Version française
AMMASSALIK
La civilisation du
phoque
Partir au Groenland Oriental dans la
région d’Ammassalik, sur les traces de
Paul-Emile Victor, là où la dernière
ethnie inuite fut découverte à la fin
du XIXe siècle par un Danois, c’est
repartir sur des lieux a priori
immuables. C’est regarder, observer,
ressentir, retranscrire des émotions.
De profonds changements ont
bouleversé la société inuite dans son
ensemble.
Si pendant des siècles, la chasse a été l’activité
principale des Inuit, leur procurant vêtements,
nourriture, éclairage et chauffage, aujourd’hui il
ne reste pour ainsi dire qu’une poignée de
chasseurs qui tire un revenu complémentaire de
cette activité. Pour les autres, c’est devenu un
loisir occasionnel. Le fusil a remplacé le harpon du
chasseur, le bateau à moteur le kayak. Le progrès
a fait une brutale irruption dans la vie des
habitants de cette région, restés coupés du monde
extérieur jusqu’à la fin du XIXe siècle. La société
inuite a subi de profondes mutations sociales,
religieuses et climatiques.
Le fondement même de la société « esquimaude »,
les images que nous en avions depuis toujours sont
en voie de disparition.
Par endroits, les paysages ont été transformés, les
glaciers ont reculé, la glace d’hiver qui, très au
large, recouvrait l’océan, fait maintenant place à
un cahot fragile de plaques dérivantes… Ici, peut-
être plus qu’ailleurs, les effets du réchauffement
climatique se vivent au quotidien : modes de vie et
de chasse en lente évolution, abandon progressif
des attelages de chiens de traîneau, raréfaction du
phoque…
Les dérèglements dus au changement climatique
ont également modifié les routes migratoires du
gibier. Si les effets sont directement palpables par
le chasseur, les autres Inuit sédentaires s’en
accommodent.
Pourtant aux premières loges, les 3000 habitants
peuplant le district d’Ammassalik semblent moins
effrayés de ce dérèglement du climat que les
occidentaux. Habituée à s’adapter, la population y
voit pour l’instant plutôt des avantages, des hivers
moins longs et moins rigoureux. Cette civilisation,
qui a dorénavant adopté un mode de vie à
l’occidental vit encore entre deux mondes. «Les
anciens Inuit comprenaient l’univers dans lequel
ils vivaient. Aujourd’hui, nombre des acteurs de la
société inuite ne comprennent plus leur monde ».
Xavier Desmier
« Photographe témoin ».
Passionné par le monde sous-marin, Xavier
Desmier intègre à 21 ans l’équipe du
Commandant Jacques Yves Cousteau comme
plongeur. Il filme une quarantaine de
reportages sous-marins pour l’émission
Thalassa (France 3), et passe un mois et demi
en expédition sur le Titanic en tant que
photographe et caméraman sous-marin pour
Discovery Channel et Canal+.
En 1993, il entre à l’Agence Rapho, une des
plus anciennes agences de photographie en
France. Attiré par l’univers polaire, il part aux
côtés d’explorateurs comme Jean-Louis
Etienne lors de la mission Antarctica, ou en
tandem avec Luc Jacquet (quatre mois sur
l’archipel Crozet dans les Terres Australes et
Antarctiques Françaises – TAAF). Son reportage
sur les Orques lui valent le 1er Prix World Press
Environnement en 1998.
Il suivra aussi le tournage de «Planète blanche»
dans l’Arctique canadien.
Fasciné par Paul-Emile Victor
En se replongeant dans les aventures de Paul-
Émile Victor, Xavier a découvert des écrits, des
photographies, des dessins et des films d’une
richesse insoupçonnable.
Fasciné par les talents artistiques de l’explorateur,
il a souhaité capter l’âme de la société et de
l’univers inuits, qui ont subi de profondes
mutations depuis sept décennies.
En 2007, il rejoint «Le Cercle Polaire », une
association qui lutte pour la sauvegarde des
milieux polaires, dont il devient membre associé.
Ses photographies sont régulièrement publiées
dans la presse nationale et internationale (National
Geographic, Géo, Figaro Magazine, Match, Mare,
New-York Times…).
Il travaille actuellement sur un projet sur la
biodiversité des mers et forêts tropicales humides
et va continuer son sujet sur les orques de
l’archipel Crozet dans les Terres Australes
françaises à la fin de l’année 2009.
Xavier Desmier
Biographie
Exposition
Aurore boréale au-dessus du fjord d’Ammassalik au
Groenland Oriental. Ce phénomène naturel des régions
polaires survient dans les couches supérieures de la haute
atmosphère (environ 100 km d’altitude). En suivant les
lignes du champ magnétique terrestre, les protons et les
électrons émis par l’activité solaire se dirigent vers les
pôles et « excitent » l’azote et l’oxygène. Cette ionisation
entraîne l’émission de rayons lumineux de différentes
couleurs dont certains dansent dans le ciel.
Icebergs à la dérive dans le fjord du Sermilik. Les glaciers
issus de la calotte glaciaire « Inlandsis » se déversent dans
les fjords et se brisent pour former des icebergs. Ces
morceaux de glace géants constitués d’eau douce peuvent
ainsi dériver pendant plusieurs années, avant de fondre
dans l’océan. Ces masses, dont seul un neuvième émerge
en surface, sont un danger pour la navigation. Avec le
réchauffement climatique, la calotte du Groenland
déverse de plus en plus d’icebergs en mer.
Habillé d’une combinaison blanche légère pour se fondre
dans le paysage, ce chasseur « inuk » part à la recherche
d’un « trou » de respiration de phoque. Pour pouvoir
respirer et venir passer de longues heures sur la glace, ce
mammifère entretient des trous dans la banquise (eau de
mer gelée). La récente fonte globale due au réchauffement
climatique risque de chasser les phoques vers le Nord et les
raréfier.
La « civilisation du phoque », comme l’appelait Paul-Émile Victor (ethnographe de renom qui étudia
les Inuit du Groenland Oriental en 1936/37), a pu s’adapter aux très rudes conditions de vie de
l’univers polaire grâce aux phoques. Les Inuit utilisaient la viande pour se nourrir, la graisse pour se
chauffer et s’éclairer, la peau pour se vêtir, etc. Depuis une décennie, les conditions de glace ont
changé. En hiver, la banquise ne recouvre plus les fjords et les déplacements en traîneaux à chiens se
font plus rares au profit des canots à moteur, plus bruyants et plus chers…
Exposition
Autrefois les Inuit, peuple de chasseurs, ne pratiquaient la pêche qu’en de rares
occasions, principalement lors des concentrations de poissons aux périodes de
reproduction, à l’aide d’un trident. Cette technique de pêche occasionnelle ne
suffisait pas à éviter les famines, fréquentes lors des périodes où le phoque se faisait
rare. De nos jours, avec l’apport des technologies modernes (hameçons, lignes en
nylon), le poisson est plus facile à pêcher. La pratique de la pêche s’est donc
largement démocratisée et remplace de plus en plus la chasse. Cependant, elle reste
artisanale et ne procure aux Inuit qu’une maigre source de revenus, insuffisante pour
permettre aux villages de la côte Est du Groenland d’en vivre.
Les quelques chasseurs qui perpétuent la tradition millénaire ont dû changer leurs
méthodes de chasse. Après avoir repéré un trou de respiration de phoque, le chasseur
traîne volontairement son « troc » (pique à glace) sur la glace de mer gelée et revient
vers son embarcation. Le phoque, curieux de nature, suit le raclement et sort sa tête
dans l’eau libre où le chasseur l’attend.
Traditionnellement les os de baleine servaient à la construction des huttes. Les Inuit
les utilisaient aussi pour fabriquer les outils et ustensiles de la vie courante.
Aujourd’hui, les os de baleine sont utilisés pour la sculpture de « Tupileq », figurines
représentant les « Esprits inuits » revendues aux touristes. Extrêmement réglementée,
la chasse à la baleine a été quasiment abandonnée, seuls les Inuit disposent d’un faible
quota. Ce chasseur profite de la manne que représente cette baleine échouée dans un
fjord de la côte Orientale du Groenland.
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