BIENVENUE
ans ce numéro des Cordoba Papers, le Docteur Alain Gabon, Professeur des Universités aux Etats-Unis,
présente une longue analyse critique, puissante et à contre-courants, des mythes qui dominent les débats
sur la menace djihadiste et la radicalisation islamiste ainsi que les politiques qui y sont associées.
La période de l’après-11 septembre a vu l’émergence d’une paranoïa croissante envers « l’extrémisme islamiste », à
tel point qu’aujourd’hui les musulmans sont largement et essentiellement perçus avec suspicion, à travers un prisme
sécuritaire qui fait d’eux une masse indifférenciée d’« Autres » essentialisés—un corps étranger, une cinquième
colonne infiltrée dans nos sociétés occidentales. Avec les récents attentats sur le sol européen, les minorités
musulmanes sont soumises à l’injonction impérieuse de « répondre » à ces attaques et de condamner les extrémistes
en leur sein. Politiciens, commentateurs, médias, intellectuels, et même autorités religieuses islamiques sont de plus
en plus enclins à remettre en question l’essence même de l’islam et à condamner cette religion dans son ensemble
pour ces phénomènes d’extrémisme et de terrorisme. Grande religion Abrahamique ancrée dans des cultures riches
et des traditions profondes de dialogue et de paix, l’islam a toujours contribué au meilleur de la civilisation globale.
Mais son image est maintenant à son plus bas niveau, du moins dans les sociétés occidentales : en Europe, des
gouvernements ont commencé à confisquer ou interdire des pans entiers de la littérature islamique; des politiciens
appellent ouvertement à bannir le Coran; d’autres inscrivent dans leurs programmes électoraux la limitation voire la
suppression de l’immigration en provenance de pays musulmans; des obligations et pratiques religieuses normales et
banales dans l’islam sont redéfinies comme des signes dangereux de radicalisme; les mosquées, les madrasas, les
centres et associations pour jeunes sont surveillés et espionnés sans relâche (avec la possibilité de se voir fermer par
mesure administrative ou judiciaire); et les leaders de ces communautés ainsi que les grandes organisations islamiques
deviennent des cibles dont on salit la réputation et dont on attaque la légitimité en les peignant de façon diffamante
comme des « islamistes extrémistes ».