbul
2014
AVANT-PROPOS
Les textes c publés s’échelonnent entre 1994 et 2013. Ce sont
pour la plupart les textes de conférences prononcées sot en France (les
premères) sot en Turque (les dernères).
1994 correspond à l’année où furent achevées les Nouvelles
Méditations, époque de recherches en phénoménologe, avec souvent des
nterventons en France, à Pars, notamment à l’École Normale Supéreure
de Fontenay-Sant-Cloud, dans le cadre du Sémnare Alter. C’est ans
que les tros premers numéros de la revue annuelle de phénoménologe
Alter ont accuell cnq de nos textes, lesquels n’ont pas été reprs dans le
présent recuel, comme d’autres textes de cette pérode ou d’une pérode
postéreure publés dans des ouvrages collectfs ou des revues. Le présent
recuel se compose donc de textes en très grande majorté nédts en
franças, dont certans, traduts en turc, ont été publés dans des ouvrages
turcs à partr de 1999.
Après les recherches “personnelles” des années 1980 (publées
dans Esquisses Philosophiques I et II), les années 90 consttuent une
orentaton plus nettement axée sur la phénoménologe et un débat
avec ses représentants comme Levnas ou Henry, sans omettre les grands
devancers comme Husserl et Hedegger.
Or, au début des années, cette orentaton en quelque sorte s’atténue,
pour lasser une place plus grande à des recherches plus “personnelles
LIEU ET ALTÉRITÉ
Une premère approche du leu et de l’espace s’opère c à partr de
la noton d’extériorité. La réexon attent alors la queston du voir au
présent. Publcté et sgnfcaton du leu sont rapdement abordées. Plus
essentel semble de mettre l’accent sur le fat que la rencontre d’autrui
s’eectue dans un leu.
Une deuxème approche nterroge le rapport du leu avec le
langage et la parole, fasant de nouveau ntervenr avec force la noton
d’intersubjectivité: le leu désgné par la parole est un lieu partageable. La
queston du s’imaginer dans un lieu est alors eeurée. Une réexon plus
radcale s’engage autour du thème de la naissance à la communauté, qu
nclut la nassance à l’espace et au leu. Il s’agt de délmter la possblté
d’une communauté des lieux et, autour de la noton de leu, de décrre le
rapport entre perception, intersubjectivité et parole.
Une trosème parte, mons développée, se contente d’ndquer des
orentatons de recherche.
1. Lieu comme altérité et présence
Une voe d’approche du leu et de l’espace est celle de leur découverte
à partr d’une consdératon générale de ce que l’on peut désgner comme
ou sur l’hstore de la phlosophe (cf. les textes sur Descartes, Spnoza et
Berkeley). Vers 2010, lors de conférences s’étant déroulées en Turque,
une accentuaton plus poltque se manfeste, autour des thèmes de la
démocrate, de la fraternté ou de la cvlsaton.
Les deux derners textes ndquent le pont où en sont arrvées
aujourd’hu nos recherches. Ils se réfèrent en eet à nos deux derners
lvres publés en turc, l’un sur la pulson (Logique Pulsionnelle, 2012),
l’autre sur l’esprt (La Question de l’Esprit, 2013).
Ce quatrème recuel de nos textes phlosophques franças nédts
consttue de la sorte un pont entre nos travaux franças et turcs.
Nous remercons encore une fos les édtons Norgunk et Ayşe
Orhun Gültekn en partculer pour la mse en lgne nformatque de ce
nouveau recuel.
Istanbul, le 5 février 2014
Conférences (1994-2013)
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questons que de réponses) en partant d’un pont de vue partculer, qu
nous paraît cependant central. Notre queston ntale peut se formuler
de la manère suvante: L’ouverture du présent sur l’altérité du lieu
nommerons-nous cela la présence du lieu?
Le leu se “subjectve”, a-t-on dt. On peut auss ajouter: c’est une
unté de sgnfcaton, l sgnfe. Le leu est de la spatalté, mas les
deux notons ne se recouvrent pas. D’une manère générale, on peut
demander: qu’est-ce que la spatalté d’un objet de percepton, d’un
leu, d’un autre homme? N’y a-t-l pas auss une spatalté abstrate
dont tratent la géométre et certanes scences exactes? Qu’est-ce que
la spatalté de mon corps, spatalté vécue? La spatalté concrète, telle
que j’en fas l’expérence – la spatalté se “subjectvant”, comment la
défnr? Voulant défnr une telle spatalté, on peut parler de matère, de
corps physque; d’étendue en largeur, longueur, épasseur, pouvant être
proche ou lontane, moble ou mmoble, d’étendue que je meus ou que
je ne meus pas (que je peux mouvor – que j’a à mouvor – , que je ne
peux mouvor – que je n’a pas à mouvor), de spatalté comme matère
étendue dotée de qualtés sensbles (lumère, couleur, odeur, qualté
tactle...) – spatalté des objets de percepton, spatalté du leu. Le leu
est ce qu rassemble des objets de percepton dans une unté de sens. Le
leu est ce qu rassemble donc des objets ayant une spatalté concrète.
Il ne faut ben sûr pas oubler que dans le leu peuvent auss fgurer des
humans, d’autres humans que mo.
Pus-je dre que le leu, d’abord je le vos? Que l’espace m’est d’abord
donné dans la vson? (Il faudrat alors nterroger ce d’abord.) Il semble
ben que dans mon rapport au leu, le vor détent un prvlège (lequel
serat évdemment lé au prvlège ontologque de la vson). Mas l faut
explcter, c’est-à-dre nuancer, cette hypothèse. Des objets spataux, je
les vos (s des condtons détermnées sont réunes). Mas pus-je dre: je
vois un leu? Je vos, certes, ce qu est dans un leu: sot les objets spataux,
c’est-à-dre, s l’on prend l’exemple de l’ntéreur d’une mosquée, tel
taps, telle colonne, telle nef, etc... (Et je vos, occasonnellement, les
l’extérorté ou le fat extéreur. Cette voe d’approche part de la noton
de présent.
Nous dstnguerons d’abord, en ce qu concerne le présent, tros
types de rencontre. Présent: rencontre d’un “objet”, rencontre d’un “leu”,
rencontre d’un “autre human”. La rencontre du leu est dérente de celle
d’un objet en ce sens, notamment, que le leu m’englobe, m’entoure, que
je ne sus pas “en face” d’un leu, étant dedans, y bagnant, et surtout en
ce que le leu est doté d’une sgnfcaton propre (nous aurons à revenr
sur ce pont). Nous demanderons: qu’est-ce que l’extérorté d’un leu –
ou ben son altérté – , qu’est-ce que sa présence (et alors, de là, peut-être
auss: qu’est-ce que la présence)?
Nous dstnguons ans tros nveaux d’extérorté (ou d’altérté),
ce qu nous permet de parler du fat extéreur comme objet (entendu
comme objet de percepton), du fat extéreur comme leu, du fat
extéreur comme autru.
À partr de là, certanes questons peuvent ou dovent être posées,
que nous ne pouvons développer c. La totalté de ces tros nveaux
compose-t-elle l’extérorté comme monde? Mas la noton de monde ne
peut-elle pas désgner, auss, non pas seulement ce qu serat la totalté
des tros nveaux d’extérorté, mas, en plus, le versant subjectf, le
versant ntéreur du fat général, recouvrant ans, également, la totalté
des nveaux d’ntérorté, ce qu’l est possble de délmter comme le
fat ntéreur? Et dans ce cas, justement, monde n’est-l pas synonyme
d’être? Par alleurs, toute altérté se rédut-elle à l’un des tros nveaux
d’extérorté que nous avons mentonnés? Ceux-c, à leur manère, à
chaque fos dérente, se “subjectveraent”. Mas n’y a-t-l pas à envsager
auss le cas du fat extéreur qu ne se “subjectverat” pas, d’un fat dont
l n’y aurat pas expérence? Deu n’est-l pas un fat extéreur absolu, au-
delà de l’extérorté comme de l’ntérorté?
Sans voulor omettre les problèmes lés aux leux magnés, au
souvenr et à l’antcpaton d’un leu, mas réservant ces problèmes, nous
nous bornerons à proposer quelques réexons (qu contennent plus de
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Conférences (1994-2013)
6Leu et Altérté
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Conférences (1994-2013)
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mas en quelque sorte “s’atténue”. La mason que j’habte, par exemple:
j’y sus ben accoutumé, comme également à tel bos où je vas souvent
me promener. L’accoutumance à un leu, qu se produt souvent,
s’accompagne d’une tonalté d’âme partculère. Il semble que c’est dans
ce cas-là que l’on peut dre que la sgnfcaton du leu (pour mo) se
précse ou s’établt (sgnfcaton pouvant être postve ou négatve – le
bos ou ben, par exemple, la caserne).
Il y a dans le leu, socalement codé, ce qu’l est perms d’y fare,
et ce qu’l n’est pas perms: l s’agt là des lmtes socales du leu. En
ce sens, un leu n’est jamas neutre. Tels leux détermnés comme une
rue, une classe de l’école, un mmeuble, une chambre de l’appartement
sont publics. Il faut alors parler d’une publicité du leu. Et le possble en
matère d’acton (de comportement) y est socalement détermné. On est
de prme abord en de tels leux. Il y a un savor de ce qu y est possble:
savor de la condute socale, que des nsttutons (famlle, école...) se
chargent d’nculquer à tout un chacun.
Il faut consdérer le fait qu’l y a toujours un leu: on est toujours
dans un leu (qu’l fasse clar ou obscur). Mas peut-on armer qu’un
leu nous est toujours donné, ou smplement qu’un leu nous est donné?1
On se trouve en un leu, on va à un leu, on quitte un leu, on atteint
un leu... Il y a ce rapport varé au leu. S l’on pouvat parler du leu
comme d’une pure somme perceptve (et mpressonnelle; de même,
occasonnellement, comme nous l’avons vu, apprésentatve d’autru),
c’est-à-dre d’un rapport purement mpressonnel-perceptf (et
apprésentatf d’autru) au leu et qu conssterat dans le seul rapport
aux données mpressonnelles et aux objets spataux (ans qu’aux
autres êtres humans) que le leu rassemble, alors en eet l nous serat
possble d’armer que le leu nous est donné en tant que les données
1 Dans Chose et Espace, Leçons de 1907 (traducton de J. F. Lavgne, P.U.F., 1989),
Husserl parle de “la multplcté des leux” comme quelque chose de toujours donné
(cf.p.217) et du système de leux du champ vsuel comme matérau orgnare (cf. p. 282).
L’dentté dans le mouvement présuppose un contnuum de leux.
êtres humans qu sont dans le leu.) Mas le leu-mosquée (l’ntéreur),
en quo le vos-je ou ne le vos-je pas? Est-l, plus généralement, la somme
des objets spataux, des lumères, des régons d’ombre, de l’mpresson de
chaud ou de frod, de l’ambance sonore, de cette odeur partculère, du
contact du sol, du toucher possble de ses murs ou de ses colonnes... (et,
occasonnellement, des êtres humans) qu’l rassemble? On pourrat dre
qu’l est cette somme perceptive (auss ben, une somme mpressonnelle,
senstve; et, occasonnellement, apprésentative d’autres êtres humans)
plus quelque chose d’autre le consttuant proprement comme unté,
quelque chose qu ne serat pas de l’ordre de l’mpressonnel n du
perceptf (et de l’apprésentatf d’autru), mas de l’ordre de l’apercepton,
du catégoral, du langage.
Un vor au présent – le vor du présent – m’ouvre le leu, m’ouvre
l’espace. Il faut étuder cette hypothèse.
(Certes, un aveugle-né peut concevor l’espace sans avor jamas vu;
l peut délmter un leu par ses sensatons, par le toucher ou l’odorat par
exemple, ou ben par l’ouïe, par la sensaton du chaud et du frod, etc.
Même sans être aveugle, l y a des leux que je sus à même de délmter
– c’est-à-dre de vser comme leux sgnfants, de vser dans leur
sgnfcaton pour mo – sans y vor, en fermant les yeux par exemple, ou
ben dans l’obscurté, en les sentant. Ic, l faut tenr compte, également,
du rôle de la mémore. Toutefos, le rapport au leu, comme auss ben à
l’objet, semble orgnarement détermné par un vor au présent.)
Quel est donc ce prvlège du présent – et de son vor – dans cet
accès à l’altérté (d’un objet et d’un leu)? Et ce prvlège subsste-t-l
dans l’accès à l’altérté d’autru? Nous pouvons poser la queston:
rencontre-t-on autru? N’est-ce pas dans un lieu à quo nous ouvrrat le
voir au présent? (Lequel voir au présent nous ouvrant par conséquent auss
ben à autrui.) Est-ce que cela ne va pas à l’encontre de l’armaton, par
Levnas, d’une dachrone de l’mmémoral?
Il faut soulgner que l’altérté d’un leu peut me devenr famlère:
je peux m’accoutumer à un leu. Dans ce cas, l’altérté ne s’eace pas,
Leu et Altérté
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