Note d’orientation en matière de travail et de protection sociale Avril 2012 | Numéro 10 Note d’information pour la Stratégie de la Banque mondiale en matière de travail et de protection sociale (2012–2022) La protection sociale adaptée au risque climatique L a nouvelle Stratégie de la Banque mondiale en matière de travail et de protection sociale pour la période 2012–2022 fait valoir l’importance de la protection sociale en tant qu’instrument politique cohérent permettant de protéger les populations contre les chocs, y compris les catastrophes naturelles qui sont de plus en plus fréquentes. De nombreux pays font déjà intervenir, et de plus en plus, des programmes de filets de sécurité ou des fonds sociaux en réponse aux catastrophes, ou pour renforcer la résilience des moyens de subsistance des populations. L’intégration des considérations liées au climat et au risque de catastrophes naturelles dans la planification et la conception de programmes de protection sociale peut permettre d’éviter que nombre de ménages pauvres et vulnérables ne tombent dans une plus grande pauvreté, de réduire leur vulnérabilité globale au risque et de favoriser l’adaptation au changement climatique dans le long terme. C’est dans cette optique que nous examinons ici les principes, les caractéristiques et les fonctions permettant d’identifier les opportunités, les points d’entrée et les démarches spécifiques qui pourraient aider les acteurs du secteur du travail et de la protection sociale à mieux adapter les systèmes et les programmes de protection sociale aux risques climatiques. L’adaptation de la protection sociale aux risques climatiques s’appuie sur trois principes de base : • • Intégrer le risque climatique dans la planification. Les décideurs et les acteurs du secteur de la protection sociale doivent accepter l’incertitude qui entre en jeu dans la problématique du changement climatique et la devancer ; anticiper l’apparition de catastrophes naturelles plus fréquentes et plus graves ; et aménager des mécanismes de rétroaction avec les systèmes d’alerte rapide d’une part, et de coordination avec les agences chargées de la météorologie et de la gestion du changement climatique d’autre part. D’autres aspects doivent également pris en compte, notamment les impacts directs (des catastrophes naturelles principalement) et indirects, tels que la volatilité des prix alimentaires et l’insécurité alimentaire, les mouvements de migration, et la possibilité de conflits associés à la terre et aux ressources naturelles. Centrer les interventions sur les moyens de subsistance et les ressources des ménages et des communautés. Les actions doivent être axées sur les moyens de subsistance, et prendre en compte les raisons qui motivent les décisions économiques des ménages et des communautés, ainsi que les pressions exercées sur les ressources naturelles dont dépend la subsistance des populations concernées. D’autres modes d’adaptation ont-ils des chances d’être effectivement adoptés par les ménages ? Si ils le sont, comment évaluer leur efficacité ? • Renforcer les capacités d’adaptation de l’ensemble de la société. Les filets de sécurité informels employés traditionnellement ne résistent pas à l’augmentation disproportionnée des risques covariants liés au changement climatique et à la superposition des risques due au fait que les effets physiques du changement climatique et les moyens de subsistance sont généralement concentrés géographiquement. Les instruments de protection plus formels et systématiques opérant à l’échelon local, régional, et national devraient incorporer une cartographie des risques pour déterminer : i) comment les changements climatiques risquent d’affecter un pays ou une zone géographique donnée ; ii) quelles ressources physiques, naturelles ou institutionnelles doivent être renforcées ; et iii) comment les consultations du public ou d’autres processus peuvent contribuer à donner des moyens d’agir aux plus vulnérables. Les interventions de protection sociale destinées à répondre aux chocs négatifs pourraient comporter quatre caractéristiques concrétisant les trois principes énoncés ci-dessus : • Évolutivité et flexibilité des programmes. La couverture des programmes doit pouvoir être étendue rapidement au moment de la crise et réduite par la suite ; par ailleurs, l’aide aux bénéficiaires existants devrait être augmentée en cas de choc majeur. Cette qualité évolutive est obtenue grâce, d’une part, à des systèmes de ciblage, d’enregistrement et de versement des indemnités qui permettent d’identifier, d’inscrire, et d’effectuer des paiements aux participants supplémentaires éligibles et, d’autre part, à des dispositifs de financement qui permettent de mobiliser les ressources nécessaires dans des délais très brefs. • Ciblage en fonction des caractéristiques climatiques. Les opérations de ciblage devraient être basées sur des données relatives à l’exposition au risque climatique Cette note s’inspire des travaux d’Anne T. Kuriakose, Rasmus Heltberg, William Wiseman, Cecilia Costella, Rachel Cipryk et Sabine Cornelius. 2012. « Climate-Responsive Social Protection », Document de synthèse portant sur la protection sociale et la promotion du travail n° 1210. Banque mondiale. Washington. Note d’orientation en matière de travail et de protection sociale Avril 2012 | Numéro 10 Principes Intégrer le risque climatique dans la planification Centrer les interventions sur les moyens de subsistance et les ressources des ménages et des communautés Renforcer les capacités d’adaptation de l’ensemble de la société Caractéristiques Programmes modulables et flexibles Ciblage en fonction des caractéristiques climatiques Investissements visant à renforcer les capacités d’adaptation Renforcement des capacités institutionnelles et de la coordination en matière de gestion du risque Fonctions des systèmes de protection sociale Prévention Protection au niveau de la région et des ménages, et distinguer les pauvres chroniques des pauvres transitoires. • • Investissements visant à renforcer les capacités d’adaptation. Cette composante a deux volets : i) la mise en valeur des ressources sociales, physiques et naturelles de la communauté et l’exécution de travaux publics à forte intensité de main d’œuvre conçus avec la participation des populations locales. Les travaux publics sont un instrument à triple dividende, car ils fournissent des emplois rémunérés, créent des infrastructures vitales pour la communauté et contribuent à accroître la résilience aux chocs climatiques ; ii) le soutien à des moyens de subsistance viables, dont les modalités doivent être soigneusement élaborées pour que ce type d’investissement ait une fonction de protection sociale durable et adaptative. Ce soutien peut revêtir de multiples formes, et consister par exemple en une assurance sur les cultures et le bétail, un repeuplement du cheptel, des formations et une assistance à la diversification des moyens de subsistance hors de l’exploitation agricole (dans des entreprises ou industries rurales), des transferts en espèces ou en nature, des travaux publics à haute intensité de main d’œuvre, et des aides à la migration ou la réinstallation. Renforcement des capacités et de la coordination institutionnelles en matière de gestion du risque. Les institutions publiques, civiques et privées ont une influence sur la manière dont les risques climatiques affectent les ménages, et peuvent soit faciliter, soit freiner la mise en place de solutions. Les trois fonctions de la protection sociale s’appliquent toutes à l’adaptation au risque climatique. La prévention, sous la forme de mesures de diversification des ressources, d’assurances contre les risques météorologiques et de renforcement des capacités d’adaptation, peut permettre d’éviter les comportements d’adaptation négatifs à la suite de catastrophes naturelles. La protection contre les catastrophes naturelles et autres chocs liés au climat par le biais de transferts ex post est déjà devenue une branche d’activité importante dans le secteur de la protection sociale. Et les activités de promotion qui valorisent les ressources, les compétences ou les revenus contribuent à l’adaptation à long terme des populations concernées, en facilitant la transition et la diversification des occupations vers des moyens de subsistance moins exposés. Promotion Le programme éthiopien de filets sociaux productifs (Productive Safety Nets Program) offre un modèle Sud-Sud de bonnes pratiques, et atteste la valeur de la protection sociale adaptée au risque climatique. Entre autres, ce programme intègre les considérations de risque climatique à toutes les étapes des activités — planification, mise au point, exécution et suivi ; met l’accent sur les moyens de subsistance en milieu rural ; et privilégie largement la coordination avec des intervenants situés hors du secteur de la protection sociale, tels que les organismes de météorologie et de gestion des catastrophes naturelles. Le programme comporte aussi des sous-programmes modulables et flexibles, qui déploient un éventail d’instruments de prévention — avec des mécanismes implicites et explicites d’assurance contre les phénomènes climatiques, de protection contre les chocs, et de promotion/ renforcement de la résilience des moyens de subsistance. À terme, le secteur devra être particulièrement attentif à l’impact des changements climatiques sur les moyens de subsistance, et aux capacités institutionnelles d’intervention en cas de catastrophes naturelles et de planification du processus d’adaptation. Dans les années à venir, les actions de développement visant à réduire la vulnérabilité devront compter avec le changement climatique, et le secteur de la protection sociale n’échappe pas à la règle. Le changement climatique exacerbera de nombreux risques climatiques et risques de catastrophes parmi ceux qui existent déjà, créera de nouveaux risques actuellement inexistants dans une zone géographique donnée, et annulera les progrès réalisés récemment, ceux qui touchent les populations pauvres en particulier. Les risques les plus sérieux proviennent de l’augmentation de la variabilité climatique (fluctuations et intensité des précipitations) et des pressions à long terme sur les ressources naturelles qui font vivre les populations rurales. Les stratégies et programmes de protection sociale et d’emploi devront de plus en plus tenir compte du changement et des risques climatiques, pour que les pays soient prêts à faire face à la prochaine crise ou à la prochaine catastrophe naturelle quand celle-ci se déclarera. La promesse de nouveaux financements importants qui seront consentis au titre de l’adaptation au changement climatique pourrait fournir de nouvelles sources de revenu pour les programmes de protection sociale comportant des mesures explicites d’adaptation au changement climatique. Les observations, interprétations et conclusions présentées ici n’engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent Banque mondiale pas nécessairement les vues de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/ Banque mondiale et des institutions qui lui sont affiliées, ni celles de ses Administrateurs ou des pays qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données contenues dans cet ouvrage. Pour de plus amples informations, veuillez consulter le site www.worldbank.org/sp.