La biodiversité La protection de la biodiversité est un thème à la mode, qui suscite des interrogations, des réactions, voire des polémiques, sans que l’on sache très bien de quoi il en retourne. Nous en verrons tout d’abord une définition souvent admise dans le domaine scientifique, avant d’en aborder quelques limites et conséquences pour le propriétaire forestier. Définition Le terme de biodiversité a été surtout développé depuis 1992. La conférence de Rio 1 a consacré la notion de biodiversité et a alerté l’opinion publique sur la nécessité de la préserver dans le souci d’un développement durable. Depuis, elle est devenue un enjeu important, y compris pour la gestion forestière. Celle qui va suivre est une synthèse réalisée par le groupement d’intérêt public de recherche sur les écosystèmes forestiers. La biodiversité représente la variété qui existe entre les différentes catégories (ou même à l’intérieur des catégories) d’organismes vivants présents sur une surface donnée : individus, populations, communautés. La notion de biodiversité s’applique aussi bien aux espaces naturels qu’aux espaces modifiés par l’homme. Elle n’a de sens que précisée par rapport à une surface donnée ; elle peut être appréhendée à toutes les échelles, du micro habitat à celle de la biosphère. A l’intérieur de la surface considérée, la diversité des catégories biotiques (individus, populations, communautés ou processus) peut être mesurée, en fonction de la nature, du nombre et de l’abondance des catégories. Elle peut aussi être mesurée en termes de diversité génétique. Enfin, cette biodiversité peut varier dans le temps. Ainsi, nous avons trois principaux groupes de diversité : La diversité génétique, à l’échelle d’une population ou d’un ensemble de populations pour une espèce donnée ; elle est en constante évolution sous l’action de nombreux mécanismes ; La diversité taxinomique, aux niveaux supérieurs de classification (comme le nombre d’espèces, le nombre de genres, le nombre de familles) ; La diversité écosystémique qui considère des catégories qui ont à la fois des composantes liées au vivant (espèces animales et végétales) ou non (types de sols, topographie). Parmi les catégories les plus aisées à appréhender ou à délimiter, nous retiendrons les associations de plantes entre elles, les types de stations, les types de peuplements forestiers, les types de formes de massifs 1 La Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement s’est tenue à Rio de Janeiro au Brésil du 3 au 14 juin 1992, réunissant 110 chefs d'Etats et de gouvernements et 178 pays. Environ 2 400 représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) étant présents, tandis que plus de 17 000 personnes assistaient au Forum des ONG qui se tenait parallèlement au Sommet. Cette conférence a été marquée par l’adoption d’un texte fondateur de 27 principes, intitulé « Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement » qui précise la notion de développement durable : La biodiversité – 26/08/2011 1 (massifs compacts, fragmentés, de petite taille ou de grande taille, etc.). On peut aussi y introduire la diversité structurale (diversité de composition en strates de différents types de peuplements). La notion de biodiversité, peut être distinguée en deux composantes : – l’une, qualifiée de « remarquable », correspondant à des entités (gènes, espèces, habitats, paysages) identifiées et reconnues comme ayant une valeur intrinsèque et fondée principalement sur d’autres valeurs qu’économiques ; – l’autre, qualifiée de « générale » (ou « ordinaire »), n’ayant pas de valeur intrinsèque identifiée comme telle mais qui, par l’abondance et les multiples interactions entre ses entités, contribue à des degrés divers au fonctionnement des écosystèmes et à la production des services qu’y trouvent nos sociétés. Cette distinction d’entités « remarquables » n’est pas purement biologique : elle combine des critères écologiques (la rareté ou un rôle fonctionnel déterminant s’il s’agit d’espèces), sociologiques (le caractère « patrimonial »), économiques (la prédominance des valeurs de non-usage sur les valeurs d’usage) et aussi juridiques (aires bénéficiant d’un statut de protection, espèces inscrites sur une liste officielle). Cette notion de diversité semble familière ; elle est difficile à interpréter en raison de son caractère multidimensionnel. Cependant, et comme nous venons de le voir, la biodiversité n’est pas synonyme de rareté ; elle ne se réduit pas à la seule présence d’espèces « phares » ou « patrimoniales », c’est-à-dire emblématiques d’une région ou menacées. Elle n’est pas synonyme de naturalité ; réduire le champ de la biodiversité à celui des écosystèmes vierges relève d’un jugement de valeurs sur l’importance de la naturalité. La biodiversité n’est pas non plus synonyme de gestion durable, la notion de durabilité dépassant largement celle de biodiversité ; elle n’est qu’un des aspects de la gestion durable qui sous entend celle de développement durable. Or, il n’y a pas consensus international sur ce thème.. Les perturbations du milieu, qu’elle soient d’origine naturelle (tempête…) ou humaine (coupes, travaux sylvicoles, chasse..) conduisent dans nombre de cas à l’ouverture d’un espace, phénomène nécessaire au développement d’organismes fixés comme les plantes, ou à la libération des ressources nutritives du milieu abandonnées par leurs consommateurs disparus et qui peuvent être ainsi réutilisées par de nouveaux individus. Les connaissances actuelles sur l’évaluation de la biodiversité sont très partielles, et soulèvent de nombreuses questions, en particulier sur son rôle dans le fonctionnement des écosystèmes, et sur la place de l’homme. Pourquoi la biodiversité est-elle si importante pour la société ? La biodiversité, fruit d’interrelations du monde vivant Si les définitions du néologisme « biodiversité » sont nombreuses et variées, l’étendue de sa signification pour la société est immense. Il s’agit en fait de considérer la « totalité des êtres vivants en interaction, y compris les micro-organismes et les services rendus par les écosystèmes ». La biodiversité d’aujourd’hui résulte de milliards d’années d’évolution, formée par les processus naturels, avec sa dynamique propre imparfaitement connue et subissant l’influence de l’Homme. La biodiversité et les écosystèmes au sein desquels elle s’exprime fournissent un grand nombre des biens et services qui soutiennent la vie humaine : les aliments, les combustibles et les matières premières ; la purification de l’air et La biodiversité – 26/08/2011 2 de l’eau ; la stabilisation et la modération du climat de la planète ; la modération des inondations, des sécheresses, des températures extrêmes et des forces éoliennes ; la génération et le renouvellement de la fertilité des sols ; le maintien des ressources génétiques qui contribuent à la variété des cultures et à la sélection des animaux, des médicaments, et d’autres produits ; et des avantages culturels, récréatifs et esthétiques. Cependant, ces services sont le plus souvent gratuits ou non rémunérés, et se conçoivent dans une logique à moyen terme qui entre avec des conflits à court terme comme par exemple l’alimentation quotidienne. D’autre part, le niveau de ces services fait l’objet de discussion : par exemple, qu’est-ce exactement une sécheresse ? Si cette dernière question paraît évidente dans le désert saharien, il n’en est pas de même lors d’étés en plus ou moins secs en Europe occidentale. À l’échelle globale, la biodiversité doit être considérée « dans ses rapports avec les enjeux majeurs que sont par exemple la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau potable, la croissance économique, les conflits liés à l’utilisation et à l’appropriation des ressources, la santé humaine, animale et végétale, l’énergie et l’évolution du climat. Cette vision implique de lier biodiversité et bien-être humain dans l’esprit de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement ». Ainsi la biodiversité n’est plus uniquement vue – loin s’en faut – à travers le prisme de la conservation de la nature pour elle-même ou de la sauvegarde de certaines espèces emblématiques, amis aussi par rapport à des besoins humains, eux-même sous-tendus par des fonctionnements de civilisation. La biodiversité, un support à des services écosystémiques Les services écosystémiques résultent des interactions entre organismes qui façonnent les milieux et leur fonctionnement au sein des écosystèmes. La purification de l’air ou de l’eau, le stockage du carbone, la fertilité des sols sont autant de services résultant non d’organismes, mais d’interactions. À chaque type d’écosystèmes (forêts, zones humides, prairies, coraux, etc.) correspondent des fonctions et des services différents, eux-mêmes dépendant de la santé de l’écosystème, des pressions qui s’exercent sur lui mais également de l’usage qu’en font les sociétés dans un contexte biogéographique et géoéconomique donné. Les sociétés humaines utilisent les écosystèmes et, de ce fait, les modifient localement et globalement. En retour, ces sociétés ajustent leurs usages aux modifications qu’elles perçoivent. Cette interaction dynamique caractérise ce qu’il est convenu d’appeler des socio-écosystèmes La perception et l’usage des services écosystémiques dépendent largement de l’échelle considérée. Par exemple, le bénéfice tiré des produits non ligneux d’une forêt, tels que baies et champignons, relève plutôt d’un intérêt local ou régional, alors que l’importance de la forêt en tant que puits de carbone relève d’enjeux globaux. 1.1. La biodiversité comme support d’agricultures durables La biodiversité est à la base de trois niveaux de services pour l’agriculture : - Les services contribuant directement au revenu agricole tels que rendements, qualité des produits. - Les services contribuant au bon fonctionnement des agro-écosystèmes par : o des contrôles biologiques (rôle des ennemis naturels des ravageurs, des pollinisateurs…). Les abeilles et les syrphes constituent des groupes d’insectes clés pour ce type de services. Le maintien de populations « sources » nécessite La biodiversité – 26/08/2011 3 en particulier un contexte paysager favorable, alliant l’hétérogénéité des tailles et de la nature des parcelles et la présence d’habitats semi-naturels ; o la fourniture de ressources aux plantes (fertilité, stabilité physique du sol), c’est-à-dire les conditions d’alimentation en eau et en éléments minéraux des cultures, assurés par la biodiversité de la faune et des microorganismes du sol, mais aussi par celle de la flore ; - Les services hors revenu agricole direct : limitation des pollutions des nappes phréatiques, régulation du climat (stockage du carbone par les prairies par exemple), façonnement des paysages, supports du tourisme rural. Une difficulté apparaît tout de suite : la biodiversité dépend des milieux et donc de leur variation : les actions ne seront donc pas stables dans le temps. Ce qui pose la question des prix et coûts de la sécurité alimentaire, et donc de définir celle-ci qui n’a pas le même sens dans les différents pays mondiaux. La biodiversité comme support d’une nouvelle « biotechnologie » Quatre axes principaux de valorisation de la biodiversité peuvent être identifiés : La biomimétique qui consiste à repérer un comportement remarquable, à comprendre la relation comportement/structure, à imiter cette structure pour élaborer des matériaux durables de façon rapide et à moindre coût. La bio-inspiration, qui est à un stade industriellement moins avancé, va essayer d’identifier les molécules qui possèdent certaines propriétés et d’en obtenir des objets différents de ceux créés par le vivant. La valorisation de la biodiversité bactérienne comme substitut ou appui à la chimie. La bioremédiation, ensemble de techniques nouvelles mettant à contribution des micro-organismes ou des plantes pour dépolluer des sols ou des eaux, qui s’avère prometteuse sur le plan économique. De fait, la biodiversité est au cœur des décisions politiques et stratégiques, avec des intérêts financiers non négligeables… Quelques conséquences pratiques Nous évoquerons ici que les pratiques dans la gestion ordinaire, sans aborder celles liées à des zonages juridiques et réglementaires spéciaux, comme Natura 2000. Nombre d’entre elles sont pratiquées par des propriétaires en dehors de toute contrainte. En forêt La biodiversité implique, entre autres, le maintien de milieux variés qui peut être obtenu en l’absence d’intervention humaine ; ainsi en est-il avec l’existence d’arbres morts, vieillissants et avec des cavités, ou grâce à la sylviculture qui conduit à avoir des traitements diversifiés de lisières tant en bordure de la forêt que des chemins ou des routes, des ouvertures plus ou moins importantes, la variété des coupes réalisées, le développement d’essences forestières variées avec leur cortège d’espèces inféodées. • Les arbres morts, vieillissants et avec des cavités constituent des micro milieux indispensables à une faune abondante, qui joue un rôle très important pour le contrôle des prédateurs et l'alimentation en particulier des oiseaux et des chauve - souris. La biodiversité – 26/08/2011 4 • La présence d’un sous-étage ou de lierre joue un rôle important. Non seulement ils ne constituent pas de risque pour les arbres, mais ils sont le lieu de vie pour de multiples auxiliaires comme les oiseaux et les insectes. Ils convient de les laisser pour autant que faire se peut, hors contraintes de régénération. • Les zones de transition constituent des milieux riches en espèces. C’est le cas notamment des bordures de chemins et des routes forestières. Leur création et leur entretien, très souvent variable en fonction des situations locales, sont donc une action positive pour la biodiversité. Il en est de même pour les lisières. Là encore, la variété des situations rencontrées, qui vont de l’absence d’intervention à des ouvertures volontaires pour avoir des peuplements résistants mieux au vent, a une influence positive sur la biodiversité. • Les différentes sylvicultures pratiquées ont pour effet d’augmenter le nombre d’essences forestières en Limousin, et aussi l’éclairement au sol. De plus, un objectif de gestion durable peut favoriser le maintien de forêts anciennes qui ont, dans certains cas, une flore spécifique. • La mosaïque de gestion, qui résulte de la diversité de comportement des propriétaires forestiers ainsi que de la grande variété de la structure foncière, augmente aussi le type de milieux. Le maintien volontaire de milieux particuliers est possible dans certains cas au travers des contrats mis en place sur les zones Natura 2000. Ils posent cependant de grandes difficultés pratiques, les modifications des méthodes de production de bois de façon moins rentable n’étant pas toujours bien prises en compte, notamment au niveau des compensations financières, au moment de la rédaction de ce document. De plus, elles n’intègrent que partiellement l’ensemble des valeurs attribuées à la forêt. Par ailleurs, il n’y a pas d’action prévue – ou possible ? – pour certains invertébrés qui sont inféodés à des micro milieux et qui sont mal connus. Dans les milieux associés à la forêt Tout massif boisé d’une certaine importance comprend des zones sans arbres. Des recommandations peuvent y être faites. Les pelouses sèches et les landes - Eviter les investissements lorsque ces milieux sont peu productifs (cas des pelouses sèches et des landes humides). - Rechercher, si possible par voie contractuelle, des solutions permettant de maintenir ces milieux ouverts. - Eviter les travaux de drainage sur les landes humides ou tourbeuses. Les tourbières et tourbières boisées - Ne pas planter ces milieux peu productifs. - Ne pas entreprendre de travaux de drainage. - Eviter le passage d'engins lourds qui pourraient tasser la tourbe. - Rechercher des solutions, si possible par voie contractuelle, permettant de maintenir ces milieux ouverts. Les mares, étangs forestiers et berges La biodiversité – 26/08/2011 5 - Eviter les apports d'engrais et de produits agropharmaceutiques à proximité des berges. Un simple respect de la législation en vigueur suffit généralement pour atteindre cet objectif. - S'efforcer de sortir de l'eau les rémanents et les houppiers lors des exploitations, et de laisser en place les souches pour tenir les berges. - Il est souhaitable de maintenir un apport de lumière en bordure des berges. Les politiques de la biodiversité Le maintien, voire le développement de la biodiversité passe par le développement d’une politique environnementale forte, à différents échelons : européen, national, régional, voire local quand la totalité des textes du Grenelle de l’environnement entreront en vigueur. Nous avons notamment pour les propriétaires forestiers : - Les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique, - Le réseau Natura 2000, - Les zones importantes pour la conservation des oiseaux, - Les parcs naturels régionaux, - Les réserves naturelles nationales, - Les réserves naturelles régionales, - Et enfin la liste des espèces protégées. Sans parler des nombreux traités que la France ou l’Union Européenne ont signé. Quelques commentaires La volonté de maintenir la biodiversité fait l’objet d’une volonté politique forte aux niveaux régional, français, européen et mondial ; elle a justifié toute une politique environnementale, même si toutes les questions scientifiques et financières ne sont pas toutes résolues, loin de là. Une analyse de la perception de la biodiversité a été réalisée en 2006 sur le plateau de Millevaches. Elle a montré que les propriétaires forestiers ont chacun leur définition de la biodiversité, et qu’ils en tiennent compte dans leurs pratiques. Par contre, le mot même de biodiversité ne correspond pas à leur vision du territoire. Les politiques en la matière sont perçues comme étant imposées et déconnectées de leurs réalités et vécu, et pouvant même mettre en cause leurs façons de voir leurs racines. Enfin, des interrogations à caractère strictement scientifique ne sont pas vraiment résolues. Nous prendrons qu’un seul exemple : que signifie l’évolution de la biodiversité dans le cadre d’un changement climatique permanent ? Retour vers : - Connaissance des arbres – généralités Voir aussi : - La croissance d’un arbre - La forêt et les changements climatiques - Les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique, - Le réseau Natura 2000, - Les zones importantes pour la conservation des oiseaux, - Les parcs naturels régionaux, - Les réserves naturelles nationales, - Les réserves naturelles régionales, - Les listes des espèces protégées. La biodiversité – 26/08/2011 6