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La première partie de l’article effectue un rappel historique du processus d’intégration
régionale en Afrique de l’Ouest, en focalisant ce rappel sur le fait monétaire. La question de
l’optimalité de la zone UMOA/UEMOA y occupera une place centrale, eu égard à
l’originalité de la construction de l’intégration monétaire dans cette zone ayant en partage le
Franc de la communauté financière africaine (CFA). La deuxième partie, plus prospective,
s’appuie sur la dimension monétaire de l’intégration régionale pour évaluer les liens
qu’entretiennent le développement du marché régional et l’existence d’une zone monétaire,
dans l’optique de l’instauration programmée d’une monnaie unique pour la CEDEAO.
I. Gestion du Franc CFA et développement du marché régional en Afrique de
l’Ouest : de l’extraversion subie à l’extraversion choisie
1.1. Quelques repères historiques
L’histoire des relations monétaires entre la France et l’Afrique
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met en évidence le fait que la
rationalité politique a toujours dominé la rationalité économique stricto sensu : avant la
création de l’UMOA en 1962, elle suggère la parfaite congruence entre l’impératif d’exporter
des matières premières à bas prix des colonies vers la métropole et l’édification progressive
du monopole du franc CFA (franc des colonies françaises d’Afrique) sur les monnaies
endogènes africaines. En revanche, dès la création de l’UMOA, il s’est agi de ne pas couper le
cordon ombilical entre la France et ses colonies nouvellement indépendantes. Pour preuve,
une des marques d’indépendance de l’époque de la part des dirigeants africains les plus
nationalistes fut de ne pas y entrer (cas de la Guinée de S. Touré et du Togo de S. Olympio)
ou d’en sortir rapidement (cas du Mali de M. Keita qui quitta l’UMOA dès juillet 1962).
L’absence de définition de critères de convergence économique et de réflexion sur le
caractère optimal de cette zone monétaire – qui, rappelons-le, sont généralement des
préalables à la création d’une union économique et monétaire – confirme le caractère
éminemment politique de l’UMOA/UEMOA
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dès sa création. Par la suite, lorsque les années
1980 verront les pays de l’UMOA se soumettre à l’ajustement structurel, une collusion sinon
formelle, du moins tacite, s’est établie entre la France, soucieuse d’afficher son indépendance
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Confère l’ouvrage « Histoire de l’UMOA » paru en trois tomes publié en 2000 par la BCEAO.
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Le traité instituant l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) date de mai 1962, alors que celui instituant l’UEMOA ne date que de
janvier 1994. Contrairement aux idées reçues, le traité de l’UEMOA n’a pas remplacé celui de l’UMOA. Les deux traités coexistent et celui
de l’UMOA sert encore de base juridique aux aspects strictement monétaires. Cependant, dans le présent article nous avons choisi, sauf à de
rares reprises, de ne mentionner pour la période post 1994, que l’UEMOA pour faciliter la lecture, le recours au traité de l’UEMOA nous
permettant d’évoquer à la fois les aspects réels et les aspects monétaires et financiers. De plus, il est prévu à terme une unification des deux
traités.