L'ENSEIGNEMENT DE L'ASTRONOMIE
Hélène Merle
Yves Girault
La première partie de ce numéro d'Aster regroupe des contri-
butions de recherche en didactique de l'astronomie, dont
l'enseignement a trouvé sa place de l'école élémentaire au
lycée, puis à l'université. Il nous a semblé intéressant d'y
associer l'analyse de partenariats qui peuvent s'exercer avec
des planétariums et/ou des structures scientifiques. Mal-
heureusement, si de nombreux partenaires (institutionnels,
animateurs et enseignants) soulignent une grande capacité
d'innovation de ces structures, ils regrettent "des liens relati-
vement aléatoires avec le milieu de la recherche pédagogique
qui constituent un frein à la dynamique de recherche pédago-
gique" (1). C'est la raison pour laquelle il existe trop peu de
réels travaux d'évaluation sur l'impact de ces activités à des-
tination des milieux scolaires, et trop d'écrits restent descrip-
tifs (2). On constate enfin une absence de réflexion générale
sur "le positionnement de ces acteurs de la culture scientifique
et technique, ce qui permettrait à chacun de mieux se situer
dans un contexte plus large" (3).
Compte tenu de ces carences en terme de recherche d'une
part, et d'autre part de la richesse des actions de terrain
innovantes prônées par des structures qui travaillent de
façon privilégiée avec le public scolaire, le comité de rédac-
tion de la revue ASTER a souhaité créer, à titre exceptionnel
pour ce numéro thématique, une rubrique "actions". Celle-ci
regroupe des articles qui, sans répondre aux critères habi-
tuels d'une revue de recherche, ont le mérite de refléter les
innovations en cours.
L'astronomie tient une place particulière dans l'histoire des
sciences : reconnue comme une des sciences les plus
anciennes, elle a subi une rupture épistémologique fondamen-
tale avec la "révolution copemicienne" qui enleva à la Terre sa
place centrale dans l'univers, et elle connaît actuellement,
grâce à la spectroscopic et aux recherches spatiales, des déve-
loppements considérables dans le domaine de l'astrophysique.
(1) Extrait du compte rendu du Congrès des quarante ans de l'ANSTJ : "2010, le futur de nos projets",
synthèse du troisième atelier.
(2) Comme le montre l'étude suivante, toujours d'actualité : Girault Y., Sirard P.-A., Bigeault M., Amélie
Rivest A., Monsché E. La science en spectacle au Planétarium : pertinence et limites. In A. Giordan, J.-
L. Martinand, D. Raichvarg. Sciences et techniques en spectacles. Actes JIES, 15, 363-370, 1993.
(3) Extrait du compte rendu du Congrès des quarante ans de l'ANSTJ : "2010, le futur de nos projets",
synthèse du premier atelier.
ASTER N° 36.
2003.
L'enseignement de l'astronomie, INRP, 29, rue d'Ulm, 75230 Paris Cedex 05
un
état
des
lieux de
la recherche en
didactique de
l'astronomie
associe a une
rubrique "actions"
qui reflète les
innovations en
cours
l'astronomie,
science de
l'observation et de
la
modélisation par
excellence...
...quisuscite la
motivation de tous
les
publics
Ces deux facettes de l'astronomie, l'astronomie de position
qui a connu son apogée avec Newton et l'astrophysique
actuelle, semblent si éloignées l'une de l'autre que l'on peut
se demander ce qui légitime une dénomination commune.
Certes l'objet d'étude est le même, comme le souligne la défi-
nition du Petit Larousse : "science qui étudie la position, les
mouvements, la structure et l'évolution des corps célestes" (4).
Mais surtout, dans l'étude des cieux, l'unique message que
nous envoient les astres est un faible faisceau de lumière, que
les hommes n'ont eu de cesse de déchiffrer : lumière visible
tout d'abord, exploitée à l'œil nu puis à travers lunettes et
télescopes, puis spectres, d'abord dans le domaine visible
puis dans tous les domaines de longueur d'onde, exploitables
en particulier grâce au développement des techniques
spatiales qui permettent d'échapper au filtre de l'atmosphère
terrestre.
Sous un apparent éclatement, le messager essentiel de
l'information en provenance des astres est donc le même, et
fait de l'astronomie la science de l'observation par
excellence : toute action sur les phénomènes étudiés étant
exclue, les astronomes comme les astrophysiciens se conten-
tent presque exclusivement "d'observer, d'échafauder des
modèles, d'en déduire des effets observables et de retourner
les chercher dans le ciel" (5) On constate ainsi une réelle
convergence de tous les volets de l'astronomie à la fois sur
l'objet d'étude et la méthodologie employée. Cette méthodo-
logie basée sur l'observation et la modélisation se retrouve,
comme nous le verrons, tant au niveau de l'enseignement que
dans des démarches de vulgarisation.
L'intérêt manifesté par les élèves de tous âges pour l'astro-
nomie n'est sans doute pas étranger au choix de ce thème
pour un numéro d'Aster. Plus que toute autre, l'astronomie
est une science qui offre à l'imagination les domaines les plus
vastes dans le temps et l'espace, tout en proposant des spec-
tacles d'une grande beauté. L'intérêt des jeunes comme du
public adulte se porte naturellement sur les découvertes
récentes relatives à l'univers et il s'accompagne souvent de
questions métaphysiques. La place de l'homme dans l'uni-
vers,
son origine et son devenir sont naturellement question-
ss qu'on aborde un thème d'astronomie et l'engouement
des jeunes pour ce domaine s'explique sans doute autant par
cet aspect que par les découvertes scientifiques proprement
dites.
Cet intérêt se manifeste par ailleurs, chez les enfants
comme chez les adultes, par un questionnement centré sur
quelques "éléments-phare" souvent difficiles à vulgariser
comme les trous noirs, les super-nova ou le big-bang.
(4) Petit Larousse Illustré
(5) Jean-Pierre Verdet. Une histoire de l'astronomie. Seuil, collection Points Sciences.
5
un
enchevêtrement
de connaissances
et de conceptions
erronées...
...nécessite une
grande rigueur
dans l'élaboration
et la conduite
d'actions de
formation
un caractère
interdisciplinaire
affirmé
Il est étonnant de constater en même temps une très grande
ignorance et des confusions concernant des phénomènes
beaucoup plus accessibles : confusion entre étoile du Berger
(Vénus) et étoile polaire, entre les phases de la Lune et les
éclipses, identification entre étoiles filantes et étoiles, confu-
sion étoile-planète... À côté de cela, quelques connaissances
émergent fréquemment, comme par exemple l'idée fort
répandue selon laquelle nous observons des étoiles qui, du
fait de leur distance, n'existent peut-être plus. Plus que dans
tout autre domaine, cet enchevêtrement de connaissances et
de conceptions erronées nécessite de la part du formateur
comme du vulgarisateur une grande rigueur dans l'élabora-
tion et la conduite d'actions de formation.
De plus la particularité de l'astronomie tient à son caractère
interdisciplinaire très affirmé : la mécanique classique puis
relativiste, l'optique géométrique et la spectroscopic les
phénomènes électromagnétiques, la physique quantique et
la physique nucléaire, la chimie, les mathématiques, pour ne
citer que ces domaines, sont fortement sollicités en astro-
nomie. Ainsi l'astronomie est un domaine qui permet
d'engager les élèves dans des projets pluridisciplinaires
comme le préconisent de nombreux textes ministériels.
Enfin les programmes scolaires français actuels, dans
lesquels ont été introduits depuis une période récente des
thèmes d'astronomie, justifient la thématique choisie. Il y a
seulement vingt-cinq ans, les programmes scolaires ne
comportaient aucun enseignement d'astronomie, après la
suppression des éléments de cosmologie qui existaient dans
les programmes de mathématiques élémentaires en termi-
nale,
dans les années soixante.
Voyons donc comment l'astronomie est apparue peu à peu
dans les programmes (6).
C'est le collège qui est le premier concerné, avec les
programmes de 1979 pour la classe de Quatrième, dans la
rubrique "optique" :
"...se développe une composante astronomique l'univers
appelle une première description, le monde déborde les
limites
du système
solaire
et quelques rudiments d'optique
indiquent comment on peut parvenir à toutes ces
connaissances
:
la lumière est véhicule d'informations
;
elle
renseigne
sur sa
source comme
sur
les
objets
qu'elle rencontre
sur son
trajet"
(7).
(6) La classe de Quatrième en France est la troisième année de collège (élèves de 13 ans). Le cycle 3 de
l'école primaire correspond aux trois dernières années de la scolarité primaire (élèves de 8 à 10 ans) :
Cours élémentaire 2 (CE2), Cours Moyen 1 (CM1) et Cours Moyen 2 (CM2).
(7) Goery Delacôte. Préface du Livre du professeur de 4e de la collection Libre Parcours, Hachette. 1979.
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